lundi, août 31, 2009

La reconnaissance ou le blog sous la loupe

Je prends des moments pour regarder ma vie ces derniers temps. Je m'arrête, évalue ce qui cloche, ce qui me rend amère, ce qui m'anime et me fais sentir vivante, ce que j'espère et qui me rend fière, ce qui me fait sourire, me stimule, m'émeut, ce qui me fait accumuler de l'aigreur et imaginer ma vie autrement, ce qui me valorise et me rend heureuse, satisfaite et accomplie.

J'évalue et écoute la louve en moi hurler à la nécessité du changement de cap de plusieurs aspects de ma vie. Je m'épie pour ne pas m'éteindre par tous les éléments de mon contexte de vie qui étouffent ma fibre.

Je jongle, observe, guette, me cherche des zones fertiles, créatives et confortables, de petits éclairs pour secouer, réformer, électro-choquer la routine et les irritants.

J'évalue mes relations, le réel, le virtuel, la place de chacun dans mon équilibre. Je souffre d'isolement depuis les derniers bébés, depuis la mort, depuis des décisions assumées mais pas moins inconséquentes pour autant sur ma vie. Le blog draine et compense mais ne remplace rien malgré toute la valeur que je reconnais aux relations virtuelles.

J'ai songé le supprimer pour forcer l'animé, inciter le vrai, nourrir le vivant, appeler la chair et les os, pour cesser de me satisfaire des commentaires de lecteurs lectrices dont je ne verrai pour la plupart jamais les pupilles ni la gestuelle.

Ma vie, pourtant, c'est celle-là. Pour l'instant. J'aime l'interaction, j'aime écrire, déconner avec les mots, j'aime vos commentaires, j'aime l'interaction, j'aime quand vous prenez le temps de laisser une marque de votre passage, ici ou ailleurs. Cela fait partie de mon quotidien depuis trois ans. Ce blog s'est fait bouée, exutoire, lieu de réflexion, d'auto-dérision, de compilation d'anecdotes. Et pour toute votre rétroaction, je vous suis reconnaissante. Mais ça ne me suffit plus.

Les gens me manquent, leur couleur me manque, leur chaleur me manque, les humains me manquent, la gestuelle me manque, la spontanéité me manque, les expressions assumées me manquent, les malaises et les élans des rencontres me manquent, les mals aux côtes me manquent.

J'aime trop les mots, trop les opinions pleines d'engrais (euh, c'est un compliment ça), trop les lecteurs pour avoir eu le courage de supprimer d'un clic ce qui fut, j'ai trop envie d'interaction, aussi, pour balayer impulsivement une grande tranche de vie pleine de valeur pour moi.

Je vous dis donc merci du temps que vous m'accordez en passant par ici et en me laissant vos commentaires. C'est toujours agréable pour moi de les recevoir.

Comme je manque vachement de social et qu'il est impératif, pour ma santé mentale, que je fasse de l'air, j'ai décidé de m'embarquer dans des projets en-dehors de la maison. Je mets quand même un frein parce que j'en ai marre de travailler sur mon livre et que si je m'éparpille trop, je ne réussirai pas à respecter le dead-line de décembre que je me suis fixé pour poster mon manuscrit. Discipline, discipline.

Bon, c'est un peu décousu tout ça mais ce que vous devez retenir, c'est ma gratitude pour vos bons mots, spécifiquement ceux des derniers billets qui m'ont fait du bien en cette période de doutes et de remises en questions.

dimanche, août 30, 2009

L'absent qui compte

Depuis plusieurs semaines, notre Demoiselle est l'hôtesse malgré elle d'une bactérie. Elle n'est pas très vilaine mais en s'infiltrant sous sa peau, elle s'amuse à occasionner à notre fille un problème cutané pas très joli.

Nous n'en sommes pas encore venus à bout. Selon le dermato, il n'est pas normal qu'un enfant ne réponde pas ou peu à cet antibio, donné en deux traitements plutôt qu'un.

Bébé Fille a donc passé des tests d'immunité qui nous permettront de comprendre pourquoi son corps ne se défend pas. Je suis le genre de mère qui exaspère les médecins avec toutes ses questions et ses inquiétudes souvent pour rien. J'ai pris une profonde respiration et partagé une petite tranche d'histoire avec le soignant.

Je me demandais s'il était possible que mes enfants, spécifiquement ceux que j'ai eus avec Grand-Homme, puissent avoir une faiblesse immunitaire. Le doc est soudainement devenu très attentif, s'est intéressé à l'histoire familiale. Puis, il est sorti avec son résident et il est revenu avec les papiers pour passer des tests très précis d'immunité à Béatrice.

C'est plausible, qu'il m'a dit, que nos bagages génétiques spécifiques aient fait que nos enfants aient (ou aient eu) des failles immunitaires. Rien de grave pour Béatrice puisqu'elle aurait déjà été malade, ce qui n'est pas le cas. De toute façon, ce n'est pas là où je veux en venir. Béatrice va bien, on ne fait que tenter de trouver une explication à son inaction immunitaire vis-à-vis ce germe précis.

Ce qui alimente ma réflexion, c'est l'histoire de l'absent. La valeur de celui qui fut pour orienter la recherche de ce qui ne va pas chez celle qui est encore là. L'histoire d'un petit garçon qui n'existe plus mais qui a existé tellement pour vrai que ça l'a rendu vulnérable comme un mortel. Le doc a fait son boulot mais dans la façon de recueillir le bilan de vie et de fin de vie de mon fils, il l'a rendu tangible. Il a reconnu qu'il avait existé, que ce qui fut, fut.

Parce que le temps passe et que le silence balaie parfois naturellement des éléments du passé, cette reconnaissance, même pour des raisons médicales plus qu'humaines, elle a de la valeur. La manière de faire, le doigté dans l'humanité compte pour mille dans mon appréciation de la compétence.

mercredi, août 26, 2009

Le vide

Ma volonté, qui vient à bout de beaucoup dans ma vie, a quand même ses limites quand il s’agit d’angoisses à gérer. Bien que je sois de plus en plus habile à m’auto-conditionner, je ne suis absolument pas infaillible. Je suis vulnérable. Les angoisses savent trouver mes failles.

De temps à autre, je tente une nouvelle stratégie pour arriver à mieux les gérer. Il y a un an et demi, je me suis mise au jogging dans l’espoir que la forme physique me permette un meilleur contrôle de mon esprit. L’exercice sur une longue période m’a procuré certains bienfaits et je devrais m’y remettre sérieusement.

Comme j’anticipais que mes angoisses me mettraient particulièrement à l’épreuve ces jours-ci, j’ai misé sur une puissante source d’adrénaline : le parachutisme.

J’avais déjà sauté d’un avion il y a quelques années et je me rappelle de cet instant comme étant, de toute ma vie, celui où j’ai le plus intensément vécu le moment présent. C’est aussi celui qui m’a permis une espèce de second cri primal qui fut pour moi très libérateur.

En chute libre, avec le vide qui veut vous avaler, exit les angoisses. Vis. Prends conscience si fort de ton corps que ton esprit ne parviendra même pas à le dominer.

Angoissée à la moelle, je suis partie avec ma gang rejoindre une copine ayant décidé cet été de s’investir à fond dans ce sport extrême. J’ai laissé ma gang sur la terre ferme et ai grimpé dans l’avion avec en-travers de la gorge le nœud de mes tourments. Au gré des pieds (en altitude), l’apaisement de celle qui attend la délivrance : celui de savoir que d’ici quelques minutes, ma principale source de stress sera la chute dans le vide, non mes angoisses. Que l’espace des cinquante secondes que dure la chute libre, l’adrénaline soit plus forte que le calvaire de l’irrationnel. Cet instant, unique et éphémère, il vaut de l’or.

Le pilote indique qu’il sera bientôt temps de sauter. Le transfert du stress de mes angoisses se fait tranquillement vers celui du vide propre et figuré qui m’attend. L’instructeur me pousse vers la sortie et chose extrêmement rare chez moi, je suis complètement abandonnée. J’abdique. Totalement. Sauter d’un avion? Allons-y, que ça me libère enfin du fardeau qui m’épuise. Quoiqu’il arrive une fois dans le vide, je sais que j’obtiendrai un répit. Maigre, mais un répit quand même. C’est lui qu’ardemment je convoite.

Lors de mon premier saut, j’ai regardé droit devant, j’ai hésité, j’ai paniqué, je suis tombée et j’ai tripé comme on s’ouvre à quelque chose. Cette fois, c’était différent. Je me suis calée contre l’instructeur, ai fermé les yeux, espéré la fin de quelque chose et laissé le vide s’ouvrir sous mon corps.

La chute : l’abandon, la confiance, la reddition, le lâcher prise, le néant, le tout, la liberté, l’harmonie dans l’anarchie, la simplicité, l’absence de contraintes, l’authenticité, la vérité.

Arrivée au sol, je fus heureuse de retrouver mes amours qui m’attendaient mais abattue que mes tourments m’aient si rapidement retracée. Ils ne se sont pas dissipés plus loin que la chute libre, sinon peut-être un peu après l’ouverture du parachute, même si je respirais bien à ce moment, au-dessus de toute vie. Bien que l’adrénaline du premier saut ait eu un mandat plus léger, elle avait tout de même duré plus longtemps que 50 secondes!

Bon. J’ai fait le calcul et aussi naturelle soit-elle, cette drogue (exceptionnelle, quand même) est un peu trop dispendieuse pour mes moyens. J’ai pensé que je pouvais trouver moins exorbitant que 250$ pour moins d’une minute de bienheureuse amnésie.

J’ai pris rendez-vous chez un excellent psy. J’espère renouer avec le vide, d’une autre manière cette fois.

lundi, août 24, 2009

Y a quelqu'un?

Frédéric, du haut des escaliers du sous-sol, appellant ses frères: "Est-qu'y a quequ'un en bas?"

-...

-Est-qu'y a quequ'un en bas?

-...

-Est-qu'y a quequ'un en bas?

-...

-Est-qu'y a quequ'un en bas?

-...

-Est-qu'y a quequ'un en bas?

-...

-Est-qu'y a quequ'un en bas?

-...

-Est-qu'y a quequ'un en bas?

-...

-Est-qu'y a quequ'un en bas?

-...

-Est-que...

(Et ainsi de suite, et ainsi de suite.)

À chaque demande, je me dis ça y est, il va finir par comprendre que le silence est équivalent à une réponse mais non, il persiste, plein d'espoir de ne pas descendre l'escalier en vain.

Cet espèce d'acharnement passif et infiniment patient me fait penser à la mère d'une amie. Nous avions 15 ans et à cette époque pré-afficheurs, les coups de téléphone étaient fréquents. Cela donnait à peu près ceci.

Driiing, driiiing.

La mère décroche, emploie son ton poli et soigné: "Hello?"

-...

-Hello?

-...

-Hello?

-...

-Hello (elle n'hausse même pas le ton).

-...

-Hello, qui parle?

-...

-Qui parle?

-...

-Hello?

-...

-Qui est à l'appareil?

-...

Elle éloigne soudain le téléphone de son oreille pour regarder le récepteur comme si elle allait y trouver réponse à sa question puis avec étonnement, le repose sur son oreille en tapotant le combiné pour en faire enfin jaillir une voix: "Hello?"

-...

-Qui parle??

-...

-Est-ce que vous m'entendez? Qui parle? Hello?

Et moi, interloquée, debout dans la cuisine à la regarder faire, je me dis bonyeu, raccroche-moi ce téléphone et ça presse! Cela a dû arriver trois ou quatre fois et chaque fois, elle répondait avec la même inébranlable patience. Remarquez, si j'avais été le p'tit comique, j'aurais été tentée de mettre moi aussi ce numéro dans mes favoris.

jeudi, août 20, 2009

Stéréotype ou réalité?

Lorsque le besoin pressant de s’enfermer dans une bulle se fait sentir, l’homme s’isole devant un jeu d’ordinateur (ou dans son atelier, ou dans son garage) en se soustrayant au bruit et à l’activité autour. Il accumule malgré lui tout autour l’auditoire dont il cherche justement à s’isoler. Ce dernier observera ses stratégies, le conseillera sur ce qu’il devrait faire, ce qu’il aurait pu ou dû éviter. Les commentaires stériles de l’auditoire se percuteront sur la bulle protectrice de l’ermite.

La femme sent elle aussi ce besoin. Cependant, peu importe la manière dont elle choisit de s’isoler (flâner sur FB, lire dans sa chambre, pianoter), le même auditoire débarquera, pénètrera sa bulle rendue perméable par la culpabilité et désamorcera le moment de tranquillité souhaité.

Le manque de sommeil est commun chez les parents de jeunes enfants. Chez l’homme, cela se manifestera par : je suis fatigué donc naturellement je prolonge mon sommeil le matin en dépit des bruits ambiants (mais de quels bruits parle-t-on?).

Chez la femme, en dépit de la fatigue accumulée, cela se manifestera par un lever obligé vu le bébé bulldozer qui la piétine et/ou monopolise sa chair maternelle, les enfants plus âgés venant livrer l’inventaire de ce qui manque au frigo et/ou rapporter et/ou demander des permissions spéciales et/ou par un petit garçon venu se greffer à son espace vital durant la nuit.

Qu’on ne s’y méprenne pas : même s’il est convenu avec tous que la femme dort (et que l’homme se trouve donc disponible pour répondre aux besoins des enfants), il se trouvera toujours un enfant pour se faufiler jusqu’auprès de la mère endormie pour revendiquer quelque chose de précis qu’apparemment, l’homme ne peut offrir.

Les parents ont parfois besoin de se couper individuellement de la famille. L’homme, par exemple, peut décider d’aller souper avec son clan familial ou d’aller au cinéma seul. Parce qu’il connaît son amoureuse, il tentera de le faire à un moment où le capital patience de celle-ci ne met pas le pays en état d'alerte.

La femme rêve de ces moments d’évasion. Lorsqu'elle se décidera enfin à bouger, elle considérera les besoins de sa famille pour alléger la charge de travail de l’homme durant son absence. Par exemple, si elle décide d’aller souper avec une amie, elle aura prévu le repas du reste de la famille par bienveillance naturelle.

Il arrive que les parents aient besoin d’exécuter du travail depuis la maison. Pour ce faire, l’homme fait ce que doit : il s’installe, s’isole mentalement et travaille. La maison est bordélique? Et alors? Cela n’a jamais empêché la Terre de tourner. Il travaille, point. À la fin de la journée, il est heureux, satisfait du travail accompli, valorisé par son efficacité.

La mère sait bien que trop à quel point elle a du retard à rattraper. Elle voudrait s’installer pour travailler mais se sent incapable de le faire dans un environnement surchargé de tâches en suspens. Elle couche le bébé pour sa sieste, espérant profiter de ce temps pour travailler efficacement.

Elle s’installe, mais voit le panier à linge déborder. Elle pense aux enfants qui se plaignaient de manquer de vêtements le matin, pense à la viande qu’il faudrait mariner pour le souper, au comptoir encore encombré de la vaisselle du déjeuner et des casseroles de la veille qui trempent, au chat qui n’a pas été nourri, à la piscine à chlorer, à la prescription du bébé à renouveler, aux serviettes mouillées qui traînent sur le plancher de la salle de bain, au plancher qui n’a pas été balayé, aux jouets éparpillés partout. À chaque tâche qu’elle exécute pour dégager son environnement de travail, une autre apparaît avec évidence.

Au moment où l’environnement est satisfaisant et lui permettrait d’abattre le boulot intellectuel, bébé se réveille. À la fin de la journée, elle est amère des inégalités dans la façon de faire homme/femme, par son improductivité, aigrie parce que du boulot domestique accompli, plus rien ne subsiste. Elle se sent inefficace parce que son travail n'a pas avancé d'un iota.

Elle se rabat alors sur la seule issue acceptable : la distance physique comme dans partir avec son portable travailler au café.

Au moment où les enfants la voient quitter sac à l’épaule… « Moi aussi je veux y aller!!! »

Avec les plus jeunes, c’est toujours un risque : ou ils sont angéliques et elle se targue d’avoir les meilleurs enfants du monde, ou l’heure et demie passée au café s’avère un épisode épuisant de gestion infantile.

Lors de ces moments où la femme décide d’aller travailler à l’extérieur de la maison et de trimballer naïvement (ou stupidement) la moitié la moins autonome de la gang, elle rentre à la maison amère de son inefficacité et doublement amère d’avoir offert sur un plateau d’argent à l’homme la tranquillité qu’elle espérait enfin pour elle-même (ne cherchez même pas à comprendre!)

Une sortie est prévue en famille. L'homme prend son temps à se lever, se préparer, déjeuner.

La femme est réveillée depuis un moment, s'organise pour laisser la maison dans un état acceptable, fait déjeuner les enfants, les prépare, prévoit couches et quelques effets à emporter. L'homme vient de terminer de se préparer sans stress, rejoint le reste de la famille et regarde sa douce et questionne: "Quoi? T'es pas encore habillée?" La femme le fusille du regard.

La chaleur est suffocante. L’homme a besoin d’un rafraîchissement. Pour ce faire, il file en douce de la maison et s’immisce dans la piscine pour jouir du calme à lui tout seul. Exit les bombes des enfants, les cris, l’excitation, le chaos. L’homme relaaaxe.

La femme est accablée par la chaleur. Il y a déjà un moment que les enfants la harcèlent pour se baigner : ils ont chaud. Elle aimerait bien imiter l’homme et profiter d’un moment à elle, calme, seule dans l’eau. Au moment où elle se décide à y aller, elle songe à ses petiots. La chaleur est si accablante, ils attendent ce moment avec impatience. Le bébé aussi a chaud. Et puis il y a le jeune homme qui refuse de se baigner s’il n’est pas dans les bras de maman. Bon. Rafraîchissons tout le monde tant qu’à faire.

Voilà les enfants heureux, les bombes fusent autant que les cris de joie, splish par-ci, splash par-là. La femme ne relaxe pas mais au moins, les bras pleins de bébés, au milieu de la piscine, tout le monde est rafraîchi.

Des courses à faire? L’homme se porte toujours volontaire. Les courses sont un moment d’évasion, de tranquillité, de solitude. Les courses joignent l'utile à l'agréable.

La femme déteste faire des courses mais l’idée de la solitude est parfois appétissante en soirée. Un peu de rouge à lèvres, un sac sur l’épaule et oh! Alerte générale, maman s’en va! La maisonnée est alarmée. Ça y est, les demandes pullulent pour l’accompagner et son coeur soupire de rejeter la marmaille pour le plaisir égoïste de pouvoir déambuler seule dans les allées d’une pharmacie sans répondre à qui que ce soit de reposer ça sur la tablette, pour pouvoir acheter du chocolat et le déguster sans devoir le partager, pour pouvoir ouvrir une seule portière de voiture pour se rendre à destination.

Dix heures le soir. L’homme ouvre l’armoire, constate qu’il ne reste pas grand-chose pour déjeuner. S’il manque de pain, soupir, il ira en acheter. S’il s’agit de lait, il soupirera et en informera la femme. Dépendamment de la grosseur du soupir, il ira (ou pas) en acheter. S’il ne reste qu’un fond de Nutella, il taira la chose et cachera le pot au fond d’une armoire secrète pour être certain que personne ne le lui volera.

Dix heures le soir. La femme ouvre les armoires, constate qu’il manque de quoi se mettre sous la dent au matin. Elle soupire, pense à ses enfants et sort ce qu’il faut pour préparer des muffins pour le lendemain.

***

Je suis pathétique de même. Si j'allais à l'église, je m'en confesserais.

Je voudrais savoir être homme dans ma façon de m’isoler, savoir laisser mes enfants derrière sans stress, savoir me soustraire à tout besoin autres que les miens pour me concentrer sur ce qui m’anime, savoir ne pas entendre les demandes, savoir m’immuniser contre la culpabilité, savoir quitter et revenir deux heures, trois heures plus tard que l’heure prévue, savoir partir sans cellulaire pour me rejoindre si jamais une catastrophe survient durant mon absence, savoir ne pas m’ennuyer de mes bébés après une heure, savoir lâcher prise, savoir oublier qu’une famille existe autour de moi, savoir me concentrer comme je le faisais durant mes études, savoir être cruelle dans mes refus, manquements et lacunes, je voudrais savoir focusser dans le plus bruyant des contextes, dans le plus désespérant des bordels, je voudrais savoir établir parfois mes priorités en fonction de mes besoins non de ceux de la famille, je voudrais posséder certaines compétences essentiellement masculines, je voudrais savoir me détacher complètement de tout ce et ceux qui m'importent tant pour pouvoir exister autrement, pour pouvoir goûter une autre sorte de satisfaction.

Je suis pathétique de même, je ne sais pas faire ça.

lundi, août 17, 2009

Le syndrome de la visite

Nous sommes affectés. 'Savez, une visite spéciale arrive à quelques jours d'avis, faut que tout soit propre-rangé-convenable-esthétique, la pression monte et vous rend efficace quelque chose de rare comme si votre fierté en dépendait (et c'est le cas).

Tout ce que vous tolérez en maugréant depuis des mois voire des années dans la maison vous apparaît soudainement encore plus insupportable. Un élément déclencheur devient un incroyable catalyseur et voilà, vous bougez, vous opérez, vous vous mettez à l'oeuvre et ma foi, vous êtes d'une productivité épatante.

Quelques proches débarquent pour vous donner un coup de main un après-midi et lorsque vous vous arrêtez pour regarder le résultat, vous soupirez de soulagement, d'émotion, presque. Vous êtes satisfaits.

Voilà. Comme dirait l'autre, nous sommes prêts.

lundi, août 10, 2009

Le parc de la Gaspésie

Toujours cette envie intarissable de montagnes, ce goût des hauteurs et du grandiose. Direction parc de la Gaspésie pour se gaver d'une belle randonnée, celle du mont Jacques-Cartier, deuxième plus haut sommet du Québec avec ses 1270 mètres.

Comme toujours, retard sur notre horaire. Nous sommes arrivés dans le parc à minuit et nous avons évité de justesse dans le fin fond des bois un énoooorme orignal qui gambadait devant nous. Je n'avais jamais réalisé la hauteur sur patte de cet animal. Et ses bois! Wah! Le mastodonte a tournoyé devant notre voiture immobilisée, ne sachant trop dans quelle direction se sauver.

L'homme et les ados ont monté notre camp à l'obscurité et au matin, nous avons déjeuné des montagnes.






Dans le fin fond des bois, pas grand chose à faire. Sauf quand on vend au chalet du parc des bâtons à guimauve 35¢ et que vos mousquetaires trippent duels d'épées. Ce fut LE divertissement durant quatre jours. Mes 8 et 9 ans avaient apporté un jeu de société duquel ils ne démordent pas. Cette année, on s'est payé un abri moustiquaire pour les repas. LE LUXE. Pourquoi j'ai enduré depuis tant d'années servir de repas aux maringouins qui figurent parmi mes pires ennemis, allez savoir.

Et les ados, ils se divertissent comment en camping? Facile. Quelques tours de repérage quotidiens du site de camping leur permettaient de tenir un inventaire exhaustif et précis (et pas toujours subtil) du potentiel féminin à proximité. De plus, il suffit qu'une chanson grivoise bien connue leur ait laissé croire que les Gaspésiennes possédaient quelques qualités particulières pour leur donner le goût de vous accompagner partout où ils seraient susceptibles d'en apercevoir pour étudier la chose de près, d'un coup que ça se verrait à l'oeil nu.

Sur la grève du mont St-Pierre, trois de mes mousquetaires dont Coco, qui espérait des "étoiles de fleuve".


Fred et Béa jouant dans le sable.



Tout-Doux et Coco, braves marcheurs malgré le sentier difficile.



Pour vous donner une idée de l'allure du sentier. De la roche, de la roche et de la roche.



Mes deux ados velcros.



Le bonbon au sommet: les caribous.





Le défi pour moi qui ai un rythme assez rapide: l'adapter à celui de Frédéric: une minute de marche, deux minutes de pause. Pendant des kilomètres, ça use les nerfs. On alterne: bras de maman, donne la main à Grand-Charme, fait parler les souliers hyper courageux entre eux (mauvaise stratégie puisque les souliers de Frédéric s'arrêtent chaque fois qu'ils parlent), un peu d'eau, des caribous à voir en haut.

Sur le chemin du retour, je n'en pouvais plus de ses pauses, j'ai opté pour la méthode: reste assis, moi je continue (espérant du coup le motiver à me suivre). Paniqué le jeune homme? Nah. Insulté, fatigué, ça oui. C'est Coco qui a paniqué et qui est venu me voir les yeux roulant dans l'eau et la voix tremblotante: "Maman, s'il-te-plaît, je veux qu'on l'emmène avec nous. Je veux pas qu'on l'abandonne ici."

Et moi, interloquée.

-Voyons Coco, tu penses vraiment que j'abandonnerais un de mes enfants ici, au milieu d'une montagne sauvage?

Reniflement.

Bon, ça y est, mes travers éducatifs ont fait pleurer mon Coco si solidaire à ses frères. Hm.

N'empêche. On l'a fait cette randonnée et j'en suis comblée.

L'invisibilité

L'invisibilité, c'est quand on croise une connaissance de son amoureux qui l'interpelle et se met à lui jaser ça sans vous saluer/se présenter/se rendre compte que vous existez juste à côté, c'est quand quelqu'un s'adresse à un petit groupe en omettant de vous inclure dans son balayage visuel, c'est quand on se retrouve en présence de votre famille et qu'on focusse tellement sur vos merveilleux marmots qu'on oublie qu'il y a aussi des plus grands qui pourraient avoir envie qu'on leur accorde de l'attention, c'est quand vous avez l'impression que votre présence ne fait pas de différence dans la dynamique qui s'opère dans un groupe hermétique et auto-suffisant, c'est quand vous avez envie de lâcher prise complètement et vous éclipser parce que vous ne sentez pas de bidirectionnalité envisageable, c'est quand vous avez l'impression que c'est peine perdue avec certaines personnes; vous ne valez pas la peine que l'on prenne quelques instants pour vous consacrer de l'intérêt avec sincérité, c'est quand on vous pose une question et qu'au moment où vous amorcez votre réponse, on se détourne de vous en guise de fermeture.

L'invisibilité, c'est moche.

J'ai beaucoup, beaucoup de travers mais je trouve que parmi mes quelques qualités, je possède celle de faire attention à ce que dans un groupe, il n'y ait pas d'invisibles.

lundi, août 03, 2009

L'obsession du tiramisu

Depuis quelques temps, le tiramisu m'obsède. J'en ai concocté plusieurs (que, honteuse gourmandise, j'ai presque tous dévorés à moi toute seule).

Et si j'en faisais un savon, que je me suis dit dans un éclair de génie. Ce que j'ai tenté de faire par la journée débilement chaude et humide d'hier. D'abord, par cette chaleur, mes huiles refroidissaient leeentement. Et puis j'avais chaud. Et puis je n'avais pas de patience. Et comme nous rénovons aussi, ce n'était pas un bon timing. Comme je m'étais mis cette idée en tête, difficile hélas de me l'enlever de là.

J'y ai donc travaillé et voici le résultat.



Eh oui, un opéra. Un opéra par le look, mais c'est bien un tiramisu par l'odeur: café, amaretto, mousse au chocolat.

Une commande m'a délesté de mon dernier miel, karité et avoine. Une autre batch, donc. Cette fois, j'ai rajouté de la fragrance de miel (l'autre version sentait sucré sans ajout mais l'odeur se dissipait à la longue).



Et puis tiens, je n'avais plus de lavande-romarin. Pourquoi ne pas en refaire, puisque tout mon stock est sorti... Et puis pourquoi pas dans de jolis moules...



Pour le regard d'ensemble si satisfaisant...



Lavande-romarin, amandes au miel et les timides derrière, les mousses au chocolat.

Voilà. Je ne fabrique plus de savon par une température si lourde.

samedi, août 01, 2009

Le Pascalus Ravagus au rayon du jardinage

J'ai un ex exceptionnel. Le père de mes quatre grands, vous l'aurez deviné. Tout n'a pas toujours été rose mais de manière générale, la relation est harmonieuse.

Ceci étant dit, durant notre voyage, nous lui avons confié notre maison. Avec lui, pas de soucis, elle était entre bonnes mains. Le connaissant, je me doutais qu'il devrait se retenir à deux mains pour ne pas laver les fenêtres, réparer des trucs, taponner sur notre voiture, s'occuper de notre terrain et tout le tralala.

Je ne fus pas étonnée de retrouver notre voiture impeccable, la piscine réparée, la pelouse propre (merci Fils Aîné), la cour rangée et d'une propreté incroyable (il y avait une éternité!!), les fenêtres nettoyées (wow!), le sous-sol nickel (clap clap clap!), les chambres des enfants irréprochables. Il était comme ça, le père de mes grands, proactif, bricoleur, plein d'initiatives, discipliné, fiable, responsable, toujours à la recherche d'un bidule à installer-réparer-récurer-organiser-rénover-améliorer.

Une chose, par contre, ne doit jamais, au grand JAMAIS lui être confiée: il faut tenir à tout prix cet homme éloigné des plates-bandes. De nos années de vie commune, je n'ai pas compté le nombre de vivaces qui, par son empressement à préparer le terrain pour l'automne, on été arrachées/tuées/déracinées/confondues avec des mauvaises herbes/des annuelles/des fleurs en plastique/des jouets d'enfants/des australopithèques/des pyronécromasocacazoophile. Jadis, je l'avais surnommé le Pascalus Ravagus.

Le père de mes grands était d'une aide fort appréciée au moment de détourber, rateler, tourner la terre, arroser, trimballer la brouette ou les sacs de fumier après quoi, ALERTE, DANGER, ÉVACUATION, il fallait vite le tenir à l'écart. Ravage, danger, plaie. Oh, toujours bien intentionné, qu'on ne s'y méprenne pas. Mais chacun ses spécialités et l'horticulture, eh bien ce n'était pas la sienne.

Je ne fus donc pas surprise de recevoir, à Rome, un courriel de Fils Aîné m'informant avec embarras que son père venait de raser une de mes grosses talles de rudbeckies qu'il avait malencontreusement prises pour des mauvaises herbes (il ne se souvenait apparemment pas qu'il les avait rasées une première fois quelques années auparavant (lorsque Fils Aîné hérita du boulot du coupe-bordure, il fit la même gaffe), à mon grand désarroi).

À mon retour, une autre plate-bande avait été rasée (je songe maintenant à étiqueter mes fleurs!), l'oeuvre de Fils Aîné cette fois.

Bien qu'il manque une belle talle jaune dans ma cour, je trouve cela cocasse et le prends en riant. Évidemment, après tout ce qu'il a fait pour nous et ses gentillesses à l'égard de ma mère durant notre absence, difficile de lui en vouloir.

Ce que je trouve plus cocasse encore, c'est de constater le désordre tenace chez nous: plus de rudbeckies autour du poteau de corde à linge (ma talle se fait raser une année sur trois!) mais à travers le gravier de notre stationnement, comme chaque année, des vivaces qui se sont resemées naturellement. Ce sont tantôt des véroniques à longues feuilles, tantôt des échinacées, tantôt de la mauve musquée. Cette années, ce sont...des rudbeckies. Elles débutent leur floraison, faudrait bien leur trouver une vraie place quelque part.



Et puis tiens, je pourrais les offrir à mon ex. Il pourrait ainsi se familiariser avec leur feuillage...

Bienfaisantes confrontations

Un soir, en Toscane, j’ai songé à un billet de Femme Libre dans lequel elle parlait des voyages comme étant des moments révélateurs de certains aspects de nous-mêmes vis-à-vis l’autre, ce qui pouvait parfois s’avérer des moments de confrontation pour un couple.

Je pensai à cet après-midi en voiture entre La Spezia et notre villa où nous étions revenus plusieurs fois sur nos pas à la recherche d’une rue que mapquest indiquait mais que l'urbanisme du village ne semblait pas avoir pensé créer.

J’étais alors co-pilote et Grand-Homme pilote. Après un moment, les indications que je donnais m’apparaissaient toutes simples et pourtant, nous n’arrivions pas à destination. On ne s’entendait pas sur la route à emprunter pour rectifier le trajet. Grand-Homme a pesté, j’ai répliqué une vérité crue à la sauce vacherie et l’escalade s’ensuivit. Nous avons crevé alors un gros abcès de convenances, de « lovely correct », de non-dit, de minouchage verbal. Et vous savez quoi? Ce fut libérateur et j’eus voulus que ma vie, pas seulement amoureuse, se passe toujours ainsi.

J’ai songé à nous, toujours délicats et respectueux dans notre façon de nous adresser la parole, de peser nos mots pour éviter d’écorcher l’autre. J’ai songé que parfois, à tellement vouloir épargner l’autre, on finit par s’enliser dans une ouate qui s’éloigne de l’authenticité de notre pensée, de son aspect brut. Le prix à payer se paie à long terme. Se dire les vraies affaires nous blesse parfois en dépit du doigté employé mais cela a l’avantage de permettre de nous réajuster en fonction du feed-back de l’autre et de pouvoir construire à partir de vraies données.

Si j’applique cette idée à toutes les relations de ma vie, cela donne plus de vrai, moins de convenances polies pour la forme mais plus d’authenticité, plus de plaisir, moins de soupirs, moins d’accumulation, plus de liberté, plus de bien-être, moins de sentiment d’étouffer, plus d’accomplissement, plus de considération mutuelle, moins d’abcès qui s’engorgent toujours un peu plus de pus de la rancoeur, plus de spontanéité, plus de sourires, un terreau fertile à des relations plus saines, une capacité d’adaptation plus rapide et plus efficace aux irritants, la possibilité de rire des différends, plus d’acceptation des travers de l’autre, le sentiment d’être important pour l’autre qui prend le temps d’écouter ce qui nous anime, moins de retours sur des événements lointains non réglés, moins de mauvaises interprétations, moins de procès d’intentions, une relation plus poreuse, plus aérienne, qui respire, l’impression d’avoir enfin le droit d’être soi-même avec nos limites, nos forces, nos valeurs, l’impression de pouvoir enfin faire respecter nos besoins.

Les abcès qui crèvent font parfois des dégâts mais quand on finit par avoir l’impression qu’une relation (pas nécessairement amoureuse) nous empoisonne l’existence au point de ne pas envisager de point de retour possible, l’explosion de ces abcès est la chose la plus souhaitable qui puisse arriver.

C’est après cet épisode, durant notre voyage, que l’auto-dérision fut à son meilleur. Étonnée? Pas du tout. Nous avions nommé, nous avons élevé le ton (d'accord, nous nous sommes envoyés chier...une première en six ans je pense bien), nous avons pris conscience de nos forces respectives et finit par orienter le reste du voyage en fonction de celles-ci.

C’est dans la sphère professionnelle que je suis le plus habile à dire ce que je pense, à fixer mes attentes, mes limites, à exiger, à prendre en charge. C’est dans cette sphère qu’on m’a le plus souvent dit apprécier ma franchise et où je me suis sentie le plus respectée. C’est également dans cette sphère que j’ai eu le moins de frustrations dans ma vie. Étonnée? Pas du tout. C’est tellement plus facile quand l’émotif n’est pas en jeu.