mercredi, décembre 13, 2006

Rock'n roll, entraide et pauvreté

Ma Douceur, semaine dernière, alors que je le borde: "Maman, moi je connais DEUX pauvres: papa, et une fille au camp de jour cet été. Elle était tellement pauvre que son papa ne pouvait même pas payer le camp de jour et ça coûtait juste trois dollars!"

-Ça ne veut rien dire Loulou. Souvent, les gens n'ont pas d'argent sur eux, mais ils ont de l'argent à la banque. Et puis la pauvreté, c'est relatif, ça dépend de notre façon de considérer les choses. Crois-tu qu'on est pauvres, nous?

-Ben...nous, on n'est pas pauvres, on n'est pas riches, on ne manque de rien (je souris en reconnaissant mes propres paroles).

-Quand penses-tu que l'on commence à devenir pauvre: quand on n'a plus d'argent pour payer sa maison, quand on n'a plus d'argent pour se payer de la nourriture ou quand on n'a pas d'argent pour partir en voyage ?

-Ben... Les trois.

-Tu vois, ça dépend. Si on considère que ne pas avoir d'argent pour partir en voyage signifie que l'on est pauvre, alors on est pauvres nous aussi.

Grands yeux inquiets de Douceur: "On est PAUVRES?"

-Est-ce qu'on est malheureux?

(...)

***

Ce week-end, ma mère a préparé minutieusement deux boîtes de Noël avec des provisions pour son ex gendre. Elle m'a donné de l'argent afin que je puisse compléter les boîtes avec des gâteries, des provisions diverses manquant au panier initial. Puis, elle a glissé une enveloppe contenant un petit montant d'argent. Juste ce qu'il faut pour pouvoir payer un compte, faire une épicerie ou un plein d'essence.

Ce geste m'a touchée car je sais trop bien que quand on est dans la dèche, chaque sou compte et nous cause des angoisses épouvantables. Ça m'a touchée qu'elle se sente concernée par les soucis de quelqu'un qui ne fait plus vraiment partie de sa famille, mais qui demeure tout de même le père de ses quatre premiers petits-fils et à qui elle offre toujours sa considération.

"Tant qu'à aider des gens que je ne connais pas, je vais faire ma propre Guignolée dans mon entourage", a-t-elle dit.

Lorsque les garçons sont arrivés de chez leur père dimanche soir, ils ont su instinctivement que les trois boîtes de bouffe dans l'entrée étaient pour leur papa. Ils étaient emballés, soulagés, ravis pour leur père.

Ils se sont mis à fouiller dans les boîtes: "Oh papa, regarde, tu es chanceux, tu as des chips!", "Oh papa, tu as un gâteau!", "Papa-papa-papa (en lui brandissant dans le visage la boîte de Turtles), tu as du chocolat!".

Mes enfants connaissent les soucis de leur père et sont d'une indulgence étonnante. La simplicité involontaire dans toute sa splendeur, ils la partagent avec lui. Ce sont eux qui donnent de petites tapes dans le dos.

Le père en question est reparti touché, lui aussi, qu'on ait pu avoir ce geste à son égard.

***

Mon Grand Charme, cette semaine, alors que je le borde: "Maman, Laetitia, elle était vraiment étonnée que papa puisse avoir besoin d'un panier de Noël."

-Pourquoi?

-Ben, parce qu'elle me connait.

-Et alors?

-Ben, elle ne savait pas qu'elle connaissait quelqu'un qui connaît quelqu'un qui en reçoit un...

-Ça t'étonne toi?

-Non. (haussement d'épaule) Moi je suis juste content pour papa. Elle est gentille, grand-maman. Combien il y avait d'argent dans l'enveloppe?

-Cinquante dollars. Une enveloppe pour papa et une enveloppe pour nous.

-Maman?

-Hm?

-Est-ce qu'on a mille dollars dans notre compte de banque?

-Non.

(soudainement inquiet)

-Mais...mais...on est PAUVRES??

-Tu sais Grand Charme, ça roule tout le temps l'argent. Une paye est déposée, on a l'impression qu'on a un petit coussin, puis on paie tous les comptes (énumération), l'hypothèque, la bouffe, l'essence, la garderie et ensuite il ne reste plus rien et on doit attendre la prochaine paie.

(grimaçant, appréhendant la réponse) -Mais on est pauvres alors?

-On n'est pas pas riches, pas pauvres, mais on ne manque de rien. Tu sais, on a déjà reçu des paniers de Noël nous aussi. Cette année, on en aura pas, alors on aide ceux qui en ont plus besoin que nous.

(soudainement lucide) -C'est pour ça que tu prépares des repas à papa le vendredi...

Je souris, admirative devant la sensibilité et la délicatesse de mon fils de neuf ans: "Tu te souviens quand Thomas est mort? Papa a été très présent, il est venu s'occuper de vous, il faisait notre ménage et nos repas. Il était très triste lui aussi, mais il savait qu'on avait encore plus de peine que lui alors il nous a aidé sans rien dire.

Là on essaie de le soutenir un peu nous aussi."

Grand Charme sourit et remonte sa courtepointe sous son menton.

Je pense qu'il est satisfait.

5 commentaires:

Anonyme a dit...

Félicitations. Si toutes les familles reconstituées fonctionnaient comme ça, il n'y aurait plus beaucoup de problèmes. Malheureusement, ce n'est vraiment pas le cas. Vive les gens sans préjugés et les ex-belle-mamans qui ne se permettent pas de juger à tout vent.

Anonyme a dit...

Tu es touchante dans tes écrits, tes fils sont d'une tendresse incroyable... Ça me fait chaud au coeur de te lire...
On en a tellement reçu des paniers de Noël quand j'étais petit et je ne comprennais pas comment ça se faisait qu'ils ne venaient pas de notre famille proche???
Tu leur transmets tellement de belles valeurs à tes mignons. Bravo, vraiment!

Grande-Dame a dit...

Je suis fille de parents séparés. C'est tellement plus facile quand les parents s'entraident!

Joss, je ne réussis pas à poster sur ton blogue, mais tes dernières introspections m'ont bcp touchée également.

Anonyme a dit...

Parce que. Vous savez où arrêter vos phrases. Et où y mettre l'emphase.
Je vous fait écho aujourd'hui... Merci.

REGOR a dit...

Salut Grande Dame,
très touchant ton billet.
J'ai participé à la distribution des Paniers de l'espoir Rock Guertin à Sherbrooke cette semaine , et c'est assez troublant parfois. J'ai pensé que nos décideurs de demain (les ados)devraient voir ca.
Ca leur resterait peut-être en mémoire le jour ou il prendront des décisions.....