jeudi, mai 15, 2008

L'intégrité de la personne

Nous avons reçu récemment à la maison une visite qui m'a pour le moins déstabilisée. J'avais mis en vente un meuble et c'est un homme qui prit contact avec moi pour en faire l'acquisition.

L'acheteur se présente donc à la maison tel que convenu. Oh! Surprise, l'homme se présente comme une femme: traits adoucis par un léger maquillage, seins énormes (lire ici: simplement plus gros que les miens) sous un t-shirt féminin, coupe de cheveux féminine ornant la tête de ce costaud corps d'homme.

Malaise. Je tente de faire abstraction de ces "futilités" physiques pour m'en tenir à la transaction et fais de mon mieux pour éviter tout accord de la langue en genre.
Je bafouille, il est évident que la situation me déstabilise.

Mon homme aide son acolyte à transporter le meuble et Frédéric demande: "Papa pati avec le monsieur?"

-Euh...Papa est parti aider...la personne.

-Ah.

Transaction terminée, Fred demande: "Pati le monsieur?"

Grand-Homme corrige: "Partie la madame".

Moi: "Il faut dire monsieur ou madame?"

Grand-Homme: "Je ne sais pas, mais c'est la première fois que je rencontre une femme qui porte à gauche."

Je descends border mes fils. Grand-Charme demande: "C'était un transexuel?"

-Euh...genre. Je dirais plutôt "travesti".

Tout-Doux rajoute qu'il a aussi remarqué.

Coco demande c'est quoi un "tranche sexuel". Grand-Homme lui explique.

S'ensuit une longue réflexion personnelle et en partie avec les enfants: pour qu'une personne en vienne à changer complètement ses habitudes vestimentaires, son allure et éventuellement, son sexe, il faut que le malaise suscité par son sexe "originel" soit supérieur au poids éventuel (et inévitable) du jugement et du regard des autres (ce qui est énorme en soit).

J'en suis encore secouée. Il y eut la surprise, mais je pense aussi au le fardeau qui a amené cet homme à faire le choix d'affronter le lourd et souvent incommodant regard des autres. Cela demande un courage immense et une intégrité hors du commun!

J'ai beau faire de mon mieux pour ne pas juger, je suis grandement remuée par le calvaire intérieur que devait vivre cet homme pour en venir à choisir de se métamorphoser tranquillement et à s'affirmer ainsi.

J'ai lu il y a quelques mois un blogueur dont j'ai oublié le nom qui parlait de sa propre expérience en la matière. Ça fait réfléchir. Tous les marginaux font réfléchir.

11 commentaires:

Tania a dit...

Je travaillais dans un magasin de chaussure et il y avait quelques clients qui venaient acheter des souliers de femmes (dans les très grandes pointures évidemment). Je me rappelle particulièrement de trois clients "réguliers"; l'un était tellement extraverti qu'il n'y avait pas de gêne, juste quelques fous rires, avec et sans lui (l'accoutrement était plus que déstabilisant).

Un autre ne disait strictement rien, c'était presque gênant de l'avoir dans le magasin tellement c'était apparent que c'était un homme, et qui n'était quasiment pas approchable. Celui-là faisait effectivement pitié à voir, il devait avoir ses raisons de se refermer et de refuser notre aide.

Et un autre, un gentil monsieur début soixantaine, pantalons de cuir et camisole rose bonbon, que j'avais bien servi une fois et qui était revenu en me demandant spécifiquement, croyant que je me rappelerais jusqu'à sa pointure... j'avais oublié, mais je me rappelais son goût pour les très hautes bottes de cuir à talons hauts, et ses problèmes de "mollets trop forts" pour nos bottes.

Tous ces hommes ont provoqué chez moi un certain malaise, peut-être aussi du fait que je n'ai pas grandi "en ville" là où on en voit de toutes les couleurs. Ce qui est hors-norme attire l'attention, nous confronte à "la norme" (tiens, elle revient celle-là! ;o)), et à tout ce qui s'en exclut, volontairement ou non.

Mais c'est bien vrai que le malaise intérieur doit être bien grand pour préférer les regards désapprobatoires ou simplement curieux des autres...

Anonyme a dit...

Vous devez faire allusion à Michelle Blanc. Son travail transitoire est d'autant plus remarquable qu'il se fait à travers un métier ingrat pour l'apparence : le nôtre, le monde des communications en entreprise.
On peut d'ailleurs suivre son parcours et ses états d'âme sur son blogue personnel.
http://femme-2-0.blogspot.com/
***
Derrière chez moi vit Florence. L'an dernier, elle s'appelait Armand. On peut suivre, aux premières loges, l'évolution de sa transition, ses coups de gueule (et les effets des hormones sur son caractère déjà bouillant !). Elle est sympathique, mais en veut encore à la terre entière de l'avoir fait naître homme alors qu'au fond d'elle, tout est féminin. Quand elle s'est présenté chez moi la première fois, elle venait y effectuer un travail d'électricienne. Elle était aux premiers gestes de féminisation. Bizarre. Personne ne savait trop comment il fallait l'appeler... Aujourd'hui, tout est clair. Sinon la pomme d'adam !

Véro a dit...

mon oncle disait toujours... Toi si tu avais un gars de garcon alors que tu es vraiment une fille au fond de toi, tu te sentirais comment?

Solange a dit...

Un homme dans la cinquantaine derrière chez-moi, s'habille en femme depuis 3 ans. On le rencontre à l'épicerie décolté plongeant pantalon taille basse, pas très élégant. Les gens rient de lui dans son dos. Ça fait pitié,il a l'air sûr de lui mais je pense qu'il doit être bien malheureux personne n'ose lui parler.

Taïga a dit...

Vraiment déstabilisant... Monsieur ou Madame? Simplement vous?
Hummm..
Madame lui aurait peut-être fait plaisir!

Anonyme a dit...

Par respect, il faut identifier les transsexuels par leur genre d'élection. Dans ce cas-ci il faut dire "une transsexuelle" et, par conséquent, l'appeller madame.

Au début, l'apparence peut être surprenante car la testostérone est une hormone très agressive. forcément, elle a eu le temps de faire des ravages chez celles qui entreprennent leur transition à L'âge adulte. Celles qui ont l'unique chance d'avoir des parents compréhensifs qui acceptent de voir leur garçon devenir la fille qu'elle est réellement, passe innaperçues lorsque les hormones féminines sont prises à l'adolescence, afin d'empêcher la pousse des poils superflus, l'élargissement des épaules et la mue vocale.

Il faut voir comment les transsexeuls, eux, passent facilement innaperçus, même quand ils commencent à prendre la testotesrone à l'âge adulte. Tout trait féminin disparaît très rapidement et après un an d'hormonothérapie, on ne voit plus que l'homme qui était caché dans ce corps de femme.

Grande-Dame a dit...

Anonyme, un/une transsexuel-le, ce n'est pas uniquement lorsque l'opération finale a été complétée?

Vous croyez qu'il est plus incommodant pour une/une trans de susciter un embarras ou de se faire demander sans détour s'il faut appeler monsieur ou madame, cela demandé en tout souci naïf d'utiliser la formule correcte?

Anonyme a dit...

Parfois, je crois que le malaise que l'on ressent provient davantage du fait que l'on ressent leur malaise - malgré nous. Les sensitifs c'est comme ça!

Si le gars est bien dans sa peau, qu'il s'assume - peu importe le nom transexuel ou guai- il le communiquera aussi. Et par le fait même, vous serez moins mal à l'aise.

Mais, disons que mon expérience se résume davantage avec les guais. J'ai eu un voisin dont je n'ai jamais soupçonné l'orientation guai jusqu'au jour ou je suis invité chez lui: 3-4 hommes sont présents, la co-loc, puis les couples (beaux hommes arrivent) . Houp! ça s'pourrait-tu? Puis est arrivé un invité seul, mais bien à l'aise dans sa peau, il avait été marié, avait des enfants. Je me suis mise à discuter. Et ça m'a replacé. Mais, malgré tout, ça nous questionne et ce n'est pas toujours facile à comprendre.

Ma dernière expérience, l'un deux a travaillé avec moi. Il était adorable, très compétent et professionnel, un vrai gentilhomme et j'ai regretté son départ. Dommage! Il avait déjà sa perle.

Anonyme a dit...

Non Grande-dame, la transsexualité n'est pas liée au fait d'avoir ou non subi une chirurgie de réasignation sexuelle. Cette chirurgie coûte cher et plusieurs s'en passeront. Aussi, elle n'est pas au point pour les hommes ce qui fait que beaucoup des transsexuels choisiront de garder leurs organes génitaux féminins malgré l'apparence masculine de leur corps associé à la prise d'hormones.

Par ailleurs, la transsexualité et l'orientation sexuelle sont deux choses différentes. Une transsexuelle (post-opérée ou non) en couple avec un homme ne se perçoit pas dans un couple gai mais bien dans un couple hétérosexuel du fait de son identité de genre féminin. J'ai un couple d'amis formé d'un homme et d'une transsexuelle qui se sont connus alors qu'elle était en attente de sa chirurgie. Jamais ni l'une ni l'autre ne se sont vu comme un couple de gai. D'ailleurs, l'homme a toujours été en relation avec des femmes.

Quant à savoir comment appeler une personne dont l'état nous semble ambiguë (ce qui est le cas au début du processus), le mieux c'est de se fier aux signes ostentatoires pour identifier le genre de la personne et, par conséquent, l'identifier avec son genre d'élection. Dans ce cas-ci, madame.

Aussi, il ne faut pas confondre le travestisme avec la transsexualité. La première renvoie au plaisir sexuel à l'idée de transgresser les notions de genre (porter des sous-vêtements féminins ou du linge de l'autre sexe pour causer une excitation sexuelle) alors que la transsexualité renvoie à la douleur associée à la dissociation entre le genre d'élection et le corps. Dans ce cas-ci, je doute que c'était un travesti.
Julie

Grande-Dame a dit...

Merci pour les précisions.

"Travesti" suggère plus d'excentricité, de fantaisie. Ce n'était pas le cas avec cette femme (étrange à prononcer, quand même!). J'aurais plus associé transsexuelle à la post-opération, mais c'est vrai que comme on ne va pas systmatiquement vérifier...;)

Je note la différence.

Anonyme a dit...

Il y a un excellent film québécois qui traite de la question. Le sexe des étoiles. Je suis touchée chaque fois que je le regarde, pour avoir tellement fréquenté et baigné dans le milieu allosexuel, presque à temps plein.

Zed