mardi, août 14, 2007

Discussion d'allée

Après être passée chercher mon bonhomme à la garderie, je m'arrêtai à l'épicerie pour quelques achats de dernière minute.

En marchant de mon pas pressé habituel, je croisai une dame dont le visage m'était familier. Je vis dans son oeil la même lueur de "pense-vite", mais ne nous reconnaissant pas, nous continuâmes chacune notre chemin.

Puis, croisant un de ses fils qui la suivait, je reconnus l'ami de Grand-Charme et m'exclamai: "Tiens! Bonjour Ami!"

-Oh, regarde maman, c'est la maman de Grand-Charme!

La dame se retourna alors pour me saluer chaleureusement. Une fois les convenances polies échangées, j'osai: "Madame, ça fait longtemps que je souhaite vous revoir pour vous dire quelque chose."

La gentille dame se mit visiblement en mode "réceptivité".

"Vous êtes musulmane. (Elle acquiesça de ses beaux grands yeux verts empreints de bonté). Lorsque mon fils est décédé, nous ne nous connaissions pas du tout. Pourtant, vous avez pris la peine de me téléphoner pour me parler et offrir vos sympathies à ma famille. Grand-Charme a beaucoup d'amis, mais les deux seules mamans qui ont pris la peine de venir vers nous sont vous et..."

Elle me nomma doucement le nom de l'autre maman Algérienne. J'acquiesçai à mon tour.

-La plupart des autres mamans nous connaissaient déjà. Dans notre culture, peu de gens, à moins d'être des proches, auraient osé faire une chose pareille. La mort rend les gens mal à l'aise. Je voulais vous dire à quel point j'avais été touchée que vous ayez pris la peine de nous téléphoner. Je me suis demandé souvent si le naturel et le respect avec lequel vous m'avez abordée était culturel...

La jeune femme m'expliqua: "Dans notre culture, quand quelqu'un vit un drame comme celui-là, tout le monde apporte son soutien. Si je vous avais connu ne serait-ce qu'un peu plus, il aurait été naturel que je vienne chez vous faire votre ménage, m'occuper des autres enfants ou préparer vos repas."

Puis, elle me parla de sa tante, très éprouvée par la mort de son fils de vingt-cinq ans tué par des gredins contre lesquels il tenta de se défendre et de sa mère qui, chaque année, durant les trois premières semaines d'août, allait aider la tante qui revivait le calvaire des trois semaines de souffrance qui ont précédé la mort de son fils.

Elle s'est enquérit de notre état émotif aujourd'hui, puis nous fûmes interrompues par l'ami de Grand-Charme, qui me faisait remarquer que Bébé était en train d'enlever la pellicule plastique de mon paquet de veau.

Je réitérai à la dame ma gratitude pour son geste de sollicitude, puis elle conclut en me disant: "Faites-moi plaisir, Madame, arrêtez-donc prendre un café".

-Ce serait avec joie.

Je lui souris, puis saluai ses garçons.

Vous aurez deviné que je venais de rencontrer
cette femme.

12 commentaires:

Pur bonheur a dit...

Je suis contente que tu l'aie revue. Ça te 'chicotais' depuis un moment.

Gooba a dit...

C'est drôle, en lisant le début, j'ai pensé à cette dame dont tu avais déjà parlé... Je suis aussi contente que tu l'aies revue et que tu aies pu lui parler...

Taïga a dit...

Je suis contente que tu ais rencontré cette femme. Ça dû te faire un bien immense.

Oréole a dit...

C'est touchant...elle est bien humaine...c'est souvent a des petits gestes comme ceux qu'elle a posées que l'on reconnait la grandeur de l'ame qui se retrouve devant soi

Fragments de lucidité a dit...

Quelle belle générosité et grandeur d'âme que d'instinct venir en aide à ces gens qui autour de nous souffrent silencieusement. Vous vous souvenez, Grande Dame, cette phrase que Yanou citait souvent... "Il n'y a pas de hasards, il n'y a que des rendez-vous..." je trouve qu'elle s'applique tellement bien à cette rencontre qui vous a enfin permis de remercier cette dame qui vous a gentiment accueillie dans votre souffrance et vous a épaulé comme elle était en mesure de le faire.

Vous méritiez grandement cette belle et riche rencontre!

Malgré que je me fais parfois plus discrète, je suis toujours une lectrice fidèle de vos textes qui toujours viennent me toucher!

Véronique a dit...

C'est vraiment touchant...et ça me fait réfléchir. J'ai d'ailleurs eu une discussion à ce sujet avec mon chum qui hésitait à se rendre au salon funéraire suite à la mort d'une ancienne connaissance. On avait tous les deux un malaise réel de se retrouver parmi la famille qui doit vivre une douleur incroyable (l'homme s'est suicidé...marié, deux enfants). C'est comme une impression de "voyeurisme" que je comprends tout à fait mal fondée.
J'avais comme cette fausse impression que la famille voudrait vivre ce deuil dans l'intimité, vu que c'est un drame personnel. Et je me bien compte maintenant que la présence, le support des autres semblent important pour quiconque vivant un drame.

pistache a dit...

C'est une belle rencontre et que de belles valeurs. J'espere que tu vas prendre le temps d'aller boire un café avec cette dame.

Cyndie a dit...

Je suis contente que vous ayez enfin pu revoir cette dame merveilleuse, vous y teniez tant...

Anonyme a dit...

C'est une très belle leçon d'humanité que je n'oublierai pas. C'est vrai que la mort fait peur mais la solidarité, la compassion, c'est tellement important...

FD-Labaroline a dit...

Faites-le grande dame, allez prendre un café chez elle, c'est quelqu'un de bien.

Anonyme a dit...

Ce que cette dame a fait pour toi a complètement changé ma façon de voir les choses.

Je me promet de faire comme elle lorsque quelqu'un que je connais (peu ou non) vivra une épreuve, deuil ou autre.

Parce que le dicton dit "Traites les autres comme tu veux qu'ils te traitent"

Grande-Dame a dit...

Merci, précieux lecteurs, généreuses lectrices, de partager mon bonheur.