jeudi, avril 10, 2008

Identifier, puis combattre l'ennemi

Comme lors de chacun de mes moments de solitude en voiture, je pense à mon père. À sa vitalité contagieuse, mais aussi à sa souffrance intérieure silencieuse.

Depuis sa mort, je cherche un geste concret à poser pour aider un autre homme comme lui. Je pourrais certes faire un don à la société canadienne du cancer ou à la fondation du CHUS qui l'a si bien soigné mais cela n'aiderait pas vraiment une personne comme lui.

Une personne comme lui, c'est une personne dont l'ennemi premier n'était pas le cancer, mais l'abus d'alcool et de cigarette. Le cancer qui a tué mon père était dû uniquement à ces deux vices. Rien de fortuit ou de génétique.

Mon père n'aimait pas parler de ses vices. Spécifiquement de celui de l'alcool. C'est humiliant de dire ouvertement "je suis alcoolique". Nous en avons pourtant parlé plusieurs fois même si nous évitions le si terrible mot. Il en avait peut-être honte. Dans ses moments d'ouverture et de transparence, il disait que les deux seules personnes qui pouvaient l'aider étaient mon frère et moi.

Bien entendu, ce ne sont pas à deux adolescents (à l'époque), puis deux jeunes adultes à sauver leur père. Pourtant, nous avons bien tenté de l'aider et de le soutenir de différentes façons. Il marchait en titubant, pleurait de découragement, s'accrochait désespérément à nous. Le lendemain, ayant dégrisé, il ne faisait plus du tout référence à la veille où la confusion lui avait permis de dire une partie des vraies affaires. Malgré le fait que mon frère et moi sommes deux personnes de grande volonté (merci maman!), nous n'aurions jamais pu à nous seuls compenser pour la volonté de s'en sortir que notre père ne possédait pas.

Je n'ai pas encore trouvé une façon tangible de contribuer à combattre l'ennemi réel qui fut celui de mon père. J'ai pensé à la Fondation Jean Lapointe (?) mais je ne suis pas encore certaine.

4 commentaires:

Solange a dit...

Quelle terrible maladie si difficile à comprendre quand on est pas atteint.

Anonyme a dit...

Tu peux aller faire un témoignage de jeune femme face à la "maladie" de son père aux Alcooliques Anonyme. Je suis certaine qu'ils recevraient avec bonheur et respect!...et imagine la quantité de pères et de mères qui alors là recevraient ainsi un symbole de leur propres enfants et de ce qu'ils peuvent vivrent de difficile sans jamais en parler....

Vertige a dit...

Je connais bien. J'ai un peu vécu dans la même position que toi.

Passé la colère et le sentiment d'injustice, j'ai compris que je ne pouvais pas combattre ce mal profond à moi toute seule, même adulte, même avec plus de moyens. Il n'est pas possible de se soustraire à cette impuissance qui nous a submergée toutes petites.

Quoi que tu fasse, ne porte pas le monde sur tes épaules. Ce serait laisser la maladie continuer à avoir trop d'emprise sur toi.

Ton papa est parti aimé. Déjà, l'alcoolisme n'a pas réussi à gagner totalement. Son mal de vivre n'a pas eu raison de tout. C'est vous qui avez gagné.

J'ai fini par comprendre en travaillant avec les itinérants qu'il faut aider pour soi sans se sentir en devoir. On ne change pas le monde. On apprends simplement a voir la beauté du monde et à la faire voir, même à travers le verre d'une bouteille.

Tu peux gagner sans te battre. Regarder ailleurs, ce n'est pas necessairement fuir.

Tout ce que je te souhaite, c'est de prendre soin de toi...

xx

Grande-Dame a dit...

Quelle bonne idée Cricri! Voilà un geste tangible porteur de sens!

Vertige, c'est une belle vision que tu as là.