lundi, novembre 13, 2006

Chicane de fratrie

Journée efficace, soirée bien remplie, mais tranquille.

Maman roule ses sushis en se délectant à l'avance.

Les quatre grands garçons arrivent de chez leur père. Ils saluent maman, discutent un peu, puis la fratrie se divise: le tyran de 12 ans, Candide de 7 ans et Petit Caractère de 5 ans d'un bord (dit le clan du lapin) et Boute-en-train de 9 ans (dit le clan de cochon d'Inde) de l'autre.

Le clan du lapin va s'installer dans une chambre pour construire une base de Légo vraiment cool avec un champ de protection invincible.

Le clan du cochon d'Inde tente de s'approcher pour participer à la construction, mais on le rejette illico.

Ça, c'est vraiment dur: lui qui partage, est conciliant, généreux, attentionné aux autres, voilà qu'on oublie tout de ses égards passés et on l'ostracise cruellement sous prétexte qu'il leur faut un ennemi pour tester la résistance du champ de protection rouge (en réalité, maman sait bien que l'unique raison est que son aîné ne veut pas de son frère le plus âgé, qui lui s'affirme plus que les autres...aucune démocratie pour un tyran, c'est la dictature, point à la ligne).

Le clan du cochon d'Inde est triste et va chercher son petit animal -un cochon d'Inde, vous l'aurez deviné. Tristement, il le colle dans le creux de son épaule et le caresse en lui confiant sa désolation que ses frères le mettent de côté ainsi.

Il marche de long en large du couloir en lui sussurant tendrement : "T'es la plus belle animale de la maison, oui Gripoil, t'es la plus gentille... Au moins, toi tu es mon amie..."

En backround et à la rescousse de leur mascotte, les membres du clan du lapin s'écrient: "Aaargh! Jamais d'la vie! Grimpp est bien plus belle que Gripoil, bien plus douce aussi...Gripoil, elle est même pas belle!"

S'ensuit une série d'insultes -que je tairai ici- contre les deux petits animaux de part et d'autre des clans. On cherche à blesser l'ennemi par la porte ultime de la vulnérabilité: le cochon d'Inde et le lapin. Pis encore, on porte atteinte à leur intégrité physique.

Aucun des clans ne voulant admettre la suprématie de la beauté de l'animal du clan opposé, maman décide d'intervenir.

Après analyse de la situation, elle choisit d'enrayer le problème à sa source: le grand tyran sournois qui encourage les petits à insulter l'animal pour blesser son petit propriétaire. Il doit donc quitter la chambre et se diriger vers la sienne, ce qu'il exécute fidèle à son habitude, en traînant de la patte et en maugréant que c'est injuste, qu'il n'a rien fait, qu'il est toujours puni pour les autres.

Maman fait la leçon aux petits. Elle trouve cela très mesquin de leur part de rejeter Boute-en-train ainsi sous aucun motif, uniquement parce que le tyran l'a décidé. Elle leur rappelle la bonté du Boute-en-train, qui les accueille toujours dans sa chambre et partage quotidiennement tout ce qu'il possède de plus précieux avec eux. Elle n'admet absolument pas qu'ils puissent accepter de proférer des insultes à l'endroit de son animal pour l'atteindre, tout cela parce que Tyran initie le bal et les encourage à le faire. Elle leur rappelle qu'ils ont toujours le droit de protester face à un tyran, que ce soit lui ou un autre.

La tempête semblant calmée, le message semblant être entendu, maman retourne à ses sushis.

Elle entend -et écoute- avec intérêt la discussion qui se poursuit dans la chambre tandis que Boute-en-Train s'est installé naturellement sur le plancher avec ses deux petits frères pour continuer la Super Base:

(Boute-en-train)-(...) Pourquoi vous vous laissez manipuler par lui? Il vous fait faire tout ce qu'il veut et lui ne partage jamais rien avec vous, ne vous laisse même pas aller dans sa chambre. Il se permet tout ce qu'il veut avec vous et vous acceptez tout, pourquoi?

(Candide)-Ben (soupir).... Il veut venir nous construire des bases... (haussement d'épaules)...

-En plus, vous faites comme lui quand il insulte Gripoil, ça c'est vraiment pas correct, ça me fait de la peine. Peux-tu m'expliquer, Candide, pourquoi le matin, tu me supplies de te laisser prendre Gripoil et tu te plains que je ne te la laisses pas assez et que là, ce soir, tu te mets à l'insulter?

-Tu as insulté Grimp toi aussi. Tu as dit qu'elle n'était pas belle.

-C'est parce que vous ne m'avez pas laissé entrer. Comprends-tu ce que je te dis pour le Tyran? Il ne te donne jamais rien en retour, il n'est même pas gentil avec toi alors que moi, oui. Je suis juste.

-Je l'sais... Mais t'sais, quand le Tyran entre dans ma chambre et que je lui demande de sortir, il le fait jamais.

(Petit caractère)- Même, quand on lui demande de sortir, il nous dit "non"!

-Il faut pas que tu te laisses faire! Toi non plus Petit Caractère! Il vous MANIPULE. Il vous fait croire qu'il veut vous construire une base pour vous, mais la vérité, c'est que lui n'a plus de Légo et qu'il se sert des vôtres parce qu'il a envie de construire. Il s'impose. Comprenez-vous?

Les deux petits affirment que oui.

-À partir de maintenant, vous suivez mes directives envers le Tyran?

-Quelles directives?

-Celles que je viens de vous donner! Vous NE vous laissez PLUS manipuler juste parce qu'il est le plus vieux!

-(...)

(Boute-en-train)-Maintenant, vous n'insultez plus mon cochon d'Inde...

-Et tu n'insultes plus Grimp!

-Entendu mon pote. On se serre la pince?

-(...)

-Elle est là ma pince, Gros Lard!


Conclusion: Tous les diplomates ne peuvent être parfaits.

5 commentaires:

Anonyme a dit...

Ouch! C'est plus fort que moi, je prends pour le Tyran. Tout seul, isolé dans sa chambre, alors que c'était son idée tout de même de construire cette base et qu'il le faisait avec les petits en plus. Le charmant neuf ans aurait bien pu faire autre chose pour une fois. Dans la vie, le rejet est une réalité et l'expérimenter à l'occasion dans sa famille nous y prépare. Je n'ai pas tous les éléments, c'est certain, mais c'est de la rage pure que doit ressentir ce Tyran. Il a été évincé, discriminé, écarté, alors que ses torts sont équivalents à ceux de ses frères, pas pires. Et en plus, sa propre mère est ravie que lesdits frères complotent contre lui. Grande dame, vous allez me détester. Alors, si vous ne voulez plus que je commente vos écrits (que j'adore), vous me le dites et je vous laisse tranquille!

Grande-Dame a dit...

Vos propos ne me heurtent aucunement, je trouve au contraire votre opinion intéressante.

Mon aîné est un garçon sensible qui a des talents incroyables, mais qui n'a hélas aucune confiance en lui et qui divise donc pour mieux régner.

Vu sous cette angle, on pourrait en pris de compassion. Une compassion légitime, car il ne l'a pas tjrs eue facile.

Pour le protéger d'une autre tyrannie, je l'ai longtemps précédé au front devant son père qui avait envers lui l'attitude qu'il reproduit avec ses frères.

Aujourd'hui, l'accompagner dans le renforcement de son estime personnel est une chose, mais accepter la reproduction du pattern destructeur, non, jamais au détriment des autres.

De voir mes petits asservis devant leur grand frère qui les méprise, non et re-non. La solidarité, c'est du donnant-donnant.

Mon grand admet ouvertement qu'il préfère nettement jouer avec des plus jeunes que lui car il les trouve plus faciles à manipuler. Très lucide le coco!

Candide vendrait son âme pour un moment d'attention de son grand frère qui le méprise et le dénigre.

Ma principale préoccupation est de faire en sorte que mes fils ne deviennent pas des suiveux serviles parce qu'ils ont été pliés à l'asservissement par un aîné contrôlant qui n'accepte pas de se faire surpasser en quoi que ce soit par ses jeunes frères.

Rendus là, c'est de la malsaine compétition.

Je semble dure, mais le pattern a pris place insidieusement et je lutte contre depuis un bon moment déjà.

Comme malgé mes efforts, je ne puis changer l'aîné, je tente de protéger et d'outiller mes petits, qui sont vulnérables à cette détestable dictature.

Mes garçons ont bien d'autres occasions d'expérimenter le rejet. ;-)

Anonyme a dit...

Moi je trouve le tableau génial, les solutions apportées et la conclusion intelligeantes.

C'est mon avis.

Pur bonheur a dit...

Ça me fait tellement penser à mon enfance avec mes 3 frères! Ils avaient qu'un an de différence entre chacun. Chacun son caractère...Dur a gérer, même maintenant qu'ils sont dans la quarantaine!

Grande-Dame a dit...

Aucune famille ne s'en sort donc, Tangerine? ;-)