jeudi, mars 22, 2007

Intouchables zones

En vidant le lave-vaisselle hier soir, Grand-Charme (10 ans) me déclare tout bonnement: "Maman, j'ai hâte de partir de la maison et d'avoir mon appartement."

Grande-Dame -Ah oui? Pourquoi?

Grand-Charme, en haussant les épaules, comme si c'était évident -Pour avoir plus de liberté!

Grande-Dame -Oh!

Nous y avons tous rêvé, n'est-ce pas? Je me souviens des plats, casseroles, ustensiles, essuis-vaisselles et tout le bataclan qu'adolescente, je m'empressais d'aller acheter chaque fois que l'air de la maison familiale me devenait insupportable.

"Dans mon appartement, personne ne m'embêtera, je mettrai ce que je veux sur mes murs, je boufferai ce qui me plaît, je laverai toujours ma laitue parce que, hein, de la laitue pas lavée, c'est dégueu, je ferai brûler de l'encens et personne ne chiâlera sur l'odeur, la cigarette sera interdite, etc."

Et Dieu que j'ai apprécié ce premier appartement! Bon, d'accord, la liberté est une utopie salvatrice que tous les ados entretiennent et finalement, ce n'est pas si extatique de devoir être totalement autonome, mais ça goûte bon d'organiser un endroit qui nous ressemble et de l'assumer fièrement.

Ce dont je me suis rappelé, surtout, en discutant avec mon fils, c'est le bonheur de pouvoir avoir tout un espace inaltérable à soi. Vous savez, lorsque vous laissez vos clés sur le comptoir, eh bien vous avez la certitude qu'elles s'y trouveront encore lorsque vous déciderez de les récupérer?

Vous n'avez pas à vous soucier d'automatismes qui ne le sont pas encore, comme de ne pas laisser traîner votre livre à côté du bain parce que la marmaille qui splashe partout va inévitablement le mouiller, vous pouvez laisser traîner du chocolat sur votre bureau de travail sans que vingt-huit radars ne le détectent et que leurs propritétaires ne viennent vous faire l'éloge du partage que, pensant bien faire, vous leur aviez naïvement inculqué.

Vous pouvez marcher pieds nus sans écraser au passage six Cheerios sur le plancher et traîner les miettes dans toute la maison, vous pouvez laisser des crayons feutres sur le bureau sans retrouver le feutre grignoté le lendemain, il n'y a jamais de Légo dans votre imprimante, le tapis d'entrée est toujours propre et vos CD ne sont jamais égratignés, même si vous les avez laissés malencontreusement une inexcusable nuit hors de leur étui.

Peu à peu, cet espace inaltérable qu'était mon premier appart' (puis mon deuxième, et mon troisième, puis mon quatrième, puis ma maison) est devenu zone conjugale, puis familiale, puis collective. L'espace disponible est devenu inversement proportionnel à mon besoin de me préserver une intouchable zone.

J'ai un bambin de presque dix-huit mois. La zone jadis dite "familiale" pourrait donc à présent aisément être renommée zone "dévastée" en permanence.

Bien peu d'espaces (ou d'objets) intouchables à nous lorsqu'on est maman, de famille nombreuse de surcoît, dans une maison minuscule de sur-surcroît. Il faut donc trouver des éléments compensatoires.

Ma grand-mère, malgré son immense maison sur une magnifique terre de Valcourt, interdisait formellement à ses neufs enfants d'entrer dans sa chambre à coucher (règle qu'ils transgressaient avec bonheur dès qu'elle quittait la maison). C'était son domaine, son havre, sa zone réservée. Pour mon grand-père, c'était les petits bureaux de la maison et du garage.

Mes (trop peu nombreuses) zones compensatoires? Les cafés où je vais seule, mon portable (PAS TOUCHE!), notre salle des tortures conjugales (meuuuh voyons!!) et le plein air. Les montagnes. Même lorsque les enfants suivent, liberté absolue. Divin.

Et vous, vous avez des zones/éléments/contextes intouchables?

15 commentaires:

Anonyme a dit...

...J'ai fait le tour. Rapidement. Puis plus lentement. D'abord, je me disais «la chambre». Puis en y réfléchissant bien, c'est aussi passant qu'un moulin, et l'Homme s'y rend également... Le bureau fait office de confessionnal, de salle d'ordinateurs et de ramassis... La salle de bain ? Même en ayant deux exemplaires, il y a toujours quelqu'un qui déplace ce que j'y place. Reste donc : ma voiture.
L'Ado n'a pas encore le permis, Benjamin est trop petit et mon Homme a son camion. Ne me reste que quatre roues pour avoir une zone intouchable...
L'autre «zone» est invisible : quand je sors ma flûte de son étui. Ça signifie que ma bulle est en excellente santé, prière de ne pas y entrer.

FD-Labaroline a dit...

Ici, ni la chambre (ils frappent d'abord, et envahissent ensuite sans autre somation), ni la salle de bain, ni le bureau qui d'ailleurs se trouve ouvert à tous vents sur la mezzanine, encore moins la cuisine... pas la voiture... Non, hélas, pas d'espace physique, pas d'espace-temps non plus... Oups, je réalise, là, d'un coup, que... JE N'AI RIEN A MOI... Aaah, si, j'ai trouvé : mon sac à main ! aaah, quand même..!

Anonyme a dit...

Françoise Simpère, auteure poly-amoureuse, a avoué posséder un petit loft à elle. Pour pouvoir mieux entretenir ses poly-amoureux surement. Mais ça m'a fait rêver. Un petit chez moi, à moi toute seule, avec des divans blancs, des carpettes duveteuses, des tasses en porcelaine. Un endroit impeccable, zen, avec des livres et des plantes.

Me, myself and I a dit...

Mes endroits à moi maintenant c'est lorsque je prends le métro, lorsque je suis à l'université, assise sur une chaise incognito dans une classe de plus de 100 élèves, avant c'était mes voyages d'affaires, les longs trajets sur l'autoroute, l'aéroport, l'avion et MA CHAMBRE d'hôtel...
Finalement mon espace c'est l'endroit dans la journée ou je peux être tranquille pour lire, respirer et m'inspirer...

Gooba a dit...

La salle de bain. Comme le reste est accessible à tous, quand j'y suis, c'est NO ENTER. :-)

Léa a dit...

Moi aussi ma voiture est le seul endroit ou je peux etre vraiment dans ma bulle... Et comme Michele dit..oh que j'aimerais bien avoir ce genre de petit loft.. C'est bon rever!

Shônia a dit...

Ma voiture aussi... mais pour savourer un repas sans le partager, pour lire un livre sans être dérangé, pour écouter une émission à mon goût sans l'interompe par des bonhommes, j'ai la chance d'être séparé :P donc j'ai tous les mercredis soirs et un week-end sur deux pour en profiter!

Une femme libre a dit...

Mon premier appartement! Dans un quartier défavorisé. Je le partageais avec une amie. On avait peint tous les murs orange et noir!!! Et on trouvait donc ça beau et on était donc fières. On était allées à la spca pour se chercher un petit chien et en étions revenues avec un immense berger allemand caractériel. Je n'ai que des bons souvenirs de cette époque, une époque où on pouvait inviter dix copains à souper pour dix dollars!

(bon, je sais mon commentaire ne répond pas à la question posées, mais votre texte a provoqué chez moi une crise aigüe de nostalgie, chère Grande Dame).

Anonyme a dit...

Zone d’intimité : ma voiture… Incarnation de liberté : ma voiture… Symbole de sainte paix : ma voiture… Rêveries éveillées : depuis ma voiture… Tounes chantées de façon profondément libératrice: dans le boucan de ma voiture… Conversations et parfois confidences d’ados : toujours dans cette voiture… Passeport de mes fuites momentanées… Pétages de coche épargnés… Salvatrice voiture… ;-)

Pur bonheur a dit...

Moi c'est ma chambre. Mon havre de paix. Il est interdit à quiconque de venir me causer lorsque je suis au lit avec mon bouquin et encore moins venir me raconter ses problèmes. Il y a une ligne imaginaire à coté de la porte. Les problèmes restent de l'autre coté. Sinon je deviens vraiment monstrueuse (haha! )

Anonyme a dit...

Ô le beau sujet! Avant, chez nous, c'était chez moi. La maison entière était zone de travail. Depuis que ma belle fille est avec nous à temps plein, c'est l'invasion barbare! Aucune zone n'est épargnée. J'ai dû défendre mon (minuscule) bureau mais surtout le fait que je travaille. À la maison, soit, mais avec des vraies échéances.

On a aussi établi une règle. Porte fermée signifie "on n'entre pas". Pour transgresser, il faut que ça saigne (beaucoup) ou que ça flambe!

Anonyme a dit...

Hum avec les enfants il n'y a plus rien de complètement juste à moi, mais j'ai une remarquable capacité de fuite intérieure. Je veux dire que j'arrive à faire le vide dedans ma tête au milieu d'un chaos pas possible. Il y a aussi les fuites programmées, les soirées où je me retrouve seule. Il m'arrive d'aller au resto seule pendant que le Geek s'occupe des petits, pas personne à rencontrer sauf moi et un bon livre, c'est merveilleusement thérapeutique.

Grande-Dame a dit...

Intéressants, vos commentaires!

Finalement, on s'empiète largement dessus pour assumer notre rôle de mère.

Plusieurs ont mentionné la voiture. Tout compte fait, j'apprécie moi aussi la solitude dans la nôtre.

Merci d'avoir partagé vos bulles.

Grande-Dame a dit...

Chroniques, bienvenue chez moi! :-)

Joss a dit...

J'aime avoird e sgens avec moi. Je suis un gars qui se plait énormément en groupe... Quand je suis parti de la maison familiale, à 17 ans, j'ai ressentis la même chose que tu décris... MON PREMIER APPART!!! Je l'ai adoré... Mais curieusement, j'y avait une paix totale, un confort absolue, mais il était toujours pleisn de copains... Mes amis qui n,avaient pas encore d'appart et qui vivaient encore chez leur parents y étaient presqu'en permanence... J'adorais ça.
Mon lieu secret, mon petit coin de bonheur... Tu iras voir mon blog, je viens d'en perdre un gros...
Mais dans mon apprat à Montréal, il y a ma chambre et mon bureau, Superbe peut y venir, mais ce sont mes pièces à moi... Toute à moi... J'y suis bien.
XXX