jeudi, octobre 26, 2006

Le prix de la vanité

Un matin froid. Une maman bien reposée, patiente et mindée à être zeeeen pour le départ à l'école de ses mousquetaires.

Un petit garçon. Cinq printemps tout juste. Maman déclare que ce matin, tout le monde met son manteau d'hiver. Les deux grands de sept et neuf ans sont prêts et enfilent leur manteau sans rechigner.

Maman aide le Cinq-printemps à enfiler le sien.

Cinq-printemps, de par sa nature, est conservateur et insécur et ne reconnaît pas ledit manteau. Il recule, terrorisé à l'idée de mettre ce manteau rouge inconnu pourtant fort joli.

Les yeux remplis de panique, Cinq-printemps s'écrie : "Ce n'est pas mon manteau! "

Maman -Oui, c'est celui que tu porteras aujourd'hui.

Cinq-printemps, encore frais de sa crise précédente et au bord de la panique -Il est pas beeeeauuu!

Maman - Je le trouve très joli moi! En plus, tu es chanceux, c'est ton cousin Samuel qui te l'a donné!

Grand raisonnable de neuf ans, qui a déjà son sac sur le dos et qui attend patiemment la fin de la crise: "Wooow! Il est vraiment cool ton manteau. En plus, il a des poches! Regarde dans les poches, peut-être que Samuel a oublié des Légo dedans!"

Cinq-printemps, en sanglotant -Tout le monde va riiire de moi à l'écooole, tout le monde va penser que je suis grooos à cause de ce manteau!

Cinq-printemps soulève ses bras et les laisse retomber désespérément.

Maman -Tu n'es pas gros, tu le sais bien, c'est le manteau qui est fait comme ça.

Grand raisonnable de sept ans, tentant d'influencer à son tour la perception dudit manteau: "Moi je le trouve super ton manteau. Tu es vraiment chanceux, il est rouge! J'aimerais bien en avoir un comme ça!"

Maman fait de son mieux pour attacher le manteau et essuyer les larmes dans les petits yeux bleus remplis de détresse.

Cinq-printemps court à la salle de bain se regarder dans le miroir. Il revient en pleurant de plus bel, désespéré, ne pouvant se résoudre à accepter un tel accoutrement: "Je me suis REGARDÉ. Je me suis vuuu, je suis laid, je suis trrrès laid. Tout le monde va me trouver laid. Si une grande personne me voit, elle va aller dire aux petits de regarder comme je suis laid et tous les petits vont venir me voir pour me dire que je suis très laiiiiid et personne ne va vouloir jouer avec moi."

Maman, qui a déjà préalablement géré dix minutes de crise avec Cinq-printemps pour une histoire de muffins aux carottes dans le lunch plutôt que la barre tendre convoitée, commence à élever le ton: "ÇA SUFFIT. Je veux que tu arrêtes de t'inquiéter de ce que les autres vont penser. Aujourd'hui, TU PORTES ce manteau. Tu seras au chaud. Si les autres le trouvent laid.... tant pis pour eux. Ils ne sont pas obligés de te trouver beau."

Excédée, maman rajoute: "Et puis tu leur feras une grimace, tiens!"

Cinq-printemps -Non, je vais leur faire un doigt d'honneur.

Maman, indiscutable -NON.

Cinq-printemps -Oui. Et si tu m'obliges à porter ce manteau laid, je vais le jeter dans la rue.

Maman -...

Cinq-printemps -Écoute maman, je veux pas mettre ce manteau parce que il est très laid et si les amis rient de moi en disant "Ah-ah, Cinq-printemps est laid, ça va me rendre triste et fâché et quand je suis triste et fâché, j'ai envie de leur donner des coups de poing et tu aimes pas quand je donne des coups de poing."

Maman, épuisée -Les grands, allez nous attendre dehors.

Cinq-printemps -NOOON! Ne partez pas sans moi, attendeeez-moiiii!

Cinq-printemps regarde maman, le regard suppliant, les yeux encore humectés de son désespoir et de son humiliation précoce.

Calmement, maman conclut: "Tu le gardes pour aujourd'hui. Maintenant c'est l'heure de partir à l'école. Ce soir, nous sortirons tous les manteaux d'hiver qui te font et tu choisiras celui que tu préfères".

Cinq-printemps soupire. Maman trouve le compromis acceptable et envoie son petit mousquetaire rejoindre ses frères. Il se précipite vers la porte, inquiet de devoir courir pour les rattraper, puis s'arrête net. Il revient vers maman, l'embrasse et lui fait les yeux doux.

Maman essuie les vestiges de larmes et Cinq-printemps court rejoindre les grands qui attendaient patiemment la fin de la crise.

Maman regarde ses mousquetaires par la fenêtre. Elle le trouve bien charmant son Cinq-printemps, pourquoi s'inquiète-t-il autant? Bébé fait des bye-bye à ses frères avec sa délicieuse petite menotte.

Maman soupire intérieurement de penser à la gestion de crise évitée par le fait que les trois aînés ne soient pas si soucieux de leur apparence.

Et pas de fille dans la gang. Fiou.

4 commentaires:

Anonyme a dit...

Wow! Je dois dire que tes plus vieux sont très raisonnables et très responsables! Je suis impressionnée de la façon dont ils ont encouragé leur cadet! C'est tout à fait charmant! :o)

Et comme tu dis, une chance qu'il n'y a pas de fille sans le troupeau!!

Anonyme a dit...

Ah les crises de manteau. Tu connais Robert Munsch, c'est un auteur jeunesse et il a un livre génial sur le sujet: L'habit de neige. En gros, je dirais que c'est l"histoire de Cinq Printemps version dramatisée.

Pur bonheur a dit...

Comme ça me rappelle des souvenirs! Négocier chaque morceau de linge tout le temps !
Mon fils était pareil.

Grande-Dame a dit...

C'est vrai, Caroline qu'ils, qu'ils ont été raisonnables...mais je t'assure qu'ils savent aussi être mesquins à leurs heures! ;-)

Nathalie, je ne le connais pas beaucoup, mais j'ai tout de même un petit faible pour "Je t'aimerai toujours". C'est tellement touchant, ça me fait pleurer.