vendredi, septembre 29, 2006

Posez-moi la question

Aujourd'hui est une journée spéciale dans ma vie professionnelle. C'est le lancement du site web corporatif de mon entreprise. Beaucoup de stress, de semaines de labeur, de tergiversations, de certitudes puis d'hésitations, de désir de perfection, beaucoup de fébrilité et très peu de sommeil. Ça y est, j'ai fait le saut. Il y a enfin un aboutissement à tout ça, et c'est aujourd'hui que ça se passe.

Cette grande étape implique beaucoup de boulot, de déplacements, de téléphones, de courriels, de gestion, quoi.

Mais puisque je suis mère d'abord et avant tout, je prends tout de même le temps d'aller, entre deux obligations professionnelles, acheter des souliers pour mon fils de cinq ans, dont les souliers actuels "peuvent faire des bouches lorsqu'on décolle la semelle, regarde maman, mes souliers parlent!".

Certaine d'avoir fait un choix judicieux qui le fera sauter de joie et de gratitude, je lui présente la boîte contenant ses nouvelles chaussures lorsqu'il vient dîner à la maison. Son air est méfiant, à croire qu'il sait déjà qu'il sera déçu des goûts exécrables de sa mère. À peine la boîte ouverte, l'Insatisfaction dans toute sa splendeur, la Criiise!

"Beeeeen làààà! C'est pas ceux-làààà que je voulaiiiiiis! (en continuant pourtant de les sortir de la boîte et de les observer, en ouvrant le tiroir pour prendre les ciseaux et couper le ti-fil de plastique, en s'asseyant par terre pour les essayer).

"Ils sont pas beauuuux, je voulaiiiiiis des souliers avec des SpiiiderMaaaan, c'est ceux-là que j'aime moi, c'est ceux-là mes préférés!!"

-Poupou, il est hors de question que je t'achète des souliers avec des bonhommes, tu le sais, je trouve ça affreux.

-Ouiiiiiiiii mais ceux-là, ils sont pas beaux, ils sont vraiment laids et en plus, ils ont juste "une tite ligne" (on appelle ça un velcro mon amour) au lieu de deux et c'est pas des comme ça que je voulais!!

Dernière chance, je joue la corde sensible, la corde proscrite, la corde manipulatrice.

-Je vois que tu es déçu. C'est dommage, j'aurais bien espéré te faire plaisir. J'aurais apprécié entendre quelque chose comme "Oh, merci maman ! C'est gentil d'avoir pensé à remplacer mes vieux souliers, je suis content".

Il continue de protester, puis soupire.

Je lui enlève les souliers, les remets dans la boîte et essaie de ne plus écouter ses vilaines paroles visant vraisemblablement à dénigrer mon sens esthétique en matière de souliers pour enfants et ainsi détruire une partie de mon estime maternel.

-Beeeeen làààà!! Merci quand même, tsééé! dit en soupirant avec exaspération avant de me rappeler une énième fois que ces horribles souliers ne lui plaisent pas.

Deux de ses grands frères toujours reconnaissants pour la moindre attention assistent à la crise d'insatisfaction, impassibles, le regard compassif pour leur si gentille maman rejetée de la sorte par la dureté de son Capricieux. Mon Grand vient me flatter le dos en guise de soutien moral, je dois l'avouer, fort apprécié.


****

C'est l'heure de dîner. Wow, maman a acheté des beignes. Il n'y en a que deux et nous sommes quatre pour dîner. Nous devrons donc les couper et les partager. Grand frère coupe le premier au chocolat, Moyen frère coupe le deuxième à l'érable. Les deux mangent les deux moitiés au chocolat (si vos compétences algébriques sont correctes, vous devriez arriver à un tout).

Petit Capricieux, voyant ses frères manger le beigne au chocolat, tombe en mode "crise extrême", tasse son restant de soupe illico, sort de table et se rue sur Moyen frère, tente de lui arracher sa moitié de beigne au chocolat de la bouche, tire sur son chandail, pousse, tire-pousse-tire-pousse-tire-pousse.

Je tente de calmer mon hystérique tandis que Moyen frère se protège la tête d'une main, le beigne de l'autre. Petit Capricieux pleure et crie, est dans une grande colère, sautille sur place, les joues humectées de perles de détresse (c'est beau hein!). Je tente de le resaisir, de capter son attention. En vain.

Il est pris dans un tourbillon de colère, "il avait RÉSERVÉ le beigne" et Moyen frère (qui l'avait en réalité réservé bien avant) l'a trahi. Petit Capricieux est au bord de l'agonie tandis que je demeure perplexe. C'est mon fils, ça? MOI, si digne, si respectueuse, si reconnaissante lorsqu'il le faut, j'ai engendré un ingrat caractériel pareil?

Petit Capricieux refuse la moitié de beigne à l'érable qui lui était destinée, ne bronche même pas en voyant Grand frère l'engloutir. C'était le chocolat qu'il voulait, et rien d'autre. Il aurait agressé son frère jusqu'à sa dernière bouchée, prêt à lui enfoncer les doigts dans la gorge et la volonté assez grande pour se rendre jusqu'à l'estomac pour être sûr d'avoir son dû s'il avait pu.

Moi qui ai tant jugé les parents des enfants qui pétaient des crises aux caisses des centres d'achats. ..."Petits morveux", que je me disais, "tes parents vont bien finir par te ressaisir, te faire comprendre qui est le boss". Pfff! Foutaises!!!

Pourquoi mes trois aînés sont-ils raisonnables et reconnaissants? Pourquoi eux comprennent-ils mes limites? Au même âge, ils étaient déjà si raisonnables, jamais une seule crise, et s'il y avait l'ébauche d'une crise, ils étaient ressaisis sur-le-champ. Crise et maman, ça ne rime pas DU TOUT ensemble.

Posez-moi la question, juste pour voir, si j'aurais fait autant d'enfants si Petit Capricieux était né le premier....allez....osez....

3 commentaires:

Shônia a dit...

Alors, si petit capricieux était arrivé en premier, tu en aurais eu autant???

Moi je crois que oui, ton amour de la maternité est trop grand pour t'arrêter à ce petit détail ;)

Grande-Dame a dit...

Na. Telle est ma réponse. :-)

parenthèse a dit...

Je pense que la tendance au caprices vient du fait qu'il n'est justement pas un aîné , non ?