mardi, juin 26, 2007
Conventions et autres marques de politesse
Ils sont tous passés par là: ils arrivent un jour de l'école avec un bout de papier sur lequel est inscrit le numéro de téléphone d'un ami.
Ils sont rayonnants de bonheur d'avoir enfin un copain et doublement heureux d'avoir EN PLUS passé le stade du numéro de téléphone.
La première des choses qu'ils demandent en brandissant le bout de papier, c'est la permission de lui téléphoner. Comment refuser un bonheur potentiel si grand (qui plus est, est gratisss) à son enfant dont les yeux brillent déjà?
Le téléphone est un outil de communication tellement usuel pour nous qu'on oublie que quelques règles d'usage ne sont pas innées.
Ainsi, les premières fois se passent souvent de cette façon:
Enfant aux yeux brillants - Allo Ami?
Parent -Euh, non, je suis son papa...
Enfant aux yeux brillants - Je pourrais parler à Ami s'il-vous-plaît?
Parent - Un instant...
Ami - Allo?
EAYB - Veux-tu jouer avec moi?
Ami - C'est qui?
EAYB -Bin c'est moi!
Ami -Qui?
EAYB - Jérôme!
Ami -Ah!
EAYB -...
Ami -...
EAYB -...
Ami -...
EAYB -...
Ils n'ont rien à se dire, mais le simple fait de savoir que l'ami est au bout du fil les remplit de joie. Le silence est probablement un catalyseur de bonheur, si on se fie au sourire béat qui illumine le visage de son enfant.
Souvent, le parent est derrière et inculque à son marmot du même coup quelques conventions téléphoniques (et de politesse) de base pour une conversation réussie:
1) On dit toujours bonjour à la personne qui nous répond
2) On peut lui demander, par courtoisie, comment elle va (un atout)
3) On se nomme lorsque son ami prend le combiné de façon à ce qu'il sache à qui il s'adresse
4) On ne s'impose pas chez lui s'il ne veut ou ne peut pas jouer avec nous
5) On n'insiste pas
6) On ne harcèle pas
7) On n'insiste pas
8) On ne harcèle pas
9) On n'insiste pas
10) On ne harcèle pas
11) Il est inutile de téléphoner plusieurs fois dans la même heure (surtout si on veut gagner des points auprès des parents!)
12) Lorsque ça fait "bip---bip---bip", c'est parce que la ligne est déjà occupée
13) On doit toujours parler poliment aux parents de ses amis
14) Idéalement, on vouvoie les adultes que l'on ne connaît pas
15) On utilise toujours une salutation de circonstance avant de raccrocher (Ok, merci, bye, à tantôt, etc.)
16) On ne prend pas d'ententes de visite avec un ami si on n'a pas au préalable l'accord de maman ou papa
Les premiers temps, on supervise la conversation, on dirige notre enfant devant les imprévus (comme les répondeurs, les deuxièmes lignes expéditives, les erreurs de numéro). On rectifie le tir avec eux s'ils ont oublié de se présenter à leur ami, s'ils ont été impolis avec les parents, si la timidité les a empêchés de bien articuler. Puis, l'utilisation du téléphone devient chose courante.
Parfois, il y a tout de même des ratés. Comme pour mon Tout-Doux de 7 ans désespérément en quête d'amis depuis la fin des classes. Deux (uniques) amis sont sur sa liste VIP. Il les appelle à tour de rôle, demande à aller chez l'un, puis chez l'autre. Chaque jour.
Parfois, je me dis que les parents doivent en avoir marre de ses innombrables téléphones. Je lui impose donc certains espaces-temps où il doit faire autre chose que de vouloir téléphoner chez ses amis.
Il s'étend alors sur le divan comme un animal mort, quelquefois en sanglotant de ma cruauté envers lui quant à l'importante édification de ses amitiés, quelquefois avec ses soupirs et son air piteux à côté du téléphone jusqu'à ce que je l'autorise enfin à l'utiliser.
Récemment, c'est en soupirant qu'il a téléphoné -encore- chez un de ses amis VIP.
Tout-Doux -Bonjour, je pourrais parler à Gabriel? (Bravo, belle introduction)
Parent - Gabriel fait une sieste en ce moment, il va te rappeler quand il se réveillera.
Tout-Doux, soupirant de désespoir -Bin là! (re-soupir!) La dernière fois que vous lui avez dit de me rappeler, il ne l'a pas fait. Pouvez-vous, cette fois-ci, lui dire pour vrai parce que j'aimerais vraiment lui parler. (Oups, besoin d'un petit refresh sur la politesse...)
Parent -???
Tout-Doux -Ok. Bye. (Va pour la conclusion)
***
J'aime bien inculquer quelques conventions de politesse à mes enfants. Certaines codes sociaux vont tellement de soi pour les adultes (courtois) que ceux qui ne les utilisent pas se font regarder de travers.
Quand on va dans un lieu public, par exemple, et qu'une personne entre en même temps que nous, on peut la laisser passer d'un geste en tenant la porte. Je souris de fierté lorsqu'ils se laissent imprégner tranquillement par ces conventions. En voiture, idem. Je leur explique certaines conventions existantes entres automobilistes.
Un jour, en allant conduire mes fils au service de garde, j'observai mon aîné se faufiler rapidement sous le bras d'une jeune fille qui tenait la porte et qui s'apprêtait à entrer.
Le soir venu, je lui expliquai qu'en bon gentleman, il aurait dû prendre la relève de la porte et laisser la demoiselle entrer. "Ah. Je savais pas." Comment aurait-il pu savoir?
Le lendemain, je le vis faire le piquet pour tenir la porte alors que les élèves qui le suivaient étaient encore à une vingtaine de mètres de l'entrée. J'étais morte de rire dans la voiture. Le soir venu, j'apportai une précision: "Si les gens qui te suivent sont à une certaine distance derrière, tu peux entrer, ce ne sera pas impoli."
***
En roulant en voiture avec Grand-Charme (10 ans) hier, il me demandait s'il nous restait des chips que nous avions acheté la veille. "Non".
Devant son incompréhension, je lui expliquai que j'avais laissé les sacs chez une copine qui recevait massivement pour la St-Jean. "Pourquoi?"
-Parce que quand on est invité chez quelqu'un, dans certains contextes, il est poli de ne pas arriver les mains vides. En général, on apporte une bouteille de vin, une baguette. On peut aussi apporter un dessert, une attention".
Chaque fois que je leur livre quelques rudiments de savoir-vivre et que je les vois ahuris comme s'ils venaient de s'éveiller, comme s'ils s'étonnaient d'avoir pu vivre huit, dix, douze ans sur cette Terre sans se rendre compte que certains codes se vivaient sous leurs yeux, je souris.
Je suis souvent amusée (ou parfois, gênée) de les voir, quelques temps après, appliquer d'une façon peu naturelle ces codes de conduite, ces conventions sociales. Un peu comme s'il fallait les expérimenter quelques fois d'une façon exploratoire avant de les intégrer avec sérieux.
Ils ont encore du chemin à faire pour devenir de bons gentlemans, mais ils sont sur la bonne voie. Je suis fière de mes mousquetaires.
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8 commentaires:
J'ai bien ri à certaines évocations, on dirait que vous avez adopté mes enfants à moi !! ce qui est rassurant c'est de voir que chez les voisins, même par delà les mers, ils sont identiques... et nos tentatives d'en faire des citoyens dont nous serions fiers également. Merci de ce miroir de mon chez-moi,je me sens moins submergée et désemparée !
Je suis toujours gentiment amusée de voir à quel point des enfants peuvent prendre du recul en ces occasions, comme s'ils se mettaient en dehors d'eux-même pour s'observer et s'enseigner à eux-même les méthodes fraichement inculquées
Moi je transmet ces jours-ci le savoir faire des repas....
Fermer sa bouche, ne pas placer le couteau sur la nape, avaler avant de parler, vérifier que tout le monde en a eu avant d'en reprendre...dire, non merci au lieu de dire "eurk j'aime pas ça...." hihi
Ça me fait bien sourire l'apprentissage de toutes ces petites choses qui, à nos yeux, semblent tellement innées mais aux yeux des enfants représentent encore de grands mystères... J'adore ces petits textes où vous nous parlez de votre petite marmaille, vous me semblez être une maman exemplaire avec qui il fait bon d'apprendre la vie! Ils sont choyés de vous avoir!
J'ai rigolé au passage du téléphone. Ça arrive tellement souvent de recevoir de drôles de messages sur le répondeur! :o)
Plusieurs parents ne prennent plus le temps d'inculquer le savoir-vivre, débordés qu'ils sont, croyant que ça viendra "tout seul" ou bien manquant eux-mêmes de finesse sociale. Le résultat: des enfants détestables qui crient, bousculent les gens dans le métro, retiennent indûment les portes et jettent leurs papiers par terre.
Ma fille constrastait vraiment hier alors qu'elle s'est levée pour céder sa place à une dame.... euh!... à peine plus âgée que moi! Excès de zèle peut-être? ;o)
Nous, les baby-boomers de deuxième vague "50-60", on apprenait souvent la bienséance en copiant nos grands frères et soeurs. Aujourd'hui ce n'est plus aussi évident vu les familles plus petites et le peu de différence d'âge entre les enfants.
Beau billet Grande-Dame.
Trop mignon ! Je n'avais jamais pensé à l'importance d'un appel téléphonique chez les enfants.
Ça me fascine de constater que tout ce qui nous semble évident et automatique doit être appris par l'enfant. Son regard tout nouveau sur tout, toutes ces choses à apprendre...fascinant !
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