vendredi, juin 27, 2008

La mort comme explication

Il y a vingt-sept mois (et vingt-six, puis vingt-cinq...), les enfants ont vu couler beaucoup de larmes sur mes joues.

Au début, c'était le choc, le déluge, l'Apocalypse sans pudeur. Le temps étant ce qu'il est, les crises de larmes ont fini par s'espacer (sans toutefois effacer pour autant les sentiments de tristesse et d'amputation).

Longtemps après toutefois, s'ils me savaient tristes, les plus jeunes demandaient systématiquement si je pleurais parce que Thomas était mort (cette peine est pourtant celle que je porte la plus secrètement et rarement je la partage ou pleure devant les autres pour la drainer; c'est une peine privilégiée qui se vit dans la solitude).

Puis, le cancer de mon père s'est fait plus agressif. J'en parlais avec les enfants. De la maladie, de la souffrance, des développements, des opérations, de la mort qui deviendrait imminente.

À partir de la maladie, mes larmes furent identifiées comme étant celles liées à Papi. La question associée à mes larmes fut, durant les semaines qui ont précédé la mort de mon père: "Papi est mort? C'est pour ça que tu pleures?"

Voilà maintenant six mois et demi que mon père adoré nous a quittés. La mort ayant de longues tentacules, ses effets sur Coco et Tout-Doux sont les mêmes. Toute souffrance est ipso facto associée à leur grand-père: "Tu pleures parce que tu t'ennuies de ton papa?"

Je fus étonnée, en rangeant l'épicerie il y a quelques jours, de constater que nous étions passés à une autre étape. Comme si la mort de mon père avait épuisé son capital de chagrin.

En me voyant sangloter de découragement devant l'état lamentable de la maison après quelques heures d'absence, les deux petits m'ont demandé en appréhendant ma réponse: "Grand-Maman vient de mourir? Tu pleures parce que ta maman est morte?"

Mes petits hommes en ont peut-être juste un peu trop eu sur le coeur ces dernières années.

6 commentaires:

Véro a dit...

Doucement, la peine deviendra souce de vie! Et bientot, tu auras des larmes de joie :)

Anonyme a dit...

Le temps arrange les choses, je sais c'est une phrase cucu....

En tout cas, tes p'tits hommes vont devenir des hommes sensible aux autres, qui ne paniqueront pas devant les larmes d'une femme....
;-)

Pur bonheur a dit...

Tu as eu ta part de gros chagrins ces dernières années. Je te souhaite d'entrer dans un nouveau cycle plus joyeux où la vie prendra le dessus.

Anonyme a dit...

Les larmes de joie viendront peut-être avec la naissance de bébé, ou avant... Je vous les souhaite nombreuses, celles-là.

Par ailleurs, ma mère ne pleurait pas souvent devant nous, mais je me souviens de l'avoir vu à quelques reprises les yeux boursouflés, assise dans la salle de séjour, découragée devant l'ampleur de ses nombreuses tâches. Cela me rassure de savoir que ma mère aussi pouvait se sentir dépassée, parfois, et cela rend légitimes mes propres larmes d'épuisement. Et je partage l'opinion de Cricri; tes hommes ne pourront être hostiles à la peine d'autrui, en vieillissant. Et c'est très bien comme ça.

Bonne fin de semaine !
Enne

La Mère Michèle a dit...

Ah! l'état lamentable d'une maison ou chacun vit dans l'insouciance de son propre "dérangement"!

Je pense à la phrase que je prononce le plus souvent ici: "quessé ça donc??" Ce qui annonce aux enfants que la chose qui me fait chialer a fait l'objet de plus d'un avertissement... :-)

Pour les autres larmes: je pense à toi xx

Grande-Dame a dit...

J'aimerais bien que mes garçons deviennent des hommes sensibles aux larmes féminines!

Ils ont déjà le coeur empli d'empathie, j'espère que cela perdurera!