Depuis septembre, avec les Salons de Métiers d'Arts et les Marchés de Noël, j'ai peu écrit et beaucoup lu. C'est fou ce que la lecture est intimement liée à l'écriture ! Lire est presque aussi fastidieux qu'écrire: je prends des notes, transcris des extraits, cherche dans le dictionnaire. D'un passage naît une idée pour mon propre livre (dont je vous reparlerai du bienheureux non-développement) ou encore l'étonnement d'avoir développé une idée sous un angle que je me croyais exclusif mais qui est abordé avec quasi la même perspective que l'auteur)
Je retire cependant une grande frustration de la lecture de cette oeuvre magnifique: l'idée de penser qu'il y a 18 mois, j'étais en Italie et que j'ai vu le Castel Sant'Angelo juste à côté du Vatican sans toutefois y accorder l'attention qu'il méritait car il nous fut présenté comme tel plutôt que comme le Mausolée d'Hadrien. On ne regarde pas telle oeuvre de la même manière quand on réalise sa richesse historique, quand on "connait" l'homme qui y est inhumé !
À Rome, juste à côté de notre hôtel, il y avait ce bâtiment magnifique.
Juste devant, une immense colonne que je n'ai pas prise en photo (bouhouhou !), inconsciente de sa richesse historique. Il s'agissait de la colonne Trajane, que voici, et dont je réalise, après lecture, la chance inouïe de l'observer plus attentivement à côté de laquelle je suis passée. Cette colonne contient 200 mètres de bas-reliefs racontant l'histoire des guerres de Trajan (l'empereur ayant précédé Hadrien) et des moyens artistiques et militaires de l'époque. J'y étais, et je n'en ai pas alors réalisé l'importance ! Grrrr !
Il y a quelque chose de bouleversant de se retrouver devant un lieu historique lourd de symboles et de vestiges du passé. On ne le considère pas de la même manière quand non seulement on sait, mais qu'on ressent aussi vivement.
J'ai ressenti cela devant D'où venons-nous? Que sommes-nous? Où allons-nous?, la célèbre immense peinture de Gauguin au musée des Beaux-Arts de Boston. Parce que c'est mon peintre préféré, parce que j'ai lu ses carnets et que je connais intimement les états d'âme, la folie, l'obsession, la maladie, les délires sexuels et la souffrance qui l'ont habité durant la conception de ses oeuvres (celle-là, avant tout), le regard que j'y pose s'en trouve profondément fragilisé par tout ce qu'il contient.
J'espère avoir encore la chance de voyager. Des frustrations semblables, j'en aurai encore. J'imagine que d'une manière ou d'une autre, en traçant un itinéraire de voyages, il faut faire des choix. Je voulais voir la voûte de la Capella Sistina. Je l'ai vue, en ai pleuré d'émotion, ébranlée. Peut-être faut-il se concentrer sur ces moments privilégiés plutôt que de se mordre les jointures de tout ce qu'on n'a pas vu et ne verra jamais.
8 commentaires:
Il y a des années que je repousse la lecture des Mémoires d'Hadrien, rejetant le blâme sur le temps qui passe trop vite... avec les enfants! Tes mots et ta vision du monde me donnent littéralement envie de plonger dans la fresque historique de Marguerite Yourcenar. Merci!
C'est un livre riche et dense qui se déguste à petites doses. J'ai mis des mois à le terminer, moi aussi limitée par le temps.
Un délice littéraire.
Bonne lecture ! :o)
Merci de mettre chaque fois des mots sur des sentiments ou des impressions que j'ai, vous êtes passionnante Grande Dame... J'adore vous lire, c'est parfois instructif , d'autres fois émouvants, d'autres fois drôle, je lis chacun de vos billets avec beaucoup de passion, sans toujours commenter car je n'ai pas cette facilité à mettre sur "clavier" mes pensées, et de plus vos articles sont tellement complets que tout est dit !
Maeva
Comme votre commentaire me touche ce matin ! Merci d'avoir pris le temps de le poster, Maeva !
C'est fantastique comme la culture, celle qu'on acquiert quand on est curieux, enrichit notre vie et nos voyages. On peut s'informer et en savoir beaucoup avant de partir mais on peut aussi, comme vous l'avez fait, enrichir notre voyage par après et comprendre une fois revenue chez soi, l'ampleur de l'importance des lieux historiques que nous avions observés un peu négligemment. Ce n'est pas plus mal. Une autre façon de faire tout simplement. Ne regrettez rien. Votre voyage, n'êtes-vous pas en train de le revivre un peu en nous en parlant, en réalisant des aspects que vous aviez omis et qui du coup, s'éclairent? On ne peut pas tout voir, c'est évident. Et il y a des érudits qui voyagent peu mais peuvent vous parler des pays sur lesquels ils ont lu et médité bien mieux que ceux qui les ont arpentés à la hâte, sans vouloir rien manquer.
C'est une manière de voir les choses empreinte de bon sens et de sagesse Femme Libre !
J'ai fait un seul voyage outre-mer et ce fut sur la Côte-d'Azur ou étudiait fiston. J'ai lu et relu tout ce que je pouvais avant de partir
.
Mon mari et mon fils ont été éblouis car je savais ou j'allais et pourquoi, j'étais leur guide,
Je te rejoins sur toute la ligne, la lecture ouvre la porte à mille découvertes et richesses.
J'ai lu plusieurs des oeuvres de Marguerite Yourcenar, que j'adore. Mémoires d'Hadrien contient tant de passages qui m'ont poussée à réfléchir, c'en est incroyable. Que ce soit sur la nature de l'homme, son rapport au pouvoir ou à la mort... bref, c'est un livre à lire au moins une fois dans sa vie.
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