Il y avait longtemps que je ne vous avais pas servi une citation de ma George Sand adorée, alors en voici une qui me rejoins particulièrement (remarquez que je pourrais dire ça de son oeuvre entière): "Le faux, le guindé, l'affecté me sont antipathiques, et je les devine, même quand l'habileté les a couverts du vernis d'une fause simplicité. Je ne puis voir le beau et le bon que dans le vrai et le simple, et plus je vieillis, plus je crois avoir raison de vouloir cette condition, avant toutes les autres, dans les caractères humains, dans les oeuvres de l'esprit et dans les actes de la vie sociale.
Et puis je voyais fort bien que cette prétendue grâce, eût-elle été vraiment jolie et séduisante, était un brevet de maladresse et de débilité physique. Toutes ces belles dames et tous ces beaux messieurs,qui savaient si bien marcher sur des tapis et faire la révérence, ne savaient pas faire trois pas sur la terre du bon Dieu sans être accablés de fatigue. Ils ne savaient même pas ouvrir et fermer une porte, et ils n'et ils n'avaient pas la force de soulever une bûche pour la mettre dans le feu. Il leur fallait des domestiques pour leur avancer un fauteuil. Ils ne pouvaient pas entrer et sortir tout seuls. Qu'eussent-ils fait de leur grâce sans leurs valets pour leur tenir lieu de bras, de mains et de jambes? Je pensais à ma mère qui, avec des mains et des pieds plus mignons que les leurs, faisait deux ou trois lieues le matin dans la campagne avant son déjeuner, et qui remuait de grosses pierres ou poussait la brouette aussi facilement qu'elle maniait une aiguille ou un crayon. J'aurais mieux aimé être une laveuse de vaisselle qu'une vieille marquise comme celles que j'étudiais chaque jour en bâillant dans une atmosphère de vieux musc!"*
George Sand est fascinante par son extrême conscience d'elle-même. Ayant vécu à cheval sur deux classes sociales (du côté de sa grand-mère paternelle hautaine, très possessive de sa petite-fille et très axée sur l'éducation, le maniérisme, l'élégance mais toutefois très aimante et sa mère douce, travaillante, enjouée, chaleureuse, impressionnée par les exigences de sa puissante belle-mère et souffrant de la possession de cette dernière à l'égard de son enfant, de qui elle la sépara à plusieurs reprises au grand désespoir de la petite), l'héritage hétéroclite qu'elle en tira malgré la grande rivalité de sa mère et de sa grand-mère fit d'elle une femme élégante mais vraie, travaillante, vive d'esprit, humaine, considérant le prolétariat (qu'elle associait à sa mère adorée) malgré son propre statut social, très intelligente et respectée, même de la gent masculine de l'époque en dépit de sa marginalité.
George Sand est une inspiration, un modèle parfait d'intégrité et d'authenticité.
*Sand, Histoire de ma vie I, p. 305
3 commentaires:
J'ai lu un ou deux livres d'elle dans une autre vie, mais j'étais trop jeune pour vraiment apprécier. Là, avec ce billet qui pique ma curisosité, ça me donne envie de retourner lire un peu de cet auteur qui ne l'a pas eu facile. Je suis si souvent tombée sur des remarques tellement méprisantes que les écrivains (masculins) de son siècle ont écrit à son sujet...
Ma pile de livres-à-lire-durant-les -trop-courtes-vacances-de-Noël s'allonge dangereusement.
Wow, George Sand est une femme... Tu m'en apprends une bonne. Je la connais pas du tout mais j'ai vu son nom plusieurs fois ici et là. Et j'avais toujours pensé que c'était un homme.
Ce qui prouve une fois de plus que je suis un gars plein de préjugés: j'associe le prénom George a un homme sans me poser de questions...
Très intéressant. Merci pour l'extrait.
Je ne la connais pas vraiment, n'ayant rien lu d'elle. Ne faisons pas la même erreur que ses contemporains, lisons-la avant de juger.
Dans le seconde partie de votre extrait, on sent l'amertume à travers les lignes.
Accent Grave
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