C'était jour de photographie scolaire à l'école de mes trois "primaires" quelque part la semaine dernière. C'est avec fierté que mes trois fils sur leur trente-six ont quitté la maison.
Pourtant, pour la deuxième (ou est-ce la troisième) année, je n'achèterai pas les photos scolaires. Pour la seconde (ou troisième) fois, nous ne recevrons que la photographie de groupe, celle qui importe le plus à mes yeux.
Pourquoi? Parce qu'ici, les ensembles de photos ne sont plus que gaspillage. Oh, bien sûr, fiston est adorable avec son sourire édenté et sa belle chemise, mais une fois distribuées quelques photos aux membres de la famille, nous demeurons pris avec une quantité impossible de photos de toutes les tailles qu'on n'ose pas jeter (même en ayant pris soin de choisir le plus petit kit) car symboliquement ce serait un peu comme de mettre une partie de l'enfant au recyclage.
Et puis, depuis l'ère du numérique, nous stockons TELLEMENT de photos, est-ce vraiment nécessaire de dépenser en plus pour la photo scolaire qui répond davantage à une "nécessité" traditionnelle qu'à un besoin réel? Parce que c'est ça depuis des décennies, les photos scolaires: un geste traditionnel, voire culturel qui génère une image de nous-même à un âge précis auquel on associera au fil des années tous les souvenirs rattachés à cette année scolaire précise.
Les photographes se sont ajusté au numérique dans le traitement de la photo scolaire: appareils high tech, fonds virtuels, commandes en ligne, gravures de cd, produits dérivés, mais au final, cela demeure un produit de consommation comme un autre accepté socialement comme une normalité-formalité scolaire.
La photo de tout le groupe réuni possède une valeur ajoutée: le souvenir, la référence à une dynamique aussi unique que les individus qui composent l'ensemble.
La photographie scolaire est si ancrée dans nos traditions qu'on ne remet pas son bien-fondé réel en question. Qu'en pensez-vous?
lundi, octobre 24, 2011
Out, les photos scolaires?
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mardi, octobre 11, 2011
Rencontre
Je me souvenais de cette femme. Elle était venue nous rencontrer il y a deux ans. Je l'avais trouvée authentique, jolie et vraiment gentille. Je me rappelais aussi qu'elle avait quatre enfants, dont des jumeaux.
Grand-Homme était attablé avec elle depuis un moment. Je m'approchai, la saluai.
-C'est bien vous qui avez des jumeaux? que je demandai pour établir le contact.
-Oui, mais il ne m'en reste plus qu'un répondit-elle, désolée.
Coup de poignard (je voudrais tant pouvoir éviter cela aux autres parents). Elle m'expliqua qu'un de ses jumeaux, âgé de 16 ans, était parti en trombe de la maison un matin après l'avoir serrée dans ses bras. Il allait rejoindre l'arrêt de bus mais de son pas rapide et insouciant, il n'avait pas bien regardé avant de traverser la rue. Arriva ce que nombre de fois, Dieu merci, nos enfants évitent : le jeune homme fut happé par un conducteur qui ne réussit pas à l'éviter. Une importante commotion cérébrale et une douzaine de jours plus tard, les parents firent le choix de faire débrancher le respirateur et de donner les organes de leur fils.
J'écoutais attentivement, suspendue aux lèvres de cette toujours authentique femme qui avait perdu son fils neuf mois plus tôt mais qui en parlait avec une telle sérénité qu'on aurait pu croire qu'une longue période s'était écoulée entre l'accident et la remarquable attitude qu'elle avait choisi d'avoir vis-à-vis cette mort impromptue.
Elle expliqua son acceptation de l'heure de son fils qui était venue. Bien entendu, cela n'enlevait rien au chagrin de la perte mais son attitude témoignait surtout de sa gratitude pour les derniers beaux moments qu'elle avait vécu avec lui: sa journée de ski juste avant de quitter ce monde, qu'il décrivait comme la plus belle journée de ski de sa vie, l'étreinte qu'il avait fait à sa mère en lui disant qu'il "lui en devait une" (elle lui avait rendu un grand service la veille), le sentiment de perfection dans les derniers mots, les derniers gestes.
Pour la première fois, je rencontrais une femme qui avait un sentiment semblable au mien vis à vis la mort : qui ne criait pas à l'injustice, à la colère, qui ne cherchait pas indûment de coupable, qui avait envie de regarder en avant et d'être heureuse malgré la lourde épreuve avec laquelle elle doit composer désormais. Pourtant, cette colère, elle aurait été tellement légitime, même si elle acceptait volontiers de lâcher prise sur ce pour lequel elle n'avait plus aucun contrôle. Peut-être viendra-telle plus tard, cette colère, qui sait? Si c'était le cas, nul doute que cette exceptionnelle femme saurait l'accueillir dignement avant de la laisser se dissiper le moment venu.
Plus que tout, ce qui m'a emplie de tendresse pour elle, ce sont ses paroles. Elle a perdu un fils, dit-elle, elle saurait s'en relever en dépit de sa souffrance, mais toute sa compassion était destinée à son autre fils, le jumeau identique qui lui renvoie chaque jour désormais une double image: celle du fils vivant, puis celle du disparu. Sa grande douleur vivait davantage dans le fait de voir son fils vivant privé de son jumeau si proche que dans le fait d'être elle-même privée de son enfant profondément unique en dépit de son statut de jumeau. N'est-ce pas le plus grand dévouement maternel qui soit que de se retirer pour accorder la "première place de la souffrance" à un autre de ses enfants plutôt qu'à soi-même en tant qu'habitant premier de notre douleur?
Je pense beaucoup à elle depuis sa rencontre, d'autant plus que son fils décédé porte le prénom du personnage d'une des nouvelles du recueil sur lequel j'ai travaillé durant trois ans et dans lequel après les refus de neuf éditeurs et un an de recul je replongeais le jour-même de la discussion (qui m'a ébranlée) avec cette femme.
Grand-Homme était attablé avec elle depuis un moment. Je m'approchai, la saluai.
-C'est bien vous qui avez des jumeaux? que je demandai pour établir le contact.
-Oui, mais il ne m'en reste plus qu'un répondit-elle, désolée.
Coup de poignard (je voudrais tant pouvoir éviter cela aux autres parents). Elle m'expliqua qu'un de ses jumeaux, âgé de 16 ans, était parti en trombe de la maison un matin après l'avoir serrée dans ses bras. Il allait rejoindre l'arrêt de bus mais de son pas rapide et insouciant, il n'avait pas bien regardé avant de traverser la rue. Arriva ce que nombre de fois, Dieu merci, nos enfants évitent : le jeune homme fut happé par un conducteur qui ne réussit pas à l'éviter. Une importante commotion cérébrale et une douzaine de jours plus tard, les parents firent le choix de faire débrancher le respirateur et de donner les organes de leur fils.
J'écoutais attentivement, suspendue aux lèvres de cette toujours authentique femme qui avait perdu son fils neuf mois plus tôt mais qui en parlait avec une telle sérénité qu'on aurait pu croire qu'une longue période s'était écoulée entre l'accident et la remarquable attitude qu'elle avait choisi d'avoir vis-à-vis cette mort impromptue.
Elle expliqua son acceptation de l'heure de son fils qui était venue. Bien entendu, cela n'enlevait rien au chagrin de la perte mais son attitude témoignait surtout de sa gratitude pour les derniers beaux moments qu'elle avait vécu avec lui: sa journée de ski juste avant de quitter ce monde, qu'il décrivait comme la plus belle journée de ski de sa vie, l'étreinte qu'il avait fait à sa mère en lui disant qu'il "lui en devait une" (elle lui avait rendu un grand service la veille), le sentiment de perfection dans les derniers mots, les derniers gestes.
Pour la première fois, je rencontrais une femme qui avait un sentiment semblable au mien vis à vis la mort : qui ne criait pas à l'injustice, à la colère, qui ne cherchait pas indûment de coupable, qui avait envie de regarder en avant et d'être heureuse malgré la lourde épreuve avec laquelle elle doit composer désormais. Pourtant, cette colère, elle aurait été tellement légitime, même si elle acceptait volontiers de lâcher prise sur ce pour lequel elle n'avait plus aucun contrôle. Peut-être viendra-telle plus tard, cette colère, qui sait? Si c'était le cas, nul doute que cette exceptionnelle femme saurait l'accueillir dignement avant de la laisser se dissiper le moment venu.
Plus que tout, ce qui m'a emplie de tendresse pour elle, ce sont ses paroles. Elle a perdu un fils, dit-elle, elle saurait s'en relever en dépit de sa souffrance, mais toute sa compassion était destinée à son autre fils, le jumeau identique qui lui renvoie chaque jour désormais une double image: celle du fils vivant, puis celle du disparu. Sa grande douleur vivait davantage dans le fait de voir son fils vivant privé de son jumeau si proche que dans le fait d'être elle-même privée de son enfant profondément unique en dépit de son statut de jumeau. N'est-ce pas le plus grand dévouement maternel qui soit que de se retirer pour accorder la "première place de la souffrance" à un autre de ses enfants plutôt qu'à soi-même en tant qu'habitant premier de notre douleur?
Je pense beaucoup à elle depuis sa rencontre, d'autant plus que son fils décédé porte le prénom du personnage d'une des nouvelles du recueil sur lequel j'ai travaillé durant trois ans et dans lequel après les refus de neuf éditeurs et un an de recul je replongeais le jour-même de la discussion (qui m'a ébranlée) avec cette femme.
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mardi, octobre 04, 2011
Carrefour
Alors que je branlais dans le manche à un carrefour de ma vie depuis trop longtemps devant trois avenues, ma seule solution envisageable : courir tous les lièvres. Je vous l'ai déjà dit, mon insatiable gourmandise fait en sorte que je veux tout . Mais, vous le savez, courir trop de lièvres (mon éternelle quête) est aussi épuisant que pernicieux.
Oh, je gère, mais en me désolant de n'avancer pas au rythme auquel je me sais capable. C'est le prix à payer quand on n'aime pas les compromis.
Cette fois, je me suis imposé une avenue. En fait, deux (elles sont compatibles).
Je vais aller au bout d'un lièvre.
Après, on verra.
Je suis libre, après tout.
Oh, je gère, mais en me désolant de n'avancer pas au rythme auquel je me sais capable. C'est le prix à payer quand on n'aime pas les compromis.
Cette fois, je me suis imposé une avenue. En fait, deux (elles sont compatibles).
Je vais aller au bout d'un lièvre.
Après, on verra.
Je suis libre, après tout.
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