mardi, août 30, 2011

L'intellizence

Tout bonnement, en gambadant vers la voiture, Frédéric (5 ans): "Maman, est-ce que tu le savais que z'étais intellizent?"

-Que tu étais intelligent?

-Oh que si !

On s'installe en voiture.

-Comment ça, t'es si intelligent?

Haussement d'épaules. "Ben, ze connais des techniques que les gars connaissent pas."

-Des techniques?

-Des techniques.

-Quel genre de techniques?

Haussement d'épaules. "Ben, des techniques pour se battre."

-Ah.

-Puis aussi, ze t'ai montré comment accrocher le truc d'épingles sur la corde à linze.

-Hm.

-Puis aussi, z'ai mangé les noix dans ma salade. Tu te souviens, les noix qui nous rendent intellizent?

-Oui, c'est vrai, les bonnes noix de grenoble.

-Ça fait longtemps qu'on n'a pas fait une bonne salade avec des pommes et des noix.

-C'est vrai. On devrait s'en faire une ce soir.

(Pour être encore plus intellizents demain...)

mardi, août 23, 2011

Prends position, diantre !

Fin août. Rentrée scolaire. Incertitude. Fébrilité. Nouveaux horaires pour chacun, nouvelle organisation, adaptations X 100. Summum de l'angoisse. Je m'ajuste. Je m'ajuste toujours. Cette année, de surcroît, production intensive de savons et produits pour le corps pour La Prétentieuse à la Fête des Vendanges. Il faut bien canaliser quelque part !

J'ai longtemps apprécié l'honorable qualité qu'est l'objectivité. Je l'apprécie toujours. Prendre conscience des deux côtés de la médaille avant de porter un jugement, éviter de sauter à des conclusions hâtives, mesurer posément, saupoudrer un peu de neutralité sur une situation. Mon estime a de bonnes chances de se pointer le bout du nez si vous en faites preuve.

Sauf que. Je commence à en avoir marre de certaines "sur-neutralités" qui finissent par faire de l'objectivité une incapacité à prendre position. On a parfois besoin de jauger ce que pensent nos proches, d'avoir un autre regard sur une situation. À tant vouloir éviter d'assumer ce qu'ils pensent réellement, quand ils demeurent dans la zone parfois confortable mais surtout sécuritaire de la neutralité, ils ne se mouillent pas. Ça m'exaspère.

Faire preuve d'objectivité, c'est bien. Mais parfois il faut savoir se mouiller. J'ai besoin qu'on sache le faire. Prendre position et assumer ce qui vient avec, pas seulement assurer ses arrières.

Je me suis toujours bien entendu avec les personnes promptes, parfois désespérément maladroites mais avec qui les choses sont d'une indiscutable netteté: impossible de ne pas savoir à quoi s'en tenir. Je gère bien la vérité.

En ce moment, les excès de prudence m'énervent. Trop grand besoin de rétroaction. J'ai envie de secouer des carcasses. Incapable de t'ouvrir, de me laisser prendre le pouls de tes réflexions, de ta pensée, de ton raisonnement?

On se côtoie pourquoi, déjà?

jeudi, août 18, 2011

Le changement

Fils Aîné est de retour depuis plusieurs jours. Bien que je n'aie jamais douté de ses forces, ses qualités et ses atouts, je constate que plusieurs d'entre eux se sont nettement consolidés. Il est débrouillard, généreux, enthousiaste, a développé de nouvelles amitiés, son anglais est riche et fluide (son portefeuille aussi), il est plus indépendant, prend des initiatives qui nous surprennent, il fait preuve d'empathie et de diplomatie.

Je suis émue devant ses assises plus fortes.
Fils Aîné est vraiment, comme lui a écrit son autre mère, un "awesome young man".

L'autre mère

J'ai développé une espèce de profond respect et sincère amitié pour une femme que je n'ai jamais rencontrée: la mère de notre "échangiste".

Quelque chose d'humain et de noble réside dans cet échange, pour deux mères: je prends soin de ton enfant, je l'accueille, lui fournis mon écoute, mon humour, ma disponibilité, ma bienveillance et tu prends aussi soin du mien.

Fils Aîné a adoré son autre mère, Karen. Via son enthousiasme pour cette femme avec laquelle il parlait, riait, se confiait, écoutait des films, j'ai développé une grande estime pour elle. Elle n'a pas assuré que ses besoins physiques. Elle s'est investie dans une vraie relation avec lui et s'est construit entre eux une belle complicité.

Je suis vraiment touchée de ce lien nouveau et significatif pour mon fils.

La gare et "l'échangiste"


Il y a une éternité que je désirais vous parler du départ de Fils Aîné pour la contrée lointaine de l'Ontario il y a déjà un mois et demi et voilà qu'il vient de rentrer.

C'est très tôt que je suis allée le conduire à la gare pour rejoindre des centaines d'autres jeunes prêts à s'éparpiller à travers le Canada pour mieux se retrouver eux. Béatrice, à peine réveillée à l'aube, a surpris, puis intercepté notre départ en réclamant qu'on l'attende.

C'est avec elle que j'ai fait mes adieux à mon fils. Fils Aîné contenait bien dans son calme étanche sa fébrilité de partir loin de la maison pour six semaines afin d'aller travailler et apprendre l'anglais encadré par le programme d'échange du YMCA.

Ils étaient si beaux, tous ces jeunes ados aux bagages débordants (c'est là que Fils Aîné contrastait avec son maigre bagage de nomade à faire rougir d'envie toutes ces demoiselles lourdement chargées). En le regardant s'éloigner, Béatrice a compris que son grand frère partait pour vrai et ce sont ses pleurs déchirés à elle plus que le départ qui, bien qu'émouvant, m'ont brisé le coeur. 

Si l'adaptation fut facile dans sa nouvelle famille jamaïcaine qu'il a immédiatement séduite, ce fut un peu plus ardu pour sa jumelle à la maison. Le programme étant conçu pour apprendre la langue seconde par l'immersion, la jeune fille que nous accueillons a mis plusieurs semaines à se décider à nous parler en français. La barrière de la langue était pour elle insurmontable. Elle demeura donc stoïque, voire carrément sans expression durant une dizaine de jours. De nature réservée, elle s'intégrait peu, lentement et ne se séparait jamais de son iPhone. Pas question de rater un texto !

Cela n'était pas de la mauvaise volonté de sa part mais une espèce de lenteur de réaction due à sa quasi totale incompréhension du français. Elle me déstabilisait par son absence de rétroaction. Impossible de déceler à son non-verbal si elle avait apprécié une activité, étant toujours sans expression. J'ai fini par penser qu'elle n'était pas bien dans notre famille.

Un soir, nous avons entendu ses lourds sanglots dans la douche. Ça y est, que je me suis dit, elle craque. Elle regrette d'être venue, elle n'en peut plus.

J'ai téléphoné à la coordonnatrice pour lui expliquer la situation: de toute évidence, notre jeune ne se sent pas bien chez nous. Je suis en mesure de faire face à toutes les situations avec cette jeune fille pour autant que je ne sois pas la cause de son malaise !

J'ai pris mon courage à deux mains et ai été parler à "ma" demoiselle. Elle a justifié ses pleurs en me disant qu'elle avait aperçu une araignée dans sa chambre et qu'elle avait eu peur, qu'elle avait horriblement peur des araignées. J'avais l'impression qu'elle me bullshitait (qui déverserait bruyamment toutes les larmes de son corps durant dix interminables minutes pour une simple araignée?) mais au final, il semble que sa phobie soit tangible et puissante.

Nous avons appris par la bande (heureusement qu'elle existait cette bande; cela me permettait d'avoir un tant soit peu de rétroaction) qu'elle était bien chez nous et que son principal frein était réellement la langue (ce que j'ai constaté lorsque je lui parlais en anglais; elle devenait alors un peu plus vivante).

J'ai fini par me douter que ses couleurs réelles finiraient par transparaître lorsque le temps viendrait de quitter. Ce fut le cas. C'est autour de la troisième ou quatrième semaine que la présence de "l'échangiste" commença à être plus interactive, dynamique, spontanée.

Elle est partie et je dois avouer : elle me manque. Derrière sa grande réserve, c'était une jeune fille espiègle, généreuse, sensible, ambitieuse, affectueuse, franche, reconnaissante, pleine d'humour et très respectueuse.

Certaines personnes sont plus lentes que d'autres à s'adapter. De tout le groupe (les huit jeunes de l'échange que notre circonscription recevait), la nôtre était celle qui débutait avec le moins d'acquis. J'espère qu'elle aura retiré du positif de cette immersion chez nous. Depuis le tout début, je me suis souciée d'elle beaucoup plus que de Fils Aîné, pour qui l'adaptation fut si aisée là-bas et dont la vie familiale, sociale et professionnelle furent si enrichissantes que je savais que peu importe les situations, mon fils saurait se débrouiller.

Le YMCA organisant des activités incluant également les familles, tous mes fils ont pu tirer profit de cet échange linguistique et se lier d'amitié avec les huit jeunes présents. Grand-Charme revendique de participer à cet échange dans deux ans. 

C'est le coeur gros que j'ai quitté notre charmante invitée et ses amis à la gare. On s'attache à ces petites bêtes-là !