dimanche, octobre 15, 2006

Donne-moi ta formule, je te dirais qui tu es

Il y eut un temps pas si lointain où le service à la clientèle était orienté civisme.

Dans les supermarchés, on nous apprenait à dire bonjour au client, à le vouvoyer, à nous intéresser minimalement à lui, à être attentif, à le regarder lorsqu'on lui parle, à avoir le sourire. On nous apprenait à peaufiner l'art de notre approche client, à adapter notre courtoisie naturelle au service à la clientèle.

À chacune de mes visites au supermarché, aujourd'hui, je suis rebutée par la sempiternelle formule pré-fabriquée de la caissière (bien sûr exemptée d'un "bonjour"
introductif): "Avez-vous des articles sous le panier?".

La caissière ne me regarde pas, parle avec sa collègue, ignore totalement ma présence, me lance un "48.21$, avez-vous la carte PC?") tellement diffus qu'il aurait pu s'adresser aussi bien à ladite collègue, au client suivant qu'à moi-même.

Elle me tend la facture avec autant d'empressement que de désintéressement et me lance mécaniquement son "Merci, vous auriez pu accumuler 4821 points". Et au suivant.

Mardi, jeudi ou dimanche, je retournerai à cette épicerie de quartier et on me servira toujours la même formule. Et fort probablement le même désintéressement. Standardisation des procédés. Et ce, peu importe à quelle caisse je passerai.

Les formules sont tellement standardisées que la caissière ne se mouille plus. Aucune ne se distingue par son sourire, son énergie ou sa familiarité. Tout est dans la formule, tout est dans le message devenu un outil marketing de mauvais goût. Déprimant.

Je vais régulièrement à plusieurs épiceries de mon plus large quartier. Et j'observe. Idem dans les pharmacies, boutiques et autres commerces. J'observe le civisme, le vouvoiement, la courtoisie, l'approche. Je peux aisément deviner quel supermarché accorde de l'importance à cette approche-client. Je paie plus cher, mais la caissière ne raconte pas durant toute ma transaction sa fin de semaine vraiment cool à son emballeur ou à sa voisine de caisse. Elle est attentive à moi et pense à sortir les suçons tant attendus qui feront la joie de mes enfants. Une attitude éveillée et chaleureuse, un nanane, un client qui paie plus cher et tout le monde est content.

Chaque jour, je m'invente patron et un de mes premiers soucis est de me payer le luxe pourtant nécessaire d'une formation en service à la clientèle pour mes employés. Ça ne semble plus naturel d'avoir un minimum de civisme. Oui à un petit atelier de formation qui pourraient faire toute une différence. Standardisation des qualifications.

Dans ma tête, je m'assure que mes clients soient capables d'avoir "le sourire dans la voix", de dire un vrai bonjour, et pourquoi pas, de demander comment ça va et que ça ait l'air naturel (au risque de me faire répondre ce que j'ai infligé en guise de réponse à la pauvre caissière du Jean Coutu qui a osé me poser la question le jour des funérailles de mon fils).

J'essaie de faire confiance à l'entregent et au professionnalisme de ceux que j'embauche en leur donnant des outils qui les suivront toute leur vie professionnelle durant au lieu de ces horribles formules mécaniques déshumanisantes.

"Avez-vous la carte Petro-Points?", "Avez-vous la carte du Club Z ?", "Avez-vous trouvé tout ce que vous cherchiez?", "C'est pour porter à votre compte HBC?", "C'est pour porter à votre compte Sears?".

Bien beau tant de promo, mais difficile d'être spontané pour une caissière qui doit se taper un double-rôle: celui d'apposer le sceau de vente sur la transaction et tenter de la pousser plus loin encore en y appliquant la formule de vente obligée. Et n'allez pas croire que j'excuse l'air nonchalant et exaspéré de la caissière sous prétexte qu'on lui exige beaucoup.

Lorsqu'il m'arrive d'aller dans un commerce où la caissière a une attitude particulièrement agréable, je lui fais le commentaire et lui mentionne ma satisfaction. Je suis doublement satisfaite si le patron est dans les parages et que je peux lui donner le miel de mon appréciation.

La cliente exigente que je suis est aussi juste, reconnaissante et loyale à ces trop rares employés-sourires.

6 commentaires:

Chocolyane a dit...

Moi, je ne me gêne pas pour dire à une caissière qu'elle a l'air bête et que le client (c'est à dire moi) est en avant d'elle...

Me semble que ça prend pas une formation pour être poli...

Grande-Dame a dit...

Je me questionne sur ta dernière phrase Chocolyane.

À priori, je croirais que non, mais comme c'est loin d'être un acquis pour beaucoup de personnes qui travaillent avec le public, c'est peut-être un "mal" (!) nécessaire...

Chocolyane a dit...

@ Grande Dame : Mais où sont passées les bonnes manières?!

Anonyme a dit...

Alors là... si tu savais comment je m'amuse, au début quand je reviens au Québec!

Les sempiternelles questions du genre: avez-vous la carte Sears ont une réponse simple. -Non je ne suis pas d'ici.

Pareil pour le foutu no de téléphone demandé si souvent maintenant. Peut-être que je me défoule aussi parce qu'en Suisse c'est pas reposant non plus les caissières... on est des inconnus même si on y va à tous les 2 jours!

Pur bonheur a dit...

Tu as tout a fait raison. Pour travailler dans le public il faut aimer ça. Il faut aimer les gens. Moi j'habite a la campagne, et quand je vais a Montréal, je parle facilement avec les vendeuses, je suis chaleureuse. Elles devinent aussitôt que je viens de la banlieu, car elles disent que les gens de la ville sont froids et indifférents. Elles voient tout de suite une différence.

maree@nne a dit...

je travaille avec le public. tous les jours(ou presque!) oui par moment je suis miss vendeuse mécanique, je récite les caractéristiques du produit. je me souviens pas toujours du client quand il revient. par contre quand j'ai le temps(lire quand le magasin n'est pas qu'une foule compact)je prends le temps avec le client, de jaser, de bien connaitre ses besoins, de poser des questions.faire des sourires au petit qui l'accompagne ou des jokes au conjoint!


mais des fois...ca vient du client l'atitude chiante! combien de fois je me suis fais répondre 'pas besoin d'aide je fais que regarder' alors que je lui avais fais mon plus beau sourire accompagné d'un bonjour?

reste que je suis la 1ere a répondre aux caissiere mais pas en étant chiante...seulement en passant un commentaire que la journée a été longue ou n'importe quoi d'autre...
et là j'ai droit a un sourire rassurant...