dimanche, septembre 16, 2007

Plaisir, déplaisir

Plaisir

Marcher vers la chambre d'hôpital et retrouver mon si raisonnable garçon.

Recevoir un téléphone de lui qui me rappelle qu'il m'aime et me remercie pour la délicieuse brioche de ce matin.

Rentrer chez moi et avoir un lit pour accueillir mon corps fatigué.

Savourer la présence de mon amoureux que j'aime éperdument.

Avoir une famille et belle-famille soutenante, présente et aimante.

Entrer dans un restaurant et constater que l'on n'a pas assigné la plus jolie employée comme hôtesse. Une hôtesse rondelette et sympathique fait très bien l'affaire et je salue le jugement des restaurateurs qui estiment que leur image n'est pas menacée pas les rondeurs d'une jeune femme.

Prendre le temps de dîner avec mon Homme.

Déplaisir

Ressentir la désagréable impression que, puisque je suis mère, il est normal (de façon inconsciente) pour mon fils que je passe du temps près de lui tandis que le temps que son père (qu'il voit moins souvent) lui consacre dans cette même chambre représente une faveur qu'il lui accorde. Je le comprends, ce phénomène du parent "absent" dont on se délecte des bribes de présence. Toutefois, cela m'inquiète que par mon statut de mère acquise et inconditionnelle, la valeur de ma présence à ses côtés soit moins importante à ses yeux.

Le trajet et le trafic pour aller rejoindre mon fils.

Le fait que je n'aie pas pu courir ces six derniers jours. Disons plutôt que j'ai couru d'une façon moins stimulante.

Sentiment étrange...

Ce souffle coupé en passant par "hasard" en face du département de pathologie. Sentir mon coeur s'exciter à la pensée que c'est ici que le corps de Thomas a été intact pour la dernière fois, que c'est ici que son petit corps était examiné sous toutes ses coutures tandis que je ne savais m'arrêter de pleurer à la maison devant le Vide allongeant vers moi ses tentacules pour m'engloutir aussi.

Qu'implique le fait que dans ce département, un minuscule morceau du foie de Thomas est préservé (m'a-t-on dit que c'était pour recherche éventuelle en immunologie?) Remuante, cette pensée qu'une parcelle de son corps existe encore. Sa petitesse ne fait qu'en décupler la valeur. L'avoir devant moi, j'embrasserais, je vénérerais le contenu de cette plaquette qui a échappé à son destin de cendres.

4 commentaires:

Dr Maman a dit...

Grande-Dame, si ton fils prend la peine de t'appeler pour te redire son amour et te remercier... c'est que ta présence n'est pas reléguée à un rang ordinaire. Le don de foie par ton fils et toi est très important pour la recherche effectivement. Il permet aux chercheurs de comprendre ce qui s'y passe afin de mieux soigner autrui éventuellement. C'est grâce à des gens comme vous que l'on peut avancer nos connaissances et ébaucher des solutions!

Grande-Dame a dit...

Dr. Maman, hélas, nous n'avons aucun mérite pour quelque don d'organe que ce soit. C'est lors de l'autopsie que les pathologistes ont décidé (protocole, j'imagine) de garder un minuscule bout de son foie.

Benjamin vient de rentrer à la maison. Tu as raison, il est reconnaissant. En sortant de l'hôpital, il m'a remerciée "pour tout". Je crois qu'il a une petite idée de la logistique qu'a impliquée son hospitalisation.

Fragments de lucidité a dit...

Toujours, j'ai cette profonde conviction que vous êtes une mère exceptionnelle et dévouée. J'ai également cette conviction que vos enfants ont la chance de bénéficier de votre sagesse et de votre précieuse présence pour grandir dans un environnement sécurisant où la confiance en soi et l'estime de soi prennent des appuis solides pour affronter toutes ces tempêtes qui tangueront sous leur pieds au fil des années! Vous occupez, certes, dans leur coeur, une place irremplaçable... n'en doutez point!

Et pour cette petite parcelle de Thomas qui virevolte encore, ici bas sur terre, elle permettra, comme le dit si bien Dr Maman, à faire avancer la science et je suis certaine que votre petit ange se réjouit de savoir qu'il aura permis de faire avancer les choses pour éviter de grandes souffrances dans ce monde qui est confronté à son absence.

Taïga a dit...

Je ressens pour toi... le vide qui aspire par en-dedans et qui demande à être comblé par la simple présence d'un bout de Thomas qui "existe" physiquement encore. J'imagine, bien que je ne l'ai pas vécu moi-même, cette étrange sensation.