mercredi, janvier 17, 2007

La bravoure du Fils

Il est l'aîné de la famille, c'est donc naturel qu'il soit le plus fort. Il se dit aussi le plus intelligent. Le plus beau. Le plus responsable. En tout supérieur aux autres.

Ne tentez pas de démontrer que ses frères aussi ont des forces, il vous démontrera qu'il est sans égal. Un Gibraltar. Tout de roc et de force.

N'allez pas lui dire qu'il est peureux, il vous répondra, persuadé d'avoir raison, qu'il est INTUITIF.

***

Téléphone cellulaire qui sonne.

-Allo ?

-Allo, Grand-Homme ? Où est-ce que vous êtes ?

-Ha ! Salut Fils-Aîné. De retour à la maison ? On fait des courses. Grande-Dame est à l’épicerie et j’attends avec Bébé-bougonneux dans l’auto. Ensuite on arrête prendre tes frères à l’école et on rentre à la maison.

-… Ça va être long..? (ton suspect transpirant une certaine détresse)

-Peut-être une quinzaine de minutes. Est-ce que ça va ?

Bref silence.

-Ben… Quand je suis arrivé à la maison, tu n’avais pas verrouillé la porte.

-Ah ! C’est un oubli.

-Mais là moi, la première chose que j’ai pensé c’est qu’un voleur était entré dans la maison. Alors j’ai pris le pied-de-biche et j’ai couru dans toutes les pièces de la maison pour voir si il y avait quelqu’un.

-Et il n’y avait personne ? (ton un peu amusé qui tente de se faire rassurant !)

-J’ai entendu deux bruits en bas, alors j’ai couru et j’ai vu de la lumière dans ta chambre, donc j’ai été voir au cas où ce serait un voleur.

-Bon… donc tu n’as trouvé personne. Tu es rassuré là ?

Encore un bref silence.

-Ben là je suis embarré dans la salle de bain.

-Quoi ?

-Je me suis embarré dans la salle de bain avec le pied-de-biche.

-(franchement amusé) Tu es dans la salle de bain avec le pied-de-biche ?

Embarrassé d’avoir affiché sa position vulnérable, Fils-Aîné tente de justifier sa posture :

-Ben, c’est parce que je suis… en train de déféquer**

-(De plus en plus amusé) Attends ! Tu es en train de me dire que tu me parles alors que tu travailles à l'expulsion***, dans la salle de bain, avec le pied-de-biche ???

-…ouais…

-Bon, ok ! (il ne faut pas trop en mettre, il est déjà sur les nerfs)

Alors ne t’inquiète pas, on s’en vient bientôt. Si tu as peur tu peux venir à pieds nous rejoindre à l’école de tes frères.

-J’ai pas peur !, affirme-t-il, indiscutable.

-Parfait. (sic) Alors on se voit tantôt.

Dix minutes plus tard, dans le stationnement de l’école des petits frères, le téléphone fait retentir à nouveau sa mélodie. Même si la sonnerie est toujours la même, il existe des moments où la sonnerie a une vibration différente, transmettant instantanément la détresse de celui au bout du fil.

-Allo ?

-Vous êtes où là ?

-À l’école de tes frères. Qu’est-ce qui se passe ? Tu n’es toujours pas rassuré ?

-Ben là, j’ai entendu deux bruits de choses qu’on bouscule dans le rangement, au sous-sol. C’est sûr qu’il y a quelqu’un.

-Ah oui ? Tu crois ?

Moment de déception au bout du fil. Fils-Aîné comprend que je ne partage pas son avis sur la présence d’un voleur au sous-sol. Il comprend donc, comme des centaines de jeunes garçons avant lui, que la peur qui le ronge est probablement irrationnelle, mais il ne peut s’en défaire. Il préfère s’accrocher à la possibilité qu’un individu soit caché au sous-sol, un voleur préférant se terrer plutôt que de faire face à un préadolescent tremblant armé d’un pied-de-biche, un voleur qui croît que ses chances de survie sont meilleures s’il reste caché à l’intérieur de la maison plutôt que de fuir par une fenêtre pour éviter de se faire prendre. S’il existait, Fils-Aîné pourrait ainsi prouver à ses parents, comme bien d’autres ont souhaité le prouver, que sa peur était légitime et que ses parents auraient dû accourir à sa rescousse.

-En tout cas, Grand-Homme, s’il sort du rangement, il va y gouter parce que je suis armé jusqu’aux dents.

Parenthèse au lecteur: Le rangement est une grande pièce bordélique où sont entreposés en vrac toute boîte, tout sac, outil, bidule que l'on n'arrive pas à caser ailleurs.

Au fond du rangement: la fournaise. Cerise sur le sundae: la lumière du rangement fonctionne une fois sur deux, et la fois où elle fonctionne, elle vascille, grésille, s'éteint, se rallume, clignote. Bref, le rangement, c'est le twilight zone. L'endroit idéal pour un ennemi. N'y entrent que les braves. Ou les peureux armés jusqu'aux dents.

-(inquiet) Qu’est-ce que tu as pour te « défendre » ?

-Tu verras quand vous arriverez.

-(encore plus inquiet) Dis-moi exactement ce que tu as pris pour « t’armer ».

-J’ai le pied-de-biche, l’autre petit pied-de-biche, le couteau le plus long que j’ai trouvé, puis j’ai mis le casque de hockey.

-Bon, alors reste calme, assure-toi de ne rien briser et de rester prudent. On s’en vient bientôt.

-Ok, salut.


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Arrivés à la maison, les petits frères sont excités et moqueurs, sont fébriles de voir leur grand frère en pleine crise de peur et s’imaginant des scénarios fous. Grand-Charme veut aller cogner dans les fenêtres à l’arrière de la maison pour effrayer son aîné et nous supplie sans succès de stationner la voiture hors de vue de Fils-Aîné.

Stationnés devant la porte, Grande-Dame et moi pouffons de rire en apercevant un casque de hockey faire les cent pas dans la cuisine. Et le spectacle ne fut pas moins rigolo une fois à l’intérieur.

Derrière la grille du casque de hockey, la figure de Fils-Aîné, affichant un sourire mi-embarrassé, mi-fier de sa grande capacité à avoir résisté à l’envahisseur. Dans ses mains, un solide pied-de-biche qui semblait supplier qu’on le serre un peu moins fort. Accroché à une ganse du pantalon, le petit pied-de-biche qui pendait, juste à coté du plus grand couteau de la maison qui se trouvait dans sa poche. De l’autre poche, l’antenne du téléphone sans fil trahissait sa présence. Et pour couronner le tout, il avait passé une cordelette à son cou, au bout de laquelle pendait sur son torse… un couteau à fromage !

-Ben quoi, se défendit-il, en dernier recours, ça m’aurait été utile !

Puis il se détourna pour cacher un sourire gêné.


Entre temps, Grand-Charme se précipita, aussi brave qu’inconscient, vers l’antre du vilain voleur. Il ressortit tout sourire du rangement, en faisant du bruit pour qu’on remarque son geste héroïque et vint se placer juste devant son frère :

-Hey, Fils-Aîné, je viens d’aller voir dans le rangement, sans casque et sans couteau, pis y’a même pas personne !

Grande-Dame, baveuse -Pas peureux, tu dis?

Fils aîné, orgueilleux -Je sais que vous avez de la misère à me croire, mais je suis I-N-T-U-I-T-I-F. Il y avait VRAIMENT quelqu'un. Mais là...il a dû s'enfuir quand il vous a entendu arriver.

Ouais, ouais.

**Adaptation de la bloggeuse
***Adaptation de la bloggeuse

7 commentaires:

Anonyme a dit...

Les peurs irationnelles, c'est plus fort que tout. En tout cas j'ai bien ri en l'imaginant armé jusqu'aux dents :)

Anonyme a dit...

Trop cute ce fils ainé. Je le trouve bien sympathique. Et puis, faut pas oublier qu'à douze ans, alors que les filles sont des petites femmes, les garçons sont encore des ti-culs. Il s'est bien débrouillé dans les circonstances. Il a réagi par l'action, en s'armant. Il aurait pu tout aussi bien ce cacher dans la garde-robe. Il a fait preuve de courage en fait.

Anonyme a dit...

Avec les invasions à domicile qu'il ya ces temps-ci, je ne trouve pas ses peurs si irrationnelles:-) et je le trouve plutôt courageux aussi...j,en connais un qui serait allé chercher refuge chez un ami.

Trop chouette son armure:-)

Grande-Dame a dit...

Bon d'accord, je veux bien lui accorder un peu de crédit. :-)

Après tout, vous avez raison: même tremblotant de trouille, il a su affronter le démon. Imaginaire, mais tout de même un démon...:-P

Pur bonheur a dit...

Dur dur d'être un gars. Faut être brave et courageux de naissance :D

Anonyme a dit...

cé meme po vrai j'voulait qu'il y en est un pour pouvoir lui pété la geule et je me suis pas embaré j'ai juste allé la pour ch....et je tremblait pas!

p.s.: t'a oublié des armes

Tcha le plus beau,fort et courageux(mes freres aurai pisé dans leur culotte)

Anonyme a dit...

j'ai oublié de dire grand peureux(charme) il y est allé AVEC LE PIED-DE-BICHE