dimanche, juillet 25, 2010

Le filet

Nous avons, ces derniers temps, été "appelés" à côtoyer une personne en apparence débonnaire, une personne généreuse, accommodante, sensible aux petites misères des autres et prête, dans une étrange mesure, à donner plus que ce que quelqu'un de sa position donne habituellement à ses semblables.

J'ai écouté, et observé.

Au fil des semaines, je me suis rendu compte que le débonnaire, de par sa "générosité" quasi suspecte, s'était tissé tout un réseau de proches en situation de dette envers lui. De ce fait, quand lui avait besoin d'un "service", ses acolytes n'avaient plus la possibilité de refuser en toute liberté d'action.

Un jeune homme vacillant entre l'adolescence de par sa minorité et l'âge adulte par son nouveau statut de père était en train de s'enfoncer dans les filets de l'homme que j'ai observé agir. Puis, sans prévenir, le jeune homme l'a laissé tomber. Il fut alors qualifié de déloyal "après tout ce que l'autre avait fait pour lui".

Moi, j'ai été soulagée.

Soulagée parce qu'on devrait toujours avoir la liberté d'accepter ou refuser d'aider quelqu'un, même quelqu'un qui se prétend un ami. Soulagée parce qu'à dix-sept ans, j'aurais craint que le jeune père ne s'enligne pour suivre les traces pas très nettes d'un mauvais mentor.

Entre-temps, nous avons su que l'homme débonnaire s'adonnait à des activité illicites et que c'était les fruits de ces dites activités qui lui permettaient de tenir tous ses proches par les couilles sous le couvert de sa si grande générosité.

J'espère de tout coeur que le jeune papa est sorti à temps du filet.

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Avec du recul, je me rends bien compte que quelques unes des personnes très généreuses que j'ai connues dans ma vie s'y prenaient de la même manière: séduire par une générosité apparemment gratuite, susciter le sentiment d'être dans les bonnes grâces du bienfaiteur, puis soudainement, vous flanquer une dette en pleine figure en mettant votre honneur en jeu si vous refusez, rendant même inexistante l'option de refuser.

Rien de tout ce que vous avez reçu n'avait été offert de bonne foi.

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Je n'aime pas les dettes humaines et m'organise pour ne pas en avoir. Je crois, du moins j'ose l'espérer, que Monsieur Débonnaire a compris que ce qu'il donnait chez nous en espérant visiblement que nous roucoulerions de reconnaissance était en fait un dû de sa part, non une dette de la nôtre.

mardi, juillet 20, 2010

La pédagogie contraceptive par les exercices aquatiques

"Regardez bien, les gars, celui-là, c'est le saut du T-Bone ! On peut aussi l'appeler le saut du stérilet !", dixit Fils Aîné, qui frise les 16 ans.

-Mais qu'est-ce que tu connais aux stérilets Fils Aîné? que je lui demande après la baignade, encore secouée par la précision de sa culture en matière de chairs volontairement infertiles.

-Tu te rappelles pas de nos discussions à mon retour de l'école il y a un an?

-Euh...

Quand l'anodin heurte les principes

Il est de ces incidents bénins mais qui, somme toute, heurtent profondément mes principes. Ici, de deux choses:

1) Je déteste quand, dans le monde de la consommation, on considère un enfant comme une demi-personne à demi importante (du genre, l'ignorer dans une file de caisses pour passer devant lui, profiter de sa vulnérabilité pour lui en passer une p'tite vite, etc.)

2) Mon estime pour un commerce d'alimentation diminue radicalement s'il n'offre pas à ses clients un abreuvoir pourtant essentiel dans le but avoué d'augmenter ses ventes d'eau embouteillée.

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Après un après-midi de courses avec trois de mes enfants, nous arrêtons dans un kiosque de fruits et légumes frais. Depuis une dizaine d'années, j'aime bien acheter chez ce marchand de St-Vincent-de-Paul que je trouve accueillant et qui offre en saison des fruits et légumes locaux et variés.

Une dame sûre d'elle-même entre avec sa gourde, demande au comptoir où elle peut la remplir. La dame à la caisse lui indique un distributeur d'eau où elle peut étancher sa soif.

Retour dans la voiture à deux pas, où les enfants m'attendent. Grand-Charme (13 ans) déclare qu'il a soif. Son jeune frère (10 ans) aussi. Je leur indique où est situé le distributeur d'eau dans le kiosque et demeure dans la voiture avec ma fille.

Quelques minutes plus tard, Grand-Charme revient avec une bouteille d'eau embouteillée (ce que nous évitons autant que faire se peut). Je fronce les sourcils.

L'ado explique: "L'homme n'a pas voulu qu'on prenne de l'eau dans le distributeur. Il dit qu'il voulait bien dépanner quelquefois mais qu'il ne fallait pas abuser (Abuser? C'est la première fois !). Il m'a pointé le frigo et m'a dit: "T'sé, on en vend aussi !"

Quel ado peut lutter contre ce type de "générosité sélective" quand il n'est encore qu'à l'étape de dénoncer avec conviction que les (incalculables) injustices de la maison?

Pour une question mercantile, de vente d'eau embouteillée de surcroît, aux enfants d'une fidèle cliente re de surcroît, je suis indignée.

Ma fidélité est menacée.

mardi, juillet 13, 2010

Dissimuler

Ado, ma meilleure amie me confia, outrée, avoir découvert que sa mère dissimulait dans une armoire de sa chambre des sacs de chips. La matriarche s'était constituée une réserve de gâteries qu'elle n'espérait visiblement pas partager avec ses trois adolescentes.

Je partageai alors l'indignation de mon amie : quel égocentrisme de la part d'une mère !

Puis, avec l'avénement de la fuite majeure dans l'estomac de Fils Aîné, puis dans celui de Grand-Charme, je reconsidère ma poussiéreuse indignation.

Grand-Charme possède un réflexe. Dès qu'il met les pieds dans la maison, il se met à ouvrir toutes les armoires (en commençant par celles où nous rangeons les gâteries), puis la porte du congélateur à la recherche de plaisirs glacés, puis celle du frigo au cas où j'aurais préparé un dessert.

Après sa tournée des armoires retontit le sempiternel cri de ralliement adolescent: "J'ai faim." ou encore le classique: "Y a rien à manger ici."

À l'inverse, si quelque chose d'alléchant tombe dans sa mire, l'adolescent prend soin de ne rien revendiquer à voix haute pour ne pas alerter la fratrie. Il s'approche de moi à grandes enjambées puis me sussure à l'oreille l'objet de sa requête en roulant des yeux suppliants.

Oh, bien entendu, je peux refuser. Le problème, c'est qu'un adolescent affamé (notez le pléonasme) ne sait absolument pas sortir de son esprit le visuel satanique d'un sac de chips. Le sac de chips lui parle en silence. Le sac de chips l'appelle sournoisement. Comme l'Anneau Unique, il recherche la présence réconfortante de l'adolescent, quel qu'il soit. Le lien invisible entre l'adolescent et le sac de chips est indestructible.

La seule manière de le préserver de cette obsession de la gâterie est de rendre impossible le contact visuel entre l'ado et la bouffe accessoire.

D'où la nécessité d'avoir, quand on est parent, des planques à gâteries.

La mère de ma meilleure amie avait compris cela.

mercredi, juillet 07, 2010

Entre la réflexion et le procès

Ceci se veut une précision concernant mon billet précédent dans lequel, après avoir introduit avec les propos d'un de mes garçons sur le nombre d'enfants que compte notre famille, je proposais une réflexion sur la place des défunts dans une famille après leur départ. Je questionnais le droit de quiconque d'extérieur à la famille d'ébranler les convictions, les croyances et les valeurs importantes pour celle-ci directement auprès des enfants.

Si la scission m'apparaissait claire entre l'anecdote et la réflexion qu'elle fit naître, si j'avais l'impression d'avoir apporté prudemment les nuances voulant empêcher une erreur d'interprétation, apparemment, j'avais tout faux. Mon billet fut perçu par plusieurs, y compris par celle dont je citais les propos hors contexte en prenant la peine de souligner qu'ils étaient, justement, hors contexte, comme une condamnation avant procès. À cet égard, j'ai pris le soin d'apporter quelques modifications audit billet.

J'ai l'habitude, avant de publier sur des sujets délicats, de me demander si je serais capable de défendre avec intégrité tous les éléments de mes articles si un lecteur remettait en question la pertinence (quoique en dise ma présentation de blogueuse) ou si l'on m'estimait injuste dans mes propos. Ce billet ne faisait pas exception à la règle et si la scission était nette dans mon esprit, je n'ai, de toute évidence, pas su bien la transmettre dans cet espace.

Par le passé, si j'ai été injuste, imprécise ou indélicate dans mes propos, j'ai fait preuve d'humilité et apporté les précisions nécessaires.

Je rectifie donc : le billet précédent ne se voulait nullement une séance de lynchage malgré que je me sois inquiétée des propos de mon enfant et du contexte (qui me fut vaguement expliqué). Je n'y remettais pas en question le jugement, les compétences, la sensibilité ou l'humanité de l'éducatrice de nos enfants. Si j'avais eu des doutes à ce sujet, je ne les lui aurais pas confié plusieurs jours par semaine ces presque huit dernières années.

Toutes mes excuses, donc, à l'éducatrice qui s'est sentie heurtée.


En espérant être lavée de mes fautes.

dimanche, juillet 04, 2010

Arithmétique

"Maman?", que me demande mon fils de quatre ans trois quarts, "Toi, tu as sept enfants, haan?"

-Mais oui Frédéric !

-Mais Unetelle, (une adulte de la garderie) elle dit que tu en as zuste six.

-Il en reste six vivants parce qu'un de mes garçons est mort mais ça ne change rien au fait que j'ai sept enfants.

-Oh, ze l'savais ! (fier et conforté dans ses convictions familiales)

Sur la rimbambelle bricolée à la garderie, tous nos enfants, vivants ou pas, figurent. Il y a donc là une reconnaissance de ce qu'est notre famille. Symboliquement, c'est important. Pourtant, le commentaire me fait réfléchir, m'étonner, m'inquiéter.


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De manière générale, qui possède le droit de défaire la façon dont nous vivons notre réalité avec nos enfants?
Un doute, soudain, une incompréhension. On ne raye pas systématiquement d'une famille une personne qui décède. Affirme-t-on que l'on n'a pas de père lorsque le nôtre a trépassé? On n'a certes plus de père vivant mais nier son existence, c'est nier toute l'importance qu'il a eu dans sa vie.

Combien ai-je d'enfants? De facto, je réponds sept. C'est la réalité. Pas sept vivants. J'en ai eu sept, mais l'un d'eux nous a quittés. Je ne pourrais envisager affirmer sans sentiment de déloyauté envers moi-même: "J'ai six enfants". J'affirme parfois: "Nous en avons six à la maison". Je nuance, contourne, m'ajuste au contexte.

Suis devenue très habile pour ça.

Ma grand-mère en a eu neuf, a perdu deux de ses filles dans la quarantaine. Combien ma grand-mère  a-t-elle d'enfants? Neuf. Oui, neuf. Deux sont décédées, et alors?

Je connais des femmes (surtout d'une autre génération) qui comptent parmi leurs enfants toutes leurs fausses-couches, tous leurs enfants qui ne se sont pas rendus à terme. Si je tenais compte moi aussi de mes fausses-couches (trois) et de mon avortement parmi ma marmaille, j'aurais à peu près (je dis à peu près parce qu'une grossesse en aurait chevauché une autre) onze enfants. Je ne les compte pas, mais qui suis-je pour corriger les facultés mathématiques de ces mères qui ont souffert plus douloureusement que moi de ces pertes?

L'arithmétique n'a pas raison à tous les coups.

jeudi, juillet 01, 2010

Le potager 2010

Si les années passées m'ont fait maintes fois me gratter le menton devant l'irregularité de mes récoltes au potager, la mise à contribution de l'homme porte déjà ses fruits ( ! ) cette année.

Plutôt que d'utiliser le coin potager qui avait pourtant "fait la job" depuis dix ans, mon homme a construit au printemps des bacs de cèdre que j'apprécie énormément. Grâce à eux...

1.Beaucoup, beaucoup moins de mauvaises herbes au jardin. La toile géotextile au fond des bacs contribue également à limiter les indésirables.

2. Fini la terre tellement lourde et glaiseuse que pénible à travailler en dépit de tous les ajouts des dernières années pour l'améliorer. Uniquement de la terre à jardin.

3. Enfin des contours bien définis qui seront encore les mêmes à la fin de l'été.

4. Le boulot de préparation sera nettement moins fastidieux au début de la prochaine saison.

Qui plus est, mon spécialiste des vers de terre s'est soucié de l'absence de ceux-ci dans la terre vierge du potager et à vu à partir à la chasse pour remédier à la situation. Les nouveaux venus ont même eu droit à un tour de camion. Non mais, c'est-y pas le gros luxe pour un ver de terre, ça?


Est-ce la bonne terre, est-ce mon incroyable positivisme, est-ce les incantations écossaises à la Findhorn que je récite toutes les nuits après avoir pris soin de frotter vigoureusement sur mes avant-bras des feuilles de basilic et de la racine de poudre d'escampette devant le potager, je n'ai jamais eu un jardin si fourni à cette période de l'année.

Les allées de paillis de cèdre devaient nous permettre de bien circuler, et c'était le cas jusqu'à ce que mes prolifiques plants ne prennent des airs de Haricot magique. J'ai dû utiliser mon statut de Reine des Lieux pour corriger la situation.

Après la pluie, l'odeur de cèdre au jardin est sublime.



Je n'ai jamais eu de si gros plants de basilic. Ça sent déjà le pesto ! Voyez comme les plants de concombres sont ambitieux: j'ai dû détacher les tiges qui s'enroulaient autour des branches des plants de tomates au lieu de se contenter des treillis.



Le problème que je n'avais pas prévu avec la laitue mesclun, c'est mon incapacité à reconnaître toutes les feuilles qui évidemment diffèrent les unes des autres, ce qui fait que nous avons peut-être mangé des mauvaises herbes ou désherbé de bons plants. À droite, l'abondance de la roquette fait que nous ne fournissons pas à en manger. Salades, carpaccio, what else?

L'ai-je dit? J'adore mon potager !