jeudi, octobre 29, 2009

L'organisation

Depuis la mi-août, je mise sur le retour en classe pour instaurer à nouveau la routine de septembre toujours salutaire pour l'efficacité de notre tribu. Cette année, fiasco. Bah, on survit mais rien n'est optimal, il y a une grosse perte d'énergie que je travaille encore à tenter de récupérer.

Fils Aîné et Grand-Charme sont autonomes, rarement besoin de leur rappeler leurs responsabilités. Tout-Doux et Coco sont plutôt autonomes mais je dois pousser un peu pour les oublis et la gestion du temps.

Si par les années passées notre organisation avait plus de succès malgré qu'elle fut un espèce de chaos organisé, j'ai tenté cette année d'être plus structurée. Fred a débuté la pré-maternelle, son éducatrice à la garderie espérait des présences plus fixes pour mieux planifier sa semaine et moi j'ai toujours en tête d'atteindre l'objectif d'envoyer mon manuscrit à un éditeur max fin décembre. J'ai établi une routine et je m'en tiens à cela assez rigoureusement.

Chaque matin, donc, je suis décidée à opérer. J'ai instauré une routine mais quelle difficulté j'ai à la faire respecter par Frédéric! Demande, répète, pousse dans le dos, quémande, gère des crises de refus de coopérer, m'énerve, hausse le ton. On dit que les enfants ont besoin d'une routine (et moi, Reine du Chaos, je suis loin d'être la championne pour ça). Je constate depuis plusieurs semaines que plus je mets d'énergie à tenter de mieux organiser le temps, plus le jeune homme teste les limites, joue sur la ligne de ma patience, répond avec arrogance et/ou je-m'en-foutisme et/ou air nonchalant de "cause toujours, si je décide de te niaiser, te niaiser je ferai", cherche de l'attention de manière négative, exécute le contraire de ce que je lui demande en me dévisageant d'un air défiant qui attend ma riposte.

Respiiiiiiirer.

Nous testons depuis ce matin le calendrier de motivation. Grand-Homme a aimanté sur le frigo la routine à intégrer. Il faut entendre Fred, fébrile, parler de son calendrier et de ses responsabilités. Ce matin, même pas eu besoin de pousser dans le dos-m'obstiner-m'épuiser à demander. Il est autonome quand il veut. J'espère que la motivation sera suffisante pour créer à moyen terme une coopération qui me permettra d'économiser temps et énergie et de débarquer de la corde raide.

Je tente de prendre du recul pour avoir un regard d'ensemble sur le temps, comprendre ce qui cloche dans l'organisation. Pourquoi, en ayant des matinées mieux organisées (une fois le noeud passé), la routine du soir se décale jusqu'à 21h, 22h? Pourquoi lorsque je suis trop au-dessus de mes affaires durant la journée (genre repas déjà planifié ou à la mijoteuse), le soir est un fiasco? Pourquoi n'arrivons-nous pas à avoir le dessus sur un ordre minimal en la demeure? Je passe du temps de qualité avec ma fille, avec mon aîné qui cherche le dialogue et la proximité de sa mamounette d'amour mais je ne prends pas suffisamment de temps "plaisir" pour les quatre autres, je les bouscule, je ne vois presque pas mon amoureux en-dehors du chaos quotidien, je fais mes devoirs l'heure avant de partir à mon cours.

La moindre demande qui déborde du cadre d'une journée normale devient un poids écrasant. Prendre un rendez-vous chez le dentiste. Faire réparer mes lunettes. Faire le tri des bottes d'hiver. Faire installer les pneus d'hiver. Les enfants ont leurs exigences qu'ils nous rappellent sans arrêt (les multiples demandes se perdent parfois dans le chaos).

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Je tente d'instaurer des rituels et m'y tenir. Pas juste pour optimiser l'organisation mais aussi pour le plaisir. Mon café latté lorsque Bébé fait sa sieste. Pour les matins plus ardus, café latté Amarula. Mmm. Le luxe. Profiter d'une journée où mon homme a une période de libre juste avant le dîner pour m'enfuir en tête à tête avec lui clandestinement pendant que les enfants sont à l'école ou à la garderie. Au resto avec mon homme: pas d'enfants, pas de téléphone, pas d'ordi, pas d'interruption 14 fois au milieu d'une phrase, juste lui et moi, nous deux, nos quatre yeux et nos quatre mains.

Je ne me surprends plus à fantasmer sur un voyage. L'Italie me manque, je me remémore toutes ses merveilles et ce n'est pas assez, tellement pas assez. J'en veux plus, plus, plus. Découvrir encore et encore. Je m'enfuis en pensées dans une villa au bord de la mer en Espagne, dans un pub Irlandais, dans une interminable promenade dans les Highlands Écossais, sur une plage cubaine, à Banff pour un long trek, dans les Açores pour être perdue au milieu de l'océan. J'échappe au quotidien qui me dépasse mais qui me rattrape toujours.

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Bon, j'ai du boulot. Je vais mettre une énorme dinde au four, espérant être au-dessus de mes affaires ce soir. (Pas rapport, mais chaque fois que je manipule une dinde congelée, j'ai toujours peur de me l'échapper sur le pied. Et puis je me dis que je me casserais pour sûr quelques orteils et que je serais extrêmement gênée d'avouer au médecin que c'est une dinde morte qui m'a infligé cette ridicule blessure...aah, ces dindes, comme elles nous font divaguer parfois...)

jeudi, octobre 22, 2009

Le fils intouchable

Je pense à lui, le fils intouchable et rien à faire, je n'arrive pas à trouver le sommeil.

Il y a un gamin dans mon entourage. Douze ans. Du genre voyou en devenir depuis des années. Nous sommes plusieurs parents d'ex copains à le tenir désormais à l'écart à cause de son attitude (habile manipulateur, frondeur, insistant, tenace, téméraire), ses mauvais coups, l'emprise négative qu'il a sur les autres jeunes. Ce garçon est indigne de confiance. Chacun a son anecdote à raconter sur lui et on se conforte mutuellement de l'avoir écarté en entendant les histoires des autres.

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Grand-Charme fait calmement ses devoirs à table, seul dans la cuisine. Il lève les yeux vers la fenêtre et bondit soudainement, sort dehors et invective au loin avec de forts vilains mots l'ancien camarade qui lance des roches sur les voitures qui passent.

Arrive ce qui devait arriver, plusieurs voitures touchées s'arrêtent, deux hommes débarquent des trois véhicules pour constater les dégâts, interpeler les deux voyous et téléphoner à la police. Mon homme intervient pour éviter que ça ne dégénère (l'un des hommes est vraiment fâché et aggrippe le fautif pour éviter qu'il ne se sauve). Nous réussissons à rejoindre la mère, lui expliquons la situation dans laquelle s'est placée son garçon et tout le tralala. Elle finit par débarquer chez-nous, nous informe que son garçon clame l'innocence, elle veut avoir notre version. Grand-Charme lui explique, Grand-Homme corrobore et complète, elle s'en retourne en nous remerciant.

Elle revient quelques instants plus tard avec son fils qui semble étudier avec attention la céramique de notre plancher. Elle souhaite confronter les deux garçons. Soit. Son fils nie, cherche des portes de sortie. La pauvre mère est désemparée, somme Grand-Charme de le dire tout de suite s'il ment. Elle ne sait pas comment gérer la situation. Son fils nie avec conviction, les pieds figés dans la céramique en fixant de préférence l'inanimé.

Je me fais violence pour ne pas secouer la mère de se réveiller sur les agissements de son intouchable fils. À croire que tout le monde dans l'entourage sait observer des évidences qu'elle ne voit pas, trop occupée à l'angéliser. Je m'adresse désormais directement au garçon qui trouve le moyen de fondre dans la céramique sans que la mère n'y voit quoi que ce soit, persuadée que chouchou est injustement accusé d'un délit qu'il n'a pas commis.

La femme doit rappeler la police qui semble-t-il a parlé d'une grosse somme à débourser, elle s'énerve et jette son dévolu sur Grand-Charme, "qu'elle considère comme son propre fils (pitié, non, pas d'une mère comme elle pour apprendre à mon fils à s'assumer), qu'elle a accueilli chez elle, comment a-t-il pu dénoncer son fils ainsi, elle aurait souhaité qu'il cherche à protéger son camarade"!

Grand-Charme de demeurer stoïque pendant que mon amie So explique à la dame que si Grand-Homme est intervenu, c'est justement pour protéger son fils du conducteur agressif, et moi de lui expliquer que si Grand-Charme est sorti invectiver son fils, c'était parce qu'il a eu la lucidité d'anticiper de fâcheuses conséquences.

La dame voudrait bien aller à la police et affirmer que ce n'est pas lui mais elle ne peut le faire à cause de mon fils, qui n'a rien dénoncé mais qui est quand même le seul témoin.

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Je rage. Pourquoi? Je cherche. Parce qu'elle a tenté de culpabiliser mon fils? Bof. Sans doute un peu. Parce que je n'ai jamais pu apprécier cet enfant? Parce que même coupable d'une bêtise qui aurait pu avoir des conséquences pires que la grosse pock sur la Porsche et l'autre camionnette, la moûman le bichonnera encore pour le vilain traumatisme d'avoir dû affronter un monsieur mécontent? La victimisation du coupable. C'est ce qui m'enrage. Je sais pertinemment que cet enfant, parce qu'il sait mentir à ses parents, il saura toujours s'en sortir et avoir l'air du fils victime d'un malencontreux incident. Je ne sais honnêtement pas comment un enfant peut devenir un honnête et responsable citoyen si jamais ses parents ne lui accordent la chance d'assumer ses erreurs et de réparer.

La mère est dans le déni, tiraillée entre ce qu'elle souhaite être la vérité de son fils et la dure réalité. Elle refuse d'admettre ce que les parents de ses anciens camarades voyons clairement dans ce qu'est en train de devenir ce jeune. En m'adressant à eux j'ai été franche. Elle est repartie en évoquant la possibilité de poursuivre un des conducteurs pour voies de fait.

C'est terriblement triste. Le bénéfice du doute, toujours. Le gamin en abuse. Il est persuasif le petit. Une bombe à retardement.

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J'ai lancé des roches aussi, enfant. Des oeufs, aussi. J'ai fait des niaiseries. On est jeunes, on est parfois con, on l'admet, on a un sermont ou une fessée, on se repent et on passe à autre chose. Lui? On verra.

mardi, octobre 20, 2009

Des naissances et des accouchements

L’accouchement est celui de la femme. Peu me contrediront à ce sujet, sauf peut-être un ancien collègue qui s’incluait naturellement dans tout ce qui concernait la grossesse de sa blonde : ON a des contractions, ON respire, ON focalise, ON devrait accoucher autour de telle date. C’en était un peu démesuré à mon avis de vouloir tout partager ce qui est intrinsèquement lié au corps de la femme et que l’homme ne peut vivre réellement que par compassion malgré la sincérité de son désir d’implication. Certains aspects de la grossesse appartiennent à la femme (mon ex-collègue aura beau dire ce qu’il voudra, c’est toujours bien sa douce et uniquement elle qui porte sur son corps les vestiges des grossesses aujourd’hui).

Au moment d’accoucher, c’est le corps de la femme qui fait tout le boulot, même si la présence de l’homme à ses côtés est capitale pour le soutien qu’il peut apporter. En dépit des encouragements de l’homme, son dévouement pour les mille exigences contradictoires de son amoureuse, son regard apaisant, ses caresses ou sa présence silencieuse, c’est la femme qui souffre, c’est la femme qui met au monde l’enfant.

La naissance, en revanche, même intimement liée à l’accouchement, « appartient » à l’enfant. Les deux parents pourraient donc parler à l’enfant de sa naissance d’une manière à peu près semblable (au niveau des faits) à partir du point de vue où ils se trouvaient. Pour ma part, la présence du papa est absolument nécessaire pour me permettre de remettre en ordre des détails qui m’ont échappé pendant que j’étais dans les brumes du pénible travail. En travail, mon besoin de mon amoureux est si grand que je le priverais de faire pipi, de respirer ou de manger pour l’avoir à mes côtés à chaque minute qui passe.

Où je veux en venir, c’est à mon étonnement vis-à-vis la dissociation accouchement/naissance que j’ai lue il y a quelques temps sur le blog d’un père. Selon mon interprétation de son billet, il y a moyen de distinguer nettement accouchement et naissance au point de focaliser sur l’enfant qui vient de naître en occultant toute la part de l’accouchement qui vient de se dérouler. En médecine, la scission entre les deux est nette : l’obstétricien s’occupe de la grossesse et de l’accouchement, le pédiatre s’occupe de l’enfant.

Au sein d’un couple, j’aurais espéré ces moments uniques, intouchables, indissociables. J’aurais espéré que pour le père, l’accouchement soit la partie essentielle, quoiqu’il arrive ultérieurement entre eux, qui amène à la merveilleuse naissance de cet enfant que les deux parents ont attendu si impatiemment. Selon ce que j’en ai compris, quand on déteste très fort son ex, on peut finir par préférer faire une distinction radicale entre l’accouchement et la naissance de manière à exclure la mère de la naissance de son enfant.

Ce billet m’a fait réfléchir car pour moi, l’accouchement et la naissance sont des moments d’une intensité inégalable au sein d’un couple. Je serais attristée qu’un jour, les deux pères de mes sept enfants aient le souhait de m’exclure de l’histoire de nos enfants au point de biffer toute l’intensité du moment qui a précédé leur naissance pour ne les faire exister qu’à partir du moment où ils étaient physiquement indépendant du corps de cette mère que le papa préfère maintenant n’importe où ailleurs que dans l’histoire de leur enfant commun.

Lorsque je parle à mes enfants de leur naissance, je leur raconte les détails qui donnent de la valeur au moment final et extatique de leur arrivée en ce monde. Ces détails incluent naturellement leur père et peu importe ce que pourrait devenir mon lien avec eux, je ne pourrais concevoir imaginer leur histoire sans eux.

jeudi, octobre 15, 2009

Équation algébrique

Si A discute avec B, qu'elle lui explique que la rencontre doit se passer brièvement car elle attend une dizaine d'enfants dans une heure et demie pour l'anniversaire d'un des siens, qu'elle laisse échapper le commentaire suivant: "Je prépare des hot dogs pour dîner et je dois trouver une alternative pour un ami dont la mère a confirmé la présence de l'enfant ce matin seulement en m'informant que le fils ne mangeait pas de viande" (short-cut: l'enfant est musulman donc exit les hot dogs pour lui, A n'avait pas prévu cette contrainte...)....

Que A souligne qu'elle était ravie de pouvoir faire simple cette fois car ses enfants ont plusieurs amis musulmans et qu'elle était étonnée de pouvoir servir le menu simple hot dogs + trempette, ce qu'elle n'a pas eu l'occasion de servir depuis longtemps...

Que B s'exclame alors: "Aaah! Ceux-là, moi, j'suis pas capable. Leur mentalité est tellement différente! Ça c'est du monde avec lequel je refuse que mon fils (qui a six ans) joue."...

Que A s'étonne (à moitié) et demande: "T'as pas peur que ton fils devienne raciste en lui inculquant la phobie des "gens avec une mentalité pas comme nous"?"....

Que B répond: "Mais là! C'est sûr que je lui dirai pas de même mais je vais juste m'arranger pour qu'il ne les côtoie pas. Écoute, leur mentalité, j'suis tellement pas capable que je préfèrerais encore que mon fils se tienne avec un Noir!"....

(Que dans la tête de A: "Issssh.")

Que dans la bouche de A: "Tu sais, les amis musulmans de mes enfants sont vraiment d'excellents amis, drôles, travaillants, enjoués, loyaux, polis. Leurs parents sont vraiment gentils, généreux et ce sont les seuls qui ont osé nous appeler quand notre fils est mort..."

Que B répond alors: "Aah, mais c'est sûr qu'il doit y avoir du monde correct parmi eux..."

Que A conclut que l'étroitesse d'esprit de B est irrécupérable...

Qui est B ?

dimanche, octobre 11, 2009

Le changement

Concept nébuleux que celui-là. Quand on parle de changement, on se réfère généralement à quelque chose de large et d'indéfini comme une simple impression mal articulée. Avoir besoin de changement dans sa vie : quelque chose cloche, on n'a pas vraiment mis le doigt dessus mais on est prêt à tenter différentes choses pour modifier la dynamique pour mieux cerner ce qui ne va pas. On tombe en mode exploratoire.

À chaque pallier d'élection, un des partis d'opposition propose "du changement". On ne sait pas trop à quoi ça réfère exactement, qu'est-ce que ça condamne de l'administration que l'on tente de déloger mais on tente de se faire du crédit électoral en faisant la promotion d'un quelconque changement. À quel niveau, on ne sait pas (mais comme les implications sont plus grandes que pour une coupe de cheveux, on aimerait bien savoir avant de faire un X dans une case).

Plus je croise de pancartes électorales, plus je trouve cette proposition de changement fourre-tout. On ne propose rien de tangible ou d'accessible. Juste du changement. On s'entend que même changer pour pire, ça représente du changement. Oh, ne vous méprenez pas, je suis heureuse de voir cette année un parti d'oppostion qui semble mieux organisé pour offrir un choix aux électeurs Lavallois "pris" avec le même maire depuis une vingtaine d'année. Seulement, à moins de faire une recherche, on ne connait rien des idées proposées par cette opposition et sa pâle visibilité. Ne serait-ce pas plus sérieux de proposer des idées réelles, des idées-choc qui donnent le ton des couleurs d'une organisation politique ?

Je ne sais pas sur quoi misent les partis qui proposent du changement. Sur l'ignorance de l'électorat pour lui vendre une abstraction ayant un potentiel de séduction ?
Sur l'espoir qu'ils aient été suffisamment déçus, blasés ou choqués d'une action ou inaction du parti au pouvoir pour leur donner envie de voir une issue salvatrice dans le mot "changement" ?
Sur leur considération tellement grande de leur électorat qu'on suppose qu'il connait les valeurs, orientations, compétences et volontés des partis en lice et qu'il puisse conclure lui-même qu'effectivement, d'une plate-forme électorale à l'autre, il y a du changement.

Je n'aime pas les concepts fourre-tout. "Expérience" fait partie de ceux-là (me semble avoir écrit un billet là-dessus mais je ne l'ai pas retrouvé). "Vivez l'expérience de tel resto", "Découvrez l'expérience de la campagne à quelques minutes de la ville", "Vivez l'expérience de telle activité". Toute banalité devient une expérience sensationnelle à découvrir. C'est facile, général, publicitaire à l'os, tellement fourre-tout que ça en devient sans âme, dépersonnalisé.

*

C'était la réflexion du jour. Sur ce, je vais organiser la maison pour le souper d'automne de ce soir. En ce qui me concerne, on se parle de mon trente-cinquième automne. Eh oui, c'est mon anniversaire et comme les anniversaires me rendent mélancolique, j'ai mis de l'agrément dans mon café (une raison comme une autre) et essaie de respirer par le nez.

jeudi, octobre 08, 2009

S'il était encore là.

Il ne cesserait de s'étonner de la grandeur de Grand-Charme qui du haut de ses douze ans dépasse déjà son aîné. Il se gonflerait le torse de fierté devant cet enfant qui a toutes les caractéristiques physiques de notre famille. Il serait attendri de voir à quel point Fils Aîné grandit en sagesse, en vivacité d'esprit et en talents artistiques. Il prendrait le temps de regarder ses BD, le féliciterait pour son bon vocabulaire, lui renoterait ses quelques fautes, lui dirait que sa mère dessinait autant à son âge. Il lui passerait la main dans les cheveux pour traduire sa fierté et le prendrait dans ses bras en lui demandant comment ça se fait que ses cheveux se mettent à boucler subitement à l'âge de quinze ans. Il serait heureux de l'entendre jouer de la basse, aurait envie de l'essayer aussi. Il jouerait à ABBA Singstar avec nous sur la PS2 et nous aurions du plaisir.

Il serait heureux de voir mes grands s'intéresser à la politique, leur expliquerait ses points de vue qui sont aussi ses vérités, il leur parlerait de communisme, de terrorisme et peut-être, d'espionnage et de contre-espionnage. Il serait enchanté d'avoir avec eux des discussions de grands, il n'en reviendrait pas de constater à quel point ils sont vifs et intelligents. Lorsque Grand-Homme s'en mêlerait pour condamner les convictions politiques de mon père, il se maîtriserait pour contrôler sa susceptibilité en la matière et qualifierait mon homme provocateur de maudit péquiste avec un sourire dans les yeux.

Il se plairait à répéter à Tout-Doux qu'il est son filleul, il serait ému de constater sa sensibilité, son ouverture aux autres, son rythme particulier, serait heureux de prendre mes enfants dans ses bras. Il se placerait en retrait pour rire dans sa barbe des obstinations de mes enfants et n'interviendrait que si l'un d'entre eux était vraiment lésé ou au bord des larmes.

Il leur apprendrait des jeux de cartes. Il jouerait aux échecs avec Coco et s'étonnerait de l'esprit stratégique de cet enfant. Il réaliserait à quel point mon Coco a un solide caractère, un sourire radieux et des yeux rieurs et amoureux. Il répéterait pour lui-même que cet enfant a de si beaux yeux bleus.

Il proposerait peut-être de nous accompagner en voyage dans le Sud pour profiter du temps avec les enfants.

Il s'amuserait des réactions théâtrales de Grand-Charme, de son humour, de sa désinvolture, de sa répartie et de l'originalité de son vocabulaire. Il rirait et parce que c'était un homme magnifique et magnétique, tout le monde rirait avec lui.

Il apprendrait à connaître Frédéric, chiâlerait devant son légendaire entêtement, le trouverait gâté et me reprocherait d'être trop ci ou moins cela avec lui. L'instant d'après, il s'occuperait de lui dans un élan de tendresse et se mettrait à rire en songeant qu'il a trouvé chaussure à son pied en matière d'orgueil. Il prendrait son accordéon pour mettre de la joie dans le coeur de son petit-fils et parce qu'il savait que les tout-petits ont toujours aimé sa musique. Frédéric, pour sa part, ne désignerait pas qu'une seule personne quand il parle de son papi.

Il serait heureux, ému à l'os de rencontrer son unique petite-fille. Il la regarderait, bouleversé de fierté et me regarderait ensuite les yeux tremblotants de perles pour me signifier à quel point elle est belle. Il la ferait sauter au bout de sa jambe pour faire le cheval, partagerait ses éclats de rire, la bécoterait dans le cou et prendrait sa guitare pour lui chanter Poupée d'amour, qu'il adapterait pour elle. Il jouerait à cache-cache avec elle autour de l'îlot de la cuisine et élèverait le ton lorsqu'elle écraserait son minois dans le moustiquaire de la porte-patio ou appuierait sur le bouton du répondeur à sa portée. Peut-être également la mettrait-il en garde contre la gourmandise des hommes, propos qui seraient en réalité une réflexion pour lui-même.

Nous prendrions un verre de vin ensemble. Nous nous balancerions dans son coin jardin en parlant en silence, juste en regards et en gestes tendres. Il me dirait que je suis belle, qu'il est fier de s'être enfargé dans le tapis, me donnerait quelques billets pour payer l'essence et aurait les larmes aux yeux en nous regardant partir.

Il fumerait en cachette en se berçant devant son poêle à bois et téléphonerait pour mon anniversaire.

Je pense à lui sans cesse. Il me manque.

mardi, octobre 06, 2009

Le non-dit

Une amie est venue écrire. On s’installe chacune devant son portable avec un bon latté, on parle un peu et hop au travail. C’est du chacun pour soi.

J’ai écrit moins et ventilé plus que je ne l’aurais imaginé ce matin. Tout est relié au non-dit. Je prends conscience de la quantité de non-dit qu’il y a dans ma vie. Du non-dit que je tais par crainte de blesser malgré toutes les paires de gants blancs appelés délicatesse que je sais mettre. Du non-dit que je tais parce que je n’ai ni l’énergie ni le courage de plonger dans un douloureux règlement de compte. Du non-dit que je tais parce que je n’ai pas envie d’entendre à quel point je suis intransigeante et insensible de faire pleurer les autres (c’est souvent ce qui arrive) avec le poids de mes vérités et de mes limites. Du non-dit que je tais parce que je ne sais pas exprimer mes états émotifs à leur juste valeur. Ça gruge pourtant tellement, le non-dit, ça détruit, ça nourrit la rancœur.

Puisque je ne parle pas, puisque je ne mets rien au clair, puisque je n’établis pas clairement mes limites, puisque je me pile sur le coeur en épargnant davantage l'autre que moi-même, je cultive l’amertume, je n’ai plus envie de m’investir, j’apprécie moins l’autre, je prends mes distances pour éviter les effets des irritants sur mon coeur sensible. Je tolère stupidement en m’empoisonnant l’existence.

Ça ne règle rien. Évidemment. Je ne peux construire de relation saine sur un terreau aussi stérile. Je renonce donc à construire. Je me soustrais à des relations qui n’aboutissent à rien mais qui pourraient sans doute être allégées, plus agréables si les abcès étaient crevés et que l’on pouvait savoir se parler librement.

Je me tais, m’éloigne, deviens impersonnelle, froide, je me ferme à tout ce qui est au-devant de tout le non-dit n’ayant jamais été verbalisé et reconnu. Je baisse les bras, abdique avec tristesse et désolation. Je fais une croix sur ce qui aurait pu être.

Il arrive qu'un jour, épuisée d’être épuisée de ne pas mettre les choses au clair dans l’immédiat, ma vérité s’impose, délicatesse en moins ou maladresse en plus.

Cette fois, on aurait peut-être raison de me qualifier d’intransigeante.

dimanche, octobre 04, 2009

Les pubs irlandais

Les pubs irlandais: un de mes péchés mignons. J'adore les pubs irlandais, la diversité des bières, l'ambiance, la musique, la chaleur, la familiarité, l'esprit, la classe en même temps que l'accessibilité.

J'ai visité jadis le pub McIntosh, à Granby. Pas à sa juste valeur, je le crains, puisque je n'y suis allée qu'une fois.

Il y a ensuite L'Île Noire, sur Ontario (à Montréal), où je retourne parfois pour une ambiance agréable (écossais celui-là). C'est là que j'avais donné rendez-vous à Cecilia, une amie du secondaire, vendredi. Incroyable de penser que nous avons été copines durant deux ans et que pour la première fois (nous venons de nous retrouver, vive Facebook), elle me racontait son histoire lourde d'un passé déchirant pour une si petite fille alors qu'elle vivait toujours au Salvador. Cecilia, elle est si belle avec ses yeux racés et ses épais cheveux noirs, si chaleureuse, si latine jusqu'au bout des ongles et son accent chantant, un délice pour les oreilles. Une agréable soirée auquel j'ai longuement cogité en me disant que les immigrants portent souvent des histoires dont on ne soupçonne vraiment pas la charge de souffrance. Une personne de qualité, cette fille.

Dans le Vieux-Terrebonne, le pub réservé aux bières occasionnelles du milieu de semaine avec mon amie So est le pub St-Patrick. C'est là que devant une bière (doh!), on se met à jour sur les réflexions de nos vies agrémentées de niaiseries décapantes.

Puis, ce week-end, en sortie d'amoureux, le pub Le Trèfle, dans le Vieux Trois-Rivières, où j'ai délaissé les bières blondes (mes préférées) pour en goûter une blanche parce que son nom m'a séduite : Delirium Tremens. Je n'ai pas pu faire autrement que d'en commander une pour en savourer l'ironie.

Un de mes fantasmes en la matière : aller un jour boire une bière directement dans un pub Irlandais (un vrai de vrai, en Irlande) dans un vieux sous-sol, crasseux ou pas, où tout le monde est entassé pour danser gaiement sur de la musique traditionnelle irlandaise.