lundi, janvier 15, 2007

Panne d'olfaction

Je déteste. J'en suis actuellement affligée. Je suis une olfactive. Chaque jour, je me délecte de la divine odeur de mon homme, je prends des bouffées de mes enfants, juste sur la tempe, là où il y a un discret petit battement.

Ils se lavent tous les cheveux avec le même shampoing, mais ont chacun leur odeur propre. Chaque fois qu'ils viennent vers moi, je les hume en les embrassant. Un réflexe d'olfactive. Je suis animale et les reconnais à l'odeur.

Voilà deux semaines que je suis privée de ce délice, que je ne respire plus l'odeur de ce que je cuisine, que je ne respire plus ni homme ni enfants.

Je ne sens plus l'odeur des couches pleines (croyez-bien que mon homme se fasse un plaisir d'exploiter mon handicap temporaire), plus l'odeur du jambon ou des muffins qui cuisent, plus l'odeur de chauffé, même lorsque le système d'alarme hurle pour nous alerter de l'odeur suspecte.

Je me disais ce matin que j'aurais été terriblement triste si j'avais eu une panne d'olfaction au moment où Thomas est décédé.

Durant les six heures où nous avons bercé son petit corps inerte, j'ai pris des provisions de lui à travers son odeur encore intacte, autant cela se pouvait.

Lorsque je rencontre Thomas dans mes si beaux rêves, c'est toujours l'une des premières choses que je fais: je le serre dans mes bras, enfouis mon nez dans ses cheveux et prends une grande respiration.

Même dans mes rêves, l'odeur est inchangée. C'est bien la sienne. Une fois, en m'éveillant, j'ai rapporté du monde onirique l'odeur avec moi. Je n'osais plus bouger de crainte que l'odeur ne s'évapore. Je retenais mon souffle, respirais à petites doses ces bouffées de lui dans le monde réel.

Sans odorat, je suis amputée. C'est un calvaire insidieux que d'être privée de l'un de mes sens.

Je me promets un festival de goûts et d'odeurs pour célébrer bientôt le retour de mes fonctions olfactives.

1 commentaire:

Anonyme a dit...

Sans doute le plus bel hommage «inversé» (parce que beaucoup plus plaisant quant aux sujets !) au «Parfum» de Suskind !