lundi, avril 07, 2008

Les Denis

Il y a quelques années, une tante du père de mes quatre grands était venue nous rendre visite de sa lointaine Abitibi. C'était la première fois que je la rencontrais. Devant la tête bouclée blonde de Tout-Doux (alors âgé de 2 ans), elle s'exclama: "Ah mon Dieu! Il ressemble à mes Denis!"

Devant mon étonnement, elle m'expliqua qu'elle avait eu un fils, Denis, décédé en bas âge. Elle connut alors l'abominable chagrin de la perte d'un enfant.

Puis, elle eut un second fils, qu'elle prénomma également Denis. Lui aussi décéda autour de l'âge d'un an.

Elle parlait de "ses Denis" en les désignant comme: "Mon premier Denis" et "mon deuxième Denis". Cela me soufflait, j'avais du mal à comprendre que l'on puisse chercher jusque dans le prénom d'un nouvel enfant la continuité de celui qu'on venait de perdre.

Quelqu'un m'a demandé il y a quelques mois si j'aurais idée de prénommer mon éventuel prochain fils "Thomas". Quelle idée! Je fus bien étonnée que l'on ait pu redouter chez moi une chose pareille...

13 commentaires:

Anonyme a dit...

Moi aussi ça me dépasse...Mais même si je trouve cela au bord de ...l'indécence? (puisque pour moi le nom choisi représente l'unicité de la personne encore vivante ailleurs...)Je peux comprendre par contre que ce ne soit certes pas par manque d'amour pour le premier petit Denis disparu... Mais sûr que je ne penserais pas à re-prénommer un de mes enfants du nom d'un de mes enfants décédé...Ouille imagine le poid (verbal, émotif, social...)pour le deuxième Denis...
Il faut de tout pour faire ce monde...
Bien à toi...
France

Grande-Dame a dit...

Bien d'accord France. Cette curieuse façon de faire (à mon avis...je partage votre opinion sur le prénom qui représente le caractère unique de notre enfant) n'enlève en rien le fardeau de la perte que cette femme porte.

Seulement, que ce qui verbalement distingue ses deux fils soient des adjectifs numéraux me stupéfait. Cela m'apparait bcp plus impersonnel qu'un prénom qui porte en lui toute la charge de la personnalité de celui qui le porte.

Anonyme a dit...

Salvator Dali portait le prénom d'un frère aîné décédé juste avant sa naissance... lorsqu'il avait 5 ans, il a visité la tombe avec ses parents qui lui ont alors affirmé qu'il était "la réincarnation de son frère"... on retrouve d'ailleurs dans son oeuvre multiples "messages" à son frère disparu, mais qui ne sont pas tous lié à l'amour fraternel tant qu'au questionnement (qui suis-je, si je suis toi?). Ouf! Quel poids à porter que celui des attentes de ses parents... Je partage ton avis sur le choix d'un prénom... Je ne serais pas davantage à l'aise de nommer un enfant en l'honneur d'un proche très aimé mais décédé dans des circonstances tragiques: appelle ça de la superstition, mais j'aurais peur d'attacher une "fin" à l'histoire avant même qu'elle ne débute... étrange, hein?
Marie-Michèle

Grande-Dame a dit...

Marie-Michèle, je me souviens d'une entrevue avec Salvador Dali dans laquelle il racontait le poids que cela avait représenté pour lui d'être "le frère du disparu" et de porter en plus son nom.

Un très lourd fardeau pour un enfant. Ce n'est pas au même niveau que si un de mes enfants décidait d'appeler SON enfant Thomas pour honorer son frère disparu. Cela aurait un sens autre que "remplacement" il me semble...

anne-isabelle a dit...

Une femme que je connais se nomme Danielle, elle vient tout juste après son frère décédé à l'age de 3 ans qui s'appelait Daniel...

J'ai beaucoup de difficultée à comprendre que l'on puisse faire une telle chose!

Grande-Dame a dit...

À la limite, je pourrais envisager que l'on nomme comme deuxième nom le prénom d'un disparu, comme si d'intégrer le nom d'un disparu de façon NON USUELLE faisait en sorte que l'on grave dans l'histoire nominale du nouveau membre la trace du membre qu'il n'a pas connu.

M'enfin. Chaque parent trouve sa symbolique où il peut...

Anonyme a dit...

Même pour un animal c'est une chose que je ne ferais jamais moi non plus ! Mon père appelait systématiquement ses chiens Kim....ils mourraient tous à 4 ou 5 ans....jusqu'au jour où sa blonde décida de nommer le suivant "Jessy"...il a vécu une vie de chien normal...
c'est tout dire!.

Anonyme a dit...

Ah ben Cricri, j'avais jamais «flasché»!!!
C'est donc pour cela que nos trois perruches toutes nommées Capucines, furent toutes désagréables et décédées tragiquement à 2 ans!
Promis la prochaine (si prochaine il y a ...)portera un autre nom!
France

Miylen a dit...

Je trouve cela aussi très... malsain...
Un poids énorme pour l'enfant "numéro 2" ( car ça sonne vraiment numéro 2).
Un "déni" pour la maman? Aussi malsain...
Dire qu'en lisant ton titre, je pensais à un truc genre les Debis Drolet...

Une femme libre a dit...

Il y a aussi une question d'époque dans cette histoire de prénoms. Dans le temps des arrière-grands-parents, les femmes mettaient souvent seize ou dix-sept enfants au monde pour en mener cinq ou six vivants à l'âge adulte. La mortalité infantile était tellement répandue qu'on attendait un peu avant de nommer un bébé, histoire de voir s'il allait survivre et puis c'était répandu de donner le nom du dernier enfant décédé pour porter chance, pour que l'âme du défunt protège l'enfant. Dans le temps de la grippe espagnole, on enterrait rapidement les morts pour éviter la contagion. On mettait un miroir devant la bouche du malade et s'il n'y avait pas de buée, bingo, on enterrait. Ma grand-mère bébé a failli y passer mais heureusement elle a eu la bonne idée de pleurer avant qu'on ne la mette en terre. C'était aussi la mode de donner le prénom du père au fils aîné.

Caro et cie a dit...

Ce que tu dis femme libre, rejoint exactement ce que j'avais envie d'écrire...

Je pense que c'est une façon de faire d'une autre époque... Je ne pense pas qu'ils en aimaient moins leurs enfants ou quoi que ce soit..

Ma grand-mère très aimante a eu 2 Suzanne qui n'ont pas survécues... Elle adorait ce nom et voulait une Suzanne... Je le sais car elle a voulu que je porte ce nom dans mes noms sans le porter vraiment... Je suis donc affublée de 4 prénoms...

Anonyme a dit...

Moi aussi j'en reviens pas de ça. Je suis retombée enceinte très vite j'ai eu un bébé du même sexe que celui que nous venions de perdre mais jamais je ne les ai confondus...

Et jamais je n'aurais repris le prénom!! J'y ai songé quand j'ai du nommer notre fils (qui allait décédé dans les heures qui suivaient) que si je le prenais pour lui je ne pouvais plus le reprendre ensuite... Mais j'ai choisi d'y donner le prénom qu'il était sensé avoir "à terme et en santé". Il le méritait SON prénom.

On en a trouvé un aussi beau pour notre autre enfant ensuite. C'est tout.

Anonyme a dit...

Si c'est vrai que le destin des animaux que l'on nomme pareillement risque de finir de façon identique, est-ce que quelqu'un aurait le nom d'un chat qui ne vivrait pas trop longtemps ? Je pourrais ainsi renommer notre chat et réussir à m'en départir plus vite sans paraitre un monstre aux yeux des enfants !!!

Dans un autre ordre d'idée, la réflexion m'est venu que ce devait etre un poid aussi lourd à porter lorsqu'on porte le prénom de son père. Le petit "Junior" qui sera toute sa vie lié à l'histoire de son père portant le meme nom... Ça peut etre difficile ça aussi !