Nous avons tous un contexte privilégié dans notre vie où, en s'y immergeant, notre popularité croît subitement d'une façon incroyable. Pour certains, il s'agit du milieu professionnel, du cercle social, du gym, du Cercle des Fermières ou d'une quelconque équipe de baseball.
Je vous avoue humblement que je ne suis une femme populaire ni dans mon milieu de travail, ni dans mon réseau social, ni même dans un quelconque cercle ou rectangle d'intellectuels.
Toutefois, à l'inverse de Cendrillon, ma notoriété croît magnifiquement en fin de soirée. Il suffit que huit heures sonnent pour que ma popularité atteigne des sommets inespérés et que je sois glorifiée, louangée, convoitée comme jamais.
Comme les oreillers possèdent, chez nous, la faculté de réactiver la mémoire, dès que les enfants y déposent leurs têtes, TOUT leur revient à l'esprit EN MÊME TEMPS à ce moment. De la feuille qu'on a oubliée de me faire signer à l'incident fâcheux qui s'est produit à l'école, d'une bêtise qu'un membre de la fratrie a faite et qu'il faut absolument que je sache maintenant à la sempiternelle question: "Quand est-ce que la piscine va être prête?" à la réitération de leur amour pour moi ou de mon illustre beauté, il faut s'attendre à tout.
Cela a pour effet de faire empiéter le temps des enfants sur mon essentiel Sacro-Saint Silence de fin de journée.
Chaque soir, au rituel des couchers, je raconte ma journée à ma marmaille. Ils en sont avides. S'ils sont agités ou m'ont fait répéter en soirée, ils ont droit aux grandes lignes d'une façon extrêmement platonique. S'ils ont été sages (lire ici: si mes réserves de patience ne sont pas épuisées), je leur offre une version enrichie avec détails colorés. Parfois même, les bonus de mes expéditions dans la jungle et mes batailles avec différents animaux aussi terrifiants que mystiques.
Évidemment, si les agités n'ont obtenu qu'une piètre version de mes activités quotidiennes tandis que dans la chambre d'à-côté, les sages ont eu droit au récit exhaustif, il en résulte une bruyante déception qui devient parfois un feu à éteindre.
Certains soirs d'intense chaleur, des oreillers émanent une espèce de phéromone d'imagination qui fait que les enfants se relèvent pour venir me voir dix-huit fois plutôt qu'une avec des raisons aussi farfelues les unes que les autres.
Récemment, l'heure du dodo fut extrêmement pénible et il en résulta que les petits obtinrent la version abrégée de ma journée tandis que Grand-Charme, bien calme, s'était vu dévoiler les détails les plus sensationnels.
Tandis que je chantonnais avec désinvolture les deux seules paroles connues de l'honorable pièce Tites patates (de Patrick Groulx) -technique généralement équivalente à un frottage de menton avec le pouce et l'index pour stimuler la réflexion, une lamentation d'insatisfaction en provenance de la chambre d'à côté attira malheureusement mon attention. Je soupirai.
"Mamaaan, c'est pas juste, t'as pas chanté Tites patates dans ma chambre!"
-Petit Caractère, tu te couches et TU DORS.
-Mais mamaaaan! T'as JAMAIS chanté Tites patates dans ma chambre, jamais-jamais!
-C'est vrai, et ce n'est pas ce soir que ça va se passer.
-Maiiiis mamaaaaan! S'il-te-plaît, je veux juste que tu rentres dans ma chambre et que tu dises "tites patates, tites patates". Juste une fois. Après tu t'en vas et je ne me relève plus. Han maman???
Non seulement ma popularité avait dépassé en sollicitation tout ce que j'avais connu comme gloire, mais je venais de me découvrir un nouveau créneau à succès: la chanson absurdo-grossière.
Cela confirma la tenace impression qui m'habite depuis presque treize ans: je suis une mère aux possibilités infinies.
PS. Après maints essais pour insérer un fichier mp3 à ce texte, je rends les armes.
2 commentaires:
Tite-patate ça marche vraiment? holà je prends des notes! J'essaye ça ce soir.
Préfereriez-vous que l'agitation frenétique des fans soit à son comble tôt le matin le dimanche par exemple, à la place ? Genre "Min-miiiiin, il a fini tout le chocolaaaaat !" "mamaaaaan, c'est même pas vrai il en reste un peu !" "maman tu peux me rendre ma Game*boy ?" "tu m'as pas fait griller ma tartine", "y m'a pris mon bol... c'est le MIEN...non, c'est pas pareil, je veux LE MIEN". "Rends-moi mon boooool !" "non c'est pas moi qui nettoie c'est lui qu'a renversé le lait il avait qu'à pas prendre mon bol !"
8h du matin, le dimanche, en lieu et place de la grasse matinée rêvée pendant 6 jours.
Alors ?!
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