dimanche, juillet 15, 2007

Famille injuste et heureuse de l'être


Certains parents, dans leurs craintes profondes de léser un de leurs enfants par une immonde iniquité, affirment les aimer "tous égal". Cet "amour théoriquement équitable" se démontre parfois par une répartition juste des biens matériels, du temps consacré à chacun ou des privilèges accordés.

Mon ex belle-mère, par exemple, offrait, chaque Noël, le même cadeau en quatre exemplaire à chacun de ses enfants sous prétexte d'une équité familiale sans failles. J'observais chaque année la scène avec un sentiment d'amusement (et celui de vivre sur une autre planète). Elle repérait mon sourire et justifiait chaque fois: "Ben quoi? Je les aime tous égal...".

Est-ce que j'aime mes enfants "également"? Pas du tout! Je les aime tous profondément, certes, mais ils sont tellement différents, comment pourrais-je leur offrir exactement le même amour, la même attention, la même part de moi? Comment pourraient-ils susciter chez moi exactement le même sentiment?

Pour mes enfants, je suis louve et lionne, cane et chatte (et "lapine", rajouteront les langues sales) indéniablement. Cela ne teinte toutefois pas mes rapports avec eux d'une parfaite rationalité.

Je possède des affinités plus affectives avec l'un, intellectuelles ou ludiques avec l'autre, tout cela nuancé à différents degrés avec chacun d'entre eux. Certains possèdent la fabuleuse faculté de me taper royalement sur les nerfs durant une période donnée par un aspect précis d'eux-même et la relation s'affine (ou se dégrade, snif) jusqu'à la lune de miel suivante. J'admire et apprécie mes enfants pour certaines raisons et ils m'exaspèrent pour d'autres.

Parfois, je rentre de faire des courses avec une attention pour un seul mousquetaire. Assurément, il s'en trouve un autre pour pleurnicher que ce n'est pas juste, comme s'il n'avait jamais eu lui aussi son jour de gloire.

Rien n'est juste et rien ne sera jamais juste chez nous. C'est ainsi. Même si ça l'était, pour mes mousquetaires, tout serait quand même injuste. Ils trouvent le moyen de s'obstiner même quand ils ont tous la même fichue réglisse! S'il fallait qu'il y en ait un qui en ai reçu une plus grande que les autres, le D-R-A-M-E!! C'est quand même too bad, c'est ainsi que ça fonctionne.

L'injustice, aux yeux de mes enfants, est la principale dysfonction de notre famille.

Une fois de plus, j'ai constaté aujourd'hui qu'on ne s'en sortait jamais.

Au volant de ma voiture, musique entraînante dans les oreilles, je m'étirai un bras pour tapoter tendrement la cuisse de Coco. Je me retournai le temps d'un sourire, qu'il me rendit de bon coeur.

Puis, j'ai cherché à tâtons la cuisse de Tout-Doux derrière moi. Il a guidé ma main vers son mollet, que j'ai caressé un peu plus longtemps.

Coco n'a pas manqué de me passer le commentaire: "Maman, tu l'as flatté plus longtemps que moi."

Évidemment.

J'ai trouvé à nouveau la cuisse de Coco et bonifiée ma caresse de quatre secondes et quart.

Tout le monde était-il content?

Bien sûr que non.

"Maman, tu as flatté sa jambe deux fois et la mienne juste une.", a évidemment protesté Tout-Doux.

Voyez. On ne s'en sort pas. L'herbe est définitivement toujours plus verte dans la cour de son frère.

15 commentaires:

Pur bonheur a dit...

Bref, faudrait tenir une comptabilité des caresses et faire les ajustement le soirs, ce qui est à peu près impossible.
C'est vrai que les enfants sont jaloux entre eux. Les miens ont 19 et 24 ans et ils le sont!
(ma fille dit à son frère 'bébé lala, maman te fait encore tes lunchs!!)

S@hée a dit...

Ici c'est :

- c'est pas juste
- je sais chérie. La vie est injuste.

Je te lis toujours par mon feedreader et je n'avais pas encore vu ta nouvelle en-tête... elle est superbe.

Comme toi :-)

bibconfidences a dit...

J'ai souris à ce billet...mes deux plus jeunes ont 14 et 15 ans et si mon fils comprend le système ( le même que chez vous ) ma fille elle est outrée régulièrement à la moindre petite irrégularité dans son livre de comptes...

Anonyme a dit...

Voici toujours des états d'âme que Fille unique et préférée ne connaitra pas ;)

Anonyme a dit...

Je lis ce billet alors même, que je me demande comment annoncer à mon cadet(8 ans) ce soir que pendant qu'il était au centre aéré son frère aîné (12 ans) a eu l'immense chance d'accompagner les petits voisins au lac pour se baigner, le tout sans qu'il y ai un xième drame du "c'est pas juste" ! Le pire dans l'histoire étant que parmi les petits voisins se trouve le meilleur amis de fils cadet....ami que j'ai emmené au dit lac avec "fils cadet uniquement" il y quelques jours !!!! Chez nous c'est à tel point que mon ainé a hésité à accompagner son meilleur ami à la dite plage, pour ne pas froisser son petit frère ! Dans ces cas là je m'isurge, chacun profite de ce qu'il reçoit, des opportunités sans compter si l'autre aura les meme chances, la vie n'est pas juste, cela se saurait....mais qu'il est dur de faire entrer ces notions dans nos chères têtes blondes !!

cath...3...2...1 a dit...

Injustice!! Ont crié les enfants d'une tablée d'amis que nous étions parce qu'ils pensaient avoir de plus petites portions que nous au repas principal!! RE-INJUSTICE!!! Ils ont crié le même soir lorsqu'au dessert, nous avions mis du zeste de citron (à peine) dans la crème fouettée qui ornait les mousses au chocolat maison que nous leurs avions concocté!! Un ami célibataire et sans enfant leur a rappellé qu'ils mangeaient certainement mieux que le quartier au complet ce soir là (nous avions passé la journée à cuisiner...pâtes fraîches maison, etc.). Mais bon, INJUSTICE!!

Véronique a dit...

Hahaha ! Ça me fait penser que très jeunes, ma soeur et moi avions tous deux des cadeaux à la fête de "l'autre".

Mes parents avaient probablement peur que l'autre chigne à cause de l'injustice..!

Catherine a dit...

Ouf.. ça m'est arrivé une fois d'avoir un cadeau identique à mon petit frère et j'ai détesté!!!!!! Ya pas de justice à recevoir un cadeau impersonnel qui ne plait pas..

J. RAFFE a dit...

Ici aussi, on n'est pas juste et je pense que c'est normal... C'est la vraie vie. Les relations changent, évoluent...

Anonyme a dit...

Ici c'est bien sûr pareil!
Avec six enfants à contenter, ce qui est en soi un défi qui frise l'impossibilité,nous passons notre temps à leur dire que la vie sur terre est injuste et souvent relative... Nous essayons donc de développer leur notion de la justice familliale -qui devrait bien sûr être, à leurs yeux d'enfants, leur justice et à leur avantage- en notion de «chacun son tour», de «souhaite et fais à l'autre ce que tu voudrais que ce soit pour toi» et de «je fais mon possible pour couper ce gâteau en part très très égales, mais je n'ai pas de balance électronique à ma disposition»...
J'ai en effet souvent l'impression de devoir tout peser, mesurer, évaluer... bouffe, cadeaux, affection, tâches, permissions...
Ce qui est souvent drôle ou épuisant, dépendamment de mon humeur ou de mon énergie.
Avec 4 ados on doit en plus combiner avec le terrible, mais heureusement temporaire, sentiment d'incompréhension parentale qu'ils ressentent, ainsi qu'avec une période super-veggie et de «c'est pas grave on s'en fout»...
J'ai parfois le sentiment que «c'est paaaasss juuuuste»... pour moi!
La vie est bien faite puisqu'en bout de ligne, on a à dealer toute notre vie avec la réalité de l'inégalité... on se pratique donc en famille!
France

Yannou a dit...

Je veux contredire personne, mais le problème est complexe dans la mesure où on y accorde trop d'attention. De mon côté, avec mes trois mousses (je suis belle-mère seulement, attention, mon expérience est différée), je tente d'être équitable le plus possible, sans en faire une obsession non plus. Ça se traduit en une volonté de faire attention à tout le monde, à sa personnalité et ses sensibilités. Mais si j'entends du chialage, je bloque tout le monde! Alors comme ça, si ils crient à l'injustice, ils sont tous punis et privés! Méchant bon truc pour bloquer tout chialage, et transformer le chignage de bébé en dialogue familial (on prône la communication, chez nous). Mais bon, c'est probablement pas infaible non plus, mais selon mon expérience, c'est fichtrement efficace, et tout le monde est à peu près content!

Anonyme a dit...

100% d'accord avec toi, je vis la même chose ici et je suis championne en injustice. Pire, quand un de mes enfants se plaint du traitement de faveur accordé à un autre, j'avoue candidement :"mais c'est parce que c'est mon chouhou, voyons!". Zoup, cà bouche-bée le jaloux ;-DD
J'avais une amie qui, lorsqu'elle amenait son plus jeune au groupe de jeux pendant que le plus vieux était à l'école, s'assurait de faire le même bricolage pour que le plus vieux ne soit pas jaloux de ne pas avoir de bricolage. Duhhhh...

small mama a dit...

je souhaite être aussi injuste que vous avec mes enfants!
;)
Même en étant juste et équitable, les enfants trouvent le moyen de crier à l'injustice. C'est dans leur nature. Et si on est toujours juste et équitable, en plus d'être franchement ennuyant (ex des cadeaux) une fois dans la "vrai vie" ils seront toujours frustrés!

Marie Eve a dit...

J'ai toujours eu le même point de vue que vous sur la chose sans m'en sentir coupable. Je donnerais ma vie sans distinction pour l'un ou pour l'autre, mais je les aime différemment.

Je rappelais à mon fils de treize ans la semaine dernière, et nous en avons bien rit, que quand il était tout petit il racontait à sa soeur que je l'aimais plus que lui parce que j'avais choisi qu'elle naisse avec une sage-femme tandis que lui était né à l'hôpital (les MDN n'existant pas à l'époque).

Chose intéressante à tirer de cette histoire, pour mes enfants il est clair que l'hôpital n'est pas ce qu'on peut souhaiter de mieux pour une naissance.

Je ne sais pas où ils ont bien pu prendre ça...

À bientôt!

Grande-Dame a dit...

Bienvenue à mes nouveaux lecteurs-trices! :-)

France, bien d'accord avec vous pour la relativité à la justice!

Mamounia, nous avons donc une formule commune. Tout-Doux la prend très au sérieux et renote à ses frères, mains sur les hanches, que c'est LUI le chouchou de maman, il le sait, han, parce qu'elle-lui-a-dit, bon! :-)

J. Raffe...heureuse de te retrouver. :-)