lundi, janvier 14, 2008

Une belle image

J'ai toujours trouvé très puissante l'image d'une jeune femme qui remonte l'allée de l'église au bras de son père le jour de son mariage, le jour où elle est la plus belle du monde.

Si je m'étais mariée, c'est assurément le moment que j'aurais préféré, celui où j'aurais dû retenir mes larmes de toute ma volonté (j'aurais échoué, bien sûr) et où j'aurais été la plus fière: être au bras de mon père pour une marche solennelle. Nous aurions pleuré tous les deux et nous aurions ri de notre émotivité extrême en nous faisant des clins d'oeil.

Je vous ai déjà parlé des funérailles d'une jeune fille ici. J'avais été bouleversée alors de voir les parents marcher lentement vers la sortie de l'église, la mère tenant la photo de sa fille et le père portant ses cendres.

Mon coeur s'était serré très fort et j'avais confié à mon homme ma compassion pour le père, qui s'était peut-être déjà imaginé remonter l'allée au bras de sa magnifique fille pour la mener vers son avenir amoureux. Au lieu de cela, il allait en sens inverse avec sa dignité et tout le poids de son chagrin.

Deux jours avant son décès, papa était assis sur son fauteuil habituel. Je m'agenouillai près de lui et déposai ma tête sur son avant-bras.

Je lui dis: "Tu sais ce qui me rend triste, papa? C'est de penser que si un jour je me marie, tu ne seras pas là pour m'accompagner jusqu'à l'autel."

Il y eut un silence et je devinai sa désolation. Papa, avec sa main libre et tremblotante, se mit à caresser mes cheveux et me suggéra de demander à mon frère.

Je lui répondis que ce ne serait pas la même chose, que c'était aux pères, traditionnellement, d'accompagner leur fille. Il prit un semblant de ton ferme et me dit: "Demande à ton frère. Il va le faire. C'est lui qui va t'accompagner."

Nous nous tûmes tous les deux. Désolation et impuissance devant l'imminente fatalité. Papa cessa de caresser mes cheveux. Ce simple geste lui demandait un trop grand effort physique. Je demeurai là un moment avant de me relever et de retourner à la préparation du souper.

Un autre précieux moment estampillé dans mon coeur.

10 commentaires:

Véro a dit...

ouf! moi qui aura cette chancem tu me creves le coeur!

calins!

Anonyme a dit...

Ouf! et moi qui vient de perdre mon beau et bon papa d'amour le 1er janvier dernier, tu me fais penser à quelque chose qui ne m'avait pas encore traversé l'esprit...

J'ai fini aujourd'hui de lire toutes tes archives, tu écris merveilleusement bien, tu es attachante, drôle, sensible, une mère merveilleuse, intelligente, bref je te voudrais comme amie!!

pistache a dit...

Gros calins!!!

Tu me fais réaliser que j'ai eu cette chance

Pur bonheur a dit...

Moi tu me fais réaliser qu'en me mariant à l'hôtel de ville je n'ai pas eu besoin de mon père, qui était là pourtant. Au civil, ils ne font pas grand cérémonie...

Anonyme a dit...

Moi aussi j'ai eu cette chance ! C'est ce qui m'a émue le plus de tout mon mariage!...j'ai une photo de cela, mon père avait le point de l'autre main serré d'émotion, il se retenait pour ne pas pleurer....je vais garder un bon souvenir, merci de me le rappeler!

Dr Maman a dit...

J'ai eu une double chance: j'ai marché jusqu'à l'autel aux bras de mon père et de ma mère. C'était important pour moi de le faire avec mes deux parents.

Anonyme a dit...

Mon père n'a pas voulu me conduire jusqu'à l'autel, jusqu'au dernier moment, j'ai espéré qu'il change d'avis...
Dîtes vous que ce jour là, il sera dans votre coeur, et qu'il aurait voulu vous avoir à son bras.
Mon frère m'a accompagnée, c'est vrai que ce n'est pas pareil, et c'était très dur... mon mariage ne reste pas dans ma mémoire comme un moment de parfaite joie... parce qu'il manquait l'amour et le soutien d'un père.
Votre père où qu'il soit vous aime et approuve votre choix.

Anonyme a dit...

Bonjour GrandeDame,

Je pense à tout cela avec tendresse. Étant père de deux filles âgées respectivement de 13 et 15 ans, je me dis que j'aurai peut-être un jour le bonheur de les mener devant l'autel...enfin, si elles décident de se marier d'une part et à l'église d'autre part. On verra, mais c'est vrai que c'est un moment qui doit être bien spécial.

La difficulté des hommes, c'est souvent de chercher systématiquement des solutions là où on pense qu'il y a un problème...Ton père aurait probablement pu simplement dire: "Oui, moi aussi j'aurais aimé être là!".

Grande-Dame a dit...

FDM, je te souhaite toute la magie du monde dans ce moment unique.

La frisée, je suis toujours flattée lorsqu'on me dit qu'on a pris la peine de TOUT lire. Je suis honorée d'avoir mérité ta patience! :) Merci de me flatter en plus! Mes sincères sympathies pour ton père.

Céline, j'imagine votre déception! J'aurais été blessée que mon père me refuse cet honneur...

Pistache, Cricri, de beaux souvenirs à chérir pour vous!

Tangerine, ça t'a manqué?

Dr Maman, c'est vrai que tu as été chanceuse! C'est un bel honneur à ta mère que d'adapter la cérémonie traditionnelle à ta gratitude.

Pierre, d'abord, bienvenue! Vous savez, je n'ai pas eu besoin des paroles suggérées. La désolation et l'amour dans les yeux de mon père ont parlé pour lui.

Même si vos filles ne se marient pas, je suis certaine qu'en d'autres circonstances, vous éprouverez l'Émotion et la fierté des femmes qu'elles deviendront.

Anonyme a dit...

Vous connaissez, chère Grande Dame, l'Histoire derrière ma propre marche nuptiale et l'inespérée présence de mon père. Je sympathise "à la folie" avec votre belle image...
Je n'ai pu retenir, ce jour-là, mes larmes. De fierté, de joie, de remerciement, de tout. Comme je vous les aurais souhaité !