dimanche, novembre 01, 2009

Le fil

Au café, une matinée où le temps est compté.

Je m’installe, me crée une bulle et écris. C’est plus fort que moi, si ça parle trop fort autour et que la discussion est émotivement sollicitante, ça anéantit ma concentration et je deviens voyeuse malgré moi.

Un sanglot soudain à la table derrière, de biais. Je me retourne. Une ado magnifique, une latino d’après son teint basané et ses beaux cheveux frisottés, qui s’écroule sur l’épaule de sa mère. Elle pleure, bouleversée. La mère, droite, solide, aimante, accueille le chagrin. Une fois le mal exorcisé, elles discutent. La fille se remet de ses émotions, la mère-phare, posée, semble disponible, son approche, constructive. Elle n’infantilise pas, n’appitoie pas, ne moralise pas, ne tombe pas dans le parfois piège de l'émotif. De ma table, du moins, rien de ces entraves au bon dialogue ne se dégage. Je me retourne plusieurs fois; je les trouve belles.

Bon, ça y est, c’est moi qui pleure.

C’est une mère comme ça que je voudrais être : solide, disponible, ouverte, à l’écoute et qui ne prend pas en charge à la place de l’autre, son enfant, un individu à part entière avec ses choix, sa vie, ses décisions. Une mère présente qui sait entretenir le fil, rater une demi-journée de travail s’il le faut, motiver une absence de l’école de son enfant pour l’emmener prendre un café et parler.

La mère parle au cellulaire. Tiens, elle parle arabe. Elle ne dégage rien de la femme arabe de l’ombre que l’on imagine souvent. Par son verbal, par son port altier, on dirait plutôt une femme de tête, racée, indispensable, fonceuse. Une main de fer, une louve avec dans ses gestes une indéniable tendresse pour sa fille. J’essaie d’écrire, réprime mes sanglots. Je suis une éponge, mon avant-midi d’écriture est compromis.

Nous quittons en même temps. La jeune fille semble plus légère, elle a retrouvé son sourire, la mère la taquine, elles se tiraillent en marchant vers la voiture.

J’espère que je saurai, comme cette mère, entretenir le fil de la proximité et de la confiance de mes enfants quand le jour viendra où, comme cette ado, ils auront besoin de parler.

9 commentaires:

Jane a dit...

C'est vraiment touchant et beau à souhait.
Merci, c'est inspirant.

Taïga a dit...

Ahhhh maintenant je comprends tes larmes!

La Mère Michèle a dit...

J'ai souvent exprimé ce souhait, comme je le comprends!!

Belle d'ivory a dit...

Je n'en ai aucun doute avec tant de respect et de compréhension envers tes enfants..tu sauras garder le fil

Anonyme a dit...

Moi qui ne te connais pas beaucoup laisse moi te dire que c'est déja comme cette femme que je te ressens. ;) Si tu as remarqué tout ca chez elle, ce doit être que tu possèdes les mêmes qualités, forces et aptitudes qu'elle pour accompagner tes enfants !

cricri

Une femme libre a dit...

J'aime cette vision cinématographique que vous avez des personnages aperçus dans un café. Je suis comme ça aussi, mais en plus dramatique. J'aurais imaginé que les larmes de la jeune fille étaient dues aux pressions exercées par la mère pour lui faire quitter le prétendant qui n'était ni de la bonne religion ni de la bonne couleur. Le père ne connaissait pas encore son existence et cette mère, si supportante, convainquait la fille de ne plus jamais revoir ce jeune homme. Pour plus de sécurité,le jeune homme étant dans sa classe, la jeune fille doit changer d'école et c'est pour ça qu'elles sont dans ce café, en attendant le rendez-vous dans la nouvelle école. Une main de fer, cette mère, vous avez bien raison. Elle a décidé du bien de sa fille et si la jeune fille finit par sourire, c'est qu'elle lui offre un voyage à New-York, en famille, elle vient de vérifier au téléphone avec le père et ça fonctionne, ils partiront ce week-end. La mère est contente, sa fille est sauvée. Tout va bien.

Méli a dit...

Très belle histoire... Je n'ai aucun doute que tu auras la même ouverture pour tes enfants, tu es déjà si attentive à leurs besoins... xoxo

Grande-Dame a dit...

Aww, je ne sais pas si c'est ce que je dégage pour mes enfants. Je le souhaite.

Oh, Femme Libre, comme votre vision de la scène est tristement dramatique! J'espère que la réalité est tout autre!

Anonyme a dit...

J'en ai aucun doute, tu es cette mère Grande Dame!!!!

Monica