dimanche, avril 19, 2009

Quorum

Chez nous, l'été, il y a deux types de vacances: les vacances avec les enfants où nous gravitons autour d'un chalet loué ou d'un site de camping pour nos activités planifiées.

Il y a aussi les vacances dites "à gang réduite". Parce que famille recomposée implique que mes quatre grands aillent passer deux semaines (!) avec leur père, nous nous retrouvons avec uniquement deux enfants et quoiqu'ils soient les moins autonomes, il est facile d'organiser des sorties à logistique moindre et nous nous permettons plus de spontanéité dans nos déplacements.

Cette année, nous aurions la possibilité d'organiser quelque chose de plus structuré durant l'absence des grands. De plus d'envergure. Nous mettons un pied devant l'autre dans les démarches prudemment. J'ai souvent tendance à m'emballer vite puis nos projets tombent à l'eau alors là, mollo.

Là où mon bât blesse, c'est dans l'impression d'inéquité de notre projet. Vous savez, mes enfants sont tous mes enfants. Pour mon homme, pas de souci: ses petits seront avec lui. Pas d'inquiétudes outre-mer. Pour moi, ma gang est incomplète. Je n'ai pas mon quorum affectif, pas mon noyau, pas ma dynamique, pas mes mousquetaires que j'aime tant avoir comme partenaires de découvertes.

Mes p'tits derniers seront-ils plus choyés parce qu'ils suivront leurs parents? Mes grands finiront-ils par m'en vouloir d'organiser des projets intéressants durant leur absence? Des projets intéressants qui impliquent les petits, surtout. J'essaie de me convaincre qu'eux aussi vivent des moments privilégiés avec leur père. Ils font beaucoup de randonnée en montagne, fréquentent des parcs-nature. Doit-on obligatoirement comptabiliser la valeur de ce que font les parents avec leurs enfants? Frédéric serait ravi de pouvoir faire autant de plein air que ses frères. Ce n'est pas le cas. Avoir un père différent implique qu'ils vivent autre chose. Ils ont la même mère mais ne sont pas à l'abri de cette scission. Sur cela, je commence tout juste à apprendre à lâcher prise.

Mes enfants, je les aime tous éperdument, du premier au dernier. Avoir la possibilité d'organiser quelque chose durant l'absence des grands à moindre coût, à logistique plus simple serait-il abusif? Déloyal? Mesquin de ma part envers eux? Si nous n'en faisions pas profiter les deux petits, ma lecture de la situation serait autre.

J'ai expliqué la chose à mes grands, ai tâté leur lecture de la situation. Comment perçoivent-ils la chose? M'en voudraient-ils parce que nous avons la possibilité d'envisager quelque chose d'inaccessible pour leur père? Je serais bien récalcitrante à mettre un autre pied devant si mes garçons se sentaient lésés par cette situation.

Dans leurs vies individuelles, ils seront confrontés à des situations qui contribueront à faire d'eux ce qu'ils deviendront. Certains auront peut-être des vies palpitantes, d'autres plus tranquilles. Certains seront téméraires, d'autres préféreront la sécurité d'un quotidien confortable. Cela découlera de leurs choix. Là, il s'agit des miens. Mes choix leur enlèveront-ils quelque chose? Creuserais-je un fossé d'amertume entre mes grands et mes petits?

Ils m'ont expliqué leur point de vue. Je comprends que je me fais beaucoup plus de mauvais sang qu'eux. Bien que par leur désinvolture vis-à-vis la situation ils m'aient donné leur assentiment, je n'ai toujours pas mon quorum.

7 commentaires:

Anonyme a dit...

Bonjour Grande Dame!

Tu vois je ressens un peu la même chose que toi, à quelques iotas près... Nous, ce sont nos finances qui changent tranquillement et mes 4 plus grands qui vieillissent. Je ressens aussi cette culpabilité, ce manque de ne pas avoir pu donner «d'équivalence» en ce qui concerne les voyages ou un train de vie plus aisé(des cours, des activités, un équipement de ski ou de hockey...) Mais je crois que c'est la réalité vécue par la plupart des grandes familles. Pour les premiers enfants, qui vivent les débuts de la famille, la réalité est bien différente de celle vécue par les deux ou trois derniers. Je sens que mes plus vieux trouvent cette situation un-ti-peu injuste parfois, mais qu'ils sont conscient de notre désir et de nos efforts constant pour leur donner tout ce qu'on a pu et tout ce qu'on peut encore. Tout en voulant être juste, il faut aussi que les enfants soient conscients que s'ils sont chez des amis (ou chez leur père), on a quand même le droit de se faire livrer de la pizza ou d'aller au cinéma!

L'idée, dans ton cas, c'est que pendant ces deux semaines, tes 4 grands vivront aussi de belles choses, auront des gâteries et des sorties que vous ne vivrez pas! Ce serait alors bien injuste pour la gagne qui reste de «s'emmerder» au nom de la justice! Qui sait, par exemple, si l'an prochain, le père des plus vieux ne les amènera pas à Disney World, alors que tu n'aurais pas les moyens d'y amener tes deux derniers? La justice ne se mesure pas comme une part de gâteau.

Tu commence à goûter, je crois, à une réalité toute spécifique aux parents de 5 enfants et +...Réalité partagée aussi par les familles reconstituées.

Mais, vivre le bonheur qui passe en famille restreinte, en famille complète ou en couple, reste toujours un don précieux et une chance de la vie!

Le Quorum affectif est constant dans ton coeur de maman, c'est la vie et les circonstances qui bougent tout autour!

Bon projets, bon printemps!

France

Anonyme a dit...

Tes plus grands ne t'en voudront pas d'aller visiter des contrées lointaines avec les petits, pas plus qu'ils ne t'en voudraient d'y aller en couple seulement. Ils peuvent peut-être même être rassurés que leurs petits frère et soeur soient avec leurs parents. Chez-nous, il y avait une grande différence d'âge entre les aînés(dont j'étais) et les petites et je n'ai jamais ressenti aucune jalousie envers elles du fait que leur vie était plus douce ou leurs vacances plus ¨palpitantes¨
Et qui sait, peut-être que dans un avenir pas si lointain ils auront l'occasion de faire un voyage spécial, seuls avec leur mere alors que le papa des petits aura des vacances privilégiées avec ces derniers.
Et imaginez tout ce que vous pourrez partager ensemble en rentrant!

Ratata

Méli a dit...

Je comprends ton inquiétude, c'est pas simple toujours les familles reconstituées... ça cause bien des remises en question...

Grande-Dame a dit...

Tu saisis parfaitement, France. J'ai fait des choses avec mes grands que je ne referrai pas avec mes tout-petits. Imagine! Du bricolage! Je déteste ça mais avec eux, j'ai eu la patience d'en faire. Ils ont chacun un (ou des) cahier bien garni d'anecdotes loufoques, d'élans de tendresse, de mots d'enfants.

Plus j'ai d'enfants, moins j'ai le temps de faire ça (je tiens un blog à la place! :o) )

Je sais que mes grands vivront des moments privilégiées avec leur père mais probablement à un autre niveau.

Ratata, merci. Cette possible jalousie entre enfants de pères différents, je l'envisage toujours. Même en tentant d'être équitables en tenant compte de l'individualité de chacun, il y aura toujours une faille d'où pourra jaillir des reproches.

Mes enfants sont tous uniques et j'aimerais qu'ils aient des chances équivalentes dans la vie.

Méli, terrain connu? ;o)

Monica au Panama, en Alberta. a dit...

Je vais dans le sens de France...

Chacun a leurs souvenirs, différents mais les leurs ;o))

Anonyme a dit...

Chère Grande Dame, nous vivons ici en famille recomposée, les deux enfants ont le même âge, l'une en garde partagée et l'autre en "visite" un week end sur deux.
La première année on faisait très attention de ne pas faire d'activités extraordinaire sans les deux enfants... puis on s'est rendu compte qu'en voulant ne pas priver l'un, on niait l'autre. On a réajusté, on fait maintenant les choix plus librement, selon nos envies. Si on a un ou deux enfants on inclut celui qui est présent ou les deux si c'est le cas, sinon on fait seul. On ne culpabilise plus.

Je vous souhaite de bonnes vacances, la tête libre et le coeur léger.

Grande-Dame a dit...

Justeunpeufrustrée, je vous envie d'avoir trouvé la formule qui vous convient et surtout, de l'assumer aussi bien.