En tant que parents, nous infligeons à peu près tous des "traumatismes" (mon mot peut être fort, j'admets...) à nos enfants par des actions précises souvent isolées.
Par exemple, bien que ma mère ait été une maman fort aimante, rassurante, douce et à l'écoute, je me souviens d'une colère qui a marqué mon enfance (les colères des personnes trop douces sont souvent impressionnantes). J'avais environ 11 ans et elle m'avait demandé de vider le lave-vaisselle. Cela faisait plusieurs fois que je lui répondais "oui-oui" sans réellement bouger de ma chambre.
Lorsque je me décidai enfin à bouger, elle était déjà en train de faire le boulot et je fus offusquée de n'avoir pas été suffisamment rapide pour accéder à sa demande.
Alors que je tentais de me justifier, elle éclata d'une colère jamais vue et saisit un petit plateau de plastique du lave-vaisselle qu'elle se mit à frapper sur le dossier d'une des chaises de la cuisine: elle en avait marre de répéter. Je me souviens avoir retenu mon souffle en voyant le plateau de plastique se fracasser au contact du bois de la chaise. Puis, une fois son ire calmée, ma mère éclata en sanglots et regarda son plateau brisé avec désolation en déclarant doucement: "Je l'aimais, ce plateau là!"
J'eus envie de la consoler mais puisqu'elle m'avait fait peur, je ne me souviens pas avoir rajouté quoi que ce soit.
Récemment, en rentrant d'un souper de Pâques dans ma belle-famille, Fils Aîné expliquait avec rancoeur qu'il n'avait jamais oublié la poule de chocolat que j'avais impitoyablement jetée par la fenêtre de la voiture.
Il raconta à qui voulait l'entendre la cruauté dont sa mère avait fait preuve à son égard. Soucieuse de voir poindre la vérité, je remis en contexte les faits: Fils Aîné avait environ trois ans et nous rentrions d'un souper de Pâques chez mes beaux-parents de l'époque où il avait reçu des tonnes de chocolat.
À peine le trajet commencé, il commença à revendiquer le droit de manger son chocolat. La crise s'intensifia et devint insupportable. Après plusieurs avertissements de cesser sa scène, j'en vins aux menaces. Je me tournai vers lui et brandis une petite poule en chocolat: "Regarde bien cette poule. Tu la veux? Je t'assure que si tu continues à hurler comme ça, je la jette par la fenêtre et tu n'y goûteras jamais".
J'étais évidemment certaine que la menace étoufferait tout désir de récidive. Ce fut encore pire. Fils Aîné hurla de plus bel, insulté par mon geste. Fâchée (et déstabilisée), je brandis à nouveau ladite poule de chocolat devant lui et lui demandai de la suivre des yeux. La volaille chocolatée s'envola par la fenêtre pour aboutir quelque part sur une entrée d'autoroute de St-Eustache.
Fils Aîné s'énerva encore un peu, après quoi je brandis une seconde petite poule, qui finit elle aussi par rejoindre l'air printanier de ce week-end sacré. À la menace de la troisième poule, il se cala dans son siège, ravala ses sanglots et demeura calme le reste du trajet.
Alors que nous causions de cette histoire, la grand-mère de Grand-Homme s'amusait des plaintes de l'adolescent blessé par la déchirure affective prématurée que je lui avais infligée. Grand-Homme proposa à mon fils une thérapie pour l'aider à surmonter le traumatisme de la poule qu'il porte encore amèrement sur son coeur.
D'ailleurs, je dois en commencer une moi-même sous peu pour me guérir de la colère de ma mère et du plateau de plastique brisé qui nuit grandement à mon épanouissement social.
11 commentaires:
Très bon billet!
Pauvre fils aîné! Il ne comprendra que plus tard! Ça doit vraiment être frappant regarder son chocolat de Pâques migrer à St-Eustache!
Moi, j'avais peut-être 10 ans et bien que j'étais assez gros, ma mère dans une rare et unique colère m'a levé de terre avec un seul bras... L'avertissement le plus compris de ma vie! Ni elle ni moi ne comprenons encore comment elle a bien pu me lever!!
En passant j'adore ton blogue découvert par l'Intellex et j'ai récemment passé une nuit à lire tous les billets taggués enfants, quel famille adorable tu as, quelle femme tu es et quel écrivaine tu fais! I've been Grand'Damed!
Mouahh! J'ai trop rit en imaginant la poule partir!
Ah qu'il fait bon d'avoir 20 ans. Ah qu'il fait bon de rire aux larmes, tu m'as amusée!
Moi, qui venait de t'écrire un courriel empreint de compassion pour ma chatte fraichement opérée, je ne suis pas certaine que tu vas lui envoyer des fleurs après ce que je viens de lire, déjà que tu ne démontres pas trop d'affection pour elle.
...mais franchement j'ai été peinée pour mon petit fils et j'espère que tu te sens vraiment coupable. C'est pire que ce que j'ai jamais fait.
Je vais lui garder la poule à Colin dans la basse-cour non distribué de mes oeufs de Pâques, peut-être que ça le consolera un peu.
Cher enfant, je commence à comprendre pourquoi il est contestataire! C'est certain, il t'en veut encore.
Quant à toi, j'espère que maintenant, tu comprends. C'était une sainte colère.
Si ça pouvait t'aider versus ton traumatisme de plateau brisé (est-ce qu'il était vert?) et ta nouvelle thérapie, je cherche encore une colère qui m'a traumatisée alors que j'étais très jeune et dont je n'ai jamais retrouvé l'origine.
Est-ce que tu connais la thérapie des queues de castor à la Ronde?
Très efficace! Y se montre la face (le castor) et tu tapoches dessus. Après en avoir assomé une couple, tu te sens mieux! En prime, on te donne ? Une queue de castor.
A essayer absolument! Peut-être même à proposer à fiston!
Ha haha ! J'ai franchement rit en imaginant la volaille de chocolat prendre le bord de la fenêtre! ;-))
Ça me rappelle une anecdote de quand j'étais petite. Nous étions dehors. Ma mère était franchement tannée de nous voir sortir et entrer sans cesse pour 56 000 affaires (eau-envie de pipi-veut un cornet-etc-)...après un certain temps elle est entrée dans une colère en criant que si nous n'arrêtions pas, elle allait mettre le feu dans la porte!....bien évidement c'était exagéré comme réaction et elle ne l'aurait pas fait (quoi que...:-))). Au lieu du "traumatisme" recherché, cela a déclenché chez mes soeurs et moi un fou rire incroyable en imaginant qu'après l'incendit, nous serions encore plus libre d'entrer et de sortir comme bon nous semble!...
Ma mère n'a pas pu faire autrement de d'éclater de rire en comprenant comment c'était ridicule et à voir sa marmaille rire à fendre l'âme !
C'est un des plus grand fou rire de ma jeunesse, on s'en reparle encore parfois mes soeurs et moi...
et longtemps on a été à agacer ma mère avec ça quand on se retrouvait toute la famille dans la piscine de chez ma soeur et que son jeune voyagait sans cesse de le piscine à l'intérieur...:-)
HAHAHA!
"I've been Grand'Damed!"
Haven't we all? ;-)
m-victor, bienvenue et merci de vos commentaires! Charmant jeu de mot! :)
Cricri, un beau souvenir de famille! :)
Ton histoire de poule m'a tellement fait rire!!!
Il était une fois 3 enfants qui voulaient aller patiner dans la cour arrière par un froid glacial(disons -20 celcius). La maman avait beau leur expliquer calmement qu'il faisait trop froid pour sortir. Les 3 enfants ne voulaient rien entendre et entonnaient de plus bel leurs plaintes, pleurs et cris de souffrance: "On veut aller patiner."Les explications de la maman montaient en crescendo pour aboutir à une explosion de colère:" D'accord, je vous mets vos patins mais vous allez rester un bon moment."
Et le calme revint. Nous étions satisfaits. Jusqu'à ce que, en moins de 2 minutes, les orteils commencèrent à geler. Nous étions plutôt inconfortables.Puis, nous nous sommes mis à pleurer et gémir devant la porte: "maman, maman, on veut rentrer!.
La maman, convaincue qu'il fallait leur donner une bonne leçon, les laissa pleurer un bon 10 minutes au grand froid et les fit entrer.
Je puis vous assurer qu'à l'avenir, je demandais toujours à maman s'il faisait assez chaud pour aller patiner. Le trauma a été puissant mais...efficace!
J'oubliais,
pour répondre au commentaire de m-victor, effectivement, une maman peut ramasser au sol et d'une seule main un grand nono de 11 ans.
Je l'ai moi-même expérimenté, à ma grande surprise! Comment j'ai fait, je ne sais pas.Tout ce que je peux dire c'est que je courais depuis un bon 15 minutes après un grand dadais qui me " nièsait" royalement. Il avait volé les sandales de mon petit garçon qui jouait calmement dans le sable et il s'était installé dans ma voiture pour...se reposer! J'étais en train de faire du patin à roues alignées.
Je lui ai dit: " Attends que j'enlève mes patins."
Sans doute,détermination extrême et écoeurite aigüe y sont pour quelque chose.Je suis certaine que ce jeune homme s'en rappelle encore aujourd'hui...
Disons que les sandales ont été remis assez rapidement.
Rien ne vaut la colère d'une grande âme.
:) Z
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