mercredi, décembre 05, 2007

Fragment de bonheur

Début de l'été, fin d'après-midi. Très forte humidité. J'essaie désespérément de me faire plus intéressante que l'ordi de mon homme depuis un long moment déjà. Urgent besoin de bouger pour briser l'air figé.

Je me fais insistante. Vite, sortir marcher avant que le ciel densément gris ne se mette à tomber.

Enfin, un mouvement. Oui, il a bougé -l'homme, pas le ciel! Il se lève et m'accompagne. Je suis ravie.

Comme toujours, Frédéric est heureux de prendre place dans sa poussette. L'humidité est suffocante. Nous marchons, nous parlons. Je suis bien.

Les nuages bougent rapidement, il fait soudainement sombre. Nous accélérons le pas.

Un pas de plus et le ciel nous tombe dessus comme s'il s'était retenu durant des mois. Pluie diluvienne. En quelques secondes, nous sommes complètement trempés. Ma robe étroite me colle à la peau, flic-a-floc font mes sandales.

Frédéric, paniqué par cette douche impromptue et violente, se met à hurler. Un homme nous invite gentiment à entrer chez lui nous mettre à l'abri. Nous refusons, courons de plus bel.

À chaque pas, je dois tirer ma robe collante qui remonte sur mes cuisses. Je ris, nous courons, Bébé pleure à fendre l'âme, nous sommes pliés de rire de cet intense moment présent. Pas facile de courir et de respirer en riant autant.

Mon homme tente maladroitement de protéger son fils de la pluie tout en maintenant un pas rapide. Je ris de le voir se donner tant de mal, je ris de mon fils qui est trop jeune pour apprécier ce moment unique, je ris de mon homme qui regrette sans doute de s'être laissé convaincre de quitter son ordinateur pour aller se faire mouiller de la sorte, je ris du constant flic-a-floc de mes sandales, je ris de l'indécence de ma robe qui a sa volonté propre de dévoiler mon corps.

Nous courons, nous courons toujours. Je m'étenderais sur la rue inondée qui a l'odeur particulièrement poussiéreuse des pluies folles, je me roulerais dans l'herbe mouillée, je courerais pieds nus pour le simple bonheur d'exister et d'être joyeusement prise dans les filets libres de la nature.

Nous approchons de la maison. Merde.

Pourquoi donc me suis-je résignée à entrer?

8 commentaires:

Anonyme a dit...

Très beau texte, on le vit !

Ce Bref Réveil a dit...

Allez vous rouler dans la neige maintenant. En juillet il sera trop tard.

Oui, il faut saisir l'instant... ou s'y abandonner. Merci de nous le rappeler.

Caro et cie a dit...

Rester sous la pluie... Je l'ai fait souvent avec ma chum Nath lors de folles années d'adolescence.. Ça ne prenait pas grand chose pour nous faire tripper.. Une chose qu'elle voulait que nous fassions et que je n'ai jamais osé faire: courrir pieds nus, dehors, dans la neige!!!!


;-)

Anonyme a dit...

Un texte très beau. J'ai senti l'odeur de la terre mouillée par cette pluie d'été, j'ai entendu le bruit des tes sandales, vos rires fous et les cris du petit bout dans sa poussette et dégoulinant de pluie d'orage. Une pluie qui mouille bien.

Mijo

Une femme libre a dit...

Plus je vieillis et plus je pense qu'il faut ne faut pas parler du bonheur mais bien de fragments de bonheur, comme vous le faites si bien.

kikou a dit...

Quel moment cocasse!Une belle scène de film muet, avec le piano qui court et tout et tout. Crier à en fendre l'âme... Çà m'a fait penser au jour où mon bébé faisait son baptême de promenade derrière mon vélo. Au moment où je fixais son casque, il s'est mis à "hurler à en fendre l'âme".Le regardant, hébétée, au moins 5 secondes ont dû s'écouler avant de réaliser que j'avais fixé un petit bout de peau de cou au harnet du casque!
Évidemment, çà fait plus mal qu'une douche de pluie!

Merci pour ce beau texte imagé "haute vitesse"!

Anonyme a dit...

Qui sait ou est rendu Melodie ???

Pur bonheur a dit...

Beau texte! Tu m'as bien fait rire. Tes hommes y ont gouté par contre! haha!