vendredi, février 27, 2009

Paradoxe escapade

Un endroit magnifique que celui-ci. Et je n'ai pas encore exploré la forêt!

Je suis étonnée par la quantité de clients français de la place. Apparemment, on fait beaucoup de promo pour cet endroit en Europe. Dans la superbe salle à manger en bois rond, que des accents français. Tenez, au moment où je rédige ce billet depuis un coin tranquille du bar, des enfants accourent et leurs parents s'inquiètent qu'ils aient bien apporté leur "bonnet" plutôt que leur tuque et je viens de terminer une discussion avec les Français à la table d'à côté sur les fromages d'ici. :o)

Je manque nettement d'habileté pour me retrouver face à moi-même. Et ne croyez pas que je n'apprécie pas ce merveilleux silence! Mes introspections se vivent habituellement avec une cohue autour et j'ai besoin de temps pour décrocher du mode "mère". J'ai besoin d'une zone de transition. C'est trop vide autour!

Après avoir passé une nuit presque blanche à m'inquiéter du fait que ma fille n'avait toujours pas mouillé sa couche après plusieurs heures à pleurer et boire sans répit, j'ai craint avoir manqué de lait à cause du stress de cet éloignement volontaire.

Je me suis branchée tôt ce matin sur msn où je croisai Grand-Charme qui profitait de l'absence de maman à la maison pour utiliser en douce l'ordinateur. N'empêche, j'étais bien heureuse de pouvoir lui dire bonjour mais immanquablement, le mode "mère" reprit le dessus...

-Vous avez mis votre vaisselle au lave-vaisselle?
-Le lait n'est pas demeuré sur la table?
-Tu es gentil avec Philippe?
-Tes frères ne sont pas trop inquiets de mon absence?
-Vos lunchs sont faits?
-Vous n'oubliez pas de barrer la porte avant de partir à l'école?
-...

Je soupire du manque de temps à moi et lorsque j'y suis enfin, je voudrais partager ces moments magifiques avec eux.

Femme paradoxale, vous dites?

mercredi, février 25, 2009

Le téléphone

Il sonne sans arrêt et est en train de me rendre folle. Qui demande-t-on? Grand-Charme. À certaines heures, dès que le téléphone sonne, je ne réponds plus. Je lance simplement un: "Grand-Charme, téléphone!" (cela, sans afficheur!).

Ses amis se relaient pour appeler sans relâche. Un même ami peut téléphoner une dizaine de fois par jour (sans compter le reste de sa gang). C'est assommant. Un soir, 22h30: "Bonjour, je peux parler à Grand-Charme?"

-Euh...il dort à cette heure!!

Le lendemain, je ne sais plus si le soleil était déjà levé: "Je peux parler à Grand-Charme?"

-Euh...il dort!

Cette semaine, un ami s'est surpassé: 6h40!

Ça se fait, ailleurs, l'éducation de ses mômes sur certains codes sociaux du genre: on évite de téléphoner à ses amis sur l'heure des repas, trop tôt le matin ou passé une certaine heure le soir, on ne se pointe pas non plus à l'heure des repas, on prend la peine de dire bonjour aux parents de ses amis quand on arrive dans leur demeure, on peut même leur demander comment ça va, quand on a déjà laissé un ou deux messages sur le répondeur, on évite de téléphoner six fois dans les vingt minutes qui suivent au cas où quelqu'un répondrait enfin, ce n'est pas parce que votre ami vous téléphone du cellulaire de sa mère une fois que cela vous autorise à noter le numéro qui apparait sur votre afficheur et d'y téléphoner lorsqu'il n'y a pas de réponse sur les deux numéros de la maison.

Je m'étonne et finis par chiâler contre les amis de mon fils (qui ne sont pas mauvais, seulement harcelants) qui semblent ne pas connaître quelques bases élémentaires du civisme. Par ricochet, je me demande si leurs parents ont idée du harcèlement dont ils font preuve à l'endroit de mon fils et si c'est avec eux que je devrais m'entretenir.

Je ne voudrais pas que mon fils sente que ses amis m'exaspèrent pour ce qu'ils sont. Je voudrais seulement que le téléphone cesse de sonner de façon abusive pour des niaiseries. J'aurais espéré qu'il revienne aux parents d'un desdits amis en particulier de faire l'éducation de leur fils quant aux abus du téléphone mais puisqu'il possède son propre cellulaire depuis qu'il a dix ans, je me demande si cela ne fait partie d'une façon de faire qui est acceptable pour eux.

J'ai placé Grand-Charme en position délicate en lui demandant d'aviser son ami de certaines règles quant aux heures d'appels chez nous. J'ai l'impression qu'il me reviendra d'établir mes règles directement avec l'ami (qui ne semble pas avoir compris) si je désire retrouver un niveau "normal" de sollicitation téléphonique.

lundi, février 23, 2009

D'un fils à sa mère

Je suis épatée par les capacités et le talent de mon aîné . Il dessine des BD incroyables, excelle en arts plastiques, conçoit de petits montages vidéo à partir des films réalisés avec ses frères et ses amis.

Le matin, il est le premier levé et profite du calme de la maison pour laisser sur mon ordi des marques de son passage (pour me laisser cogiter du même coup sur certaines de ses demandes).

Ce sont des dessins réalisés dans Paint alors je m'incline bas devant ce qu'il pourrait réaliser dans un vrai logiciel de dessin.



vendredi, février 20, 2009

Mon choix

Elle me draine, vous n'avez pas idée!

Cela fait une dizaine d'années que je la connais. Je la vois régulièrement pour une unique raison. Si j'ai par le passé souvent pesté devant ses jugements de valeur constants, j'ai fini par m'amuser de la voir étaler ses idées toutes faites et ses nombreux stéréotypes.

Suis arrivée dans son salon après dîner. Après avoir déshabillé ma fille, je me suis installée dans un fauteuil.

Quelques instants plus tard, elle s'est approchée de Béatrice en voulant lui faire de la façon.

-Allooooo mon amoouuuuuur, t'es dont bien beeeeelle!!

-Ne t'approche pas trop brusquement que je la mis en garde, elle est un peu craintive avec les inconnues.

Les yeux de ma petite Béatrice s'emplirent de panique et elle se mit à hurler d'horreur en voyant la femme qui se fit un peu trop insistante.

Elle tenta de la prendre, affirmant "qu'il fallait qu'elle apprenne". La CRIIISE! Je repris ma fille, dont les sanglots ne faisaient qu'augmenter dans les bras étrangers. Elle finit par se calmer bien calée contre moi et si la dame osait la regarder, Béa laissait tomber sa suce qu'elle tétait goulûment pour se remettre à pleurer de plus bel.

Je sentis dans le refroidissement de l'ambiance que les pleurs de ma fille l'avaient vexée mais puisque je suis la mère à l'origine de ce bébé craintif, c'est vers moi que le jet de froidure se dirigea.

-C'est parce que c'est une fille, trancha-t-elle. Les filles sont plus braillardes.

Je fus offusquée qu'on accuse ainsi la féminité de ma fille et j'osai dire que certains de mes fils avaient aussi été craintifs mais elle réfuta catégoriquement mon hypothèse. Je réitérai que beaucoup de bébés passaient par là, qu'ils devenaient plus inquiets à un certain âge avec les étrangers.

-Non-non, c'est parce que c'est une fille. J'te l'dis. C'est comme ça. Mon fils était pas sauvage, lui.

Pas eu envie de m'obstiner.

Pour tuer le temps, elle finit par me demander si mon bébé avait commencé à manger.

"Non", que je lui répondis.

Il n'en fallut pas plus pour qu'elle s'offense qu'à presque cinq mois, cette pauvre enfant ne mange pas encore. Son fils à elle -enfant unique-, mangeait déjà à trois semaines.

-Pas mes enfants. Ils ont tous mangé entre trois mois et demi et sept mois.

La suite de son discours (servi avec beaucoup de conviction) visait à me conscientiser sur le fait que notre génération avait mangé tôt et avait été nourrie au lait de vache et que personne n'en était mort. Je pouvais donc faire manger ma fille sans problème, elle allait survivre (comme si la question était là).

-Mais de toute façon, c'est sûr que c'est ton choix qu'elle me concéda.

Je lui expliquai que c'était une croyance populaire que de penser que si un bébé réclamait à boire plus souvent qu'il fallait absolument introduire les aliments solides. Je lui parlai de la maturité du système digestif. Elle renchérit en m'expliquant, toujours avec cette conviction à tout rompre bonifiée de ce petit air de désolation pour ma fille que sa mère n'ait toujours pas compris ses besoins réels que son fils (aujourd'hui âgé de cinq ans) avait toujours bu des quantités fixes de lait maternisé à heures fixes.

Je lui parlai des bébés allaités, de l'assimilation quasi complète du lait maternel par le bébé, des poussées de croissance, du caca aux deux-trois jours du bébé allaité par rapport au bébé nourri aux préparations lactées, de l'allaitement à la demande sans se scandaliser que bébé boive deux fois dans l'heure plutôt qu'aux quatre maudites heures auxquelles elle tenait tant.

Elle me parla de l'introduction des solides très tôt à laquelle elle semblait tenir comme une valeur profonde. Devant la divergence de ma pensée, elle justifia son choix sous prétexte que tsé, son bébé pesait dix livres à la naissance!

Aaaaah!! Voilà qui explique tout!!!! (Non mais! Quelle honte! Mes gros bébés de neuf livres n'ont pas mangé si tôt! Voilà qui explique sans doute pourquoi Benjamin est aujourd'hui si maigrichon!)

Qu'on ne fasse pas comme moi, je m'en tape. Sincèrement. Ce qui me sape, c'est ce petit air d'incompréhension-dégoût-mépris qui teinte le non-verbal chaque fois avant un: "Mais je te juge pas hein, c'est sûr que c'est ton choix".

"Tsé, qu'elle me dit avec presque désolation, c'est comme pour tes allaitements. Toi tu allaites tes bébés passé un an (ceci dit en secouant la tête comme si on venait d'aborder un sujet très délicat). Moi je comprends pas ça. C'est pas normal (ceci dit en secouant la tête comme si c'était absolument dégoûtant que d'allaiter un bambin de cet âge), mais c'est ton choix et je respecte ça. Parce que tsé, t'es spéciale toi, je te l'ai toujours dit. Moi, une fille bizarre comme toi, j'ai jamais vu ça. Mes autres clientes...."

Ouch! La puissance du non-verbal, je vous dis pas! Quel discours de mépris, encore étonnant qu'elle ose encore me couper les cheveux!

Béatrice s'était remise à chigner. Comme je ne fus pas toujours en position de la prendre pour la calmer, je m'étirais le bras pour lui redonner sa suce. Lorsqu'il m'était impossible de le faire, elle (la dame qui me faisait l'honneur de me coiffer malgré mes tendances marginales), s'approchait doucement pour ensuite, vexée de ses pleurs récurrents, se détourner d'elle en ressassant son caractère pleurnicheux comme si c'était de la mauvaise foi.

Vint le sujet du vilain virus attrapé cette dernière semaine. Ça m'a achevée (la discussion, pas le virus.) et mise en rogne pour l'après-midi.

Son verdict tomba assez rapidement: j'avais choppé l'influenza. Ah. Possible. Connais pas le nom du virus mais il ne m'a pas manquée.

-Il faut te reposer! qu'elle me scanda entre deux coups de ciseaux.

Je tentai de lui expliquer que ce n'était pas facile à faire, pour une mère, de se reposer, sans devoir assumer le double ou le triple de boulot par la suite.

Le couperet tomba sec: "Quoi? Ton chum ne t'aide pas?"

-Je...

-Moi mon chum fait la vaisselle, passe l'aspirateur,...

-Tu...

-...lave les salles de bain, s'occupe de notre fils, sort les poubelles,...

-Je constate que...

-...nourrit le chien, fait du lavage, du repassage. C'est pas vrai que je vais tout faire pour un homme! Ooooh, que non! Je ne suis la bonne de personne moi Madame! Je travaille, je vois pas pourquoi je me taperais tout alors qu'on partage tout!

Tentant de placer un mot à nouveau avorté, j'abandonnai l'idée et la laissai aller au bout de son indignation contre mon chum dont elle massacrait l'image sans pitié. Pas envie d'élever le ton en quête d'une justification à tout prix. Elle se pompa, piétina mon homme, le condamna pendant plusieurs minutes encore.
Je ne dis pas mot. J'observai, déconfite, Madame-Connait-Tout patauger dans ses présomptions et ses jugements préconçus à tours de bras.

Elle finit par conclure par un cinglant: "En tout cas, moi j'aurais pas fait plusieurs enfants avec quelqu'un qui est pas capable de s'occuper de la maison! Je l'aurais quitté bien assez vite! Mais c'est sûr que c'est ton choix et je ne te juge pas..."

Au bout d'un moment, elle se rendit compte que je ne parlais plus et chercha mon approbation. Haussement d'épaules.

-Quoi?

-Je sais pas, tu sembles avoir déjà tout dit, ton jugement est définitif, que veux-tu que je rajoute? Ton idée est toute faite, j'ai pas envie de devoir me justifier.

-Ben, j'attends que tu dises quelque chose, que tu réagisses, que tu me dises que je me trompe! J'ai pas raison?

-Je n'ai rien dit de tel et tu es sautée aux conclusions...

-Mais tu m'as dit que tu devais assumer doublement après quand tu étais malade, non?

-Oui. C'est une façon de parler. Ça fait référence à toutes ces petites choses qu'une femme sait voir mais qu'un homme, si on ne le lui signifie pas, ne verra pas. Tu sais, c'est la plupart du temps la femme qui sait que vendredi, untel doit amener ses patins à l'école, untel doit rapporter un chèque pour telle activité, untel doit étudier ses verbes le matin, qu'il faut appeler pour le rendez-vous d'untel, que tel pantalon est trop petit, qu'il faut acheter des culottes à untel, qu'il manque de crème foufounes, que le lavage de couches est dû, qu'il faut partir une brassée de chandails et tout le reste. C'est la femme qui coordonne tout, qui oriente tout le monde. Mais sois rassurée, mes enfants mangent même si je suis malade.

-...

-Si mon homme a une période de libre en après-midi et que nous décidons de faire une sieste ensemble, lui peut dormir tranquille. Moi je m'endormirai d'un oeil en songeant à ce que je préparerai pour souper et ce que je préparerai comme collation à mes enfants qui rentreront bientôt de l'école. Mon homme a beau faire les devoirs avec les enfants, me donner un coup de main pour le souper lorsque je lui demande, nettoyer le comptoir en soirée, me préparer de belles étiquettes pour mes savons et sortir les poubelles, si je désire lui déléguer la préparation du souper, il faut que je le lui demande. Par défaut, c'est comme si c'était ma job de le faire. (Oui c'est plus lourd mais je suis à la maison actuellement et j'assume en faire un peu plus et si je ressens de l'insatisfaction face à cela, c'est à moi de voir ça avec lui, non à quelqu'un d'autre de venir me dicter l'organisation qui devrait primer dans mon couple).

-Ouin. Tu as raison. Ouin, c'est sûr.

-Et s'il prépare le souper, ce sera du Kraft Dinner, des grilled-cheese, une omelette, des croquettes de poulet et pas de légumes. Si je veux un break, je dois accepter ses "spécialités" (qui ne sont pas dramatiques).

-Ouin. Le mien aussi. Ouin...

Béatrice pleurait toujours et j'attendais avec impatience le dernier coup de ciseau.

Qui pour ma santé mentale finit par enfin venir.

Je me précipitai sur ma fille, que la cliente suivante calmait doucement depuis un moment à doux coups de "Good girl, yeah, you're nice. Shhht, good girl." De loin, il va sans dire.

Ma fille cessa de pleurer dans mes bras. Je payai la coiffeuse, que Béatrice considérait d'un oeil méfiant et la lèvre tremblotante dès qu'elle regardait dans sa direction.

-Viens t'en ma Choupinette. On s'en va maintenant. On s'en va loin de la méchaaante madame, que je lui dis à voix haute en horrifiant à moitié ma coiffeuse.

Quelqu'un saura peut-être m'expliquer un jour pourquoi je demeure craintive de ne pas trouver meilleure coiffeuse ailleurs. Peut-être une autre moins épuisante avec tous ses jugements vaudrait bien un fiasco capillaire?

jeudi, février 19, 2009

Les moeurs

J'ai vraiment une mémoire médiocre quant aux cours d'histoire dont j'ai presque tout oublié le contenu. Bien que l'on parle beaucoup chez nous ces dernières semaines de la reconstitution de la bataille des plaines, je n'ai pas souvenir d'avoir étudié sous toutes leurs coutures les moeurs de nos ancêtres.

C'est ce que me laisse penser un extrait de Wolfe et Montcalm, la véritable histoire de deux chefs ennemis.

Mise en situation: Montcalm, général, à qui avant de quitter la France, le ministre de la Guerre d'Argenson avait assuré le commandement des bataillons des réguliers de même que celui des troupes et des milices de la colonie, commence à sentir que Vaudreuil, gouverneur général du Canada, ne lui est pas loyal.

En vérité, les deux aspirent à s'attirer les bonnes grâces de la France suite à une éventuelle victoire contre les Anglais et Vaudreuil est particulièrement ambitieux et arriviste et qui plus est n'accorde pas sa confiance aux venus de France (lui est né ici). On explique que le gouverneur Vaudreuil, représentant du roi, tenait une petite cour hors de Versailles où il "entretenait", entre autres, ses deux principaux alliés: François Bigot, intendant et Joseph cadet, commissaire général. Tous trois faisaient dans l'excès et une certaine corruption et se protégaient l'un l'autre.

Bigot avait également des problèmes de jeux et le trio a vite fait de remarquer que Montcalm, qui ne possédait ni leurs moyens financiers ni leur malhonnêteté ne ferait pas bonne figure parmi eux.

C'est peut-être bien du blabla inutile au fond car là où je veux en venir, c'est que dans l'entourage de Bigot, tous avaient des maîtresses ou s'échangeaient allègrement leurs épouses histoire de briser la routine au lit (et comme la belle Angélique de Montcalm était demeurée en France et qu'il avait des principes un peu plus rigides, qu'aurait-il pu apporter au trio?).

Je n'ai aucune mémoire, je vous l'ai dit, pour les dates et la chronologie des évènements historiques. Cependant, je retiens les moeurs, doublement s'ils sont cocasses, sexuels, qu'ils sortent de l'ordinaire. Les moeurs sont d'excellents catalyseurs mnémoniques, ils bonifient le discours historique, l'humanisent, le rendent vivant.

Outre le fait qu'on se rappelle son nom comme étant celui d'un général mort au combat sur les plaines d'Abraham, il est plus aisé de se rappeler Montcalm comme étant l'exclus des échanges de couples que comme celui qui était hautain, opiniâtre et qui avait des principes. C'est réducteur, mais tellement plus évocateur (pour l'anecdote) comme image!

mercredi, février 18, 2009

Le conditionnel

Je redoutais la recrudescence du vide à cette période, celle des inscriptions à l’école pour septembre. Mes scolaires sont tous déjà réinscris mais je savais, évidemment, que mon Thomas ne ferait pas partie des tout-petits dont le sac pendouille presque jusqu’au sol tellement il est disproportionné sur leur frêle dos dès qu’arrivera septembre.

N’empêche. Je l’aurais imaginé, moi, parmi eux, et chaque fois que je les verrai, ces maternels, je ne pourrai qu’y voir le visage du mien, traits quelque peu vieillis, en filigrane.

Ces dernières années, il aurait apprivoisé l’école parce qu’elle fait partie intégrante de la réalité de notre famille. Nous aurions souvent fait référence au moment où il serait grand et qu’il y irait, lui aussi, comme ses frères et il aurait trépigné d’impatience d’avoir enfin franchi cette ligne temporelle. Il aurait, lui aussi, mis un pied dans l’institution capitale qu'est l’école.

Il aurait peut-être été un brin insécur devant la nouveauté comme il l’était à la garderie, à la halte ainsi qu’un peu partout ailleurs les derniers temps avant de nous quitter. Nous aurions tenté de le rassurer et ses frères y auraient été de leurs mille anecdotes sur l’école pour le faire rire ou l’inquiéter davantage.

Peut-être aurait-il été au-dessus de ses affaires, aussi. Il était si particulier, notre Thomas, tellement troublant, tellement puissant dans ses intenses yeux brun foncé. Vulnérable, aussi, comme un enfant, mais autrement. Un je-ne-sais-quoi de difficilement définissable, je vous en ai déjà parlé. Dans mes précieux souvenirs, c’est toujours la lucidité et la profondeur de son regard qui me chavirent. Comme s’il savait (et avec du recul, on se rend compte que tout était en place pour que l’on puisse dire que nous aussi, on savait. Je savais.).

Il aurait soufflé ses cinq bougies à la fin de mars et nous lui aurions préparé un gros gâteau au chocolat. Peut-être même l’aurions-nous préparé ensemble.

La fin de l’été serait arrivée, nous aurions été lui acheter un beau sac à dos, il se serait plu à ranger un tas de trucs inutiles à l’intérieur juste pour le plaisir de trimballer sur son dos un sac. Son sac. Son papa aurait personnalisé ses étiquettes comme il le fait avec celles de ses frères et j’aurais été heureuse de voir son nom partout comme autant de marques de sa présence parmi nous.

Nous lui aurions acheté une belle boîte à lunch qu’il aurait choisie lui-même. Il aimait tellement les boîtes à lunchs, Thomas! Combien de fois a-t-il simulé partir à l’école avec la boîte à lunch de Grand-Charme sur l’épaule en faisant le tour de la famille pour saluer tout le monde avant son départ imaginaire?

Nous aurions pris plaisir à aller magasiner pour lui de nouveaux souliers et quelques vêtements (si tant est que la mamie friande de magasinage pour ses petits-enfants n’avait pas déjà pris les devants pour nous), aurions été visiter sa classe. Peut-être aurait-il été dans la classe de la douce Johanne, ou encore dans celle de la jeune et jolie enseignante, celle qui dévore à tue-tête des yeux un des deux profs masculins de l’école.

Comme tous les autres, il aurait appris à prendre son rang, il aurait intégré le code de vie de l’école, il aurait appris à nouer ses lacets. Les premiers jours, j’aurais fait le trajet à pieds avec tous mes primaires. Puis, ses grands protecteurs de frères auraient été heureux de le prendre sous leur aile et tous les matins, puis tous les soirs, ils auraient marché ensemble pour rentrer à la maison.

Il aurait fait comme sa fratrie à son retour de l’école, se serait éparpillé dans l’entrée et j’aurais rouspété pour qu’il vienne défaire sa boîte à lunch, ramasser son sac, accrocher son manteau. Il se serait peut-être empressé de me raconter les découvertes de la journée, ses petits malheurs, le nom de ses nouveaux amis ou son inquiétude de ne pas encore en avoir. Peut-être aurait-il été un élève dissipé, drôle, sérieux, solitaire. Peut-être aurait-il été dyslexique, timide, rassembleur, doué en maths. Peut-être aurait-il fait comme sa mère au même âge et subtilisé un vêtement dans le coin poupée de la maternelle pour ensuite porter sur sa conscience ce geste répréhensible? Aurait-il été extraverti, coloré, pétillant et boudeur comme sa mère au même âge ou sage, exemplaire,(apparemment) irréprochable comme son papa? Peut-être aurait-il été la force tranquille que je percevais chez lui? Qu’en saurais-je jamais? Quelles auraient été les couleurs qu’il aurait rajoutées à la palette de sa personnalité?

Il serait devenu un enfant parmi tant d’autres comme autant de petites taches de couleurs constituant l’unicité d’un groupe mais pour moi, il aurait été mon petit-Thomas-devenu-grand qui rentre à la maternelle.

(Évidemment, effet papillon oblige, tout notre contexte de vie aurait été différent. Je n’aurais peut-être pas sabordé mon entreprise, je serais peut-être retournée travailler à l’extérieur, je n’aurais pas eu besoin d’écrire ce livre…On peut spéculer tellement loin avec des si! Et chose certaine, aussi, notre exquise Béatrice ne serait pas entrée dans notre vie si son grand frère n’en était pas brutalement sorti…)

Flatterie

Il est de ces petites flatteries qui en plus de se suffire à elle-même voient leur saveur décupler si on a (ou fait mine d'avoir) la modestie de ne rien rajouter pour "spectaculariser" (mon néologisme sonne tellement prétentieux!) notre cas.

Ce fut le cas un après-midi au bureau de poste alors que j'allais faire parvenir un colis de savons à Mme Couvée.

Mon Grand-Charme de 11 ans-presque 12 vint m'y rejoindre après être arrêté faire une course dans un magasin avoisinant.

C'est alors que la dame du bureau de poste, en réalisant que ce grand garçon planté à mes côtés était mon fils, s'exclama: "Oh mon Dieu! (Bon, entendons-nous, elle n'a pas dit ça à proprement parler car puisqu'elle était Chinoise, elle aurait probablement dû s'écrier quelque chose comme "Oh! Bouddha!", mais bon, je dirais que sa bouche s'était plutôt arrondie d'étonnement comme pour un usuel "Oh mon Dieu!")

Maintenant ce léger détail éclairci, poursuivons. Donc bouche ronde, yeux ébahis et la dame qui pointe mon fils en s'exclamant: "(Oh mon Dieu!) Vous avez un enfant!!???!!" comme si c'était là la chose la plus surnaturelle du monde, comme si elle m'avait malencontreusement cataloguée dans une autre case que celle considérant la possibilité que j'aie pu avoir un enfant.

Et moi, qui lui répondis que oui, j'étais bien la mère de cette superbe créature, je me suis bien gardée de tourner le fer dans la plaie de son étonnement en rajoutant quoi que ce soit sur les six autres.

Et en marchant vers ma voiture pour le retour, je me suis dit que parfois, les silences que l'on enveloppe dans ce que l'on voudrait bien être de l'humilité mais qui sont en réalité purement narcissiques et à la mesure de notre fierté de mère rendent la flatterie encore plus savoureuse (surtout quand on a l'habitude de renchérir fièrement qu'on en a quelques uns de plus à la maison).

dimanche, février 15, 2009

Les zombies

Suis malade. Me suis faite généreusement refiler le virus de mon homme. Frissons, courbatures, congestion, migraines, tout le kit. Ça m’emmerde, moi qui n’attrape quasi jamais rien. Quelle perte de temps que de devoir prendre ça relaxe, se reposer. Ça vous coupe l’herbe sous le pied de l’efficacité, j’ai horreur de ça.

Bon, faut faire avec alors soit. Ai été raisonnable, ai fait fi de tout ce que j’avais à faire et ai fait une sieste aujourd’hui. J'ai même omis de faire le gâteau que j'avais promis de faire avec Frédéric.

Voilà mes garçons arrivés de chez leur père aussitôt repartis chez ma mère pour la pédago de demain. Ma mère en renfort. Je déteste demander, j’y ai été un peu contrainte. J'aime pouvoir être auto-suffisante. La culpabilité s’en mêle, évidemment, d’autant plus que mes mousquetaires m’ont manqué ce week-end. Soyons réaliste, je n’aurais pas eu la force d’assumer les trois quarts de la gang demain.

Le temps de défaire les bagages, d’en refaire de nouveaux et de m’informer de leur week-end.

J’ai remporté le jackpot.

« On a été glisser. On a écouté un film de zombies, aussi...C’était vraiment hot. Il y en avait des tonnes et il y avait une « infestation » et là, la fille avait attrapé le virus et là, il y en a un qui lui courait après et là, l’autre a fait ci et là, la seule façon d’en tuer un, c’est de lui faire éclater la cervelle et là, on était vraiment captivés et là, untel a dit ci pendant que l’autre faisait ça et là… »

Et mon Coco de renchérir : « Oui, il faut leur faire éclater la cervelle avec un fusil et là, il y a des bouts de cerveaux partout et là, y en a qui pensaient qu'il fallait leur tirer dans le ventre mais en réalité ça changeait rien car c'était la tête qu'il fallait viser… »

-Hey! C’est moi qui racontais! Tu me coupes la parole!

-…

Dix minutes plus tard.

-Et là, il faut leur mitrailler la tête, c’est vraiment la seule façon et là, la fille, je sais pas si ça fait partie de sa stratégie ou si c’est juste le hasard mais en tout cas, si jamais c’est sa stratégie, c’est vraiment une stratégie géniale, et là, elle a pensé faire ci et là, les zombies la suivaient et là…et la sorte de virus les faisait se transformer en monstres et là...

-Mon Loup, est-ce qu’il y en a encore pour longtemps? Tu ne vas pas me raconter tout le film comme ça?

-Ben…j’ai presque fini…

Et l’autre qui réclame sa part : « Laisse-moi lui en raconter un bout, c’est juste toi qui parles! »

Et mes tempes qui battent et menacent de...vous savez, comme pour les zombies.

-Et là, c’était vraiment dégueulasse parce que…blabla…et là, il y avait de la vitre partout, tu sais, la vitre comme les genres de bureaux en vitres?

(vraiment étourdie) -Je ne sais pas de quel genre de bureau tu parles…

-Mais oui, maman, tu sais, les bureaux de vitre

-Loup, c’est trop d’informations pour mon pauvre cerveau …Quinze secondes, pas plus

-Et là un gars est arrivé et là, la fille du début et là, là les zombies, et "l'infestation", et…

-...Deux secondes....

'Suis claquée. ‘Suis zombie. Me suis faite infecter, je pense.

samedi, février 14, 2009

Pour faire suite et clore

Pour faire suite à ce billet, monsieur Gintrand a jugé pertinent me faire parvenir une copie du courriel envoyé à Mme Cornue dans lequel il expliquait n'y être pour rien dans la publication du lien dans les commentaires de son billet et dans lequel il lui demandait simplement de le supprimer.

Il laisse ensuite à ma discrétion le fait d'informer mon lectorat de ce détail ou pas. Voici donc qui est fait.

Bien que je demeure convaincue de la maladresse de son jugement d'avoir inséré le lien vers ce billet sur son blog et des carences d'humanité dans sa démarche (qui ont eu pour effet de personnaliser le débat proposé dans son billet autour d'une seule et même blogueuse), je présente tout de même humblement mes excuses à ce monsieur d'avoir compris et prétendu qu'il avait sciemment "linké" son billet dans les commentaires de celui annonçant le décès du petit Benjamin.

Peut-être aura-t-il eu envie de cogiter à son tour sur le contenu de mon dernier courriel. Je lui renvoie donc la pareille: à lui de voir s'il souhaite ou non donner suite à qui de droit...

mercredi, février 11, 2009

Éloge de la fuite...mais.

Il me faut en finir. Vous savez, quand on travaille depuis trop longtemps sur un truc et que ça n’aboutit pas. Tout est pourtant en place dans votre esprit, parfaitement mûri. Ça vous gruge, ça vous démange, ça vous dévore.
Ça rend fou, ce besoin de passer à autre chose, de clore un chapitre, de s'asseoir sur la satisfaction de l'accomplissement un moment puis de tourner une page pour aller vers du nouveau.

J’en suis là avec mon livre. Tout est rédigé-peaufiné-revu-et-amélioré-mâché-et-assaissonné dans ma tête. Ne me manque que le fichu temps d’en venir à bout dans ce fichier mille fois chouchouté qui me suit partout.

Ce qui n’avance pas de façon tangible finit par vous faire piétiner sur place et qui sait, peut-être aussi par vous faire rater de bien belles choses.

Je mijote depuis quelques temps l’idée de partir. Pour m’isoler. Pour avoir un petit terrain intouchable où ne pas risquer à tout moment d’être avalée par le quotidien. Pour ne pas toujours avoir l’impression que les besoins de la mère passent en dernier dans l’organisation familiale.

Marie Laberge a trouvé dans cet isolement son terreau fertile pour écrire. Elle en a la possibilité. J’ai trop besoin de mon monde autour pour pouvoir me couper aussi longtemps qu’elle du reste de mon univers. Je suis moins productive, aussi. N’empêche. Qui sait si quelques jours…
Ma fille et mon portable dans mon bagage et hop...

Je souffre de n’avoir pas la latitude organisationnelle pour aller au bout de ce projet sur lequel je travaille à trop petites doses depuis plus de deux ans. Il me faut asséner le coup final à ce livre.

Ça me titille en titi. Je regarde donc pour partir. Je zieute, pèse, évalue. Ouest canadien. Les montagnes m’émeuvent et m’inspirent. Un ailleurs majestueux comme paysage de fond pour honorer tout ce qui vit dans mes tripes. Pour l'envergure géologique, pour les vertiges. Pour m'aérer, m'oxygéner.

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Sauf que.

J’en suis à m’indigner en silence des coûts d’une telle escapade. En fait, pas de l’escapade elle-même mais plutôt de l'escapade en comparaison avec tous les forfaits sud tout-inclus dont on fait la promotion actuellement.

S’il en coûte moins cher de partir dans le sud dans un tout-inclus que de payer hôtel + billet d’avion seulement dans son propre (grand) pays, quel profit revient dans les poches de l’hôtelier du sud qui héberge le riche occidental?

lundi, février 09, 2009

Dérangée

Je cogite fort depuis plusieurs jours pour tenter de bien définir ce qui me dérange tant dans les propos présentés dans ce billet.

Je crois avoir trouvé une piste de réflexion.

Tout d’abord, je suis dérangée qu’une personne puisse intervenir dans le drame de quelqu’un sans d’abord lui présenter ses sympathies. C'est déplacé. C'est de mauvais goût. Peu importe le lien que l’on souhaite faire avec un de ses propres billets sur le blog d'un autre, la moindre des courtoisies est de d’abord faire preuve d'un minimum de compassion à l'endroit de celui qui souffre. On tient à commenter sur le territoire web d’un autre? Soit. On se conforme donc aux règles d'usage de la netiquette. Si l’on s’en sent incapable, on évite de mettre en lien dans les commentaires un billet qui réfère à notre propre blog (à moins d'avoir une masochiste envie de s'attirer des foudres). C'est dépourvu d'humanité et donne à celui qui sombre dans l'irréel l'impression d'être sous la loupe d’une pseudo-analyse dont l’auteur semble se prendre au sérieux.

Je considère insolent de débarquer (pour la première fois de surcroît) dans l’espace personnel qu’une blogueuse entretient pour son plaisir, ses besoins, la nourriture sociale que constitue l’échange, le désir du partage pour laisser une marque de passage qui laisse entrevoir que l’on ne vous considère que sous un angle ethnologique, qu’on tente de se hisser maladroitement derrière un prétexte « professionnel » pour questionner l’incompréhensible.

Et l’incompréhensible, aux yeux de cet homme qui semble croire que de tenter « d’analyser » une situation sous un angle social le soustrait à un minimum de savoir-vivre bloguesque, ce n’est pas le drame lui-même mais le fait que l’on puisse avoir envie/besoin d’annoncer l’abîme dans lequel on vient de plonger à un lectorat avec lequel s’est tissée une relation particulière depuis un bon moment déjà. Quelle personne, quoi qu’elle se donne comme importance, se situe au-delà d’un minimum de civisme envers ses pairs? Mais qui donc est cet homme? Le Lévi-Strauss des réseaux de communications web?

Ai-je raison de croire que l’on vient de franchir le cap du mépris quand on s’imagine au-delà de toute considération humaine sous le prétexte d’une incompréhension? Il existe une attitude alternative pleine de bon sens dans ce cas: l'abstinence. Le silence. En clair: on se tient à l'écart. On se la ferme.

Quiconque n’a jamais développé de liens virtuels ayant franchi la limite osmotique entre le virtuel et le réel peut difficilement comprendre s’il ne possède pas un minimum d’acuité, d’ouverture et d’empathie qu’Internet n’est parfois que le médium qui permet le germe d’authentiques amitiés catapultées dans le tangible quotidien.

Tenir un blog personnel, c’est accepter d’exposer une brèche de sa vulnérabilité en faisant confiance au jugement de son lectorat et à la qualité de son interaction avec lui. Parce qu'un lien de confiance virtuel, selon la nature du blog, oui, ça se développe avec un lectorat. Tenir un blog personnel, c’est s’attendre, en outre, consciemment ou pas, à recevoir de l’empathie et du soutien dans les moments difficiles et en offrir naturellement à son tour le moment venu sur les blogs de notre réseau. Pourquoi? Parce que derrière chaque écran, il y a un humain et que c’est lui qui est avant tout sollicité.

Certes, il arrive que parmi le lectorat s’immiscent des gens qui laissent l’impression d’être dotés de peu de discernement ou qui possèdent une méconnaissance flagrante de certains codes sociaux. Dans un contexte de communication face à face, cet homme aurait-il offert ses sympathies? Oui? Alors en quoi le fait d’être en ligne l’immunise-t-il contre l’usage de cyber-civisme? Je suis d'autant plus choquée que cette personne présente son profil d’expertise comme étant "spécialiste de la communication sensible". Voilà apparemment une sous-spécialisation des communication que j’ai mal comprise!

Quand on s’intéresse à la communication et aux médias sociaux, il importe de connaître minimalement les implications et la puissance d’un réseau virtuel. Qu’est-ce qu’un réseau virtuel par opposition à un réseau d’affaires, d’amis, de connaissances? Le réseau virtuel est-il impersonnel, froid, numérique sans égards aux humains qui l’entretiennent et qui en font partie lorsqu’un drame survient chez l’un de ses membres? Les membres du réseau sont-ils en mesure d’apporter du soutien à un de leurs confrères le moment venu? J'étais jeune membre d'un réseau d'affaires au moment du décès de mon fils et jamais je n'ai reçu de sa part un soutien équivalent à celui offert par mon réseau virtuel.

Monsieur Gintrand semble sous-estimer la puissance de pareils réseaux virtuels et n’y voir qu’une espèce d’exhibitionnisme émotif dépourvu de noblesse de la part de l’auteure du blog. Erreur de perception sur toute la ligne. Il y a bien un effet voyeur que je consens à reconnaître chez plusieurs lecteurs. Je veux bien toutefois miser sur l’espoir que ces voyeurs ont eu la décence de savoir donner (sympathies, s’entend) plus que de s’abreuver à la misère d'une mère qui vient d'être douloureusement dématernisée.

C’est bien mal connaître le potentiel des réseaux virtuels, spécialement ceux qu’il semble estimer dépourvus de valeur (et de contenu?) parce qu’alimentés par des mères qui les exploitent pour briser l’isolement. Les réseaux virtuels crées par des forums de discussion et des blogs sont tout à fait adaptés à la réalité de beaucoup mères de famille. Pas étonnant qu’il y ait autant de mères blogueuses. Combien de fidèles et loyales amies dans ma vie aujourd’hui sont-elles issues de ces réseaux qui ont assurés moult santés mentales de part et d'autres durant grossesses, congés de maternité ou simple choix de demeurer à la maison pour s’occuper de la marmaille?

J’ai été chatouillée de lire dans le billet du blog du monsieur ci-haut mentionné que le bouleversant billet de Mme Cornue n’était pas digne de porter le nom de billet. Il méritait des guillemets en guise de vulgaires gants de latex enfilés quand on ne veut pas trop s’impliquer.

J’estime curieux que monsieur Gintrand omette de parler de la récupération journalistique du cas du décès du petit Benjamin. L’approche journalistique est-elle plus noble, à son avis? Est-il plus décent, selon lui, de récupérer telle tragédie dans les manchettes en exploitant l’immonde chagrin vécu par une famille? Le voyeurisme est-il plus acceptable quand c’est le photographe du journal local qui s’assure de saisir le cliché où les parents ont l’air le plus éplorés? Vous savez, ce regard de détresse qui ne sera jamais aussi authentique que lorsque la vie d’un enfant vient d'être arrachée. De combien de % les ventes du journal augmentent-elles lorsqu’on fait dans le super sensationnalisme en exploitant en première page le plus immonde chagrin qui soit?

Tous ces lecteurs de journal ébranlés par le drame se désoleront de la tournure de cette triste histoire en se brûlant la langue avec leur café trop chaud sur le coin de leur bureau. Et si, par le biais d’un blog, ils avaient la possibilité d’exprimer leur sincère sympathie à cette famille avalée par une autre dimension depuis cinq jours? Et si le blog permettait le potentiel d’expression d’une partie de cette empathie? Et si on reconnaissait ses vertus thérapeutiques?

Monsieur Gintrand semble ignorer qu’il est possible de susciter sur son blog des débats idéologiques, de discuter d’approches stratégiques ou de perspectives communicationnelles tout en conservant sa réputation même si on ose démontrer qu’un humain existe derrière le spécialiste. Un peu de sensibilité n’altère jamais la crédibilité de quelqu’un qui a déjà su construire sa notoriété professionnelle. Un médecin est-il moins estimé parce qu’il fait preuve d’écoute envers son patient qui souffre d'apprendre qu'il est confirmé séropositif ou qu'il a le cancer?

C’est ce que Pierre Bouchard, consultant en communication et en gestion de la réputation dont j’estime l'approche depuis un bon moment, a été en mesure de faire lorsqu’il a commenté (entre autres) ma lettre ouverte à La Presse concernant la qualité du service du personnel médical reçu lors du décès de mon fils. C’est ce qu’a su faire la très professionnelle dame responsable du forum à La Presse lorsqu’elle a publié mes deux lettres ouvertes. La capacité de démonstration d’empathie ne fait que rendre plus estimables des personnes que l’on estime déjà.

À l’inverse, une attitude de suffisance tue dans l’oeuf toute éventuelle entente entre deux parties.

Je conclurai en invitant Monsieur Gintrand, s’il n’a toujours pas réussi à bien reconnaître la pertinence de laisser transparaître un minimum de sollicitude dans un contexte professionnel, à se procurer mon recueil de nouvelles sur la mort d’enfants dès qu’il sera publié. Cela pourra sans doute l’outiller pour mieux réagir advenant le cas –que personne ne souhaite- d’une nouvelle tragédie présentée en ligne. Je rajouterai également que la façon dont on choisit de vivre un deuil est personnelle à chacun. Aucun standard immuable, à ce que je sache, n'a été établi.

Un bon relationniste présenterait ses excuses à la famille Cornue. Qui sait si ce n'est déjà fait. Il m'arrive d'être idéaliste quand je ne suis pas carrément naïve.

dimanche, février 08, 2009

Les monstruations

Tout-Doux (neuf ans), en sortant de la salle de bain: "Maman, tu mets encore des Lightdays?"

-Oui. Pourquoi?

-Ah. Parce que j'en ai vu des millions dans la poubelle (je spécifie pour ma défense que je suis vendue à la diva cup depuis quelques années!) et que je me suis dit: "Tiens, maman a encore des éjacu...euh...des...euh...érecti-"

C'est là que je décide de lui donner un petit coup de pouce: "Des menstruations."

-Oui, c'est ça. Des monstruations.

(Mon homme rectifie en soupirant: les monstruations existent bel et bien mais précèdent de quelques jours la période que Tout-Doux cherchait si péniblement à identifier)

jeudi, février 05, 2009

Plongeon

Le drame vécu par la famille Cornue représente la hantise de tous les parents. Perdre un enfant: on essaie simplement de le concevoir et déjà, c'en est trop. Ceux qui l'ont vécu font peut-être un plongeon dans leurs propres souvenirs. Je dis peut-être car je ne risquerais pas de me faire la voix de.

La corde raide toute la journée. Comme tous les autres. On est tous humains, on l'a tous déjà envisagé. On a tous déjà soupiré un peu que ce soit arrivé au fils du voisin plutôt qu'au nôtre. En culpabilisant d'avoir eu une pensée aussi odieuse malgré la sincérité de notre compassion. Et pourtant. La corde raide parce que le temps est comme une petite croûte de glace mince sur les souvenirs. Juste un petit crac et tout y est.

*

Je m'y revois tellement, dans cette petite pièce à l'hôpital dans laquelle j'étais inséparable du corps de mon enfant. Un petit effort pour le partager avec les autres et hop, à nouveau scotchée près de lui.

Puis, cet enquêteur costaud entrant pour revendiquer sa part aussi. Eh oui, mort d'un jeune enfant, enquête obligée, veuillez sortir de la pièce svp. -Mais pour combien de temps? Qu'est-ce que vous allez lui faire?

Et moi de sortir en laissant mon fils à ces étrangers qui le scruteraient dans cette intimité que l'on cherche toujours à préserver quand on est parent.

Et je me revois, Frédéric dans les bras, sortir de la pièce. Je sens encore mes jambes faiblir, mon corps s'effondrer. Je ne sais plus trop qui a rattrapé Frédéric pendant que je rencontrais le sol. Juste nos familles autour et ce grand silence respectueux. Ou peut-être juste ce grand silence parce qu'il n'y avait rien à dire, tout simplement.

Je revois ce fauteuil roulant arriver. Peut-être mes perceptions me font-elles défaut. Je me souviens d'une infirmière qui insistait pour que je m'y asseois pour aller à la toilette. J'ai deux jambes, je sais marcher. -Madame, asseyez-vous, ce sera plus facile. -Je suis capable de marcher, je ne suis pas handicapée. Et moi de me relever, avec ou sans aide, est-ce important. Au bout du couloir, la toilette. Pour s'y rendre, passer devant cette pièce où policier et photographe examinaient mon enfant comme une victime potentielle alors qu'il n'était qu'un petit canard d'amour.

En sortant de la toilette, encore cette infirmière. Cette fois, elle me tendait des cachets que je refusai. -Prenez-les, Madame. Ce sont des calmants. -Je n'en veux pas. -Vous êtes en état de choc, ça vous fera du bien. -Bien sûr que je suis en état de choc, mon enfant vient de mourir! -Ça vous fera du bien... - Rien ne peut me faire du bien, MON FILS EST MORT!

Et l'infirmière bien intentionnée de rester plantée là devant ma détresse, mes principes et la nécessité pour moi de tout vivre à froid. Elle les tendit à mon homme au cas où lui voudrait bien essayer de me les refiler...

*

Quelques jours plus tard (une éternité), mon père dans ma maison alors que nous rentrions de je ne sais plus quelle démarche funéraire. Il avait une bière à la main, m'en offrit une. Je la refusai.

-Il ne faut surtout pas que je boive d'alcool. Si je bois de l'alcool maintenant, ça signifiera sans doute que je suis une alcoolique qui saoûle sa douleur pour ne pas l'assumer.

Et mon père de s'indigner: "Voyons ma fille! Tu n'es pas alcoolique parce que tu prends une bière après la mort de ton fils! Qu'est-ce que racontes là!? Tu as le droit!"

Je refusais de prendre ce risque. Et mon père d'insister. Et moi, loque, de finir par siroter mécaniquement une bière avec culpabilité glaciale sous le regard bienveillant de mon père aussi démolli que nous l'étions tous.

Et presque tous les jours, mon père de me téléphoner pour vérifier si j'avais mangé. C'est que la douleur de la perte était si importante qu'elle masquait les besoins physiques futiles comme manger, dormir, avoir chaud (respirer!!). Les plats préparés par les voisins, maman, amis, famille qui fusaient pour nous donner un coup de pouce... C'est tellement capital le soutien!!

*

Des images, comme ça, qui défilent à la pelletée. Tellement lointaines et tellement près à la fois.

*

Loin, loin, loin de moi l'idée de chiper des bribes de ces élans de réconfort et de compassion destinés avec raison à cette Maman Cornue qui en a tant besoin. Seulement, au fil des heures qui s'égrènent, le calque de ma propre histoire si ressemblante à la sienne, le film du "après" qu'on occulte pour continuer d'avancer qui défile naturellement pour que jamais on ne l'oublie...

Quoiqu'il arrive, je me sens liée à Mme Cornue.

Inutile de commenter ce billet. Allez plutôt écrire un mot de réconfort à notre consoeur humaine éplorée, si ce n'est déjà fait.

Le coeur déchiré

J'ai le coeur déchiré ce matin à la lecture du drame vécu par Mme Cornue, une bloggueuse de cette solidaire petite communauté.

Mes meilleures pensées convergent vers elle, vers les siens. Ce monde parallèle auquel elle fait référence, bien que personne ne voudrait réellement le connaître, il arrive que certains parents y soient aspirés, toujours malgré eux. Je comprends l'impuissance exprimée par mes proches et moins proches il y a deux ans, onze mois et un jour.

Mes plus sincères pensées vers cette famille.

mardi, février 03, 2009

Unicité

Ce qui me frappe, chaque fois que j'ai un nouvel enfant, c'est de découvrir sa personnalité unique se forger par ses réactions, son attitude, ses élans, ses habitudes, son apprentissage de la vie. Ils ont beaux être encore tout petits, les bébés déjà savent se distinguer des autres par leur unicité.

Ma toute sublime petite ne fait pas exception à la règle. Chaque jour, je suis égayée. Par ses sourires édentés, ses roucoulements de pigeon, ses gazouillis, son odeur de bébé si sucrée.

Ma Béatrice, je la soupçonne déjà indépendante. C'est que si par le passé masculin de la famille le sein est venu à bout des insomnies les plus redoutables, avec elle, c'est du coriace. Oh, ses yeux ont beau rouler dans la graisse de bine quand elle est agrippée à mon sein, n'endort pas qui veut ma Demoiselle. Le berçage, les colle-colle, le sein, les balades en voiture, ça fait bien souvent l'affaire mais en situation de crise, ce n'est pas ce qui la calme.

Elle, son truc, c'est la solitude. Je savais déjà qu'elle n'appréciait pas trop grande densité humaine, fous rires agressants et stimulis envahissants. Pour le dodo, je sais maintenant que lorsque la fatigue l'accable trop, inutile de s'acharner à tenter de l'endormir. Il suffit de l'emmitoufler dans une grande couverture en plus de sa doudou et de la laisser pleurer quelques minutes dans son lit. Ça me fait craquer. Déjà une coquine petite habitude. Une confirmation de son besoin de retrait, de son indépendance chaque fois qu'après avoir tout essayé en vain je réalise que le truc infaillible c'est de lui laisser un espace et un silence bien à elle.

Je l'aime éperdument, ma fille.