vendredi, mai 18, 2007

Le monde des grands

Depuis quelques mois, je pose un regard différent sur mon aîné. Il prend de la maturité. D'abord physiquement, mais aussi dans ses réflexions, dans ses allusions, dans son regard sur le monde.

Il me regardera bientôt sans que je n'aie à baisser les yeux vers lui. Il devient costaud, se métamorphose en un bel ado qui aime jouer innocemment sur les mots, qui aime faire de l'esprit, chercher des réactions.

Il m'a téléphoné un jour cette semaine sur mon cellulaire en rentrant de l'école.

-Maman? Tu sais ce qui est arrivé à l'école aujourd'hui? Un fight food.

-Ah oui?

-Oui, c'était cooool! Même que la directrice a reçu un muffin dans la face.

-Ah oui? Et tu as participé à ça?

-Jamais de la vie! J'aurais pas eu envie de me faire suspendre de l'école!

-Bon, si tu veux, on en reparle tantôt. Je serai à la maison dans une quinzaine de minutes.

Nous en avons effectivement reparlé. Pour l'instant, il est sage, il craint encore l'autorité (autre que la mienne), il n'y a que de bons mots sur lui à l'école et ne lui viendrait pas à l'idée de faire des conneries (tous les parents sont-ils aussi naïfs que moi?) qui mettraient en danger son image d'élève modèle.

Première année du secondaire et déjà, bataille de bouffe. Je trouve cela complètement ridicule. Il partageait mon avis, mais était amusé de la situation nouvelle dans laquelle il avait été impliqué.

J'ai grandi dans la ville de Granby et jamais nous n'avons eu de telles idées. Bon, il faut spécifier que dans les Cantons de l'Est, nous étions toujours en retard de deux ou trois années dans les modes de "la grand Ville" (pour mes lecteurs de l'extérieur, lire ici "Montréal").

Lorsque je suis arrivée à Montréal, j'avais près de seize ans. "Ça y est, je suis arrivée dans une ville de sauvages qui ne savent pas vivre!", que je m'étais dit lorsque les muffins, yogourts, sandwichs, pommes, biscottes et pouding ont volé au-dessus de ma tête dans la cafétéria de l'école.

Quelques années plus tard, mes amies demeurées (je parle ici de mes amies qui ne m'ont pas suivies à Montréal, non de mes copines demeurées qui sont encore internées) à Granby ont vécu le charme et l'enchantement des moeurs primitifs (encore, j'ai idée que les primitifs étaient plus civilisés et plus raisonnables avec leurs provisions) des élèves montréalais.

M'enfin. Les gestes de rébellion adolescente ne changent pas et je trouve charmant de voir mon aîné réagir à la maison aux incidents de son école avec ses propres convictions (qui ne sont pas garantes de celles de l'avenir, se dit-elle en tentant de limiter les ravages de sa naïveté).

***

Je me rends bien compte, par les commentaires, les allusions, les sourires en coin de Fils Aîné qu'il n'est pas insensible à la gent féminine. Cela aussi, je le qualifie de charmant.

Il observe, est pudique, discret, mais à la fois curieux et audacieux dans ses questionnements. Je me suis passé le commentaire plusieurs fois cette semaine dans son langage et ses allusions à la sexualité.

Puis voilà que cet après-midi, il vient me voir, boîte de condom encore scellée à la main et il me questionne du regard en haussant les épaules. Devant mon silence, il revendique à voix haute une réponse: "Maman! Je viens de trouver cette boîte de condoms sur le bureau de travail de Grand-Homme." (la femme de ménage était passée et l'avait mise bien en évidence).

Je lui enlève la boîte des mains et sollicite plus de respect de nos affaires, où il n'a pas à aller fouiner.

Puis, il ose: "Mais maman, combien de fois par semaine vous en achetez?!", faisant référence à cette fois.

Moi, confrontante -Je remarque que tu t'intéresses beaucoup à la vie sexuelle de ta mère ces temps-ci.

Je lui explique l'importance de toujours avoir des préservatifs sous la main, ce dont il semble déjà très bien informé.

Lui, embarrassé -Ben tsé, maman... (il me fait un air dépassé, comme si mon amoureux et moi abusions)

Moi, cherchant à le faire réagir -Tu sais mon Grand, les humains sont faits pour se reproduire... Tu verras, un jour, tu chercheras aussi à assurer ta descendance!

Lui, outré -Oui mais moi, en tout cas, je ferai jamais ça deux fois par jour!

Je me retourne et le regarde dans les yeux. Il semble à la fois ébranlé, interpellé, en quête de quelque chose que je n'arrive pas à saisir.

Je ne comprends pas ce que mon fils cherche. Des réponses qu'il espère puiser dans des moeurs sexuels qu'il semble m'attribuer aléatoirement et sans fondements précis? Je vois bien que son audace n'a rien d'insolent, il semble réellement tourmenté de questionnements et toute question relative à la sexualité passe sous la forme apparente d'une demande de justification des pratiques et de la fréquence des activités sexuelles de sa mère.

Jamais ne me serait venu à l'idée de confronter mes parents de la sorte sur la zone d'intimité intouchable à laquelle je n'avais pas envie DU TOUT de me heurter. Je me demande si Fils Aîné est aussi direct avec son père sur des questions aussi personnelles.

Il tire des conclusions à partir d'éléments en réalité peu fiables, mais je me demande si cela ne fait pas que lui servir d'amorce à la discussion. J'ose m'imaginer que s'il se permet de telles entrées en scène, c'est qu'il se sent en confiance de parler de sujets délicats avec moi.

Depuis quelques jours, il me dit qu'il m'aime plusieurs fois par jour, vient se coller, me faire des câlins, réclamer des baisers. Il y a dans cette brèche une invitation au dialogue. Autant me faire des provisions pour les jours où la percutante collision avec le monde des grands le rendra insupportable. Je profite de ces instants de confiance avec lui. Je l'aime mon grand.

5 commentaires:

Gooba a dit...

Je constate que mes conseils ont porté fruit... Tant mieux! :c)

Grande-Dame a dit...

T'es vraiment hot! Merci bcp! :-)

FD-Labaroline a dit...

J'adore le relookage du blog !
Ah, l'adolescence et le retour de l'Oedipe... Je trouve plutôt sain qu'il pose des questions, même si sa méthode est quelque peu dérangeante.

Anonyme a dit...

Chez mes parents, jamais même un mot sur la sexualité, mais mon père ne s’empêchait jamais de«pelotter» (un peu) ma mère dans un coin (ce qui, je l’avoue, m’écoeurait légèrement, tout en me rassurant). Mon père vouait une adoration sans borne à ma mère, et c’était ma réponse à l’amour.
Je suis de cette époque où «Arold et Maude» était très à la mode et je l’ai vu au moins 5 fois, au cinéma Outremont, avec« Jonathan Livington le goéland» ou« François et le chemin du soleil» des films très «Peace». Dans ce film, Maude a 80ans et elle fait l’amour avec un jeune homme un peu« spécial et caractériel» qui apprend à aimer par elle (sur la musique de Cat Steven). Je me suis toujours dit que je serais comme Maude et que j’aimerais « baiser tendrement» jusqu’à, au moins 80ans...
Mes fils sont ados maintenant (21, 16, 14 et 13 ans) et j’ai dû me positionner pour leur en parler. Quand mon aîné a eu 13ans, il vécut sa première flamme (qui en avait 14 et qui était prête à beaucoup plus que lui... ou du moins ne se gênait pas pour le montrer sans retenue). Prise de court, j’ai dû donner une leçon en accéléré (sécurité, maladies, Amour, intimité et respect des autres jeunes membres de la famille) ce qu’il n’a vraiment pas apprécié (à l’école, ils savent tout ça voyons...). Quand même, j’ai eu la conscience tranquille et ne me suis jamais gênée pour lui dire ce que je pensais, ni là, ni après, ni maintenant qu’il est un jeune adulte très autonome. Avec les autres c’est différent, je ne sais pas, ils ne semblent pas précoces, ou sont comme moi ado... cachottier. J’attends la perche, le moment. Mais je me dis qu’un enfant qui est à l’aise et se confie, a droit à ses réponses, dans la mesure de notre intimité naturellement. Et pourquoi les «vieux» n’aimeraient-ils pas faire l’amour?
C’est «cool» en fait, car la relation s’embellit beaucoup vers leurs 15-16 ans (de 12 à 15, ici ce n’est pas évident) elle devient différente, ouverte... deux personnes qui s’apprécient et se voient vraiment (j’en éprouve une telle fierté !) Quand ma (seule) fille aura 15 ans, j’en aurai 52... Ça, ça m’énerve un peu. Saurais-je encore comment la guider? Ou sera-t-elle secrète et indépendante comme moi je le fût? Alors je m’y prends différemment. Pourquoi ? Est-ce normal de plus s’inquiéter pour notre petite fille, c’est peut-être un préjugé. Déjà j’insiste sur le fait qu’elle est belle , fine, talentueuse et bonne ( les garçons aussi, naturellement). Que l’amour est précieux et mérite patience. Qu’on n’a pas nécessairement besoin d’un «chum» à 10 ans, comme ses copines de récré, c’est si l’fun d’avoir des amis de gars! Alors chaque jour, on apprends avec eux, on s’ajuste (avec ce qu’on est, et avec ce qu’ils sont).De vivre à 8, quelle merveille et quelle aventure!
P.S. J’aime tout ce que tu écris, merci!

Anonyme a dit...

P.S. j'écris tous mes commentaires sous anonyme, parceque je n'arrive pas à les faire autrement. Moi et les merveilles informatiques...
France