vendredi, avril 27, 2007
Grande-Dame vous parle de sexe
Le sexe n'est-il pas, dans la perception d'un adolescent, une affaire quasi exclusive de jeunes? Genre, "nos parents nous ont conçu dans leur jeune temps, maintenant qu'ils sont vieux, ils sont passés à autre chose"?
Je me souviens très bien qu'adolescente, malgré mon inexpérience en la matière, j'avais la nette impression de détenir toute vérité sur le sexe.
Si ce n'avait été de ces interminables soirées où mon père et sa femme m'empêchaient de faire mes devoirs/écrire/réfléchir/dormir par leur vacarme dans la pièce d'à côté, ma théorie aurait été confirmée. L'absence de pudeur de mon père en matière de sexe me déstabilisait et infirmait mes théories. À seize ans, dix-sept ans, je n'avais aucunement besoin de connaître la nature intime de sa vie sexuelle, qui me hante encore aujourd'hui. Mais ça, c'est une autre histoire.
Dans ma naïveté, je pouvais difficilement concevoir que les adultes de plus de quarante ans faisaient encore l'amour. "À cet âge, on est presque invalide!" qu'ahurie, je me disais.
Puis, j'ai vieilli, repéré mes erreurs de perception, adapté mon jugement et par le fait-même, "autorisé" dorénavant moralement mes aînés à continuer à avoir du fun en dépit de leur âge.
Il y a quelques années, mes anciens collègues m'avaient invités à leur souper de Noël malgré que j'avais quitté l'emploi. Nous étions cinq: deux collègues masculins dans la quarantaine, une collègue d'une cinquantaine d'années, notre doyenne fraîchement retraitée de soixante-cinq ans (que je rencontrais pour la première fois et qui luttait durement contre un cancer) et moi, avec mes vingt-six ans, ma candeur et mon début de quatrième bedon.
Durant tout le repas, nous avons évidemment discuté. Du boulot, de relations de couple, de notre vécu, de passe-temps, de maladie, de mort, d'enfants. Et, à mon grand étonnement, ce fut notre doyenne qui mit le plus ouvertement cartes sur table en matière de sexe.
J'ai immédiatement aimé cette femme. Le genre de femme franche, sans détours, mais respectable, respectueuse, articulée et authentique.
En fin de soirée, nous nous sommes tous salués. J'ai embrassé la femme et lui ai souhaité de tout coeur un retour à la santé. Elle prit du recul, me regarda quelques secondes et me dit avec toute la sincérité du monde: "De la santé...C'est gentil de ta part...Mais tu sais ce qui me ferait vraiment plaisir? Ce dont j'aurais vraiment envie? Du SEXE! Souhaite-moi plein de sexe, beaucoup de sexe et même si je n'ai plus la santé, je mourrai heureuse!"
J'étais stupéfaite de sa franchise, admirative devant le fait qu'elle puisse se permettre cet élan de sincérité sans avoir l'air vulgaire ou déplacée. C'était simplement qu'elle savait ce qu'elle voulait et qu'elle savait le nommer. Je n'ai donc pu faire autrement que de lui souhaiter aussi sincèrement du sexe, du délicieux sexe à volonté.
Elle m'a fait un grand sourire satisfait et je ne l'ai plus jamais revue.
N'empêche, cette femme a encore repoussé ma jusqu'alors approximation physique de fin d'activité sexuelle.
***
Je trouve amusant d'observer mon fils aîné lorsqu'il est question de sexe. A-t-il, comme moi (un peu plus âgée), l'impression que le sexe, c'est une affaire de jeunes et que les "vieux" n'y comprennent rien?
À douze ans, depuis un bon moment déjà, bien qu'il camoufle plus ou moins adroitement son embarras, ses oreilles se tendent lorsqu'il entend une allusion sexuelle, une blague, une information sur l'anatomie ou les pratiques sexuelles. Parfois, malgré sa gêne, il risque une question. Et je lui réponds.
Lorsqu'il raconte une blague comportant une allusion sexuelle et qu'on ne la rit pas, il lève les yeux aux ciel, exaspéré de ses parents, puis marmonne pour lui-même: "Ah Seigneur, ils ne la comprennent pas!"
Grand-Homme et moi échangeons alors un sourire entendu bien plus savoureux que la blague elle-même.
***
Il y a quelques jours, ce même Fils Aîné arborait de façon insupportable une spécialité adolescente (quoique puisse avoir envie de rajouter Grand-Homme), j'ai nommé: une humeur massacrante. Ma limite de tolérance atteinte, je l'envoyai se calmer (lire ici "nous épargner") dans sa chambre.
Alors que je m'apprêtais à quitter la maison quelques instants plus tard, j'allai le rejoindre et lui demandai de m'accompagner chez Jean Coutu*. Sortir de la maison allait assurément lui aérer l'esprit.
En se rendant à la voiture, nous croisons un Petit Caractère (5 ans) pleurnichant sur une quelconque contrariété. Je le saisis au passage lui aussi. C'est fou ce qu'une simple balade est efficace pour changer les idées.
***
Nous voilà donc chez Jean Coutu. Je me dirige illico vers la rangée des contraceptifs. Je scrute les tablettes et ne repère pas notre marque de condoms habituelle. Je zieute donc un peu plus longuement. Fils Aîné et Petit Caractère sont plantés docilement derrière moi et discutent.
Au bout d'un instant, un vent de lucidité souffle sur Fils Aîné: "Maman? MAMAN! Qu'est-ce que tu fais? C'est quoi ça?"
Moi, concentrée -Je cherche une marque de condoms.
Fils Aîné, embarassé ou horrifié, -à valider -Encooore?
Moi -(...)
Je continue de chercher et devant le silence absolu de la terrifiante rangée des condoms, je me retourne pour m'assurer que mes fils sont toujours à mes côtés.
Fils Aîné tourne littéralement le dos aux tablettes de condoms, bras croisés et fixant avec une angoisse palpable les bouteilles de peroxyde (ou était-ce des boîtes de sirop décongestionnant?), beaucoup moins menaçants.
Ne trouvant pas notre marqué préférée, je me résigne à chercher un substitut correspondant à nos exigences -et besoins- en la matière.
Devant le temps et le soin que j'y mets, Fils Aîné se retourne et offre de m'aider. Il me pointe une boîte: "Pourquoi tu prends pas ceux-là. Prix d'ami, que c'est marqué. Ils sont moins chers."
Moi, pas super à l'aise d'intégrer mon fils dans mon choix de préservatifs -Euhm....non...pas ceux-là...
Fils Aîné retourne dans la zone confortable que lui procure le contact visuel avec les bouteilles de peroxyde. Et puis merde le peroxyde, il décide d'emmener Petit Caractère prendre sa pression artérielle à la machine. Ça, c'est beaucoup plus safe!
Je finis par trouver un ersatz convenable et me dirige vers une autre rangée.
Tandis que je respire les odeurs des différentes marques de shampoing, j'aperçois Fils Aîné approcher avec un minimum d'aisance. Timide, il ose (je salue son courage) revenir à la charge: "Maman, pourquoi tu achètes encore des condoms? Me semble que vous en achetez souvent..."
Moi, perplexe -(...)
Soucieuse d'être une bonne pédagogue, je cherche tout de même à répondre minimalement à son interrogation: "Je n'ai plus de stérilet, c'est pour ça que je dois acheter des condoms..."
Voilà qu'il me tourne déjà le dos, n'attendant pas ma réponse. Parti reprendre sa pression, sans doute. Voilà une bonne initiative.
*Pour mes lecteurs Européens: Jean Coutu est une chaîne de pharmacies québécoise.
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17 commentaires:
Je trouve ça bien que ce ne soit pas tabou pour vous. Malgré l'embarras pour l'un et l'autre, vous ne vous êtes tout de même pas empêché d'acheter les préservatifs, et ce, même en sachant que votre fils sait très bien de quoi il s'agit (et ce que ça comporte !)...
Ce n'est pas chez moi que mes parents se seraient affichés aussi librement :)
Je crois que c'est surtout qu'on a tellement pas envie de connaître la vie sexuelle de nos parents! En plus moi ma mère nous dis toujours à ma soeur et moi:"Wash le sexe" ça nous fait tellement rire!!! J'ai été troublé la fois que j'ai vu son con-joint passé nu sur la pointe des pieds devant ma chambre brrrr!!!
Par contre, malgré ma jeunesse, je sais que la vie sexuelle peut se prolonger et que dans la cinquantaine, ça fonctionne encore! Pour avoir "teste" différents âges, il y a des qualités sexuelles spéciales à chaque tranche d'age chez l'homme. J'espère seulement avoir toujours le goût avec mon amoureux quand nous seront devenus des ti-vieux!
Je profite de cette tribune pour dire: JE T'AIME PATACHOU et je tâcherai de te combler pour l'éternité à tous les niveaux possibles.
J'ai beaucoup ri... un peu jaune quand même ! C'est vrai que nous ne voulons pas voir la sexualité de nos parents (même aujourd'hui...). J'imagine la gêne de Fils Ainé... alors comme ça on le fait "encoooore" même vieux ?! et sa mèèèèère en plus ?! pas facile à intégrer et accepter... moi même je préfère ne pas penser que mes parents de 60 ans ont une vie sexuelle :-D
moi je trouve ca bien car tu lui montres qu'il est n'est pas gênant d'acheter des condoms alors il aura une bonne base!
Grande Dame, encore une tentative pour t'attirer des obsédés du sexe sur ton blogue??!!?? Coquine, va! :-)
Patachou... La cinquantaine, ça marche encore?? Aïe! Tu dois être jeune en titi pour dire ça... :-) À 70 ans, ça roule encore, tu sais! :-) À 80, c'est comme neuf! :D Tiens, ça m'inspire pour un prochain billet... Merci!
C'est drôle....en viellissant chacun devient convaincu qu'il est à son meilleur en matière de sexe....pendant ce temps là, les jeunes pensent qu'on ne pratique plus rien ! :-)
J'ai 40. Et ma foi malgré que je me pensais hot et que je pensais tout connaitre à 20 ans sur le sexe (avec mon ti mec inéxpérimenté du même âge que moi) je n'avais rien vu !! Mon chéri a 50. Et de loin je vis mes plus belles années en matière de sexe !
Tu imagines le jour ou il viendra demander ton opinion sur la meilleure marque de condoms? Tu seras sa première référence! Comme il sait que tu sais... Merveilleux non?
ça me fait toujours sourire de lire les réactions de ton grand car le mien est dans les mêmes étapes...
Les débuts de l'adolescence, l'éveil sexuel, les questions existentielles... C'est vrai que c'est une belle étape de vie quand c'est vécu sainement avec des parents aimants... bravo !!
Go Enidan! Va faire un tour dans la rangée des condoms avec ton fils. C'est une belle sortie éducative, mouahahah!
C'est une bonne chose que tu aies spécifié Gooba. Parce que tu sais, Enidan aurait bien pu vouloir bien faire et emmener son fils dans un sex shop.
À proscrire, je vous en conjure!
Cricri...J'espère de tout coeur qu'il en sera ainsi pour moi dans une dizaine-vingtaine d'années. Vous avez des aptitudes magnifiques pour préserver cet aspect de votre vie.
C'est vrai que pour nos parents, on préfère éviter que savoir. :-S
Sex shop avec les ados, ça pourrait être une alternative! :-)
Pour la sexualité de ma mère ou de ma grand-mère, moi, je suis plutôt curieuse! Je n'ai pas ce malaise... Jeune, oui, mais c'est vite passé. Après tout, c'est tellement naturel...
Tiens,je suis comme Gooba, je n'ai aucun malaise avec la sexualité de ma mère ou celle de mon fils et filles. Je n'en sais pas grand chose de la sexualité de ma mère de 81 ans, mais à voir les regards coquins entre elle et son jeunot de 75 ans, ça me surprendrait pas mal qu'il ne se passe plus rien. C'est un nouveau couple qui s'est formé il y a deux ans à peine alors ils sont encore en lune de miel.
À douze ans, mon garçon était encore un ti-cul, mais à douze ans, watch out, une de mes filles réclamait LE DROIT de faire l'amour. Oups! Gulp! On a non seulement acheté des condoms ensemble mais aussi pratiqué l'art de les enfiler sur une bouteille! Ne te fie pas aux jeunes hommes, ma fille, sois responsable du caoutchouc. Et en plus, pas question que tu couches avec qui que ce soit avant le jour de tes 14 ans!
Le jour de sa fête, elle n'avait pas oublié, la snoraude et m'a gentiment demandé d'aller voir un long film avec ses soeurs pendant qu'elle passerait la soirée avec son chum. Elle a seize ans maintenant et c'est une fille très saine et responsable qui entrera au cegep à l'automne.
Quant aux joies de la sexualité dans la cinquantaine, hum, me semble que j'en parle amplement dans mon blogue! ;o)
Et je trouve ça très joli que des amoureux viennent se faire des déclarations d'amour sur votre blogue, Grande Dame. Vous êtes inspirante!
Femme libre, il arrive que ma mère et moi ayons des discussions honnêtes sur le sexe et dans cette mesure, c'est constructif, agréable, coquin. La discussion se passe dans un lien de confiance.
Quant à mon père, j'aurais très bien pu vivre (j'aurais même vécu bcp mieux) si je n'avais pas été la confidente "privilégiée" de ses innombrables aventures et tous les mensonges qui allaient de pair avec.
C'est le genre de confidences imposées qu'un père devrait épargner à sa fille en pleine construction de son idéal masculin. :-S
Je confirme! A cinquante ans, c'est encore meilleur! J'ai presque hâte d'avoir soixante pour voir!
Et tu sais Grande Dame, moi j'étais la confidente de ma mère qui trompait mon père. Très très difficile aussi!
Me suis promis de ne pas avoir ce genre de mariage..pff
De un, je n'était pas géné, mais étonné et de deux le sex-shop ... bonne idée si j'y vais seul et avec du cash. Vous dites que l'on ne connait rien sur vous, mais vous non plus vous ne savez rien sur nous et ce n'ait pas parce que vous avez déja eu notre age que vous le savez. :)
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