Dans l'obscurité. Retour de la veillée du Jour de l'An. Après plus d'une heure de route, les enfants dorment dans la voiture. Sauf Fils Aîné. On a un deal: j'écoute ma musique trad québécoise et quand la musique est plate, je lui laisse mettre une toune de son CD. Il a pris soin d'apporter de la musique que j'apprécie et on chante ensemble lorsque j'ai le bonheur de connaître quelques paroles.
C'est mon tour. Rigodon. Fils Aîné embarque. Un peu. Violon, accordéon, harmonica. Il sait à quel point j'aime la musique trad.
"Tu aurais dû nous forcer à faire de la musique", me reproche-t-il.
Je suis sciée.
J'ai tellement espéré un intérêt de leur part à pratiquer un instrument, longtemps, je les ai poussés. Il y a Tout-Doux que j'avais poussé plus que les autres à cause de son "oreille" évidente. Il a pratiqué le piano durant un an et demi mais la pratique quotidienne était si ardue à intégrer à l'horaire familial que nous avons abandonné.
Jusqu'à ce que Fils Aîné réclame des cours de basse, puis des cours de chant, et qu'il soit suffisamment âgé pour pratiquer seul. À l'âge de 15 ans.
Je me souviens de Grégory Charles en entrevue qui disait qu'au début de l'adolescence, sa mère avait dû le pousser pour qu'il continue la musique alors qu'il hésitait à poursuivre ou abandonner, puis à sa prise de conscience soudaine qu'il aimait véritablement la musique, qu'en jouer lui apportait quelque chose et qu'au fond, il ne le faisait pas que pour ses parents mais que lui-même en soutirait quelque chose .
Je me suis souvent demandé où se situait la ligne entre le "JE suis le parent, tu es mon enfant, tu vas te dépasser et plonger dans la fascinante découverte qu'est la musique (ou de toute autre activité imposée par nous, tes parents), parce que J'AI la certitude que cela peut t'aider à te construire et la position qui veut que l'enfant puisse avoir la liberté de choisir par lui-même, aller vers les intérêts qui l'animent de son propre chef.
Cependant, pour avoir connu avec Grand-Charme l'évidence qu'il était né pour le théâtre, pour l'improvisation alors qu'il n'avait que 9 ans et qu'il ignorait tout de cet art, pour avoir choisi de le pousser pour qu'il s'y immerge en sachant qu'il y découvrirait un univers dans lequel il trouverait assurément sa place, je sais que pousser son jeune peut parfois être salvateur. Après tout, nous, les adultes, nous les parents avons une vision beaucoup plus large que nos jeunes chéris de toutes les possibilités qui s'offrent à eux.
Que mon jeune, mon beau Fils Aîné, mon exquis premier-né viennent me dire: "Mère (comme il aime bien m'appeler), tu aurais dû nous pousser davantage" (alors que j'ai espéré, tenté de convaincre, poussé), nous apprendre l'importance de la musique", me remue.
J'ai voulu, pensé respecter leur choix, leur volonté. Aux dires de Fils Aîné, du haut de ses 17 ans, leur laisser libre-choix était une mauvaise option., avec son recul de -he-heum- jeune adulte.
Moi qui ai toujours craint agir en IMPOSANT plutôt qu'en amenant à CHOISIR judicieusement....
Qui réfléchit, en ce moment?
17 commentaires:
J'aime beaucoup ta réflexion... Ma fille avait commencé le piano, mais tout comme dans ton cas, la pratique était trop difficile à intégrer à l'horaire. Je rêve du jour où mes enfants apprendront tous un instrument, mais en même temps, je ne veux rien leur imposer.
Achtt! Ça doit faire mal.
Ça me porte aussi à réfléchir...
Ça fait vraiment réfléchir, surtout venant d'un jeune homme qui semble pourtant bien savoir ce qu'il veut.
Merci pour cette belle matière à réflexion! Ton billet fait vraiment réfléchir...
"Tu aurais du" est tellement facile à dire. Les enfants auront toujours à redire sur ce que leurs parents font comme choix pour eux. Mais je te comprends. Maintenant que je suis maman, ça sera mon tour de "ne pas faire les bons choix".
La pratique musicale, c'est difficile, exigeant et personne n'aime ça. Le père de Mozart l'attachait au piano. Les parents asiatiques ne laissent pas manger leur enfant avant que sa pratique ne soit terminée. C'est drôle,hein, mais les enfants asiatiques sont ceux qui excellent actuellement en musique. Un talent naturel? Rarement. Plutôt des parents disciplinés qui savent imposer cette discipline ardue au rejeton. À force de respecter les choix de nos enfants, nous en avons fait des individus qui ne connaissent pas le sens de l'effort, qui n'excellent en rien et qui abandonnent l'école à la première difficulté. Ne sommes-nous pas les champions de l'abandon scolaire?
Je fais partie du lot des "respectueuses du libre-choix de l'enfant". Mais vous savez quoi? Si j'en avais d'autres, je les élèverais bien autrement et j'encourage ma fille à pousser Petit-fils davantage que je ne l'ai poussée elle. Faire travailler un enfant qu'il aime ça ou non afin qu'il excelle dans quelque chose c'est une excellente manière de bâtir son estime de soi et de lui apprendre la valeur de l'effort, ce qui lui servira toute sa vie.
Vous avez encore de jeunes enfants, vous, Grande Dame, merveilleux que vous puissiez rectifier le tir si vous le jugez bon. Merveilleux d'avoir un grand fils si sage!
Je vous lis pour la toute première fois et j'ai bien aimé votre texte.
Moi je suis pour l'effort chez les enfants. Par contre il faut développer avec eux les compétences qu'ils pourraient avoir, selon leurs goûts aussi. Mon fils a développé un talent musical à l'âge de quatre ans.J'ai vu qu'il aimait ça et je l'ai poussé à continuer.Il est devenu musicien et est heureux dans son choix. Mais il m'a aussi dit quelques années plus tard que J,aurrais dû le pousser à jouer au hockey...bah c'est comme ça c'est le métier qui rentre comme on dit. on ne naît pas maman on le devient. merci!
J'aurais aimé que mes parents me poussent plus j'essayais plein d'affaire et sans jamais aller jusqu'au bout.. encore aujourd'hui j'ai de la difficulté a terminer ce que je commence. Mais maintenant j'ai un fils de un an et je ne sais pas comment je vais faire pour lui inculquer (obliger) a aller jusqu'au bout. Elle est mince la ligne entre encourager a ne pas lâcher et écœurer ben comme il faut?
Votre commentaire me parle beaucoup, Femme Libre. Pousser, pousser. Je trouve aussi que les jeunes (jeunes adultes, aussi) ont l'abandon facile.
Apprendre, apprendre à apprendre, à persévérer, se faire contraindre à aller au bout des choses.
Comme vous, je n'éduque pas mes plus jeunes comme mes plus vieux. Parfois pour le pire, parfois pour le mieux. N'ayant pas le même père, la dynamique parentale y est aussi pour quelque chose.
J'éprouve de l'admiration pour les enfants persévérants. Je devrais transférer cette admiration chez les parents qui ont les reins de l'encadrement solides.
Nous avons aussi essayé de faire suivre des cours de karaté aux enfants durant 2 ou 3 ans et ils ont abandonnés. Ensuite, le piano. Professeur privé qui venait à la maison. Je les trouvait tellement chanceux, moi qui avait toujours joué par oreilles sans savoir lire la musique. Mais eux n'ont pas aimé ça. Ensuite, cours de navigation de base (nous avons un motoryatch). Mon fils a détesté. Faut dire qu'il était jeune. Mais bon, ça ne m'étonnerais pas moi non plus qu'un jour ils me disent, 'tu sais maman, finalement le piano c'était super' grrrrrrr.
Avis de jeune adulte. Je dois avoir environ trois ans de plus que votre fils aîné, je vais sur mes 21 ans.
Mon père était un champion de tennis. Son nom était connu dans toute la région et même un peu au niveau national. Même encore aujourd'hui, du haut de ses 50 ans. Il a été poussé par son père à faire du sport, ce qui l'a amené à faire du football (soccer) en plus du tennis, mais mon grand père voulait qu'il soit bon dans un sport. Et parallèlement à tout ça, il a fait du violon.
Ma mère est peintre. Ses expositions et ses ventes font toujours parler d'elles et parviennent à financer en partie ses soins pour le cancer. Personne ne l'a poussée. Ma grand-mère a fait aussi de la peinture mais n'a jamais forcé sa fille. Elles font aussi du piano. Mon grand-père, lui, considère qu'il y a plus important dans la vie que le loisir.
Tous deux sont amateurs, leur métier est enseignant. Tout ça pour dire qu'ils s'y connaissent en pédagogie mais qu'ils ont deux approches complètement différentes sur ce sujet. Et j'en ai fait les frais.
Mon père m'a mis une raquette dans les mains à 3 ans. Il n'a jamais réussi à me faire aimer la compétition. Parallèlement, il m'a fait faire du judo, on m'a dit que ça allait me faire du bien, et on m'a inscrit. 4 ans. J'étais pas doué. M'a poussé à prendre autre chose, j'ai choisi basketball. 2 ans. Pas doué non plus mais j'avais ma place dans l'équipe. Et encore en parallèle, il a voulu que je fasse de la musique. Mais du solfège, car "on ne fait pas d'instrument sans avoir les bases". 3 ans de solfège. Résultat : dégoûté de la musique, je n'ai jamais touché à un instrument. Puis, m'a fait faire du tennis en compétition. J'aime ça le tennis, mais pas la compétition. Il a voulu me pousser à gagner, mais je n'en voyais pas l'intérêt. Et même au ski, quand on y allait, c'était l'école de ski, pour passer les étoiles. Pas moyen de profiter du loisir comme je voulais.
De l'autre côté, ma mère essayait de m'orienter et non de me pousser, quitte à s'opposer à mon père. C'est elle qui a validé mes choix. Quand j'ai fait des figurines au lieu des maquettes, quand j'ai demandé des rollers (sport que mon père ne maîtrisait pas, et ça l'a énervé), et quand finalement j'ai décidé de faire du théâtre malgré mes résultats scolaires en déroute. Elle m'a soutenu (c'est elle qui m'a trouvé les deux films dans lesquels j'ai fait de la figuration). Ma mère, elle, m'a inculqué le sens des priorités. Fais ce qu'il te plaît mais ne confond pas loisir et avenir. Si tu t'engage dans quelque chose fais-le à fond, et laisse le reste si c'est auxiliaire.
Je n'ai jamais chuté à l'école. Je n'ai jamais baissé les bras même quand la maladie et mes mauvais résultats en scientifique me mettaient au plus bas. Pourtant j'ai abandonné certains sports, j'ai fait autre chose, de mon propre choix, j'ai toujours laissé tombé ce que l'on m'obligeait à faire. Aujourd'hui encore, il m'arrive de laisser choir des affaires, des projets. Ce n'est qu'après m'être posé la question : "est-ce que ça a de l'importance pour moi ?". J'ai tracé mon choix de vie et mon avenir, et ça je m'y tiens.
Je ne regrette qu'une chose, une seule. J'avais deux talents. Comédien et chanteur. Le premier, je l'ai travaillé au lycée, il n'y a pas d'âge. Le second... là il aurait fallu me pousser. Mais la chorale du village n'était pas terrible, et mon père n'avait pas le goût de me conduire en ville. Je chantais bien, très bien. La mue est passée par là. Un talent de gâché.
Je ne juge pas. Les faits sont là. Mais je sais aussi que chaque individu est différent. Certains auront besoin d'être poussés, d'autre encouragés, d'autres encore laissés libres. Un enfant est un individu à part entière, non pas une projection de ses parents. Je tâcherai de m'en souvenir quand je serai père.
Tous les parents ont droit à l'erreur. Mais (et là je suis l'enseignement de ma Môman) il y'a des priorités. Grande Dame, votre fils ressent un manque vis-à-vis de la musique. Soit. Mais si j'en crois vos autres billets, vous en avez fait un jeune homme intègre et ouvert aux autres. On ne peut pas réussir partout, n'est-ce pas ?
Je crois qu'il faut faire attention et bien distinguer 2 choses;
il y a une différence entre pousser, obliger nos enfants à faire de la musique pour qu'ils s'habituent à l'effort et pousser l'enfant vers ses propres intérêts et aspirations en l'obligeant cependant à respecter ses engagements jusqu'à la fin. Exemple; tu as voulu faire du judo, tu vas au moins terminer ta session.
Je crois qu'il ne faut pas te sentir coupable de quoi que ce soit. Ton fils a découvert cet intérêt sur le tard. C'est son engouement présent qui le fait réagir de la sorte. L'avoir forcé à le faire plus tôt n'aurait certainement pas donné le même résultat.
La pratique d'un instrument de musique est une excellente discipline mais n'est pas faite pour tout le monde. J'ai vu à quelques reprises des enfants malheureux de jouer du piano parce que les parents forçaient. Je refusais de continuer.
Quant à la discipline asiatique... Très mauvais. Plusieurs en sortent avec de sérieux problèmes psychologiques à l'âge adulte. Preuve à l'appui, j'en ai connus. Imposer à un enfant de 4 ans une pratique de 3 hres de piano par jour est complètement aberrant et ne respecte aucunement le développement naturel d'un enfant de cet âge.
Faire découvrir, inspirer, donner un aperçu me semble être le boulot d'une maman.
Laisser choisir, aussi.
Mais l'effort me semble être le travail du principal intéressé.
Belle réflexion,
Je potine!
http://www.la-mere-est-calme.com/2012/01/les-potins-du-dimanche_11.html
(en ligne dimanche)
Mon chum enseigne la musique au secondaire, a un groupe de blues, il joue tous les instruments. En bas: chambre de musique, batterie, guitaressss...tu vois le genre.
J'ai deux gars. Qui ont quelques fois le goût d'aller s'amuser un peu sur les instruments, sans plus.
Déjà eu la discussion avec mon chum, pourquoi tu ne leurs apprends pas à jouer, on a le musicien, tu pourrais bien leur communiquer ta passion, leur enseigner la musique???
Non. Ils me le demanderont si ils le désirent. Je ne vais jamais leur imposer une passion. Une passion, ça naît. Ça ne s'impose pas qu'il m'a répondu. Là, au moins, ils entendent la musique, se familiarisent avec. Ils savent qu'elle est là, que je suis là.
Ça t'aide???
Je vais aussi dans le sens du commentaire précédent. Le rôle des parents est d'offrir des choix, des possibilités. Mes enfants ont été inscrit à des cours, danse, gymnastique, natation, chant, karaté, dessin. J'encourage, je paye, je fais le taxi. C'est déjà énorme ! J'oblige à terminer une session, toujours.
Mais la passion, elle vient de l'intérieur. Et les enfants, même jeunes, ont la responsabilité de se donner à fond, de s'astreindre à l'entraînement, la discipline, la pratique.
Je suis très rébarbative aux reproches du genre "tu aurais dû - me forcer - me pousser - m'obliger".
Je ne peux que répondre "TU aurais dû saisir ta chance (et il n'est pas trop tard).
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