On apprend bien vite à exiger de nos marmots les mots magiques pour ceci, pour cela, comme si de savoir où, quand, comment et pourquoi utiliser ces deux mots faisaient d'eux des maîtres absolus de la politesse.
Comme nous sommes fiers lorsque la marmaille fait bon usage de cet apprentissage acquis dès le plus jeune âge ! Comme nous avons l'impression qu'ils détiennent de quoi satisfaire les exigences des adultes qui les entourent, comme nous avons l'impression d'avoir bien rempli notre rôle de parent éducateur !
Pourtant, tout ne se résume tellement pas à cela quand on parle de bienséance !
Il y a quelques années, Fils Ainé avait un ami que je trouvais particulièrement poli. Et la politesse ne se réduit pas à quelques mots bien placés. Par poli, j'entends une attitude générale qui témoigne de l'importance des rapports humains courtois et d'usage que les parents ont bien voulu inculquer à leurs enfants. Par poli, j'entends que le jeune garçon ne se pointait pas à l'heure des repas, s'il téléphonait à des heures qui auraient pu se rapprocher desdites heures proscrites, il prenait la peine de demander si nous étions en train de manger, il prenait la peine de dire bonjour aux adultes en rentrant dans la maison, il attendait qu'on l'invite à rentrer avant de se précipiter dans la chambre de son ami, voyez le genre.
Mais surtout, dans son attitude, il y avait, en dépit de sa belle réserve, une ouverture aux adultes. Quand il entrait, toujours avec un sourire franc, il savait dire bonjour, il savait regarder les adultes que nous étions dans les yeux sans vouloir fondre dans le plancher comme si la gent adulte était terrorisante et allait de facto lui faire passer un vilain quart d'heure.
Mes enfants ont différents types d'amis. Il y a les pleins d'aisance avec qui il est facile de développer une certaine complicité, ceux-là qui, je crois, se sentent accueillis chez nous, font de l'humour ou de l'esprit avec nous tout en étant respectueux et amusants.
Il y a les ultra-timides qui disent bonjour du bout des lèvres et envers qui j'insiste sur le "bonjour", sur le "comment ça va, Untel?" et qui voyant que je ne les lâcherai pas tant que je n'aurai pas obtenu quelques mots, finissent par répondre, parfois en osant me regarder, même furtivement.
Est-ce une question de personnalité, est-ce une question d'éducation, est-ce un peu des deux qui forme cette aisance inter-générationnelle? Quoiqu'il en soit, j'ai toujours eu un faible pour les amis de mes enfants qui n'ont pas la crainte injustifiée des adultes, qui sont capables de regarder dans les yeux, de formuler une demande sans se tortiller de malaise derrière mes enfants, qui ont l'esprit de survie les 45 secondes durant où ils sont malencontreusement "pris" avec les adultes dans l'entrée avant que mes enfants ne viennent les y rejoindre.
La femme d'un de mes cousins (je vous ai sans doute déjà parlé d'elle) insiste sur quelques règles élémentaires avec ses enfants dans la famille élargie (et ailleurs, je présume, vu le naturel avec lequel ils répondent lorsque leur mère leur signifie "Untel ! Grande-Dame et Grand-Homme s'apprêtent à partir...". Les enfants ET les ados se lèvent alors naturellement du fauteuil où ils sont évachés et même si ça ne les enchante pas, se donnent un peu de contenance et viennent saluer ceux qui arrivent et/ou qui partent.
Je suis certaine que ce faisant, elle leur rend service. Elle leur rend service car ces jeunes, ils sauront se présenter devant des étrangers, dire un bonjour ferme, prononcer quelques mots d'usage, serrer une main sans craindre de se brûler à celle qui leur est tendue. Ils sauront le faire fluidement, ils ne fondront pas comme des caramels au soleil devant des figurent d'autorité, ils seront outillés pour faire bonne impression.
Je m'avoue désorientée devant les amis de mes ados qui semblent préférer fuir plutôt que de dire bonjour, qui sombrent dans un malaise palpable lorsqu'on leur présente avec courtoisie la mamie, la grand-mère qui est dans les parages, qui marmonnent plutôt que de se montrer minimalement présentables, qui sont tellement mal à l'aise en votre présence qu'on a envie de les secouer ou de carrément baisser les bras comme si leur cause était perdue d'avance.
La manière de s'adresser aux autres, de se tenir, de faire un effort pour se montrer intéressés aux autres même s'ils font partie d'une autre génération, de se montrer ouverts lorsqu'on vous présente quelqu'un ou encore, de prendre les devants pour se présenter, quel fabuleux atout en société !
Ados, sachez présenter fièrement votre famille, vos amis. Si vous en êtes embarrassés (c'est normal de ressentir une certaine gêne), sachez la surmonter lorsque vous êtes le pivot de deux gangs qui ne se connaissent pas et qui risquent de se sentir encore plus mal à l'aise que vous l'êtes vis à vis l'autre si vous n'initiez rien. Vous n'en serez qu'un ado plus attachant de savoir abaisser cette passerelle sociale.
S'il vous plaît, merci, c'est bien, mais avec un tant soit peu d'aisance, c'est tellement plus exquis !
7 commentaires:
Moi j'ai 35 ans et j'ai toujours du mal a dire bonjour. Pas quand je rencontre quelqu'un, mais quand j'entre dans un lieu ou quand quelqu'un arrive la ou je suis. J'ai toujours l'impression que si je dis quelque chose, ca va les deranger, mais si je ne dis rien, c'est mal eleve. Ca m'angoisse.
Quel beau texte! J'adore la réflexion!
Parfaitement d'accord avec toi et quel bon billet! J'ai beaucoup de difficulté aussi avec les amis qui entrent et disparaissent dans dire un mot, surtout lorsqu'ils sont invités à souper et c'est arrivé plus d'une fois. Bon sens... les bonjours et mercis ne semblent pas faire partie de leur vocabulaire.
Ce qui m'achale vraiment, ce sont les copains qui téléphonent et qui ne se présentent pas. Bon sang, présentez-vous lorsque vous téléphonez, je ne suis pas une réceptionniste, j'habite là aussi. Le problème, c'est que ça arrive parfois avec les chums de mon mari aussi !!! Pour moi, c'est un manque d'éducation inacceptable.
Caroline
en tant qu'ex-archi-timide et toujours-pas-pire-timide, je trouve que vous êtes trop dure.
La timidité ne devrait pas être une excuse pour ignorer quelques règles élémentaires de bienséance.
Il faudrait envisager que la bienséance sert les timides, leur offrant la possibilité de se soumettre à un standard social déjà établi plutôt que d'initier des conversations plus élaborées, d'aller vers les autres de manière plus large.
Je suis une personne réservée qui croit au ciment des règles et rites qui font partie d'une culture et cimentent les liens interpersonnels.
"La timidité ne devrait pas être une excuse pour ignorer quelques règles élémentaires de bienséance". Mais les problèmes liées à la timidité sont tellement plus profonds qu'une simple mauvaise volonté ou mauvaise foi! C'est une estime de soi qui est fragile qui peut empêcher de s'approprier certains codes et vivre sereinement en société...Mongose utilise le mot "angoisse" qui en dit long, plus haut pour parler de ce qu'il ressent! J'apprécie nombre de vos billets qui expriment une pensée construite et originale et je prends beaucoup de plaisir à vous lire. Cependant je suis mal à l'aise face à un jugement si sévère à l'encontre de personnes qui ont justement besoin d'empathie et d'égards et pour qui la moindre démarche peut demander un effort immense et coûteux en énergie, encore plus lorsqu'il s'agit d'enfants ou d'adolescents. Il me semble tellement présomptueux de croire qu'il suffit de demander à ses enfants de se lever pour saluer pour qu'ils soient bien dans leur peau et de taille à converser avec les adultes...
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