J'ai réalisé soudainement, en montant border mes minets, que je n'avais aucune photo de moi avec "tous" mes enfants réunis.
Demain, que je me suis dit, il faut absolument que je remédie à la situation.
En descendant, j'ai passé le commentaire à Grand-Homme.
"Tu sais comment ça s'est terminé la dernière fois..."
Je savais, j'y avais pensé aussi. Dur d'oublier cette soirée-là.
*
Cette soirée-là, c'était un soir de février 2006. Les enfants avaient été exécrables. Thomas, particulièrement. Deux d'entre eux s'étaient dessiné dans le visage avec des crayons feutres. Ils voulaient jouer aux Amérindiens. À bout de patience, j'étais assise sur le lit avec bébé Frédéric. Lorsque Grand-Homme est passé devant la chambre les bras pleins d'un Thomas qui s'enlignait pour-le-dodo-et-que-ça-saute, je l'ai spontanément stoppé.
Je venais de réaliser que je n'avais aucune photo avec mes six enfants et une urgence soudaine m'avait dicté de lui demander impérativement de me l'amener pour une séance photo des plus impromptues: tous les enfants en pyjama dont deux barbouillés et grimaçants, Thomas pleurnicheux, moi avec toute la lourdeur de la soirée étampée dans le visage, pas coiffée ni maquillée comme mon orgueil me l'impose habituellement.
Cela m'était égal: je voulais cette photo sur-le-champ.
Mon homme a rouspété, voulu remettre à plus tard.
"Non. Si nous remettons à plus tard, jamais nous ne le ferons et si jamais je devais perdre un de mes enfants dans les prochains jours, je t'en voudrais toute ma vie de ne pas avoir pris le temps de t'arrêter pour prendre cette photo."
Grand-Homme a soupiré, puis sorti l'appareil.
Quelques jours plus tard, Thomas décédait.
C'est après son décès que nous avons fait développer les photos. Quatre photos. Quatre photos où je suis horrible, où les garçons grimacent, font les fous. Sauf Thomas. Lui, il est posé, regarde l'objectif avec solennité en buvant sa bouteille de lait.
*
Je veux maintenant une photo. Demain. Rationnellement, je sais que l'issue ne sera pas nécessairement la même mais n'empêche, c'est un réflexe que de songer à cette soirée où étonnamment, j'ai écouté l'urgence subite qui a scandé en moi: "C'est maintenant ou jamais."
14 commentaires:
Je ne sais que dire... mis à part que ce billet m'a mis les larmes aux yeux...
C'est fou comme la vie nous parle parfois. Et nous avons tord de faire la sourde oreille.
Heureusement tu ne l'as pas fait. Tu as écouté ta voix.
je me souviens du post ou tu en avais parlé.....
pendant que je le lisais, j'ai la tres belle chanson de michel rivard en tete:
'Toujours cette photo dans ma tête
Cette photo prise il y a longtemps
C’était avant Oui juste avant la tempête
Un cinq par sept en noir et blanc
Comme j’n’avais pas Mon appareil
Je l’ai prise en clignant de l’œil Ça fait pareil Et je l’ai mise dans ma mémoire
Je t’aime comme t’étais
Je t’aime comme tu es là
Je t’aime Comme tu seras toujours
Je t’aime comme t’étais
Je t’aime comme tu es là
Je t’aime Comme tu seras toujours
J’y vois l’ovale de ton visage
Tes yeux avaler l’océan
Tes cheveux fous
Comme il ventait sur la plage
De gros nuages à l’arrière-plan
Et je me noie dans ton sourire
Et j’y retrouve ma maison
Quand je n’sais plus
Pourquoi comment
Il faut vivre
Et que je me cherche un horizon
Je t’aime comme t’étais
Je t’aime comme tu es là
Je t’aime
Comme tu seras toujours
Je t’aime comme t’étais
Je t’aime comme tu es là
Je t’aime
Comme tu seras toujours
Demain c’est notre anniversaire
Et je me demande où
tu es Et je me demande Combien
d’année ça fait
Ici moi je veille à mes affaires J’en perds des bouts J’oublie des
mots
Mais j’ai toujours Ce point de repère
Cette photo…
Dans ma tête
De ton visage en noir et blanc
De ton sourire qui s’moque De toutes les tempêtes Et qui m’appelle
Au bout du temps comme t’étais comme tu es là
Comme tu seras toujours
Je t’aime- comme t’étais
Je t’aime comme tu es là
Je t’aime Comme tu seras toujours'
la peur n'est jamais rationnelle dans un cas comme celui la...
Suivre son instinct. Le tien est puissant, l'important est de savoir s'en servir.
Colle
Grande Dame, comme je suis heureuse d'avoir découvert ton blog! C'est tellement touchant ce que tu écris!
Merci de partager,
xx
Les larmes coulent sur mes joues... Vraiment touchant... xx
Coïncidence ou hasard, mais j'ai cette envie soudaine moi aussi de faire une photo où nous serons tous les 4 dessus car je trouve que ça fait trop longtemps la dernière fois...
Tu sais, ça m'avait marqué cette histoire de photo, parce que moi quelques jours avant j'en ai pris une... une photo où il manque Benjamin parce qu'il dormait et qu'on le laissait dormir vu son état.
Je n'ai aucune photo avec tous mes enfants, mais j'ai au moins quelques photos avec lui.
Le pire c'est que j'ai des photos avec les 4 qui sont très récentes et c'est les premières.
Oh que le vie nous parle et nous incite à vivre simplement le moment présent et cela, sans les artifices de la perfection... Tu as la richesse de ce souvenir, de ce moment si précieux et le regard de Thomas gravé sur une photo...
Les frissons, Grande Dame.
Juste des frissons.
J'ai aussi plusieurs photos... et de juste avant. Ne sachant pas, non plus.
Depuis, j'ai des milliers de photos des enfants. Pour tout et rien. Juste parce que. Juste pour le souvenir. Juste parce que je les aime.
Et quand nous sommes réunis, on parle. On se serre. On se dit qu'on s'aime.
Et j'ai ce projet d'un grand poster - une mosaïque - fabriqué à partir de ces milliers de photos que je veux afficher au chalet. Ton billet me le rappelle. Je le termine de ce pas.
Merci.
- Mazz
La vie étant surtout le quotidien c'est bien de l'avoir gravé en mémoire et encore mieux en photo.
Tellement touchant.
Merci de partager.
Un message qui nous fait réaliser qu'il faut suivre notre intuition.
Très touchant,
Je viens à l'instant de découvrir ton blog par l'entremise de maman 3.0. Wow, quelle plume.
Et ce texte, m'a laissé sans voix. Tellement touchant.
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