mercredi, mars 19, 2008

Le désengagement comme prémisse à la glorification

Lorsqu'on est séparée et que l'autre parent demeure à l'écart de certaines réalités des enfants pour lesquelles on souhaiterait qu'il s'implique pour obtenir un soutien plus que minimal, on finit malheureusement par s'habituer au désengagement.

On finit par tout prendre sur ses épaules en n'osant plus rien demander parce que les refus sont trop familiers, les conditions exigées dépassent l'entendement et que le contact avec l'autre parent encore empli d'amertume acidifie une relation qu'on voudrait depuis si longtemps enfin exempte de fiel.

Lorsque l'autre parent accepte enfin de donner un peu d'implication pour quelque chose qui aurait dû être dès le début, on finit presque par le glorifier pour cela et on n'ose rien demander de plus qui pourrait faire basculer l'engagement tout frais qui nous offre enfin un petit répit. Un tien vaut mieux que deux tu ne l'auras peut-être pas.

On se tait donc. On assume les coûts qu'on passe sous silence parce qu'oser demander en plus une implication financière supplémentaire pour des besoins particuliers alors qu'on vient d'obtenir la grâce du temps qu'il est prêt à accorder à son enfant risquerait de nous faire perdre des acquis.

Je remarque beaucoup cela chez mes amies monoparentales. C'est dommage, mais fréquent. Hélas, je ne fais pas exception à la règle. Je suis tombée moi aussi dans ce triste panneau.

Le pattern est aussi remarquable dans la gestion des tâches ménagères, pour lesquelles c'est souvent le même qui hérite (malgré lui) d'une série de tâches. Lorsqu'enfin l'élément du couple le plus détaché de l'entretien de la maison (voyez comme ma formulation prudente tend à préserver l'anonymat et à ne formuler aucun sous-entendu) réalise enfin l'exploit d'une brassée pliée ET rangée, d'une salle de bain nickel ou encore plus remarquable, d'un plancher propre, on n'ose plus rien revendiquer. Le miracle vient de se produire, nous avons été béni des Dieux, il nous faut laisser quelques jours de répit au nouveau héros pour lui permettre de se reposer et d'apprécier pleinement le sens et la portée de sa bravoure domestique.

Une tâche exceptionnelle a été réalisée, en demander plus serait un outrage à l'exploit qui vient de se produire en ce bas monde. On en vient à banaliser avec humilité nos propres réalisations, on se prosternerait presque pour afficher toute la gratitude qui nous habite envers l'autre. On remercie à voix haute, on s'extasie de bonheur. Il faut absolument que l'autre sache que nous avons remarqué. Renforcement positif à grandes pelletées.

Jamais je n'oublierai la façon ridicule qu'avait mon père d'étaler sur la table de cuisine toute la vaisselle propre qu'il venait de laver (et qu'il nous interdisait formellement de ranger). Il tenait à tout prix à ce que sa femme bénéficie du spectacle éblouissant de tout le travail qu'il venait de réaliser dans un remarquable labeur. Non mais, pensez-y, il n'avait pas seulement lavé, mais ESSUYÉ la vaisselle à la sueur de son front après avoir passé un épuisant après-midi à jouer au pendu sur le (défunt?) Videoway!

Sa femme arrivait de sa journée au travail épuisée et devait subir l'atroce discours de mon père en quête d'un peu de mérite pendant qu'elle préparait le souper. C'était l'unique fois du mois qu'il faisait la vaisselle et c'était à peu près la seule chose qu'il faisait comme implication domestique mais on en entendait parler longtemps. Il se plaisait à s'auto-glorifier d'être le SEUL à avoir à coeur le souci de la vaisselle de cette maison. Nous l'écoutions s'emporter parce que nous n'avions pas encore fait faire de statue de bronze en l'honneur de sa bravoure domestique d'homme. Des années après cette courte période, il nous parlait encore de son héroïsme et ma foi, je crois qu'il attendait encore de nous fleurs et vénération. Nous riions de lui de bon coeur et il s'emportait encore davantage avant que nous ne percevions l'ébauche d'un sourire lorsqu'il réalisait son ridicule (Cher papa! J'aimerais bien l'entendre à nouveau et me payer sa tête de héros non officiellement reconnu...si peu d'honneurs pour un si grand don de soi!!).

N'est-ce pas triste, pitoyable et malsain, quand on y pense, d'en arriver là?

16 commentaires:

Véro a dit...

Nous avons encore du chemin à parcourir... Je suis une chanceuse qui reste avec un homme moderne... Il voit le ménage à faire et l'execute :)

lâche pas tu vas le domestiquer un jour!!!

;)

Dr Maman a dit...

Je vois beaucoup de parallèle dans ce que tu décris..... s'occuper des mousses 1/2 journée et le voilà exténué.... (rolling eyes!)

Courage.. ;-)

Pur bonheur a dit...

Je ne sais pas si tu as lu la bio de Janette Bertrand où elle raconte l'époque des femmes à la maison qui se devait d'être nickel , la femme bien maquillée, les bébés frais sortis du bain et sentant la poudre et l'homme qui en revenant du boulot se servait un Gin Tonic avant de 's'éfouéré' sur le divan en criant : Qu'est-ce qu'on mange pour souper? ' et elle qui avait très envie de répondre : ' DE LA MARDE' !

Anonyme a dit...

Oui, ma fille c'est une réalité qui existe non seulement à la maison, mais parfois aussi au travail...

Vingt ans après, même le divorce, il arrivait à ton père de se glorifier du ménage qu'il faisait à l'époque. Il disait qu'il faisait tout: un petit coup de plumeau par ici, par là, et passer l'aspirateur. Je me suis toujours demandée ce qu'il attendait au juste, alors qu'en fait, je faisais tout le reste. Et même après toutes ses années, ça n'a guère changé!

D'ailleurs, dans un document ou j'avais travaillé en groupe sur les femmes chef de famille, en couple, ou monoparentale....la femme se tape la grosse majorité des travaux.

Alors, il faut penser "astuces, petite carotte au bout du nez pour faire avancer l'ane qui se cabre et puis à défaut d'autre chose, en rire...pourquoi pas.

Lâche pas! Et surtout il faut enseigner à ta relève "participe-action".L'idée du trophée est excellente, je la retiens.

Caro et cie a dit...

Malgré quelques tentatives infructueuses de Pat, je n'embarque pas là-dedans... Jamais je n'ai loué son aide dans la maison... ON fait ce qu'il faut, nous sommes une équipe. IL n'y a pas plus de mérites pour lui que pour moi qui me tape la totalité et qui gère tout à la maison!

Chocolyane a dit...

J'ai aussi un homme plus que moderne, et j'en suis bien heureuse!

Karim'Agine a dit...

Cette réalité est vraiment répendue. Cela me fait énormément réagir.

Sommes-nous encore en train de vivre les répercussions de la vieille mentalité? Ça dure dont bien longtemps chez l'être ces vieux comportements, ces vieilles croyances?

Ne sommes-nous pas un peu responsables, femmes, que ce tout perdure? Responsables c'est un grand mot, c'est notre seuil de tolérance aux traineries et à la saleté qui est moins élevée et qui nous pousse à tout faire, car on en peut plus. Quel message l'homme reçoit-il alors?

Que faire? Chaque femme à sa manière de gérer le problème. Mais pourquoi avoir à le gérer? C'est frustrant!

La femme a voulu et veut encore être à égalité avec l'homme. À ÉGALITÉ, pas superwoman. On peut effectivement faire les mêmes boulots...rendus à la maison, si nous étions vraiment sous le même pied d'égalité, les repas seraient départagés, le ménage et le lavage tout autant!

Juste de constater que l'on en est encore là me glace le sang. Comment se fait-il que l'on vit encore cela? Que l'on soit encore à tenter d'encourager monsieur lorsqu'il lève le doigt dans la maison? Que l'on pense mettre ses traineries dans un sac vert? Que l'on ait à demander, quémender? Grrrr

Bien chanceuses celles qui ont un homme moderne. En espérant que nos enfants vivent une réalité plus équitable.

ouff
La vaisselle va attendre un peu autrement je vais la casser.

Méli a dit...

Ton billet me fait du bien, je suis tellement frustrée par les niaiseries de mon ex en ce moment... Selon le jugement, lorsque notre fille est en congé sa fin de semaine, il devrait la garder les jours de congé... mais ne le fait pratiquement jamais... il la voit à peine 4 jours par mois, il pourrait la voir 5 et il refuse... Et ma fille aimerait le voir plus... Bof, j'ai pas divorcé pour rien... N'empêche, c'est à pleurer des fois !

Nanou La Terre a dit...

Hum...

Nos conjoints ne sont pas nos enfants et je ne crois pas que ce soit à nous en plus de les éduquer.On a autre chose à faire non? Et s'il faut le faire constamment, alors il y a problème.

Peux-tu t'imaginer te faire couvrir d'éloges à chaque fois que tu fais une brassée?

Lorsqu'il y a laisser-aller, je crie haut et fort. Çà m'est arrivée de prendre la porte et de les laisser dans le merdier(mon conjoint et mon fils).Çà pédale et çà se ramasse...Par chance, çà n'arrive pas souvent.

Éviter de tout faire à la place des autres, pas facile mais faisable!

Mes règle d'or:

1)ne jamais ramasser personne. Ils savent que je ne suis pas leur esclave.
2)Chacun a ses tâches.J'évite surtout de leur faire un cadeau en faisant une tâche qui n'est pas la mienne.
3) Pour que les tâches de chacun soient claires, il faut d'abord s'asseoir,les définir, les attribuer et surtout, s'y conformer.

Nanou La Terre a dit...
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Nanou La Terre a dit...
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Une femme libre a dit...

On croirait que quand il y a séparation, il s'agit d'une mésentente de base profonde. Or, il semblerait que non. Les causes primaires de dispute seraient l'argent et la partage des tâches. Je trouve ça triste, profondément triste, quand on en arrive à calculer exactement ce que nous on a fait et ce que l'autre aurait dû faire et qu'on s'y tient mordicus. Je ne dis pas que ce n'est pas légitime de vouloir partager les tâches ménagères, je dis simplement que quand l'amour est là, il est aussi fait de don et d'abandon et que autant ça m'énervait que le père de mon fils calcule tout au restaurant, le pourboire compris et me dise que je lui devais quatorze dollars et quarante sept! en me remettant sérieusement cinquante-trois sous sur le quinze que je lui donnais, autant je trouvais ça ridicule et j'avais envie de rire, autant le contrôle maniaque de ce qui doit être fait par qui et quand m'horripile. Car il s'agit bien de contrôle. Celui ou celle (car il y a bien des celles aussi!) pour qui le ménage et la perfection domestique sont moins importants ne sera pas porté à calculer. Donc on se retrouve avec une maisonnée gérée par un membre du couple, l'autre obéissant ou non aux règles du gérant ou de la gérante. J'y vois un écueil. Mais évidemment, vous pouvez bien me demander qui je suis moi, pour vous dire comment vivre vos couples, alors que je n'ai pas longtemps vécu dans la quotidienneté maritale et vous aurez bien raison...

Miylen a dit...

Très vrai ce que tu dis.
Bon à la maison avec mon conjoint actuel, je ne l'encense pas ( et il en fait plus que moi depuis un moment).
Mais mes enfants viennent de deux pères différents. Le premier ex est un irresponsable de première. Le deuxième en fait plus et aime sa fille, ce qui est normal mais que j'ai tendance à apprécier plus que normal... Je le compare à ex numéro 1 et je me considère chanceuse qu'il ne soit pas comme ça... Pourtant, il ne fait rien d'exceptionnel finalement... Il est juste respectueux, il prend sa fille régulièrement et pait une petite pension chaque deux semaines sans faute. Faudrait pas non plus que je lui fasse faire un trophée...

Nanou La Terre a dit...

Pour faire suite aux commentaires de Femme Libre, j'aimerais éclaircir certains propos qui ont de toute évidence été mal compris. Preuve que ce n'est pas toujours facile de communiquer et qu'on se doit de fournir des explications de la plus grande clarté possible. Aussi, ce sujet chaud me semble un bon commencement de partage d'opinions.

Il ne s'agit nullement de contrôle maniaque mais simplement de respect mutuel.S'il y a contrôle, alors il y a problème. N'est-ce pas ce qu'on enseigne constamment à nos enfants? Le respect, le sens moral?L'enseigner à mon enfant et faire le contraire m'apparaîtrait bien contradictoire.Tout est question d'équilibre, le don de soi bien dosé étant aussi important à mes yeux.

Que ce soit dans une relation de couple, à l'école, au travail, je trouve important d'exprimer clairement mes attentes; ce que je désire,ce que je ne désire plus, lorsque la situation se présente.Personne ne peut deviner ce qui se passe dans la tête de quelqu'un. Si on ne dit rien et ne fait rien, il ne se passe absolument rien.

Dans un couple, le non-dit et l'accumuation de frustrations peut conduire à l'éclatement de celui-ci.
Pour ma part, j'aime mieux éclater à petite dose au fur et à mesure. Ainsi, tout le monde connait ma couleur et sais à quoi s'en tenir.

J'avais lu quelque part cette vérité surprenante, gage de succès dans un couple: " Il faut savoir ménager la succeptibilité de l'autre." Si on connait bien l'autre, on sait ce qui le chagrine ou le mets hors de lui.Et si on continue à ne pas le respecter malgré ses attentes, il faut s'attendre et accepter l'explosion. Bien sûr ces attentes ne doivent pas entrer en contradiction avec votre propre bien-être personnel, elles doivent être réalistes et respectueuse vis-à-vis l'autre.

Je ne crois pas au don de soi perpétuel dans un couple ni ailleurs. Celà m'apparaît bien utopique et naîf.Par ailleurs, j'ai déjà vécu avec un conjoint qui prenait l'aspirateur avant moi.Et je n'ai jamais repassé un seul morceau de linge.Peut-être avez-vous vécu semblable relation? C'était dans son tempéremment.Cela ne voulait pas dire que j'avais le droit d'abuser de lui pour autant, çà faisait partie de mon sens moral, de l'éducation que j'avais reçue. Jamais je ne lui ai laissé la possibilité de tout lui confier sur les épaules et pourtant, il m'aurait été facile de le faire.

Enfin, chacun a droit à sa propre opinion. Si on était tous pareil, la vie serait moche, non?

Pour terminer, Grande Dame, vous avez le don d'ouvrir des débats intéressants!!!!

Bizous à tous!

Gooba a dit...

Aucun rapport avec ton billet. Je t'ai courrielé... À propos d'un commentaire que tu as laissé sur mon blogue.

Une femme libre a dit...

Nanou la Terre, ne soyez pas susceptible. J'ai l'art, Grande dame vous le confirmera de susciter la controverse, voire de me faire haïr. Il y a tout probablement une part de moi qui s'y complaît vu que je n'ai pas trop changé à ce niveau. Cependant mon commentaire était général et ne vous visait pas. j'ai énormément d'admiration pour les couples qui durent dans le quotidien et c'est trop facile pour moi qui n'y suis jamais arrivée de porter des jugements et commentaires sur ce qui devrait ou ne devrait pas être fait. Je n'y connais rien et je devrais donc me taire. Mais j'ai une grande gueule. Vous me pardonnerez. Vos explications ont cependant permis d'alimenter le débat. Et je suis tout à fait d'accord avec vous, Grande Dame a des billets variés et souvent percutants. J'ai bien hâte de lire son livre et je lui suggère si ce n'est déjà fait d'en mettre un autre en route sur les relations de couple. Ce serait fort intéressant.