Et ce soir, c'est moi qui tiens les ciseaux.
Il est grandement temps que l'on s'occupe du toupet de ces moussaillons, qui doivent lever la tête pour voir de l'autre côté de leur rideau capillaire.
Ma Douceur est le premier client à venir poser ses fesses sur la chaise. Outre le gigotage parce que les cheveux dans le cou, dans le dos et sur les épaules, ça piiiiiique, je suis étonnée du calme auquel j'ai droit pour aiguiser mes piètres talents de coiffeuse sur mes pauvres cobayes d'enfants.
Mon Petit Caractère (que ce soir, j'appellerai Petit Charme) vient à son tour poser ses petites fesses sur la chaise tandis que son prédécesseur est déjà au bain.
J'ai presque du regret à couper ses belles mèches dorées sur le front qui lui vont à ravir et qui lui donnent cet air si délectable. Petit Charme se tient tranquille, est d'une patience exemplaire.
Je suis agréablement surprise: aucun pleurnichage, aucune plainte sur le tirage de cheveux ou la crainte de voir son sort réduit par ma faute à celui de Van Gogh. Je suis tellement plus efficace quand ils sont coopératifs!
Au suivant. Mon grand Charme s'asseoit sur la chaise.
Je me mets à la tâche de mon dernier client pour ce soir.
Hurlement de terreur en provenance de la salle de bain. Inquiète, je me retourne.
Voilà mon Petit Charme décontenancé, paniqué, littéralement horrifié qui marche vers moi d'un pas décidé après avoir croisé un miroir et qui semble résolu à déposer sa plainte officielle:
"Mamaaaaaaan, je voulaiiiiiis paaaas que tu me coupes les cheveuuuuux comme çaaaaa!"
-Oh, tu n'aimes pas ta coupe?
-Noooon!!!! Mamaaan, je veux paaas comme çaaaaa, je veux comme avaaaant....
-Hmm, on pourrait te mettre une perruque pour aller à l'école demain? Ou mettre l'horrible masque de Grand Charme en attendant que tes cheveux repoussent?
-Noooon! Mamaaaaan! Je veux que mes cheveux soient COMME AVANT. Là je ressemble trooop à papaaaa! Je suiiiis laiiiid, vraiment trop laiiiid!
(Hmm. "Ton père, tu honoreras"....)
La discussion se poursuit dans son lit (j'essaie de le convaincre que son père n'est pas laid et Grand Charme, loyal allié de papa, fait l'éloge de la beauté de leur paternel), je tente de calmer sa panique, il est vraiment désorienté d'avoir perdu ses repères capillaires. Il me demande si ses cheveux repousseront.
-Oui, bien sûr. Les cheveux poussent tous les jours. Leeentement, mais ils poussent tous les jours.
-Demain, ils vont avoir poussé?
-Euh, ils vont déjà avoir commencé... mais ce ne sera qu'à Noël qu'ils seront à peu près longs comme avant qu'on les coupe.
Petit Charme me donne le bénéfice du doute, est rassuré et s'endort paisiblement, le coeur gonflé d'espoir de retrouver son long toupet doré.
Au matin, dès son réveil, Petit Charme se précipite vers la salle de bain. Elle est occupée. Il piétine impatiemment sur place en attendant que son occupant sorte. L'occupant finit par ouvrir, brusqué par ce qu'il croit être un pipi matinal urgent.
Petit Charme grimpe sur la marche et se plante devant le miroir, espérant y retrouver une toison plus familière.
Dépit. Désillusion. Défaite. Désespoir. Déconfiture.
C'est à ce moment qu'il doit encaisser la dure réalité.
5 commentaires:
Quelle belle plume! C'est tellement bien décrit qu'on croirait y être avec vous. J'espère que vous garderez tout ce qui concerne vos fils pour leur remettre ce portrait sur le vif de leur enfance le jour de leurs dix-huit ans.
Pauvre ti-pit! A voir ses réactions, il doit avoir autour de 4 ans?
La diététiste, merci. Je leur écris des tranches d'histoires et d'anecdotes dans leurS cahierS, mais je n'en finis jamais et ça prend bcp de temps.
Ils aiment bien lorsque je sors leur cahier et leur lis sur leur petite enfance. Ils rient d'eux-mêmes, ce sont de beaux moments.
Tangerine, c'est mon petit Jérôme de 5 ans. ;-)
:-))
J'ai aussi coupé les cheveux longs de Catherine à sa demande vendredi soir (ça c'est un truc; ca donne 3 jours pour s'habituer avant le retour à l'école)Quand elle s'est vu, le drame, elle a pleuré plusieurs heures/jours devant son miroir. Chaque fois que j'allais la voir dans sa chambre, je la trouvais assise devant son miroir, se regardant avec désespoir, les yeux rougis, une multitude de mouchoirs dispersés autour d'elle. Je crois bien qu'à force de se regarder, elle s'est habituée et rendu au lundi, elle avait accepté sa nouvelle tête (pourtant fort jolie)
C'est une profonde détresse de jeune dame ça? :-) Ou alors un brin de fierté? Charmante image! :-)
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