Un soir, en Toscane, j’ai songé à un billet de Femme Libre dans lequel elle parlait des voyages comme étant des moments révélateurs de certains aspects de nous-mêmes vis-à-vis l’autre, ce qui pouvait parfois s’avérer des moments de confrontation pour un couple.
Je pensai à cet après-midi en voiture entre La Spezia et notre villa où nous étions revenus plusieurs fois sur nos pas à la recherche d’une rue que mapquest indiquait mais que l'urbanisme du village ne semblait pas avoir pensé créer.
J’étais alors co-pilote et Grand-Homme pilote. Après un moment, les indications que je donnais m’apparaissaient toutes simples et pourtant, nous n’arrivions pas à destination. On ne s’entendait pas sur la route à emprunter pour rectifier le trajet. Grand-Homme a pesté, j’ai répliqué une vérité crue à la sauce vacherie et l’escalade s’ensuivit. Nous avons crevé alors un gros abcès de convenances, de « lovely correct », de non-dit, de minouchage verbal. Et vous savez quoi? Ce fut libérateur et j’eus voulus que ma vie, pas seulement amoureuse, se passe toujours ainsi.
J’ai songé à nous, toujours délicats et respectueux dans notre façon de nous adresser la parole, de peser nos mots pour éviter d’écorcher l’autre. J’ai songé que parfois, à tellement vouloir épargner l’autre, on finit par s’enliser dans une ouate qui s’éloigne de l’authenticité de notre pensée, de son aspect brut. Le prix à payer se paie à long terme. Se dire les vraies affaires nous blesse parfois en dépit du doigté employé mais cela a l’avantage de permettre de nous réajuster en fonction du feed-back de l’autre et de pouvoir construire à partir de vraies données.
Si j’applique cette idée à toutes les relations de ma vie, cela donne plus de vrai, moins de convenances polies pour la forme mais plus d’authenticité, plus de plaisir, moins de soupirs, moins d’accumulation, plus de liberté, plus de bien-être, moins de sentiment d’étouffer, plus d’accomplissement, plus de considération mutuelle, moins d’abcès qui s’engorgent toujours un peu plus de pus de la rancoeur, plus de spontanéité, plus de sourires, un terreau fertile à des relations plus saines, une capacité d’adaptation plus rapide et plus efficace aux irritants, la possibilité de rire des différends, plus d’acceptation des travers de l’autre, le sentiment d’être important pour l’autre qui prend le temps d’écouter ce qui nous anime, moins de retours sur des événements lointains non réglés, moins de mauvaises interprétations, moins de procès d’intentions, une relation plus poreuse, plus aérienne, qui respire, l’impression d’avoir enfin le droit d’être soi-même avec nos limites, nos forces, nos valeurs, l’impression de pouvoir enfin faire respecter nos besoins.
Les abcès qui crèvent font parfois des dégâts mais quand on finit par avoir l’impression qu’une relation (pas nécessairement amoureuse) nous empoisonne l’existence au point de ne pas envisager de point de retour possible, l’explosion de ces abcès est la chose la plus souhaitable qui puisse arriver.
C’est après cet épisode, durant notre voyage, que l’auto-dérision fut à son meilleur. Étonnée? Pas du tout. Nous avions nommé, nous avons élevé le ton (d'accord, nous nous sommes envoyés chier...une première en six ans je pense bien), nous avons pris conscience de nos forces respectives et finit par orienter le reste du voyage en fonction de celles-ci.
C’est dans la sphère professionnelle que je suis le plus habile à dire ce que je pense, à fixer mes attentes, mes limites, à exiger, à prendre en charge. C’est dans cette sphère qu’on m’a le plus souvent dit apprécier ma franchise et où je me suis sentie le plus respectée. C’est également dans cette sphère que j’ai eu le moins de frustrations dans ma vie. Étonnée? Pas du tout. C’est tellement plus facile quand l’émotif n’est pas en jeu.
2 commentaires:
J'adore qu'on songe à moi.... en Toscane!!!! ;o)
Exactement, absolument, oui... J'appelle cela faire circuler son énergie. Ce n'est pas le seul facteur, mais c'en est un capital.
Et oui, quand l'émotivité est en jeu, malheureusement cela fausse souvent la donne. On est plus colérique avec ses proches parce qu'on pense qu'ils peuvent tout prendre ou alors c'est le contraire, ce filament ouateux qui à la longue tue la relation se tisse.
Difficile d'être soi-même avec les gens auxquels ont tien. Et pourtant essentiel.
Zed ¦)
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