jeudi, octobre 08, 2009

S'il était encore là.

Il ne cesserait de s'étonner de la grandeur de Grand-Charme qui du haut de ses douze ans dépasse déjà son aîné. Il se gonflerait le torse de fierté devant cet enfant qui a toutes les caractéristiques physiques de notre famille. Il serait attendri de voir à quel point Fils Aîné grandit en sagesse, en vivacité d'esprit et en talents artistiques. Il prendrait le temps de regarder ses BD, le féliciterait pour son bon vocabulaire, lui renoterait ses quelques fautes, lui dirait que sa mère dessinait autant à son âge. Il lui passerait la main dans les cheveux pour traduire sa fierté et le prendrait dans ses bras en lui demandant comment ça se fait que ses cheveux se mettent à boucler subitement à l'âge de quinze ans. Il serait heureux de l'entendre jouer de la basse, aurait envie de l'essayer aussi. Il jouerait à ABBA Singstar avec nous sur la PS2 et nous aurions du plaisir.

Il serait heureux de voir mes grands s'intéresser à la politique, leur expliquerait ses points de vue qui sont aussi ses vérités, il leur parlerait de communisme, de terrorisme et peut-être, d'espionnage et de contre-espionnage. Il serait enchanté d'avoir avec eux des discussions de grands, il n'en reviendrait pas de constater à quel point ils sont vifs et intelligents. Lorsque Grand-Homme s'en mêlerait pour condamner les convictions politiques de mon père, il se maîtriserait pour contrôler sa susceptibilité en la matière et qualifierait mon homme provocateur de maudit péquiste avec un sourire dans les yeux.

Il se plairait à répéter à Tout-Doux qu'il est son filleul, il serait ému de constater sa sensibilité, son ouverture aux autres, son rythme particulier, serait heureux de prendre mes enfants dans ses bras. Il se placerait en retrait pour rire dans sa barbe des obstinations de mes enfants et n'interviendrait que si l'un d'entre eux était vraiment lésé ou au bord des larmes.

Il leur apprendrait des jeux de cartes. Il jouerait aux échecs avec Coco et s'étonnerait de l'esprit stratégique de cet enfant. Il réaliserait à quel point mon Coco a un solide caractère, un sourire radieux et des yeux rieurs et amoureux. Il répéterait pour lui-même que cet enfant a de si beaux yeux bleus.

Il proposerait peut-être de nous accompagner en voyage dans le Sud pour profiter du temps avec les enfants.

Il s'amuserait des réactions théâtrales de Grand-Charme, de son humour, de sa désinvolture, de sa répartie et de l'originalité de son vocabulaire. Il rirait et parce que c'était un homme magnifique et magnétique, tout le monde rirait avec lui.

Il apprendrait à connaître Frédéric, chiâlerait devant son légendaire entêtement, le trouverait gâté et me reprocherait d'être trop ci ou moins cela avec lui. L'instant d'après, il s'occuperait de lui dans un élan de tendresse et se mettrait à rire en songeant qu'il a trouvé chaussure à son pied en matière d'orgueil. Il prendrait son accordéon pour mettre de la joie dans le coeur de son petit-fils et parce qu'il savait que les tout-petits ont toujours aimé sa musique. Frédéric, pour sa part, ne désignerait pas qu'une seule personne quand il parle de son papi.

Il serait heureux, ému à l'os de rencontrer son unique petite-fille. Il la regarderait, bouleversé de fierté et me regarderait ensuite les yeux tremblotants de perles pour me signifier à quel point elle est belle. Il la ferait sauter au bout de sa jambe pour faire le cheval, partagerait ses éclats de rire, la bécoterait dans le cou et prendrait sa guitare pour lui chanter Poupée d'amour, qu'il adapterait pour elle. Il jouerait à cache-cache avec elle autour de l'îlot de la cuisine et élèverait le ton lorsqu'elle écraserait son minois dans le moustiquaire de la porte-patio ou appuierait sur le bouton du répondeur à sa portée. Peut-être également la mettrait-il en garde contre la gourmandise des hommes, propos qui seraient en réalité une réflexion pour lui-même.

Nous prendrions un verre de vin ensemble. Nous nous balancerions dans son coin jardin en parlant en silence, juste en regards et en gestes tendres. Il me dirait que je suis belle, qu'il est fier de s'être enfargé dans le tapis, me donnerait quelques billets pour payer l'essence et aurait les larmes aux yeux en nous regardant partir.

Il fumerait en cachette en se berçant devant son poêle à bois et téléphonerait pour mon anniversaire.

Je pense à lui sans cesse. Il me manque.

13 commentaires:

anne-isabelle a dit...

Mon père me manque aussi. Déjà presque 20 ans qu'il nous a quitté. il n'a bien sûr connu aucun de mes enfants.

Il aurait été fier de voir comment ma puce était "éffrontément" sur d'elle. Et de voir mon fils qui porte son nom dans le sien lui ressemble.Il aurait été fier de voir ma grande monter à cheval...

Dommage que la vie nous ai arraché des êtres si précieux...

je te fais un gros câlin xx

Méli a dit...

Ouf, j'ai les larmes aux yeux en te lisant... Je remercie le ciel d'avoir encore mes parents et je vais les voir souvent avec ma fille...

Marico Renaud a dit...

Je suis bouleversée de tout l'amour qu'il y a dans ton message d'aujourd'hui. Pour ton père, chacun de tes enfants... Tu portes bien ton nom, Grande Dame!

Une femme libre a dit...

C'est le genre d'amour idéalisé qui ne peut exister qu'entre une fille et son père. Le héros. Encore plus héros quand on connaît autant ses faiblesses que sa grandeur d'âme et sa sensibilité. J'éprouve le même genre d'amour envers mon père et le même besoin de reconnaissance et d'approbation, même après sa mort. Le premier homme qui m'a trouvée belle. Comme je comprends et je m'identifie à ce billet.

Grande-Dame a dit...

Anne-Isa, j'ai toujours su que mon père mourrait d'un cancer et c'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai eu des enfants si jeune. J'avais une peur folle qu'il ne les connaisse jamais et ce sera le cas avec Béatrice et Fred qui n'en gardera aucun souvenir.

Méli, savoure chaque moment. Je ne le fais pas assez avec ma mère pourtant encore là (c'est probablement qu'elle se dira aussi à la lecture de ce billet).

Marico, bienvenue. Vous me faites rougir. Ne vous laissez pas impressionner, je suis surtout prétentieuse.

Femme Libre, un héros, je ne crois pas. Je crois juste à l'amour inconditionnel d'un enfant pour ses parents. Un père absent de surcroît est souvent idéalisé et pourtant, j'ai eu conscience de ses travers à m'en écorcher l'âme, à m'en complexifier la relation avec les hommes. Je ne l'en aime pas moins. Ça c'est de l'inconditionnalité !

Le besoin de reconnaissance, d'approbation, comme vous avez raison !

ophise a dit...

Grande Dame...
C'est une de tes grandes qualités de savoir mettre des mots sur les choses de la vie.
J'aurais aimé être capable d'écrire ce texte sur ma mère, c'est merveilleux que tu l'ai fait, pour toi, pour nous...

Anonyme a dit...

Très beau et touchant billet Grande Dame.

France

Caroline (La Belle) a dit...

Wow, quelle beau message sur un être qui est très chère pour vous !

Je réalise en lisant le message d'amour que je dois profiter de chaque jour de mes parents..

Geneviève Dion a dit...

c'est très touchant et très beau...je peux rien ajouter de plus....j,ai le motton!

L'aubergiste en devoir a dit...

Juste le titre et j'étais déjà conquise, et émotive, sans savoir de qui vous alliez parler.

Le mien étant au même endroit que le vôtre, du moins on l'espère, je suis très touchée également par ce billet.

Merci!

Anonyme a dit...

Ils me manquent tant,
mes disparus, eux aussi du mois d'octobre..J'ai les larmes aux yeux en vous lisant, d'avoir sur mettre des mots sur cet homme, votre pere !
Les mots m'ont quittes le jour ou j'ai perdu ma marraine, ma seconde mere, mon histoire, il m'ont quitte quand bien d'autre l'ont suivi.
J'aurais aimé qu'ils voient un jour mes enfants, le jour où j'en aurais, helas, ils ne vivent plus que dans le souvenir qu'on leur accorde.
On a tous ce besoin de reconnaissance ... auraient ils été fier ?
Vio

Sophie L a dit...

C'est une première visite. Quel beau texte et magnifique hommage.

Anonyme a dit...
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blogue.