vendredi, janvier 28, 2011

L'interminable combat pour un "allaitement équitable"

Je vais vous confier un truc: je suis lasse d'entendre parler d'allaitement. Lasse des revendications de femmes qui n'en finissent plus, lasse de l'indignation collective vis-à-vis un autre commerçant étroit d'esprit qui a refusé stupidement qu'une mère allaite son enfant (en plus de la ridiculiser sans gêne devant les clients présents) dans le lieu Saint de son magasin, lasse de la récupération journalistique de la chose.

Je suis lasse d'entendre le même discours sur le même combat au droit des mères d'allaiter publiquement depuis que j'ai conscience de l'importance du geste, i.e il y a seize ans et demi. Je suis lasse des mères (dont je fis partie lors d'un de ces scandales lactés il y a onze ans) qui montent aux barricades devant les médias pour affirmer, faire entendre, défendre et réclamer que l'allaitement est un geste maternel et non sexuel et qu'il devrait être considéré publiquement et universellement comme tel.

Je suis lasse de penser que le message a été reçu, compris et accepté mais que tout soit chaque fois à recommencer.

Je suis lasse mais la redondance du message est pourtant essentielle.

Cela est essentiel pour faire changer les mentalités qui voient un manque de chasteté ailleurs que dans leur esprit coincé et ironiquement tolérant là ou d'immenses mediacoms affichent des seins géants pour vendre de la lingerie, des bijoux, des voitures, de la bière, de l'alcool, des jeans, des voyages ou des brochettes de poulet marinées.

Vous voulez vendre? Le sein a la cote. Nul besoin d'y chercher un lien avec le produit vedette. Le sein est socialement accepté pour vendre à peu près n'importe quoi. Le sein est multi-task, le sein a le dos large, le sein est polyvalent, le sein offre ce que tout le monde veut voir.

Le sein peut vendre n'importe quoi à l'exception de l'acceptation de sa fonction réelle, celle-là même qui vous vaut votre propre existence: nourrir. Est-ce cela qui choque? Que le sein puisse être utilisé à autre chose qu'à séduire? Doit-on s'indigner que le décolleté plongeant soit mieux accepté socialement que le bébé humain qui se nourrit et se construit incognito au sein de sa maman?

Il n'y a qu'à se rappeler du sein de Janet lors du Superbowl 2004 pour réaliser l'ironie de la chose: l'Amérique entière, celle-là même qui se veut la plus grande consommatrice mondiale de pornographie hard, indignée que l'on ait pu apercevoir durant moins de deux secondes le sein d'une vedette pop. Franchement hypocrite.

Et on vient jouer les puritains offensés dans les magasins? Come on !

Vous savez ce dont je suis lasse, quand on parle d'allaitement? C'est de cette impression de fausse conception généralisée. À ceux qui ne le savent pas, voici:

Allaiter son enfant en public...

♥ Ne signifie pas se promener seins nus dans un magasin
♥ Ne signifie pas sortir son sein de son soutien-gorge sans égards à ceux qui pourraient en être offensés
♥ Ne signifie pas avoir l'intention de provoquer ces messieurs, et encore moins ces mesdames
♥ Ne signifie pas chercher à attirer l'attention sur soi en perturbant les passants
♥ Ne signifie pas profiter d'un vilain prétexte pour sortir du placard l'exhibitionniste refoulée en soi
♥ Ne signifie pas faire perdre des ventes aux marchands

Allaiter son enfant en public...

♥ Signifie être attentif aux besoins (parfois imprévisibles, devrait-on s'en excuser) de son enfant
♥ Signifie faire preuve d'un minimum de décence en allaitant discrètement, souvent si discrètement que personne ne s'en rendra compte
♥ Signifie juger que l'on vit dans une société suffisamment ouverte pour accepter le fait qu'allaiter n'est ni une honte ni un sacrilège ni un accommodement raisonnable
♥ Signifie que le lien mère-enfant est non seulement possible mais encouragé dans notre société
♥ Signifie que l'enfant allaité ne devrait pas être discriminé par rapport à l'enfant nourri au biberon
♥ Signifie que la vie suit son cours et qu'aucune raison n'est valable pour faire tout un plat d'un bébé dont on devine l'activité linguale
♥ Ne vous gênez pas pour compléter

*

Au-delà de ma lassitude d'entendre parler d'allaitement (si-si, moi qui allaite ma fille de plus de 2 ans qui refuse catégoriquement de se voir privée de "son" sein adoré et qui, avant elle, a eu bien peu de "trêve lactée" depuis 16 ans), ce qui m'émeut et dont je suis profondément fière depuis cette dernière saga, c'est la capacité de mobilisation des femmes, mères, grands-mères et même certains pères pour sensibiliser les gens non seulement à une certaine tolérance vis à vis l'allaitement mais également à un accueil naturel et symbolique pour tout ce que cela représente collectivement.

Les médias sociaux possèdent la fabuleuse capacité de mobiliser des milliers de personnes en quelques heures à peine. Avec une telle pression sociale, le marchand qui refuse de s'ajuster est réellement convaincu du bien-fondé de sa pudibonderie ou encore rigide et de mauvaise foi.

Je serais heureuse qu'on classe la question une fois pour toutes mais que voulez-vous, comme pour l'érosion sur la roche, c'est la répétition qui finit par agir sur les mentalités récalcitrantes...

mardi, janvier 25, 2011

Quand votre destinée intellectuelle est liée à une couleur

Avoir deux kits de vaisselle : s'exposer à ce que l'un de vos grands baveux s'exclame, juste avant le repas, mesquin, à qui veut bien l'entendre (disons les choses autrement: à qui âgé de cinq ans veut bien l'entendre) " Ceux qui mangent dans des assiettes beiges sont intelligents !" alors que le jeune homme a une assiette verte en guise de couvert.

Crise assurée durant la tentative désespérée de changer incognito de couvert.

"Ze veuuux être intelliiizent moi aussi et persooonne veut chanzer d'assiette avec moiiii !"

En vérité je vous le dis, il n'est pas facile de voir votre destin lié à la couleur de votre assiette.

vendredi, janvier 21, 2011

La dictature scénique

Frédéric s'amuse avec ses Playmobil. Depuis l'autre bout de la maison, j'écoute les bonhommes discuter entre les multiples apartés.


-(Là, Béatrice, dis: "Hé ! Tasse-toi de là !)

-...

-Allez, dis-le !

-"Hé, tasse-toi de là !"

-Jamais ! (Là, dis: "Oh que oui, zeune homme, tu vas me laisser entrer !"

-...

-Allez !

-Oh que oui, zeune homme, tu vas me laisser entrer.

-ÇA SE PASSERA PAS COMME ÇA ! (Là, tu dois dire: "Tu vas souffrir !")

-Tu vas souffrir.

-Si tu crois que z'ai peur de toi ! (Là, dis: "Ze serai sans pitié." Allez !

-...

-Aaaarrgh !!!! Béatriiiice !!!! Dis: "Ze serai sans pitié !"

(....)

Au bout de vingt minutes de ces scènes imposées, exaspérée de l'inexistence de toute latitude créatrice à ma fille pour jouer (elle, de nature si indépendante, qui sait si bien s'amuser seule et de manière si attendrissante), je demande à mon fils pourquoi il ne la laisse pas jouer et surtout, décider des répliques de ses propres personnages.

Frédéric s'indigne alors: "Ben là ! Ze peux pas la laisser faire ! Elle va leur faire dire n'importe quoi !"

*

Une heure plus tard, alors que Fred se pâme encore devant l'horrible et absolument pas crédible Père Noël et son 'petit papa Noël" (qui est au bord de me rendre folle) sur youtube, Béatrice s'amuse clandestinement avec les bonhommes de son frère.

Enfin, elle s'amuse avec l'intonation qu'elle veut, les scènes et les répliques qu'elle choisit d'ordinaire avec tant de grâce et de féminité sur le thème de la maternité. Elle profite d'une petite zone affranchie de censure.

Alors que je m'arrête près d'elle, je suis interloquée par un de ses bonhommes, qui vient de s'exclamer tendrement à un autre: "Oh non, Sacrament !"

(Mon fils était-il réellement si clairvoyant ce matin pour se faire ainsi le gardien des bonnes moeurs?)

jeudi, janvier 20, 2011

La main

Je n'avais jamais reçu ce type d'inhabituel compliment.

Dans un café, break d'une course folle, alors que je transcrivais fluidement des pensées, citations, mots inspirants, je relevai la tête, percevant sans doute l'insistance du regard posé sur moi. Un homme de me déclarer alors que ma main était belle à voir à écrire si naturellement.

Suis demeurée perplexe (on mettrait sa main au feu que je ne vis que pour ce mot). L'homme estimait avec désolation (et raison) que tout se rédigeait désormais trop par clavier et pas assez par la plume traditionnelle.

Même si je vis une relation symbiotique avec mon ordinateur, j'étais d'accord.

Nous avons parlé un peu. Il y a quelque chose de réconfortant, un plaisir, une certaine intimité à partager les couleurs réelles de sa plume plutôt que celles universelles d'un clavier.

J'aime écrire.

L'âme

Discussion de colle-colle. Ces temps-ci, ça tourne régulièrement autour de la mort...

(...)

-Maman, tu crois que Thomas le sait que z'ai cinq ans? demande Frédéric en regardant l'urne de son frère sur le bureau.

Haussement d'épaule.

-Tu crois qu'il nous entend quand c'est ma fête?

-C'est sûr qu'il ne peut plus nous entendre, il n'a plus d'oreilles !

-Comment ça?

-Mais Frédéric...nous avons fait brûler son corps ! que je lui rappelle.

-Et sa tête, elle? demande-t-il, étonné que l'on ait pu penser à séparer les deux.

-Sa tête aussi. Tout ce qu'il reste de lui, c'est son âme et s'il peut nous sentir ou nous "entendre", c'est avec son âme.

Silence.

Frédéric se blottit contre moi: "En tout cas, moi, ze l'ai vu, l'âne, quand z'ai été au zoo."

(Chouette, je (re) déménage à Granby !)

mardi, janvier 18, 2011

Rome, Hadrien, l'histoire et la littérature

J'ai terminé récemment la lecture des sublimes Mémoires d'Hadrien, de Marguerite Yourcenar, en suis encore ébranlée par l'indescriptible beauté humaine, littéraire et historique de cette oeuvre.

Depuis septembre, avec les Salons de Métiers d'Arts et les Marchés de Noël, j'ai peu écrit et beaucoup lu. C'est fou ce que la lecture est intimement liée à l'écriture ! Lire est presque aussi fastidieux qu'écrire: je prends des notes, transcris des extraits, cherche dans le dictionnaire. D'un passage naît une idée pour mon propre livre (dont je vous reparlerai du bienheureux non-développement) ou encore l'étonnement d'avoir développé une idée sous un angle que je me croyais exclusif mais qui est abordé avec quasi la même perspective que l'auteur)

Je retire cependant une grande frustration de la lecture de cette oeuvre magnifique: l'idée de penser qu'il y a 18 mois, j'étais en Italie et que j'ai vu le Castel Sant'Angelo juste à côté du Vatican sans toutefois y accorder l'attention qu'il méritait car il nous fut présenté comme tel plutôt que comme le Mausolée d'Hadrien. On ne regarde pas telle oeuvre de la même manière quand on réalise sa richesse historique, quand on "connait" l'homme qui y est inhumé !

À Rome, juste à côté de notre hôtel, il y avait ce bâtiment magnifique.


Juste devant, une immense colonne que je n'ai pas prise en photo (bouhouhou !), inconsciente de sa richesse historique. Il s'agissait de la colonne Trajane, que voici, et dont je réalise, après lecture, la chance inouïe de l'observer plus attentivement à côté de laquelle je suis passée. Cette colonne contient 200 mètres de bas-reliefs racontant l'histoire des guerres de Trajan (l'empereur ayant précédé Hadrien) et des moyens artistiques et militaires de l'époque. J'y étais, et je n'en ai pas alors réalisé l'importance ! Grrrr !



Plus frustrant encore: si j'avais su (et si j'avais lu avant), j'aurais pu intégrer la visite de laVilla Adriana à notre voyage. J'aurais également pu porter attention aux différentes références artistiques, architecturales ou géographiques faites par Yourcenar sur la vie de ce grand empereur.

Il y a quelque chose de bouleversant de se retrouver devant un lieu historique lourd de symboles et de vestiges du passé. On ne le considère pas de la même manière quand non seulement on sait, mais qu'on ressent aussi vivement.


J'ai ressenti cela devant D'où venons-nous? Que sommes-nous? Où allons-nous?, la célèbre immense peinture de Gauguin au musée des Beaux-Arts de Boston. Parce que c'est mon peintre préféré, parce que j'ai lu ses carnets et que je connais intimement les états d'âme, la folie, l'obsession, la maladie, les délires sexuels et la souffrance qui l'ont habité durant la conception de ses oeuvres (celle-là, avant tout), le regard que j'y pose s'en trouve profondément fragilisé par tout ce qu'il contient.


J'espère avoir encore la chance de voyager. Des frustrations semblables, j'en aurai encore. J'imagine que d'une manière ou d'une autre, en traçant un itinéraire de voyages, il faut faire des choix. Je voulais voir la voûte de la Capella Sistina. Je l'ai vue, en ai pleuré d'émotion, ébranlée. Peut-être faut-il se concentrer sur ces moments privilégiés plutôt que de se mordre les jointures de tout ce qu'on n'a pas vu et ne verra jamais.

dimanche, janvier 09, 2011

Tolstoï

« Je suis laid, gauche, malpropre et sans vernis mondain. Je suis irritable, désagréable pour les autres, prétentieux, intolérant et timide comme un enfant. Je suis ignorant. Ce que je sais, je l'ai appris par-ci, par-là, sans suite et encore si peu ! [...] Mais il y a une chose que j'aime plus que le bien : c'est la gloire. Je suis si ambitieux que s'il me fallait choisir entre la gloire et la vertu, je crois bien que je choisirais la première. »

-Leon Tolstoï

Parlez-moi de ça quelqu'un d'aussi lucide et honnête vis à vis lui-même !

La charité -MÀJ

Je n’avais jamais vraiment songé à « disséquer » quelques fondements de notre "charité culturelle" avant qu’un « incident » ne vienne secouer ma réflexion à ce sujet. L’incident en question : un jeune homme début vingtaine vint sonner à notre porte pour nous demander nos bouteilles vides consignées.


-Euh…et c’est pour? (pensant que la collecte est pour un organisme)

-Moi.

J’ai refusé avant même de savoir que mes enfants les avaient déjà ramenées au dépanneur du coin, puis ai refermé, perplexe.

Quelque chose me dérangeait dans l’approche sans que je n’arrive vraiment à l’identifier.

Que la charité de chacun soit constamment sollicitée, soit. Il y a une part de devoir collectif, puis une part de conscience personnelle et de réel altruisme dans la charité.

Des divers organismes qui téléphonent à intervalles réguliers pour quémander des articles, meubles ou vêtements usagés aux téléthons, radiodons, organismes d’aide internationale, centres de bénévolat, fondations diverses, chacun réclame sa part de charité collective.

Il est encore aisé de se soustraire à ces campagnes de sensibilisation intensives qui empruntent des médias pour sensibiliser les gens à donner puisque l’appel à la collectivité est tellement large et vient parfois de si loin que la « responsabilité » individuelle s’en trouve diffuse, voire abstraite.
Quand le quémandeur se trouve devant vous avec ses cheveux bleus hirsutes, ses piercings, son squeegee et son geste décidé au coin de Sherbrooke et St-Denis, il vous faut un peu plus de fermeté pour affirmer s’il est le « pauvre » que vous souhaitez aider. Vous y êtes confronté directement. Peut-être préférerez-vous le guitariste en coton ouaté de la station Henri-Bourrassa, les quéteux de la sortie de la 720 ou ceux qui pénètrent dans les cafés avec leur histoire synthétisée sur un carton en la présentant aux clients sans prononcer mot, espérant faire assez vite pour ne pas se faire prendre par les proprios.

Mais c’est ok, vous allez au centre-ville, vous vous attendez à de la sollicitation individuelle sous toutes ses formes. Dans notre Québec, il y a des lieux pour demander la charité pour soi et le centre-ville en est un.

Ce qui m’a rendue mal à l'aise avec cet homme venu quémander mes bouteilles, c’est sa transgression d’une des règles du code tacite de la charité (code qui assurément doit changer selon le lieu, la culture): on ose déranger les gens chez eux que si on le fait pour une organisation plus grande que soi qui elle cible, connaît et aide un milieu précis : les scouts réclament les bouteilles vides que vous tardez à échanger, les jeunes du club de patinage veulent vous vendre du chocolat, ceux de l’école secondaire du quartier désirent que vous les encouragiez à payer leur voyage en Suisse, ceux du club de hockey financent un voyage, etc.

Quêter pour soi en faisant du porte-à-porte est audacieux. Faut-il le voir comme un service rendu : je vous débarrasse de ces bouteilles qui vous encombrent et vous me permettez un revenu supplémentaire ou comme une entrée d’argent facile ou de la pure charité? Je ne sais pas encore.

Quoi qu’il en soit, il est nettement plus aisé de « choisir sa cause » que de « choisir son pauvre ». De cette manière, pas de discrimination possible.

MÀJ: Je me relis et j'ai l'air impitoyable et sans coeur. Vous les "sentez", vous, les espèces de règles tacites du quêtage à domicile?

lundi, janvier 03, 2011

Ne juste pas comprendre

Je suis capable de vivre avec le fait que des couples se séparent. Je suis capable de l'accepter, de comprendre que les séparations sont parfois salutaires pour l'un, pour l'autre et parfois même pour les deux jadis bien-aimés. Je suis capable de comprendre les déchirures, les dualités, la rancune, le fiel, l'amertume mais aussi la gratitude pour l'autre, pour ce qu'il fut, pour ce qu'il a apporté, partagé, investi de lui-même, pour sa sincérité, ses gestes tendres, sa bienveillance, son authenticité ou sa capacité de faire des compromis durant la relation.

J'ai connu un certain nombre de couples séparés et à peu près tous sont passé par la colère, le mépris, l'incompréhension, le dénigrement de l'autre avant qu'un équilibre revu et parfois, amélioré ne finisse par revenir s'installer dans la nouvelle configuration de la relation.

Ce qu'en dépit de tous mes efforts je n'arrive pas à comprendre, c'est le désinvestissement total d'un père (le plus souvent) de ses enfants lors d'une séparation après avoir été un père présent et aimant durant des mois, voire des années.

Je cherche, je cherche vraiment comment une coupure émotive nette peut se faire pour des petits (ou grands) humains qui n'ont rien à voir avec la séparation des adultes. On peut avoir mille raisons valables d'en vouloir à celle qui fut notre amoureuse mais je ne comprends pas, en fait, je n'arrive pas à ressentir que l'on puisse aussi projeter cette coupure affective sur ses propres enfants dont la loyauté envers les deux parents n'est de manière générale pas affectée par la séparation.

J'ignore comment m'expliquer cela. Est-ce une manière involontaire et inconsciente pour le père de se couper de tout ce qui pourrait encore le lier à la mère qu'il n'aime plus ou au contraire, qu'il aime encore trop cruellement? Est-ce du rejet volontaire de sa progéniture visant à affecter par ricochet l'autre parent? Un parent jadis investi, tendre et affectueux auprès de sa marmaille peut-il réellement arriver à ne strictement plus rien ressentir pour son enfant? Est-il engourdi par la déchirure et donc non lucide dans ses agissements et ses choix? Le détachement est-il le résultat d'une influence extérieure? Le père est-il tellement aveuglé par sa rancune pour l'autre parent qu'il est désensibilisé à la souffrance et au rejet qu'il inflige à ses enfants? Est-ce un nécessaire (bien que dévastateur) mécanisme d'auto-protection pour permettre un recul au parent embourbé dans son ire afin d'ouvrir la voie d'un éventuel retour de l'équilibre? La souffrance des enfants deviendrait donc un inévitable dommage collatéral?

Je ne doute pas de l'amour des pères séparés pour leurs enfants. Loin de là. L'existence de cet amour rend justement doublement difficile à comprendre le détachement absolu dont certains font preuve à l'égard de leurs marmots comme si plus rien de la relation entamée avec eux n'avait d'importance.

Il existe nécessairement une explication. Un état psychologique que je n'ai pas bien cerné, sans doute?