jeudi, mai 21, 2009

Pardon madame, je suis une automate

Dans une journée, j’exécute nombre de choses de façon mécanique. Des choses domestiques, pour la plupart, accomplies plus souvent qu’autrement en pieuvre habile. Je note, ramasse, rédige, balaie, fais les courses, prépare les repas, fais le lavage, prends des rendez-vous, révise, range, organise, écoute, raconte, recherche, planifie en faisant mille autres choses. Multi-fonctionnelle malgré moi je suis. Je suis éparpillée et je rêve de ne faire qu’une seule chose à la fois sans l’interrompre en pensant optimiser mon temps.

J’amorce une tonne de petites tâches que je laisse en suspends puis termine entre deux autres. J’utilise quelque chose, le range, le cherche désespérément sans me rendre compte que je viens de le ranger. Automate, je vous dis.

Je fais tout. Dans une organisation imprévisible et désordonnée, j’arrive à peu près à tout faire. Sauf qu’habituellement, cette tendance automate ne m’expose pas à faire de moi une folle obstinée et malcommode.

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On sort du rendez-vous où Fils Aîné vient de se faire enlever (puis remettre) une nouvelle attelle pour son doigt disloqué. Le coupon du stationnement de l’hôpital a servi tout l’avant-midi de signet entre deux pages de mon Tonino. Je règle mon paiement, m’étonne qu’on ne me rende pas mon billet, peste intérieurement contre la maudite machine, prends un reçu pour assurer ma sortie en espérant n’avoir pas trop de trouble et rejoins la voiture avec la moitié de ma gang.

Arrivée à la guérite, je tends mon reçu. « On né prend pas les reçous dit la dame. Il fous faut fotre billet dé stationnément. »

Ça y est, le trouble commence me dis-je.

-Je n’ai pas de billet madame, la machine ne m’en a pas donné.

Ça y est, le trouble commence, se dit-elle.

Et la dame de commencer à m’expliquer qué cé n’é pas pozzible qué la machine ne m’en é pas donné.

-C’est pourtant ce qui m’est arrivé, je n’en ai pas, j’ai payé mon stationnement, je ne paierai pas deux fois, et blablabla. Je suis bien déterminée à ne pas payer pour les lacunes de ce fichu système défectueux.

-Sûr à 100% madame, il est impozzible que la machine é mangé votre billet, férifiez dans vos poches, vous dévez avoir fotrre billet avec una code barre, ce n’est pas pozzible que cé soit la machine, ce n’est pas pozzible, ce n’est pas…

Et moi de m’obstiner, et les voitures derrière de commencer à klaxonner, et la dame déjà écoeurée de mon entêtement d’insister que j’aille régler ça avec la sécurité, et moi d’exiger un numéro pour faire une plainte, et la dame de vouloir me renvoyer à la sécurité, et moi d’exiger un numéro de téléphone pour faire une plainte, et les voitures derrière de klaxonner, et mon ado de tenter de placer un mot pour dire à sa mère qui commence à s’énerver que mon billet servait de marque-page à mon livre, et moi de le faire taire en lui disant que oui, c’était avant que la machine ne le mange, et la dame d’élever le ton, moi aussi et les klaxons aussi.

Je finis par me résigner à fouiller dans mon portefeuille presque prête à céder sous la pression avec un sentiment de profonde injustice. Mon billet de 10$ à la main, je continue bêtement de m’obstiner.

À ma droite, mon bel ado plein d’indulgence, avec son air même pas baveux assis à mes côté, mon livre ouvert entre les mains pour tenir la page avec sa main pansée et me tendre de l’autre sans vraiment insister mon billet-de-stationnement-apparemment-mangé-par-la-machine-qui-ne-mange-pas-les-billets-si-si-elle-a-mangé-le-mien-je-vous-le-dis.

La dame de voir le salvateur billet dans les mains du si bon garçon de s’exclamer en pointant la machine : « Mettez-le dans la machine, prénez-le et mettez-le dans la machine madame… »

Et moi sous le choc des retrouvailles de me calmer les nerfs, d’insérer mon billet dans la machine en n’y comprenant rien mais reconnaissant tout de même humblement : « Toutes mes excuses, madame. »

Ça y est, je suis folle.

Et mon grand, assis à mes côtés, petit sourire baveux qui en dit long et qu’il réprimerait presque pour ne pas souligner la confusion de sa mère sénile et l’humilier davantage.

-J’ai eu l’air d’une vraie folle. Et toi tu m’avais vu le remettre dans mon livre!

-J’essayais de te le dire maman…

-Ben coup donc! La fille de la guérite aura une autre histoire de cliente folle et entêtée à raconter à ses collègues à son prochain party de bureau.

Pauvre cerveau usé et dérouté que le mien. Qu’est-ce que je serai dans quelques décénnies?

-Arrêtez de vous obstiner avec l'infirmière et finissez votre purée madame Grande-Dame. On va vous ramener à votre chambre...

12 commentaires:

Tcha (Fils aîné) a dit...

Alala, ma pauvre maman.Ça t'apprenderas a(accent circonflex que je ne trouve pas sur ce foutus clavier)ne pas m'écouter.

Tcha (Fils aîné) a dit...

accent grave, s'cusez ma malconnaissance des accents...

Anonyme a dit...

Je pense que votre conjoint doit avoir une patience d'ange. Je le félicite.

Maryannou

Anonyme a dit...

Si vous aviez une baguette magique tout irait selon vos souhaits mais...est-ce vraiment ça qui vous rendrait plus heureuse?
Apprivoisez la patience, ce sera votre meilleure alliée.

Gisèle

Caroline (La Belle) a dit...

Ouf, ce serait tellement mon genre ;-P

Mijo a dit...

J'imagine le grand moment de solitude que tu as du ressentir en voyant le ticket dans les mains de Fils Aîné. ;-)

tarzile a dit...

Ben là, on est tellement coincés de tous côtés. Ça arrive. Mais je suis CONVAINCUE que la machine doit bouffer son lot de billets. CERTAINE. Et d'affirmer que ce n'est pas possible (on me l'a déjà fait chez Bell, madame c'est impossible qu'un ordi se trompe.) est une preuve. De quoi ? Sais pas, mais une preuve. Je t'appuie.

Grande-Dame a dit...

Maryannou, je salue surtout ici la patience de celle qui s'exprimait avec un accent hispanophone. :o)

Gisèle, on a tous une patience exemplaire pour quelque chose en particulier. La mienne, sous le coup d'overdoses de stress, est particulièrement éprouvée. Hélas.

La Belle, oups! ;o)

Mijo, solitude? Hm, désolation, sincère désolation à part ça!

Tarzile, bah, je sais pas si cette machine est réellement infaillible mais reste que j'étais quand même la fautive entêtée. ;o)

Parfum a dit...

hihi!!, j ai bien rigolé et ca me ressemble en ce moment, mettons! on mangera de la purée ensemble ;)

L'aubergiste en devoir a dit...

Vous pourrez l'insérer dans vos best of...

pistache a dit...

IL m'est arrivé la meme affaire moi aussi. LE billet était dans mon sac a main

Marie-Hélène a dit...

Je reste toujours prise dans le stationnement d'hôpitaux. Toujours! Les machines à reçus pètent et ne fonctionnent jamais pour moi. On ne me croit pas, je vais toujours chercher le gardien de sécurité qui ne me croit pas, pour finalement y aller ensemble pour que le dit gardien de sécurité voit que finalement, j'ai raison que la machine ne fonctionne pas pour moi. Puis, lui essaye et, par magie, ça fonctionne pour lui. Je suis devenue habituée.

Je tue la technologie, j'essaie de faire sans. Pas grave, quand ce sera la fin du monde et que toute la technologie sera inutile, moi, je m'en rendrai même pas compte! ;o)