samedi, mai 31, 2008

Le changement

Il y a les changements radicaux, impulsifs. Les coups de tête, ceux qui nous font bouger alors que l'instant d'avant, certains aspects de notre vie nous paraissaient suffisamment convenables pour qu'on ne les remette pas en question. Ceux-là sont des "inspirations divines", ceux-là font que l'on décide de quitter notre emploi subitement en se sentant prêt à en assumer toutes les conséquences sans nécessairement avoir de filet. Le changement se passe bien et on rit d'étonnement d'avoir fait une chose aussi rationnellement insensée, mais nécessaire pour s'aérer l'esprit ou demeurer fidèle à soi-même.

Parce que ce sont eux qui nous rendent le plus fiers, ceux dont je veux vous parler sont cependant les changements longuement mûris, ceux vers lesquels on aimerait converger sans toutefois sentir en soi suffisamment de courage, de solidité et de volonté pour y accéder. Ceux qu'on sait envisager sereinement avec notre tête sans sentir en soi l'appui total, entier et essentiel du coeur et de l'esprit qui assureront la solidité de notre décision quoi qu'il arrive.

Dans La maison sur la falaise -un de mes films préférés-, le père explique à son adolescent rebel que ces changements-là sont merveilleux parce qu'ils peuvent demeurer longtemps en latence et que dès qu'ils se mettent à s'amorcer en nous, on ne se rend même pas compte que le processus est enclenché. Un jour, on sent que la force nous habite et on s'en étonne parce que durant des mois ou des années, le changement n'était ni envisageable ni perceptible tant il demeurait au stade de fantasme. Pourtant, intérieurement, clandestinement, tout était en branle dans les plus insoupçonnables racoins de nous-même.

Subitement, tout devient clair. On sait. On est prêt. On fait le grand saut: on déménage; on part à l'étranger; on quitte sa sécurité; on règle une vieille querelle; on met fin à une relation qui nous rend malheureuse; on décide d'avoir un enfant; on affronte avec une force tranquille la personne qui nous effraie le plus; on cesse de s'exposer à une personne dont on savait l'influence négative sur nous, on cesse d'endurer ce qu'on tolérait par dépit, on prend un taureau -quel qu'il soit-par les cornes.

J'aime ces changements. Ils m'émeuvent parce qu'ils ont du mérite. La femme qui sait avoir la force de quitter son conjoint violent, l'exploité qui décide que ÇA SUFFIT, la personne tellement tolérante d'une situation insensée qu'elle se fait violence et s'éteint à petit feu. Quelle remarquable fierté que de pouvoir dire: "Je l'ai enfin fait!"

J'ai de l'admiration et du respect pour ceux et celles qui répondent à l'appel de détresse de leur intégrité intérieure, qui n'en peuvent plus d'avoir l'impression de se mentir, qui passent à l'action pour continuer de se sentir vivants.

Peut-être certains de mes lecteurs/trices en sont-ils là dans leur vie. Si tel est le cas, sachez que dans un silence pas si silencieux que ça, j'ai une pensée d'admiration pour vous.

5 commentaires:

Nanou La Terre a dit...

Il n'y a qu'un pas pour nous faire sauter définitivement de l'autre côté de la "prison intérieure".Tout n'est qu'une question de SURVIE.

À un moment, le choix s'impose par lui-même et par un moment de grâce, tout devient clair. Alors le pas à faire devient soudainement facile; vivre ou mourir à petit feu.

La Souimi a dit...

Merci pour cet autre Grand Billet, Grande Dame. Que c'est beau!
Oui, je pense aussi à quelqu'un qui fait partie de la blogosphère en te lisant. Te lire lui fera certainement beaucoup de bien.

Je pense que les changements dont tu parles sont des actes d'amour envers soi. C'est se placer en premier. Ça m'a pris plus de 40 ans pour comprendre ça. Me concernant, je suis plus vieille que toi, j'ai eu à abandonner toute cette épouvantable mentalité judéo-chrétienne culpabilisante. C'est fait. Et c'est un pas de plus vers la liberté.

Merci, Grande Dame!
En passant, je trouve que vous avez un talent fou en écriture. D'une limpidité...D'une richesse....D'une profondeur.... Publiez! Publiez!

Pur bonheur a dit...

Tiens tiens. Après t'avoir lue, j'ai le goût de brasser ma cage! haha!

Grande-Dame a dit...

Souimi, je mets vos flatteuses paroles dans mon sac à mauvais jours! Merci!

Tania a dit...

J ai adore La Maison sur la Falaise aussi...quel beau film triste mais plein d espoir, de reconciliation, la preuve qu il n est jamais trop tard pour faire de soi une meilleure personne.

Sur certains aspects de ma vie, j assume mes choix pleinement - mes voyages, par exemple - meme si ce n est pas facile de laiser tout derriere et de s installer ailleurs pendant une longue periode de temps...mais sur d autres, j ai longtemps endure, en amitie ou en couple... la-dessus, je suis pas mal moins forte, et c est vrai que ceux qui s affirment enfin meritent tout notre appui.
(desolee pour l ortho, foutu ordi japonais avec clavier francais!! hahaha)