lundi, octobre 29, 2007

Dépendance

Enfant, ma mère -monoparentale- allait prendre des cafés pour s'aérer l'esprit de ses deux adorables enfants.

Je ne comprenais pas le besoin ni le rituel, que j'estimais superflu et capricieux.

Qui plus est, lorsqu'elle rentrait du travail, elle m'imposait (à moi seulement, sa pauvre fille mal-aimée) un quinze minutes où je n'avais pas le droit de lui adresser la parole. Durant ce temps, elle s'étendait sur le divan et décompressait de sa folle journée de travail et de son quarante-cinq minutes de voyagement.

Hébétée, j'étais cruellement résignée à la regarder se reposer dans un silence impeccable (j'étais obéissante) avec une légère amertume, littéralement rejetée par ma propre mère avant de pouvoir lui raconter les drames de mes journées. Nouer ma langue et ses impulsions; un monstrueux supplice qu'elle m'infligeait sans pitié aucune.

Lorsqu'elle décrétait que le quinze minutes était terminé, je me ruais sur elle, lui pardonnais ingénument sa cruauté et renouais avec la pie que j'étais.

Bien que je sois nettement plus clémente avec mes enfants, je comprends aujourd'hui la nécessité de cette trêve de sollicitation infantile. Rarement ose-je interrompre les hémorragies verbales de mes garçons même si souvent, je dois admettre que l'envie ne manque pas.

Toutefois, ces fuites de la maison pour se retrouver toute seule dans un café, j'y ai adhéré. Je vais écrire plusieurs fois par semaine devant un grand latté aux amandes. Ailleurs, je sais écrire. Et très bien, même.

J'amène parfois un (ou deux ou trois et je me suis déjà rendue jusqu'à quatre) garçon avec moi. Ils le savent, dans le contexte du café, on ne me DÉRANGE PAS. À mes côtés, ils lisent ou jouent à leurs jeux électroniques en silence.

Ils apprécient, je crois, ce rituel. C'est un privilège pour eux de m'accompagner.

Pour ma part, c'est devenu une dépendance.

Lorsque, comme aujourd'hui, par nécessité, j'en suis privée, je suis une lionne.

9 commentaires:

Sleeping Dogs and Dead Lions a dit...

Il faut savoir prendre du temps pour soi-même, nous avons tous besoin d'être seuls pour une période de temps afin de réfléchir, ou même, juste d'être seul. C'est drôle à dire, mais le fait d'être seul peut parfois sembler regénérant. Est-ce parce que nous nous forçons pour nous changer pour les autres et lorsque nous sommes seul, nous nous sentons libres? Libres de toutes ces tensions qui nous entourent?

Je sais pas, mais j'aime bien avoir BEAUCOUP de moments seuls. Je trouve que ton rituel est très sain: tu changes d'air et en plus tu te retrouves face à toi-même.

Caro et cie a dit...

Je trouve ça très sain moi aussi... xx

Véronique a dit...

C'est drôle. J'imposais ce même délai de quinze minutes à mes parents alors que je rentrais à la maison adolescente. J'ai une bulle énorme.

J'aime bien allé traîner et lire dans un café, seule. Même si mon chez moi est très calme comparativement au tien...

Alors, évidemment, moi aussi je trouve ça très sain ! C'est charmant que tes garçons t'accompagnent parfois. Ils doivent se sentir privilégiés de partager un moment qu'ils sentent comme important pour toi.

Benoit Bordeleau a dit...

Un moment donné ça devient nécessaire, et c'est très sain (pour me joindre au groupe, hehe). Le simple fait de souffler, un 15 minutes en paix, ça permet de décrocher du gros méchant stress.

Pour ma part, à force d'être planqué là à lire et à lire puis à écrire, vient un moment donné où le petit espresso - moment sacré! - me tend la main. Ensuite une petite marche pour s'oxygéner. Et voilà, on retourne ensuite à l'esclavage...

moi m'aime a dit...

Un award pour toi chez moi ;)

Pur bonheur a dit...

Tu es une vraie mère dans l'âme, il n'y a rien à faire. Tu le mériterais bien, ton 60 minutes au café toute seule! Mais comme disait Véronique, ils doivent se sentir importants de partager ce moment avec toi.

Anonyme a dit...

J'ai un petit fou rire Grande Dame. Car... j'ai en tête quelques discussions un peu avinées, Grande Dame qui philosophe, de façon tout à fait charmante, et je transpose ses longues phrases, profondes, les explications interminables, les précisions en babillage de gamine de 6 ans à la voix de flûte...

Et je comprends les 15 minutes réclamées par ta mère. :)

xxx

Michèle

Grande-Dame a dit...

Oui, sain, tout à fait!

Michèle...Pfff! ;)

Anonyme a dit...

Hi! Hi! Hi!

Avec impatience, je suis certaine que tu souhaitais me lire, en ayant souligné en gras, tout ce qui était "caricactural. Coquine!

Du haut de ma tour, j'ai souri, j'ai franchement ris...au moins une couple de fois, chère, chère Grande Dame.

Quel dommage que tu aies été si maltraitée, si délaissée par cette mère ingrate, centrée sur elle-même. Quand même tes cicatrices extérieures ne sont pas trop apparentes....ouf!

Mais quelle chance aussi! Que cette mère merveilleuse mono-parentale qui avait toute la charge t'aie tant aimée et si bien aimée, et qu'elle ait veillée si tendrement sur toi. Elle t'aimait assez pour te dire "Non" si c'était nécessaire et pour te faire patienter 15 minutes, le temps qu'elle retrouve ses forces.

Ainsi, elle te donnait à acquérir: la tolérance , la patience, la maîtrise de soi et elle t'enseignait le respect face à soi-même.

Mais, je m'écoute peut-être plus que toi, parfois. Vois-tu, tu es inspirée aujourd'hui..même au café...

Oh! oui, tu demandais beaucoup , beaucoup, le soir aussi au coucher...ton frère s'en plaignait...c'est à mon tour maintenant disait-il quand tu venait me relancer dans sa chambre....(crois-moi, je te battrais même en compétition avec tes fils pour l'écoute!)

Aujourd'hui, tu le sais, tu en es consciente , tout ce que je suis allée chercher, je te l'ai redonné: l'écoute active, les rêves, la psychométrie, l'imagerie mentale.

Tu sais, ma chérie, ce que disait ma maman "Si tu crois que tu peux faire mieux, fais-le." Mais, je sais, que tu as gagnée une course loyalement et je n'aurais pu rêver d'une meilleure fille. Nous nous sommes méritées.

C'est une belle complémentarité, tu me pousses parfois hors de mes limites et vice-versa.