samedi, juin 02, 2007

Leçon de toponymie

Ceci est un billet dénonciateur. "De quoi, de quoi?", me demanderez-vous avidemment? "Diantre, lisez la suite et vous le saurez!", vous répondrai-je aussitôt!

Ceci est un billet dénonciateur des gens qui abusent de la confiance que l'on place en eux. Vous savez, de cette confiance aveugle que l'on accorde à quelqu'un que l'on estime à un point tel que parfois, nous omettons d'utiliser notre propre jugement pour obtenir réponse à une question complexe dont nous pourrions très bien assumer seul le dénouement, ou alors même, pire encore, des questions très simples dont les réponses sont d'une évidence déconcertante?

Ceci est un billet dénonciateur de ce genre d'abus fait par mon Homme, qui prend un plaisir sadique à se foutre de ma gueule et qui ne rate pas une occasion pour le faire. Mon Homme, il est articulé, cultivé, très crédible pédagogue même quand il n'a aucune idée de ce dont il parle. Du gros, gros abus de confiance!!

Comme je me réfère souvent à lui spontanément pour obtenir une information dans mes épisodes de paresse intellectuelle, je lui offre une multitude de filons idéaux pour me bullshiter joliment.

Prenez cette fois où, recevant son Devoir du samedi, il s'exclame fièrement en voyant la première page: "Ah ben maudit, ils l'ont publié! Ils l'ont publié!". Et il se promène partout dans la maison, son journal à la main, le torse gonflé de fierté et expirant son bonheur à gorge déployée.

Et moi de le suivre naïvement en tentant de comprendre: "Quoi? Qu'est-ce qui se passe?"

Il finit par arrêter son (ridicule) manège et me montre la première page: une analyse politico-économique sur les hausses abusives du prix du pétrole. Devant le point d'interrogation dans mon visage, il pointe le nom du journaliste qui signe l'article. Je reconnais le sien et suis alors aussi ébahie que lui.

C'est alors qu'il m'explique: "Lorsque j'étais à l'université, avec quelques autres étudiants, nous avions fait une analyse sur le prix du pétrole et son influence par les situations politiques. Nous l'avions envoyée au Devoir, mais je n'aurais jamais cru qu'ils la publieraient, surtout pas plusieurs années après!"

Me voilà bouche bée. "Eeeeeh....Bien....Bravo! Félicitations! Je comprends que tu sois fier! C'est quand même fantastique: faire publier son article plusieurs années après qu'on l'ait envoyé!!".

Tandis que je lui distribue "gros comme ça" des félicitation pour "sa" première page, il continue son manège, se pavane, recueille goûlument mes généreuses flatteries.

Puis, il finit par éclater de rire et m'avouer: "Voyons Grande-Dame, penses-tu réellement que c'est moi qui ai écris ça? Je n'ai jamais signé d'article de ma vie! C'est simplement que le journaliste porte le même nom que moi!".

Et moi de l'assassiner alors froidement (du regard, s'entend).

Habituellement, il me dûpe sur des questions scientifiques, économiques ou politiques. Toutefois, féru d'histoire, c'est là qu'il s'en donne le plus à coeur joie.

En gros, ça donne à peu près ceci:

Nous revenons des Cantons de l'Est en fin de soirée, les cinq garçons sont endormis et nous écoutons tranquillos la musique que nous offre la radio.

Embarquons sur le pont Champlain. Je lis distraitement l'état de la circulation sur le tableau numérique du Ministère des Transports. On peut y lire: "Circulation sur le pont clement".

Je m'exclame aussitôt: "Circulation sur le pont "clémente"?" Quelle drôle d'expression! Veut-on nous signifier que le pont sera clément avec nous? Habituellement, on indique "circulation fluide"!!

Grand-Homme de saisir aussitôt l'occasion de me bullshiter royalement: "Oui, c'est tout à fait naturel. Voyons Grande-Dame, tu ne connais pas ton histoire? On fait référence à Clément. Oui, Clément, c'est bien ça, Clément Champlain."

Et moi (pleine de cette candeur qui me rend si irrésistiblement charmante), de répliquer: "Ah oui? C'est curieux, je ne me rappelle pas avoir entendu parler du pont Champlain comme étant le pont Clément".

Impitoyable, Grand-Homme en rajoute: "Non? T'as pas entendu parler de Clément? Clément Champlain, fondateur de la ville de Québec..."

Mon cerveau est éteint, je suis en mode "confiance aveugle", "jugement zéro", "références historiques indisponibles". Avec mon Homme, je ne me vets que trop rarement de mon nécessaire filtre critique.

Grand-Homme éclate de rire. Je lui inflige alors la claque sur la cuisse qu'il mérite. J'ai encore été la cruche idéale, il s'est encore fichu de ma gueule!

Nous continuons de rouler et si je regarde du coin de l'oeil, j'aperçois son sourire victorieux tandis que nous traversons Montréal.

Je m'auto-flagelle alors intérieurement, frustrée de m'être encore faite avoir: merde, je connais bien Samuel de Champlain, je connais minimalement mon histoire du Québec, quand même!! Clément Champlain, pfff!

Je secoue la tête de ma désespérante tendance à tout gober gratis ce qui vient de lui tandis qu'il savoure son plaisir sadique.

***

Arrivons sur le métropo.

Moi, avide de vengeance -Tu sais pourquoi la 40 s'appelle la 40?

Grand-Homme -(?)

Moi -La 40, tu sais pourquoi elle se nomme comme ça?

Grand-Homme, euh, déstabilisé? -Pourquoi?

Moi- C'est à cause de Roger Quarante, un grand personnage hystérique.

Grand-Homme me sourit tendrement, genre "Bel essai".

Bon d'accord, je ne suis nullement bullshiteuse dans l'âme.

Mais d'une façon ou d'une autre, j'obtiendrai revanche.

8 commentaires:

Anonyme a dit...

Disciples de Platon et autres philosophes qui avez la clairvoyance de placer votre seule confiance en les capacités de la raison et de votre esprit, vous n'avez rien à craindre. Les autres...

Mais Grande Dame n'est pas la plus malmenée par mes élans sadiques d'inventions spontanées. Parmi mes plus grandes victimes, il y a évidemment mes élèves qui doivent déjouer mes moments de bluff, ainsi mis à l'épreuve ils ont l'occasion de me démontrer qu'ils maitrisent bien les notions d'histoire que je leurs enseigne. Et parfois c'est juste pour le plaisir, mon plaisir ! Comme cette fois où j'expliquais à trois élèves le contexte politique dans les années suivant la Confédération canadienne. Je parlais des illustres premiers premiers ministres, notamment MacDonald et Laurier, mentionnant qu'ils étaient honorablement représentés sur les billets de banque de 5$ et de 10$. Puis pour rendre la chose plus tengible, je plonge la main dans ma poche espérant en tirer le portrait de chacun. Malheureusement, je n'avais que trois billets de 5$ représentant Laurier. Qu'à celà ne tienne, j'explique avec enthousiasme que la banque du Canada avait dessinée les billets de telle façon qu'en supperposant deux billet de 5$ et en tenant ainsi les deux visages de Laurier devant une source lumineuse, on pouvait voir MacDonald. Puis je tend deux billets à une jeune fille émerveillée. Une fois les bras dans les airs, les yeux plissés cherchant l'impossible, elle reçu une claque aussi amicale que désespérée de la part de son amie qui avait décelée dans mon grand sourire que je venais de les prendre pour une bande de poissons !

Mais, cela étant dit, c'est trop facile avec les élèves... L'école ne leur enseigne pas à utiliser leur jugement. Et leurs parents non plus à ce que je vois.

Une chace que je suis là !

Anonyme a dit...

... je n'ai qu'une seule chose à dire, les QUATRE enfants dormaient mais, ton beau et grand garçon aîné,lui, il ne dormait PAS !!! et peut être aussi, que tu te laisses prendre façilement !!!

Anonyme a dit...

J'ai le temps pour une dernière. ce court incident m'a value toute une réputation à l'Université. Certains de mes amis se remémorent avec émotion ce moment sublime en louangent encore mon incroyable sens de la "bullshit".

Cela se passe un funeste jour, le 11 septembre 2001 (oui oui, ce jour là, j'ai osé faire des blagues!).
Levé en catastrophe, j'arrive à l'Université et traverse en hâte la cafétériat où les écrans lancent déjà l'image d'un avion dans une tour. Pas le temps de regarder qu'il s'agit d'un avion de ligne planté dans un important édifice de New York. Je m'engouffre donc dans la sinistre salle de cours, où tous les ponctuels étudiants ignorent la catastrophe qui se vit à quelques centaines de kilomètres au sud d'eux.

Ce n'est qu'à la pause, vers 10h30, que nous prenons conscience de l'importance de l'événement. Tous les étudiants se massent autour d'une télévision suspendue, dans un corridor, à quelques centimètres du plafond. La présentatrice commente sans arrêt l'état de la situation alors que les images de collision s'enchaînent de tous les angles possibles. C'est le silence dans l'université. La tension est palpable, chacun se demandant alors quels impacts cela aura pour l'avenir. Assistons-nous à une déclaration de guerre ? Que se passe-t-il ? Mourrons-nous aujourd'hui ?

Puis soudain, la télévision s'éteind brusquement et la neige envahie l'écran. Le groupe reste immobile, attendant une révélation quelconque. Puis moi, de l'arrière du groupe, lâche d'une voix grave et d'un ton désolé : "Ça y est ! Ils ont détruit nos satellites !"

Mouvement au ralenti, comme si ce commentaire allait naturellement dans l'ordre des choses qu'ils venaient de visionner, toutes les têtes se retournent simultanément vers moi. Et moi, d'ajouter tout bas : "les satellites pour la télévisions..." en hochant presque imperceptiblement la tête de haut en bas.

Comment vous décrire la sensation d'être pour un instant LA SEULE source d'information pour un public en quête de vérité. Bon, une source fausse, mais qu'a-t-on à faire de la vérité dans de telles circonstances.
Ce sont des amis, me connaissant bien et se trouvant près de moi, qui sortirent en premier de leur naïve torpeur, me lancant un regard interrogateur et incrédule. Je souris avec fierté et la foule se disperça en quête d'une nouvelle source d'information, blessée dans leur orgueil comme peuvent l'être de jeunes universitaires aimant penser qu'ils sont infaillibles !

Anne a dit...

Grand-Homme joue les stars dans les commentaires? L'humour a une forme perverse qui est drôle mais désagréable à la fois, il semblerait que tu ai pêché tout un spécialiste!

Bonne chance dans ta quête de vengeance, je suis certaine que le jour où tu l'auras, ce sera pour de bon!

moi m'aime a dit...

Le billet m'a fait rire autant que les commentaires! Mais je ne riais pas de vous chère dame mais avec vous :)

Anonyme a dit...

Espère que ce blog n'était pas secret - stop - homme de ta vie commente dessus - stop - message mystérieux d'un Tcha qui semblerait vouloir être ton fils ainé - stop - anonymat foutu - stop - opération "bullshit" parfaitement réussie - stop - hihi

Forsythia a dit...

Succulent comme billet...
En passant grande dame, je suis un peu comme vous.
Faut pas s'en faire.
Les gens ne nous comprennent pas, nous avons un grand coeur qui pensent toujours que tout peu être fait par les gens qu'on aiment : Réinventer l'histoire, la roue, le Devoir ...

Anonyme a dit...

Je l’avoue, en tant que sœur de Grand Homme, je suis aussi une victime de la bullshit pour lui…

Comme cette fois où il arrive à la maison pour nous montrer la nouvelle camionnette dont il vient de faire l’acquisition. On regarde la voiture, il me montre les nombreuses fonctions et il s’exclame même : « déverrouiller la portière », action qui se passe aussitôt quand je vois le petit bouton remonter comme par magie. Je suis impressionnée… et évidement, il en rajoute en mentionnant rapidement : « verrouiller la portière ». Wow, je suis sans mot. Devant ma grande naïveté, il éclate de rire et me montre le déverrouiller à distance qu’il gardait secrètement dans sa poche de pantalon. Bravo, quelle belle nouille j’ai été de croire à ça… mais pour me placer du bord de Grande Dame (un peu de solidarité féminine !), c’est vrai qu’il est archi-crédible dans ces histoires !

Bref, maintenant, chaque fois que nous prenons sa voiture, il ne peut s’empêcher de pousser un petit : « déverrouiller la portière » dès que nous approchons du véhicule ! Grrr… !