mardi, juillet 24, 2007

Parfum d'aisance

Dans un couple, vous le savez d'expérience, les débuts amoureux sont la grande majorité du temps fort rosés et les côtés sombres de l'un et de l'autre, occultés.

La simple vue de l'Élu nous donne des palpitations, ses effleurements nous rendent folle, sa voix sur le répondeur nous caresse l'ouïe, ses effluves nous renversent.

L'autre est idéalisé, souvent côtoyé à son meilleur, frais et dispos, bien mis, alléchant. Rarement nous nous montrons sous notre mauvais jour. À tout prix, préserver la lune de miel de la perfection de notre image.

Puis, au fil des années (des mois, parfois), un certain relâchement s'installe. Une disgracieuse impudeur.

***

Elle était là, accotée sur le cadre de porte de l'atelier, à discuter avec son bel Amour fouillant dans ses outils. Même après quatre ans, elle tirait toujours autant de plaisir à l'admirer. Il était beau. Quand il était profondément affairé, sa concentration décuplait son sex-appeal.

Si lui pétait sans vergogne depuis plusieurs années déjà, elle était beaucoup plus soucieuse de préserver son image intacte de femme au parfum inaltérable. Sa pudeur l'avait, jusqu'ici, immunisée contre la disgrâce des mauvaises odeurs.

Toujours dans l'entrée de l'atelier, elle libéra discrètement un léger extrait de son côté sombre, le croyant, comme ses pairs, tout ce qu'il y a de plus inoffensif.

C'est à ce moment que, muni de son outil, son Amour se dirigea vers la sortie de la pièce. Elle jugea prudent de l'aviser du risque: "Je t'informe que tu t'apprêtes à traverser une zone de turbulence."

L'Amour comprit le sens des propos de sa Douce à la respiration suivante: "Pouaah! Mon Dieu, quelle horreur! Je la qualifierai vraiment plus de zone de flatulence!"

La gêne la fit s'esclaffer.

Il était déjà dans une autre pièce. Avec réserve, mais pourtant incapable de s'arrêter de rire, elle le rejoint dans le but de continuer la discussion de l'atelier.

Il était de nouveau concentré, si viril, à tenter de dévisser la structure de métal d'un meuble. Il déposa son outil, puis s'exclama: "Ah merde! Ce n'est pas la bonne clé! Pourrais-tu retourner dans l'atelier en chercher une juste un peu plus petite? Moi, je ne retourne pas dans cet enfer..."

-Je ne connais rien à tes outils!

-Écoute, je viens d'apprendre à me familiariser avec le fruit de tes entrailles, ce serait la moindre des choses que tu apprennes à te familiariser avec mes outils!

Elle ne contenait toujours pas son rire et découragé, le brave Amour prit son courage à deux mains pour traverser les tumultes olfactifs et aller chercher lui-même l'outil désiré.

Devant les nombreux et disgracieux commentaires fusant de l'atelier, elle lança entre deux fous rires: "Arrête! Tu m'humilies!"

Le Brave ne manqua pas de rétorquer: "Et toi, tu m'asphyxies. À toi de me dire ce qui est pire entre humiliation et asphyxie."

Coup final: perte de sa dignité.

Leur vie conjugale allait-elle s'en remettre?

11 commentaires:

Marchello a dit...

Si le couple survit au test de la flatulence, c'est que c'est du solide autrement ça finirait par flancher inévitablement de toute façon.....

Mme Marie-Andrée a dit...

J'aimerais bien en être encore au stade inoffensif des flatulences... Après 7 ans de complicité, nous avons eu vécu des hauts et, plus récemment, quelques bas.
Croyant avoir tout vu, tout vécu, tout savoir l'un de l'autre, je dois admettre que d'avoir passé 24 heures entières, confinés dans le peu d'espace qu'offre notre Westfalia, prisonniers d'un déluge infernal, nous a fait réfléchir sur la notion d'intimité... Nous regardions l'autre et la toilette portative alternativement, espérant que nous n'aurions pas à franchir le dernier tabou.
Je tiens à préciser que mon honneur est sauf et que c'est la seule humiliation qui m'ait encore été épargnée dans notre vie de couple!

Véronique a dit...

Ce qui est bien avec la course, c'est que la "bulle idylique" se pète (c'est le cas de le dire...)très rapidement.

Bien difficile d'empêcher les flatulences qui ponctuent souvent des sorties de course.

La glace est brisée dès les premiers mois ! ce qui laisse place à une vulgarité confortable.

Grande-Dame a dit...

Tiens Marie-Andrée, intéressant!

Je suis devenue enceinte de mon fils Thomas moins de deux mois après le début de mes fréquentations de Grand-Homme.

Plus ma grossesse progressait et plus je me disais que je devrais briser la glace et faire pipi devant lui avant le jour J de l'accouchement (l'ayant préalablement informé que sur mes quatre accouchements précédents, j'avais deux fois fait pipi sur le médecin).

Il était donc impératif que je réussisse à franchir la limite mentale du simple pipi avant de passer à la chose sérieuse de l'inélégant pipi sur un humain.

Récemment, devant une autre de mes pudeurs (psychologique, cette fois), mon homme m'a dit: "Merde Jen! On a vécu le deuil d'un enfant ensemble, me semble qu'il n'y a pas grand chose de pire. Baisse donc ta garde..."

N'empêche, les fluides (et cie!)humains, ça a un quelque chose de...gelant....

Grande-Dame a dit...

Eh bien Véronique, me voilà maintenant fille informée! :-)

Pur bonheur a dit...

Mais oui voyons! Moi, quand mon amoureux s'échappe, je le traite de CATASTROPHE ÉCOLOGIQUE. Et on s'en remet, t'inquiète!

Hortensia a dit...

Vous m'étonnez: les fille ne pètent pas, ou si peu, et quand elles pètent, ça sent la rose, non? ah bon! ;-)

Prescription: écouter à deux la chanson "Je pète au lit" de Jamil.
Héhé!

Fausse-artiste/Vraie-frisée a dit...

Ce billet et tous ces commentaires me donnent la confirmation de ce que je pensais: je n'ai jamais eu de dignité! Il n'y a pas de tabou avec moi! Que ce soit un pet ou un pipi, notre couple est capable d'en prendre!

val a dit...

superbe billet ! drôle et tellement vrai ;-)

Anonyme a dit...

Ah le test ultime... mais j'avoue qu'après avoir accouché 4 fois devant mon homme il n'y a plus rien de mystérieux, il a tout vu et plus encore.

Anonyme a dit...

nous avons patagé vent et accouchements ici mais jamais le petit coin, je n,en serait jamais capable pour quoi que ce soit!