mercredi, septembre 05, 2007

C'était un vendredi...

J'étais angoissée par un lourd pressentiment tout ce qu'il y a de plus irrationnel qui me tenaillait depuis une dizaine de jours. J'étais aussi stressée par mon étude de marché et je me noyais dans un océan d'informations dont je devais analyser la pertinence pour la rédaction de mon plan d'affaires.

Mon homme partit donc sans moi chercher mes trois grands garçons qui venaient de passer la semaine de relâche chez Papi, dans les Cantons de l'Est. Sur le trajet de l'aller, il laissa notre beau Thomas à sa marraine, qui voulait s'amuser à construire des "cabams" avec lui (le nouveau dada de Thomas).

Durant leur absence, je travaillai de mon mieux avec, à mes côtés, un sage bébé de cinq mois.

En milieu d'après-midi, mes hommes revinrent à la maison. Comme j'étais heureuse de retrouver ma marmaille! Nous avions beaucoup de pain sur la planche puisqu'en soirée, nous recevions les amis de Grand-Charme pour célébrer son neuvième anniversaire.

Je préparai un gâteau et réchauffai un poulet au riesling avant d'aller conduire Grand-Charme à son cours de théâtre.

En rentrant, nous fûmes accueillis par les "Allooo mamaaan, coucouuu!" de Thomas. Un ami était déjà arrivé et sa présence fascinait autant qu'intimidait notre beau bonhomme. Les autres amis arrivèrent, au grand bonheur de Grand-Charme, qui attendait avec impatience cette petite soirée vidéo.

Une certaine jeune fille du cours de théâtre téléphona à la maison. Elle expliqua à Grand-Charme que son amie était trop gênée pour lui demander de sortir avec elle et qu'elle se faisait donc la messagère. Grand-Charme ordonna à ses amis de lui laisser son intimité le temps qu'il règle "une affaire" au téléphone.

Une fois l'entente amoureuse conclue, les amis furent autorisés à rejoindre le fêté et le quattuor s'amusa un peu avant de déguster le gâteau. Tout le monde prit place à table et Thomas attendait sagement sa part en étudiant les nouveaux visages.

Grand-Homme mit finalement son aîné au lit, puis le reste de la gang alla visionner le film.

Cinquante minutes plus tard, Thomas se réveilla en pleurs. Il réclamait papa et maman. Papa constata qu'il était brûlant de fièvre. Notre bonhomme ignora les Tylenol aux raisins dont il raffolait pourtant. Je lui mis donc un suppositoire d'acétominophène et le berçai tendrement contre moi en discutant avec mon amoureux. Mon bonhomme de vingt-trois mois s'endormit paisiblement dans mes bras et je m'en réjouis car cela faisait une éternité qu'il ne s'était pas abandonné ainsi à moi. Quel précieux moment...

Deux des amis finirent par regagner leurs terres et le silence total envahit la maison.

J'allumai mon ordinateur et croisai sur MSN une copine de discussions tardives. Je lui parlai de mon étrange pressentiment, de ma crainte de perdre un de mes enfants. Curieusement, nous parlâmes de nos différentes expériences respectives impliquant une forte intuition.

Ce fut la dernière journée de Thomas. J'y pense intensément car je guette cette date depuis un bon moment déjà. Mon petit Frédéric a aujourd'hui l'âge de la dernière journée de son frère aîné. Il possède, temporellement parlant, le même capital de journées, le même vécu avec nous, ses parents, sa famille.

Je le regardais ce matin d'un oeil autre, comme si lui aussi pouvait nous être arraché subitement à cet instant précis. Une drôle de masse m'empêche de respirer librement en songeant que demain matin, Frédéric surpassera désormais l'âge éternel de son frère.

La vie suit son cours, mais on n'oublie pas. Cette journée est imprégnée dans chacune de mes cellules.

12 commentaires:

Anonyme a dit...

Grande Dame, j'ai découvert votre blog il y a qq mois, au hasard, de clics en clics. C'était un soir tard et votre plume m'a plu. Puis à la lecture de vos différents billets, votre histoire m'a touchée. J'ai tout lu ce soir là, pas par voyeurisme mais parce que j'étais émue. Depuis, je pense à vous souvent. Je vous trouve admirable, courageuse et si forte. Je veux juste vous dire ma tendresse. Vos mots me touchent, sans doute aussi parce que je suis la maman de deux petits garçons et que j'ai toujours eu au fond de moi cette crainte qu'un jour ils s'en aillent... Ce soir encore, je suis émue par vos mots.Je vous souhaite tout le bonheur du monde. Je vous souhaite de vivre sereinement et de garder les souvenirs de Thomas intacts. Je vous souhaite de profiter et d'apprécier les bonheurs de vos autres garçons... Bénédicte.

Véronique a dit...

Je ne savais pas encore "comment ça c'était passé" . Si vite...
C'est incroyable, incroyable dans le sens que je n'arrive pas y croire, à croire que quelque chose peut arriver aussi rapidement, sans avertissement, quelque chose d'aussi malheureux.

Anonyme a dit...

Les présentiments existent bel et bien ! Ils peuvent aller d'un simple feeling difficile à cerner à une vision claire et nette...

Le plus difficile est d'apprendre à distinguer la peur que quelque chose arrive d'avec le présentiment vrai. Les deux étants sensiblement la même chose au niveau sentiment....

C'est en effet une toute nouvelle étape que celle où ton bébé atteint l'âge de Thomas...xxx

Karim'Agine a dit...

J'ai la simple envie, aujourd'hui, de vous envoyer pleins d'ondes positives, pleins d'amour, pleins de force pour affronter cette date si lourde de souvenirs.

À vous et à votre famille, avec la plus grande rendresse qui m'habite, je pense à vous.

Mme Marie-Andrée a dit...

Votre histoire me touche beaucoup. C'est si triste de seulement imaginer perdre un enfant que j'ai envie de réagir, mais je ne sais quels mots utiliser pour vous dire toute ma sympathie. Thomas devait être triste de ne pas pouvoir profiter plus longtemps d'une aussi chouette famille.

Taïga a dit...

Comme toujours tu as su nous faire entrevoir une partie de ta vie avec beaucoup de sensibilité. Les souvenirs de Thomas ne se perdent pas... nous sommes tous là pour le faire "vivre" en le partageant avec nos proches.

Pur bonheur a dit...

Une chose est certaine. Ce bébé s'est senti désiré, aimé jusqu'à son dernier instant.

Anonyme a dit...

On n'oublie pas non, et j'ai presque envie de dire heureusement. Tu es dans mes pensées.

Anonyme a dit...

une petite fleur pour toi...

xoxoxo

Cyndie a dit...

Je suis encore une fois au comble de l'émotion, comme chaque fois que je lis tes écrits sur Thomas. Une grosse pensée pour toi, pour ton petit Thomas, et aussi ta famille.

Pascalou a dit...

Lorsque j'ai commencé à lire ton blog ma plus jeune, Lena, avait à peu près l'âge de Thomas lorsqu'il vous a quitté. J'ai été terriblement émue par votre histoire et votre courage.

Je peux t'assurer qu'aujourd'hui je profite de chaque mots, sourires, rires de mes enfants. Nous ne sommes pas toujours conscients de notre fragilité sur terre.

Je vous envoie un rayon de soleil.
Pascale

Méli a dit...

Je t'envoie simplement un gros câlin...