mercredi, octobre 31, 2007

Question de perspective, épisode 2

En sortant d'un rendez-vous chez l'ergothérapeute (pour son doigt), Grand-Charme (dix ans): "Maman, moi, je suis le plus chanceux de tous tes enfants."

Moi, curieuse -Ah oui? Et pourquoi?

Grand-Charme, joyeux -Bien, je suis le seul à m'être fracturé une jambe, un bras et à m'être coupé un doigt. Je suis donc celui qui a le plus d'occasions de rater des jours d'école!

Moi -Hm, tu as une façon très positive de voir les choses...

Grand-Charme, encore sur sa lancée d'enthousiasme -En plus, je suis le seul qui remporte souvent des prix à des concours.

Moi -C'est vrai.

Grand-Charme -Tu sais pourquoi je suis si chanceux?

Moi -Non...?

Grand-Charme -C'est parce que j'ai trouvé un trèfle à quatre feuilles quand j'étais petit...

Voir le verre à moitié plein plutôt qu'à moitié vide malgré ses malheurs et attribuer sa sublime vision de la vie à une plante...C'est tout à fait mon Grand-Charme, ça.

lundi, octobre 29, 2007

Dépendance

Enfant, ma mère -monoparentale- allait prendre des cafés pour s'aérer l'esprit de ses deux adorables enfants.

Je ne comprenais pas le besoin ni le rituel, que j'estimais superflu et capricieux.

Qui plus est, lorsqu'elle rentrait du travail, elle m'imposait (à moi seulement, sa pauvre fille mal-aimée) un quinze minutes où je n'avais pas le droit de lui adresser la parole. Durant ce temps, elle s'étendait sur le divan et décompressait de sa folle journée de travail et de son quarante-cinq minutes de voyagement.

Hébétée, j'étais cruellement résignée à la regarder se reposer dans un silence impeccable (j'étais obéissante) avec une légère amertume, littéralement rejetée par ma propre mère avant de pouvoir lui raconter les drames de mes journées. Nouer ma langue et ses impulsions; un monstrueux supplice qu'elle m'infligeait sans pitié aucune.

Lorsqu'elle décrétait que le quinze minutes était terminé, je me ruais sur elle, lui pardonnais ingénument sa cruauté et renouais avec la pie que j'étais.

Bien que je sois nettement plus clémente avec mes enfants, je comprends aujourd'hui la nécessité de cette trêve de sollicitation infantile. Rarement ose-je interrompre les hémorragies verbales de mes garçons même si souvent, je dois admettre que l'envie ne manque pas.

Toutefois, ces fuites de la maison pour se retrouver toute seule dans un café, j'y ai adhéré. Je vais écrire plusieurs fois par semaine devant un grand latté aux amandes. Ailleurs, je sais écrire. Et très bien, même.

J'amène parfois un (ou deux ou trois et je me suis déjà rendue jusqu'à quatre) garçon avec moi. Ils le savent, dans le contexte du café, on ne me DÉRANGE PAS. À mes côtés, ils lisent ou jouent à leurs jeux électroniques en silence.

Ils apprécient, je crois, ce rituel. C'est un privilège pour eux de m'accompagner.

Pour ma part, c'est devenu une dépendance.

Lorsque, comme aujourd'hui, par nécessité, j'en suis privée, je suis une lionne.

Nombre

Comme chaque année, la femme de mon père a préparé des sacs d'Halloween pour les enfants.

Émue, elle me raconte sa "bévue": spontanément, elle a préparé six sacs. C'est mon père qui lui a passé un commentaire sur son nombre de sacs. Elle a réalisé son "erreur" et ça l'a attristée.

Je la comprends. Moi aussi, je me trompe. C'est irrationnel, mais depuis que j'ai perdu un fils, j'oublie combien nous sommes de membres dans la famille, combien nous avons de chaises à table, combien nous avons de places dans la voiture.

Chaque soir, je dois refaire le calcul pour savoir le nombre de couverts à mettre pour souper. Bien sûr, je sais que maintenant, nous sommes sept concrètement (mais huit dans mon coeur), mais de tirer cette conclusion exige de moi un calcul rapide, m'impose une hésitation dont j'étais exemptée avant.

Comme si ce nombre ne me rentrait pas dans la tête, comme si c'était contre-nature, comme si j'étais gauchère et que je devais apprendre à devenir droitière, comme si mes réflexes devaient être altérés, comme si pour apprendre à vivre dans ce qui est je devais constamment me référer à ce qui fut.

J'imagine que ce doit être une forme de réadaptation émotionnelle.

Compassion

Visite chez père enfin à la maison ce week-end. Ce fut bon de le voir chez lui. Moments simples et touchants.

Il parle très peu, demeure assis sur son fauteuil un peu comme une statue. Je m'approche, m'accroupis près de lui, pose ma tête sur le bras du fauteuil. Papa approche les os de sa grande main maigre et me caresse longuement les cheveux.

Au bout d'un moment, je relève la tête et le vois réprimer ses larmes. Je lui demande ce qui ne va pas. "Je suis tanné", qu'il me murmure en secouant la tête et fixant le vide. Il pose sa main sur sa cuisse et je suis désolée de voir qu'il lui reste si peu de chair qu'on voit la nette démarquation entre son radius et son cubitus. La peau moule chacun de ses os comme une fine couche d'alginate.

Je l'aide à se lever, lui propose de lui faire un massage. Il s'étend sur son lit et je masse son corps. Au bout d'un moment, je deviens hésitante. Le massage devrait soulager la tension des muscles, mais papa n'en a plus. Ils ont fondu sous sa peau. Mon massage ne fait donc que promener la peau désormais libre sur les os. Je la caresse donc elle, cette peau douce et fatiguée. Je touche mon père et je vois très clairement dans ma tête la page du squelette humain du dictionnaire.

Je lui dis que Grand-Charme et Fils Aîné s'inquiètent pour lui. Il me répond en pleurant qu'il les aime, ses petits-fils.

"Dis-leur".

Je perçois encore son esprit, mais il est fatigué, lui aussi. Il est faible, entretient le rituel avec de l'eau glacée qui le soulage mais qu'il ne peut avaler.

Au moment où toute la famille s'installe pour manger, il se lève de son fauteuil et vient se tenir près du comptoir où mes quatre aînés prennent leur repas.

"Qu'est-ce que tu fais?" lui demande sa femme, inquiète et surprise de le voir debout.

"Je veux juste les voir tous", qu'il lui répond. Il se tient debout en s'aggripant au coin du mur et regarde la splendide vue d'ensemble que représentent ses cinq petits-fils vivants qui mangent avec appétit leur spaghetti.

Il emmagasine l'image, puis retourne s'asseoir sur son fauteuil.

En soirée, mes deux aînés vont le voir, s'intéressent à lui, à sa machine à gavage. La discussion est silencieuse, mes grands sont un peu perturbés de voir leur grand-père qu'ils aiment dans cet état.

Silence. Je sais que mon père prépare ses mots. Mes grands mangent leurs bonbons près de lui. Puis, papa réussit à formuler sa déclaration d'amour à ses deux premiers petits-fils, ceux dont il est le plus proche.

Je souris intérieurement. Compassion à l'état pur.

jeudi, octobre 25, 2007

Mon bras droit

Je me plains parfois que je ne reçois pas suffisamment d'aide à la maison (je sais pourtant déléguer!), d'autant plus que notre femme de ménage nous a laissés tomber sans prévenir il y a trois mois.

Chaque jour, je quémande de l'aide, éteins des feux, réclame du soutien, me fâche, répète, me décourage, attribue des listes de tâches, ai envie de foutre le camp et de ne revenir que lorsque tout sera impeccable et que tout le monde aura fait sa juste part.

Voilà que depuis deux semaines, je suis touchée de l'aide impromptue qui m'arrive par la personne la plus inattendue qui soit: mon fils de deux ans. D'accord, il n'est qu'un bambin et ce qui est pour lui un jeu aujourd'hui deviendra demain un fardeau, mais de le voir aller m'émeut et je l'observe avec admiration.

Mon bonhomme, quand il circule dans la maison et qu'il aperçoit une mousse, un petit bout de carton, une miette quelconque, il prend la peine de se pencher pour la ramasser et aller la mettre dans la poubelle.

Mon bonhomme, quand il nous voit prendre un linge pour ramasser un dégât sur le plancher ou pour essuyer la table, insiste: "Donne! Donne!" et il nous arrache le bout de tissu des mains pour essuyer lui-même le dégât.

Mon bonhomme, quand il me voit faire un tas de poussière avec le balai, il va chercher le porte-poussière et essaie de m'aider (!) à mettre la poussière où il se doit.

Mon bonhomme, plusieurs fois par semaine, s'installe dans le coin lavage, ramasse les tas de vêtements sales par terre et se dresse sur la pointe de pieds pour tenter de les mettre dans la laveuse.

Mon bonhomme, quand il voit des vêtements sales tombés à côté du panier, s'arrête au passage pour les remettre dedans.

Mon bonhomme, (pour compenser pour toutes les fois où il se promène avec mes souliers dans la maison?), essaie de remettre les souliers en paires sur le tapis d'entrée.

Mon bonhomme, quand il voit ses frères vider le lave-vaisselle, se met à la tâche pour les aider (à leur grand désespoir).

Mon bonhomme, quand il vient de terminer son repas, il lui arrive de prendre son bol pour aller le déposer sur le comptoir.

Mon bonhomme, quand il se trouve dans la salle de bain après le bain de ses frères et qu'il constate qu'il y a inondation sur le plancher, saisit une serviette pour essuyer les dégâts de ses aînés.

Je l'ai même surpris la semaine dernière à brosser l'intérieur de la toilette!

Je suis touchée de voir mon si petit garçon agir en grand garçon, de voir mon bébé de deux ans agir comme un digne bras droit.

Nature et nostalgie

Comme j'ai moins couru ces dernières semaines, je craignais avoir perdu du cardio. Je me trompais: c'est la motivation qui en arrache. Lorsque je me botte le cul (celui-là même qui gêne Fils Aîné), j'ai encore cette bonne impression de courir sans effort, de flotter et d'être libre.

Je crains de cesser de courir l'hiver car je déteste le froid et la slush* du début de la saison. Perdre tous mes acquis, non merci. Juste de m'imaginer braver le froid et je suis découragée.

Sur les rochers, ce soir, je prends ma pause habituelle. Courir à l'obscurité, un autre mood. Je me couche sur le dos, respire et regarde les étoiles -les rares étoiles qui sont encore visibles malgré la pollution par la lumière de la métropole.

L'air de la campagne me manque, ses ciels étoilés aussi. La terre de mes grands-parents où, chaque hiver, durant les vacances, mon frère et moi passions nos journées dehors à concevoir une incroyable glissade de neige où nous nous élançions en crazy carpet de la butte jusqu'au lac.

L'immense jardin de ma grand-mère où j'allais chiper des bouts d'échalotte et des fèves pour me régaler, la forêt si calme, la cabane à sucre où tout le monde mettait la main à la pâte, le réduit que me faisait boire mon grand-père, les immenses champs dans lesquels j'aimais tant courir et surtout, les très gros érables centenaires dans lesquels j'adorais grimper pour espionner les passants ou me jeter dans les immenses tas de feuilles l'automne.

L'hiver, lorsque je suis à la maison et qu'une tempête de neige collante se lève pendant que mes garçons sont à l'école, il m'arrive de leur construire un super fort haut, large et solide (une de mes spécialités) avec des compartiments à munitions. Mon plaisir: les voir arriver à la maison d'un pas traînant et accélérer subitement au contact visuel de la merveille qui les attend.

Ils ne prennent alors pas le temps de rentrer ranger leurs sacs, ils se laissent plutôt tomber à genoux pour m'aider à rouler des boules après avoir bien sûr pris le temps de visiter le fort, qui fait l'envie des rares enfants du voisinage.

Encore une fois, braver l'hiver. Pour la trente-troisième fois.

*Soupir*

*Pour mes lecteurs hors-Québec: en français correct, la gadoue, mélange de neige, d'eau et de calcium qui recouvre tristement les rues et massacre le paysage des beaux hivers québécois.

mercredi, octobre 24, 2007

Irréfutable

Mon amoureux et moi sommes un couple non ponctuel. Nos proches le savent, il ne faut jamais s'inquiéter de nos retards. Ils sont regrettables, mais habituels. À toute soirée, nous sommes assurément les derniers arrivés.

Mon homme se plaît à se disculper de nos retards, préférant les rejeter sur mes larges mais innocentes épaules.

Aujourd'hui, il eut l'élégance de me blanchir sans réellement le savoir.

***

Alors que Grand-Homme était affairé à la préparation de sa gastronomie préférée, Grand-Charme arriva dans la cuisine avec la fable du Renard et du Corbeau et se mit spontanément à la réciter avec une admirable conviction.

Grand-Homme, interpellé, ajouta sa voix à celle de Grand-Charme en continuant de brasser son Kraft Dinner. À eux deux, ils surent m'émouvoir avec leur si parfaite interprétation de la fable, leurs mots concordant à merveille telle une musique longuement répétée.

J'attendis la fin du récital littéraire pour interroger mon homme: "Veux-tu bien me dire où t'as appris à réciter de la sorte les fables de La Fontaine? Ma mère apprenait les fables par coeur dans les années 60! On n'apprend plus ça à l'école depuis belle lurette!"

Carburant encore aux vives émotions que venaient de lui procurer cet harmonieux duo, Grand-Homme m'expliqua que lorsqu'il était au secondaire, il était souvent en retard et que l'enseignant responsable des retards faisait apprendre aux élèves non ponctuels en guise de moyen coercitif des fables qu'ils devaient réciter devant la classe.

Rusé, cet enseignant sut tranformer les élèves lents et négligeants en hommes fiers et cultivés.

À la lumière de l'étendue de la culture de mon homme, me croira-t-on, à l'avenir, lorsque j'affirmerai que nos fréquents retards conjugaux sont dus à la personne la plus poilue du couple?

Complexes amours

Moi qui croyais que l'amour était un sentiment complexe, voilà qu'à la lumière des confidences de Tout-Doux, je suis encore plus perplexe.

***

"Maman, aujourd'hui a été une très bonne journée pour moi. Tu veux savoir pourquoi?"

-Oui. Pourquoi est-ce que c'est une bonne journée?

-Je suis amoureux de Béatrice ET...Béatrice est amoureuse de moi!!!

-Ah oui? Elle te l'a dit?

-Oui! Et Lucas est amoureux d'Alisha. Il m'a demandé de ne pas lui dire, mais j'ai profité du moment où il discutait avec un autre garçon pour aller le dire à Alisha.

-Tu as fait ça? Tout-Doux! Tu as trahi la confidence de ton ami alors qu'il avait pris la peine de te demander d'être discret!

-Ben...C'est pas grave! Il m'avait fait la même chose en disant à Béatrice que j'étais amoureux d'elle. Et puis, Alisha est amoureuse de lui elle aussi, alors c'est correct.

-Booon! Tout le monde est amoureux, alors tout va bien maintenant!

-Ben...Moi aussi j'aime Alisha, mais je ne l'ai pas dit à Lucas.

-Tu es amoureux de Béatrice et d'Alisha? Tu aimes deux filles en même temps?

-Non, non. Je ne suis pas amoureux d'Alisha. Elle, je l'aime. Béatrice, je suis amoureux d'elle, c'est pas pareil.

-Ooh!

Voilà la nuance, une nuance que je comprends. Aimer et être amoureux. Il a de l'acuité amoureuse, mon Tout-Doux.

Pourquoi donc est-ce que je me perds encore dans de profondes et angoissantes réflexions sur l'amour alors que tout peut être si simple?

mardi, octobre 23, 2007

Avantage numérique

Tout-Doux (8 ans), en rentrant de l'école: "Maman, Alexis trouve que ce serait plus avantageux pour lui de vivre dans notre famille."

Moi -Ah oui? Et pourquoi?

Tout-Doux -Ben, parce qu'on a beaucoup de Lego de Star Wars et aussi, parce qu'on est beaucoup de frères pour jouer.

Coco, étonné: "Il n'a AUCUN frère pour jouer?"

Tout-Doux, compassif -Non.

Coco, inquiet -Et de soeurs?

Tout-Doux, avec une pointe de dédain -Oui, une.

Pauvre Alexis. Voué à une enfance malheureuse certaine. De quel genre d'adultes sera donc composée la société de demain?

Un geste, un souvenir

Un geste fréquent: préparer de la salade.

Les huit-dix derniers mois de la vie de Thomas, ce geste était accompagné d'un petit rituel: je lui demandais s'il voulait donner de la salade au lapin et où qu'il fût dans la maison, il accourait. Il se levait sur la pointe des pieds pour regarder les légumes sur le comptoir et attendait près de moi sa feuille de laitue. Je la lui donnais et il se dépêchait d'aller s'accroupir près de la cage pour l'offrir au lapin.

Heureux de voir l'animal se ruer sur la nourriture, il revenait près de moi et infatiguable, en réclamait encore. Les aller-retours entre le comptoir et la cage pouvaient durer de très longues minutes. Même si le lapin avait largement dépassé son quota de verdure, j'avais du mal à refuser à Thomas une troisième, puis quatrième portion. Il y mettait tant de coeur!

Je compris rapidement qu'au nombre de fois où il venait réclamer encore de la laitue, mieux valait la lui donner en plus petits morceaux.

Puis, mon beau bonhomme est décédé et durant dix-neuf mois, j'ai préparé la salade sans bambin à mes côtés pour se soucier du lapin avec un tel engagement. Ce petit rituel me manquait intensément au début, puis j'ai fini par m'habituer au Vide.

La semaine dernière, en préparant la salade, j'ai, sans réfléchir, demandé à Frédéric s'il voulait donner de la salade au lapin et au cochon d'Inde. Il est accourut et est reparti aussitôt vers les animaux.

En le voyant partir à la course avec sa laitue et son enthousiasme, j'ai réalisé ce que je venais de faire. Ça m'a grandement remuée. Je venais de lui transférer sans le vouloir un rituel qui appartenait à Thomas et moi.

Ce geste simple aurait probablement passé incognito si Thomas n'était pas mort. Frédéric aurait naturellement nourri les animaux, comme tous les enfants aiment faire.

Je crois que je cherche à préserver certains souvenirs liés à Thomas uniquement, à les garder immaculés pour lui seul et à leur attribuer un certain statut "non transférable".

Maintenant que j'ai "transféré" ce geste, je ne peux plus reculer. Frédéric s'attend, en me voyant affairée à la préparation de la salade, à en offrir aux animaux. En l'observant s'élancer avec bonheur vers les cages, cela me fait chaud au coeur, mais me rend aussi nostalgique. Jusqu'à la semaine dernière, dans mon coeur, c'était la petite tête brune que je voyais courir laitue en main. À présent que j'ai la chance de voir courir la petite tête châtaine si vivante, comment garder intacte la première image?

Les souvenirs étaient si clairs au début, je voulais être certaine de ne rien oublier. Certaines images pâlissent, à mon très grand regret. C'est la vie qui prend le dessus et ça, ce n'est pas toujours facile à accepter.

lundi, octobre 22, 2007

La franchise

Ma franchise a un côté sombre. Elle me nuit. Je me crois diplomate, mais on me dit plutôt (trop?) prompte.

Je ne dis pas à un employeur ce qu'il veut entendre. Je suis une personne calme, mais audacieuse et probablement insolente. Certains de mes patrons de qui je me croyais peu aimée m'ont dit apprécier beaucoup ma franchise et la détermination de mes idées.

Un homme colérique (j'ai le doigté avec les colériques) et intéressant d'une remarquable culture qui aurait pu être mon patron (si je n'avais pas été si provocatrice -avec mes paroles) m'a déjà chassée de son bureau en furie parce que je le confrontais trop avec ma quête naïve d'idéaux. Impertinente, je me retenais pour cesser de m'amuser de sa colère montante.

J'ignore si j'ai encore une fois été trop franche en entrevue aujourd'hui.

Une copine à la "franchise" plus élastique que la mienne m'a reproché un jour être trop honnête (mon père m'a déjà fait le même reproche) et m'a raconté les pieux mensonges de son $ucce$$ story . Je me cherchais désespérément du travail et j'ai décidé d'assouplir mes idéaux de vertu. J'ai obtenu le poste à l'entrevue suivante. Le mensonge était d'une piété ridicule, mais je me sentais bullshiteuse de première.

Je saurai cette semaine si ma franchise s'est encore mis les pieds dans les plats de la docilité.

dimanche, octobre 21, 2007

Exquise


Exquise que cette journée d'automne volée à l'été. Marcher sur les sentiers de la montagne, respirer les odeurs de la forêt, apprécier les cris de joie de Bébé qui viennent briser la perfection de cette denrée rare qu'est le silence...des trappes à moments présents comme je les aime.



Les préposés à l'accueil des centres d'interprétation doutent souvent de la faisabilité de certains sentiers abruptes avec de jeunes enfants. Je m'en inquiète rarement. S'ils voyaient la détermination et le bonheur dans les yeux d'un jeune enfant lâché lousse en forêt, ils seraient aussi confiants.




D'accord, cela exige une (très) grande patience pour donner la main au petit de deux ans qui tient à grimper sur chaque souche et chaque pierre plus grosse qu'un ballon pour qu'on compte: "Un...deux...trois...GOOO!" avant d'en sauter, provoquant de ce fait un sublime éclat de rire qui se perd dans le calme de la montagne, mais ce rire est si sucré, si doux à mes oreilles, je ne peux y résister (Faux. Vive les épaules de papa-maman pour quelques répits!)



C'est l'automne, quoiqu'on pourrait en penser. En fin d'après-midi, et déjà la lune qui se pointe.

J'adore la bonne fatigue de marche en fin de journée. Elle me fait sentir accomplie.

vendredi, octobre 19, 2007

Automne

Un de mes plaisirs favoris de l'automne est le passage bruyant des oies sauvages. Je les trouve magnifiques, autant par leur beauté que par leurs cris ou leur organisation sociale. Chaque fois qu'une déléguation nous avertit de son passage par ses cris d'encouragement, je laisse mon occupation du moment, je les regarde et je suis émue.

Comme j'habite au bord de la rivière, je les observe se reposer dans l'eau. De toute beauté!

Bien qu'elles soient mes préférées, il n'y a pas qu'elles. Depuis deux semaines, des oiseaux viennent s'aggriper à la vigne pour manger les minuscules raisins. Je les ai identifiés: il s'agit d'étourneaux sansonnets. Ils ne sont pas clairs sur ma photo, mais on les voit en train de s'alimenter.



Cette semaine, il y eut de nouveaux arrivants. C'est Grand-Charme qui les a vus. Ils sont minuscules, jaunes, délicats, gracieux et ils apprécient les graines de mes échinacées. Ce sont des parulines jaunes. Encore une fois, ma photo n'est pas claire, mais ils sont bien là, les tout charmants.



La visite de ces oiseaux me fait tellement plaisir que je rêve depuis deux nuits de gigantesques oiseaux tropicaux colorés qui viennent se percher dans l'érable pour m'attendre et m'émouvoir.

mardi, octobre 16, 2007

Insouciante et exhibitionniste

Tels sont les nouveaux qualificatifs qui me désignent, selon deux de mes fils.

Par une splendide fin de journée comme celle-ci, tandis que le repas est au four, il serait péché de ne pas aller courir. Comme je suis suffisamment pécheresse ces dernières semaines, je chausse donc mes chaussures de course.

Alors que j'ai le pied dans la porte, Fils Aîné et Tout-Doux m'interpellent: ils veulent m'accompagner. Je ne m'en plains pas, ça donne toujours lieu à des échanges intéressants.

Fils Aîné et moi, familiers avec nos rythmes respectifs, marchons d'un pas rapide. Tout-Doux, lui, court comme un chiot enjoué malgré les recommandations de son frère et finit par s'essouffler au moment où ce dernier et moi commençons à courir.

Fils Aîné passe devant et je discute avec le plus jeune, qui est encore tout près. Voyant que je le dépasse, il me demande: "Tu ne m'attends pas?"

Je l'informe que non, que je ne veux pas perdre mon rythme et que ce n'est pas grave s'il marche quelques pas derrière moi.

-Tu n'as pas peur que je me fasse kidnapper? me demande-t-il.

-Non. As-tu peur de te faire kidnapper quand nous allons au parc et que tu as quatre coins de rue d'avance sur moi?

-Non (un peu indigné)...c'est juste que là...si quelqu'un me kidnappe, il pourrait me torturer, me faire beaucoup de mal, et même me tuer. Je suis ton enfant...tu m'aimes...je suis sûr que tu n'aurais pas envie qu'un de tes enfants meure...

Ainsi, mère insouciante, je suis. (Tout-Doux a tout de même survécu jusqu'à la berge, puis jusqu'à la maison).

Nous arrivons au bord de la rivière, où nous prenons une pause sur les rochers. Après quelques minutes de repos, nous repartons.

Cette fois, je marche aux côtés de mon grand qui, embarrassé, me confie: "Ce qui m'embête, quand on marche dos au trafic, c'est que tout le monde peut zieuter notre cul."

Je le rassure: il n'a pas à s'inquiéter, son cul est parfait.

En réalité, ce n'est pas le sien qui le gêne. Il monte donc d'un cran la confidence et spécifie: "Maman...tu portes des pantalons moulants..."

-Oh, (éclat de rire) je vois, c'est donc le mien qui t'incommode!

Embarrassé, il sourit.

-Tu as treize ans et tu commences déjà à être gêné de ta mère! Écoute, si je t'embarrasse à ce point, passe devant. Sinon, tant pis, tu seras pris derrière moi et tu auras mes fesses dans ton champs de vision.

Cela ne suffit hélas pas à le rassurer: "Maman, on est un groupe. Même si on s'espace un peu, ça restera bien évident qu'on est ensemble! C'est sûr qu'on va m'associer à toi!".

Pauvre fils, quand même: être confronté aux jugements éventuels du cul de sa mère, il n'y a là rien de réjouissant.

Il choisit finalement l'option de me dépasser. À quelques reprises, je ne peux résister à l'envie d'augmenter mon rythme et d'aller me flanquer devant lui pour le simple plaisir de remuer les fesses à outrance avant de me tordre de rire devant ses réactions scandalisées: "Mamaaan! Arrête, t'as vraiment l'air folle!"

Pauvre Fils Aîné. Être affligé d'une mère non seulement insouciante, mais également folle et exhibitionniste!

lundi, octobre 15, 2007

Aberration

Allergique à l'aspect mega des centres commerciaux, j'ai pris mon courage à deux mains ce matin pour arrêter y chercher ce que j'avais commandé. Détestant magasiner, j'en ai profité pour faire d'une pierre deux coups: Coco avait besoin de souliers.

Comme je n'ai rien trouvé dans un grand magasin, je me suis risquée à arrêter dans une boutique de souliers spécialisés pour enfants. C'est là que j'ai failli m'évanouir.

J'ai acheté une paire de chaussures en liquidation pour Coco (au prix raisonnable que j'aurais payé dans un grand magasin) et j'ai profité de l'absence momentanée de la vendeuse pour zieuter les mignonnes bottines de bébé. C'est complètement fou: 80$ pour une paire de bottines pour un bébé qui ne se tient même pas debout et qui ne seront jamais usées! Payer si cher pour s'extasier devant la coquetterie de la miniaturisation de bottines de grands!

Jamais mes bébés n'ont porté un tel (inutile) luxe. Les modestes mais combien adorables pieds de mes bébés étaient vêtus des mignons chaussons de laine tricotés par nos gentilles grand-mères. Quelle folie de dépenser tant d'argent pour une parure pédestre!

Si au moins les clientes de ce genre de boutique faisaient autant d'enfants que moi, elles pourraient rentabiliser leur achat en les refilant aux plus jeunes! Or, n'est-ce pas justement quand on n'a qu'un ou deux enfants qu'on a les moyens d'être clientes régulières de telles boutiques? Quelle mère de quatre, cinq, six enfants (à moins d'être généreusement fortunée) a les moyens de chausser chacun de ses enfants dans des boutiques spécialisées qui vendent des bottines de bébé le même prix que ce que je paie pour des souliers de qualité pour mon fils de treize ans qui lui, possède les moyens de les user?

dimanche, octobre 14, 2007

Lexique de l'enfance, sauce Grande-Dame

J'ai tellement aimé le lexique de la petite enfance de Mme Patate Couvée que j'ai décidé de l'adapter à ma sauce.

Bas: Accessoires vestimentaires généralement retrouvés sales et en boule ayant pour effet de faire rager maman lorsque parsemés sur le plancher. Destinés à vivre en couple, mais souvent retrouvés solitaires.

Boîte à lunch: Contenant rembourré servant à ranger les repas pris à l'extérieur de la maison. Inanimée, elle est crue à tort vivante et capable de se vider et de se ranger elle-même au retour de l'école. On la retrouve souvent gisant, abandonnée à son triste sort sur le plancher de la cuisine.

Bols du chat: Accessoires que l'on kicke fréquemment accidentellement en pestant en arrivant trop vite dans la cuisine.

Chaise berçante: Endroit confortable dans lequel on peut prendre place pour manifester bruyamment notre mécontentement en balançant suffisamment fort pour qu'elle cogne sur le mur.

Chambre de Fils Aîné: Terrain miné où peu de frères risquent de s'aventurer sous peine de subir l'ire de son propriétaire.

Chat: Divertissement vivant et poilu émettant des avertissements sonores lorsque sollicité par un nombre trop élevé de personnes simultanément.

Cour: Prison où les parents envoient jouer les enfants qui sont trop bruyants et énervés à l'intérieur.

Crochets de la salle de bain: Parures décoratives ayant initialement été installées pour accrocher ce que nous préférons considérer comme des tapis.

Dentifrice: Amuse-gueule procurant une haleine fraîche et disponible en tout temps sur le comptoir de la salle de bain. Peut susciter la dépendance chez les bébés.

DS: Appareil très prisé possédant une valeur sentimentale gargantuesque pour l'aîné. Compact, cet objet possède la faculté de combler les besoins sociaux-affectifs et développer les habiletés de vendeur de son propriétaire, qui cherche par tous les moyens possible à convaincre toute entité possédant un certain capital financier à succomber à l'attrait de la chose.

Garde-manger: Réservoir à nourriture toujours vide, aux dires du goinfre adolescent.

Index: Outil physique fréquemment utilisé par maman pour demander de ne pas la déranger précisément dans les moments où l'on a un urgent besoin d'elle, c'est-à-dire quand elle règle une affaire au téléphone.

Insulte: Substance baveuse s'écoulant sporadiquement de la bouche des jeunes garçons ayant la plupart du temps des conséquences désagréables pour les autres. Généralement contagieuse et douloureuse.

Jouets: Généralement constituées de plastique, pièces pouvant aisément servir d'objets de chantage, de projectiles ou d'accessoire de jeu.

Lave-vaisselle: Appareil électro-ménager pratique et inoffensif, mais tout de même fui autant par ceux qui doivent y insérer de la vaisselle que par ceux qui doivent en sortir.

Lit de papa/maman: Asile que Bébé tente désespérément d'atteindre lorsqu'est évoqué le menaçant mot "dodo".

Manteau d'automne: Accessoire pénible et inutile imposé par maman "même quand il fait chaud". Polyvalent, il se transforme aisément en tapis en fin de journée.

Ordinateur: Exutoire permettant à tout membre de la famille de s'isoler de ses proches pour quérir un brin de divertissement.

Oui: Réponse attendue et espérée (parfois en vain) des parents (de même que des enfants) dans cette maison.

Panier à linge: Véhicule dans lequel les grands aiment promener le tout-petit, à son grand bonheur. Peut également servir de carapace de tortue pour quiconque de petite taille désire se promener dessous.

Plancher de la cuisine: Surface préalablement recouverte de céramique que l'on aime dissimuler sous les sacs d'école, parapluies, souliers, boîtes à lunch en rentrant de l'école, au grand dam de maman. Peut également aisément recueillir tout élément dont on souhaite disposer: collant identificateur de provenance de fruit, petit bout de plastique coupé de la pinte de lait, attache à pain, sable contenu dans les souliers que l'on s'apprête à enfiler, etc.

Plancher de la salle de bain: Surface préalablement recouverte de céramique que l'on aime couvrir d'un tapis de serviettes mouillées et de vêtements sales en sortant du bain de façon à éviter son contact froid.

Réfrigérateur (contenu): Électro-ménager béni pour faire taire les enfants pleurnicheux pour cause d'une critique sous-alimentation.

Suce: Instrument béni pour faire taire les petits pleurnicheux contestaires. Malheureusement, ne connaît pas de succès auprès des enfants de plus de deux ans.

Table de cuisine: Meuble multi-tâches pouvant servir autant à rouler de la pâte à tarte qu'à faire ses devoirs, manger ou dessiner.

Tapis d'entrée: Cible approximative où les enfants tentent de faire aterrir leurs souliers en rentrant.

Toilette: Invention fort utile dont l'utilisation est triplement réclamée après que les trois plus jeunes aient été bordés et que l'on croit naïvement ne plus les revoir avant le lendemain matin.

Voiture: Endroit mobile pour lequel on commence à se disputer les places de choix trente minutes avant de s'y retrouver. La banquette arrière de la voiture constitue le repère idéal pour écoeurer ses frères à l'abri des regards. Les sièges du milieu sont idéaux pour avoir la paix. En tenir compte dans le choix de sa place.

vendredi, octobre 12, 2007

Bouchées d'automne


Mais que donc nous prépare le chef, qu'on a laissé quelques minutes dans la salle à manger sans surveillance avec des ingrédients inusités?

Peu importe ce que c'est, la présentation est réussie. Ça semble une nouveauté. Oui, des entrées biscuits thé social et fleurs de chrysanthèmes d'automne, pour fins gourmets seulement, m'informe-t-il. Mieux vaut toujours goûter pour être sûr. Le chef se propose sans hésiter.



Le jeune chef a du goût. Si on se fie à l'odeur, ce sera un succès culinaire assuré!

jeudi, octobre 11, 2007

Codes

J'aime les codes sociaux courtois, les conventions de politesse implicites. J'apprécie le savoir-vivre et la galanterie, en personne comme au volant.

Je suis courtoise en voiture. J'aime faire un signe de la main pour remercier un conducteur qui m'a gentiment laissée passer, j'aime recevoir un signe de reconnaissance d'un automobiliste à qui j'ai cédé galamment le passage. Le savoir-vivre de certains de mes compères humains me fait chaud au coeur.

Je ne vois jamais leur visage. Une simple main levée à mon intention suffit pour me faire sourire.

Mes enfants me demandent parfois pourquoi j'ai fait un signe, comment l'autre conducteur a fait pour savoir que je voulais lui signifier quelque chose (un pneu dégonflé, une voiture de police qui fait du radar). La politesse au volant est un concept abstrait dont ils n'ont pas conscience de leur point de vue d'enfant.

Je pense à voix haute en voiture. Je beugle contre les zoins-zoins qui me coupent, omettent de mettre leurs clignotants ou dépassent le traffic sur l'accotement. À l'inverse, je passe des commentaires gratifiants à l'endroit des automobilistes gentils.

Devant mes monologues, mes enfants s'étonnent, questionnent (quand ils ne sont pas occupés à s'obstiner). Je leur explique alors les codes officieux, la galanterie.

Je serais fière que mes fils deviennent des gentlemen.

mardi, octobre 09, 2007

Le virus des ex

Je me suis souvent questionnée sur la nécessité pour nombre d'ex de se faire la guerre. Écouter des hommes, des femmes parler de leur ex avec mépris, surtout quand il y a des enfants en jeu me déprime au plus haut point. Parce que tant de rancœur, de rage et de susceptibilité comme de l’huile sur le malheureux feu qui finit par consumer autant les enfants que leurs belligérants de parents me donne envie de vomir.

Je suis, chaque fois, stupéfaite par la facilité et le désengagement avec lesquels nombre de personnes séparées rejettent de facto tout blâme actuel ou passé sur celui ou celle ayant partagé leur vie sans jamais assumer quelque responsabilité que ce soit.

Rarement ai-je entendu un homme séparé parler avec considération de celle qui fut son amoureuse et la mère de ses enfants. Rarement ai-je entendu une femme parler avec respect de l’homme qui demeurait père, comme si, une fois la séparation annoncée, les virus de l’intolérance, de la rancœur, du blasphème, du dénigrement, des jugements gratuits contaminaient chacun des nouveaux ex et annonçaient de ce fait une guerre en bonne et due forme.

Cela me désole et m’attriste profondément. D'abord pour le coeur des enfants, mais aussi pour celui de ces parents porteurs de fiel.

Responsabilités, argent, conséquences des décisions de l’un, tâches, vêtements, activités des enfants, horaires, méthodes d’éducation de l'autre, paroles dénigrantes à l’endroit de l’autre parent, tout devient le combustible idéal pour alimenter le feu de la guerre.

J'entretenais la certitude que mon défunt couple faisait exception à la règle, qu'il avait héroïquement échappé à l'agresseur invisible. Durant plusieurs années, ce fut réellement le cas, à ma grande fierté. J’avais l’impression que le père de mes aînés et moi étions de bonne foi, modérés et respectueux de l’autre et de ses façons de faire parfois différentes. J'avais l'impression que nous savions être coopératifs. J’avais l’impression que nos enfants pouvaient aisément aller de papa à maman sans se frotter à une amertume qui ne fut pas la leur et cela me rendait fière. La communication était convenable entre nous, je nous sentais un modèle d'harmonie post-séparation admirable.

Durant plusieurs années, je me suis réjouie que nous ayions une bonne entente. Nous nous sommes entraidés de plusieurs façons: j’ai fait preuve d’altruisme à son égard, il a fait preuve de compassion appuyée de gestes envers moi, nous avons su être généreux l’un envers l’autre de différentes manières.

J’avais foi en ma qualité d’ex. J’aimais me sentir juste, j’aimais entretenir cette impression que nous avions réussi à nous concentrer sur les enfants sans succomber au pernicieux besoin humain de tout démollir ce qu’il y eut derrière et qui s’appelait jadis notre vie conjugale. J’étais heureuse de n’avoir rien gardé d’amertume.

J’aimais jouir de ce sentiment de victoire sur le vilain virus des ex. Je me sentais forte d’avoir triomphé de lui -le virus. Nous avions survécu à quatre ans de séparation sans mesquinerie majeure, la menace du mal aurait donc dû être passée.

Puis, un jour, sans crier gare, je reçus une poche de fiel. Un train de fiel. C’était quelques mois après l’arrivée d’une amoureuse stable dans sa vie. Je suis alors devenue coupable de tous les problèmes de l’autre, la source de tous les maux, la sorcière, la porteuse de tous les chapeaux aux qualificatifs peu édifiants.

Désillusion. Ne jamais crier victoire trop vite. Pas d’immunisation contre ce fléau. Ma mère -femme avant-gardiste possédant un long carnet de route en la matière, m'a toujours dit que la relation que j'aurais avec mon ex serait teintée du type de femme qui partagerait sa nouvelle vie.

Mes actions passées, mes intentions présentes défilent et j’ignore toujours où se situe l’épicentre de tant d’amertume.

Je ne suis pas à l'aise d'entretenir une relation avec quelqu’un qui a déposé sur le dernier étage d’un édifice pacifique un étage de rancœur si dense qu’il semble annihiler la solidité et l'harmonie de tous les étages précédents.

Je sais simplement que toute discussion est perdue d’avance sur le terrain miné d’un sentiment injustifié de persécution. Un individu affecté du virus de l'ex ne voit qu’à travers les lunettes maudites de sa susceptibilité.

Aucune parole n’arrive à calmer ce genre de rancœur virtuelle. Impuissante, écouter sans rien rajouter puisque tout parole sera inévitablement perçue comme une agression, puisque toute parole sera réfutée avant même d’avoir été prononcée.

Désabusement.

Vendre

Tout-Doux s'est ennuyé "toute la journée". Il a regardé la télé, joué à l'ordi, joué aux Lego avec ses frères et il vient maintenant de terminer une partie de Monopoly avec Fils Aîné.

La journée s'annonce toutefois ratée puisque son meilleur ami ne peut pas jouer avec lui. À intervalles de quinze minutes, il vient me retrouver, se laisse tomber sur le lit où je lis, soupire bruyamment pour afficher son désespoir et finit par affirmer sur un ton plaintif: "J'ai rien à faire".

La quatrième fois, il se met à pleurer de sa profonde solitude pour le jour de son anniversaire. Aucune des occupations que je propose ne lui plaît parce qu'aucune ne fait apparaître magiquement son indisponible ami.

Je réussis héroïquement à poser mon livre-aimant et avec un semblant d'entrain, je lui propose de m'aider à préparer son gâteau. Il s'emballe, va chercher des livres de recettes, les feuillete. Notre choix commun s'arrête sur un gâteau au fromage.

Moi: "Je suis contente de voir que tu as trouvé quelque chose qui te ferait plaisir".

-En fait, j'ai réfléchi, et ce qui me ferait encore plus plaisir, ce serait qu'on aille manger au restaurant. Au Pizza Hut, par exemple.

-Hm-hm, ça te plairait bien, ça...

-Oui. Et puis, si on allait manger au restaurant, ça nous permettrait d'économiser la nourriture qu'on a à la maison. On pourrait la garder pour d'autres jours.

-Hm...

-Aussi, ça te permettrait d'économiser ton énergie si tu n'avais pas à préparer de souper.

-Hm, c'est vrai.

-Et aussi l'énergie de Grand-Homme...

Excellents arguments, mon grand garçon de huit ans, même s'il n'a pas conclu sa vente. J'espère qu'il ne fut pas trop déçu de mon excellent rôti de filet mignon à défaut de la très économique pizza proposée...

dimanche, octobre 07, 2007

Elle et moi

Durant vingt ans, nous avons été amies. D'authentiques et intenses meilleures amies. Une relation richement parsemée d'amitié-heurts.

Elle: Intense, impulsive, libre, exigeante, débrouillarde, inconséquente, séductrice acharnée, laissant sa vie guidée par ses coups de tête ("coups de coeur", m'aurait-elle corrigée), suivant fidèlement ses pulsions même si elles devaient lui coûter déloyauté envers ses amies ou lois -tacites ou pas- enfreintes. Son leitmotiv: les battements de cils, le besoin d'avoir tous ces yeux d'hommes rivés sur elle, l'ardent besoin de sentir qu'elle suscite désir et convoitise. De banals amusements, pour elle, tous ces couples brisés.

Généreuse, magnifique et pernicieuse, cette amie. Immorale à souhait, n'existait pour elle que les lois de ses plaisirs ou envies du moment. Une hédoniste avouée. Si j'avais été prise dans un quelconque imbroglio à l'autre bout du monde, c'est pourtant elle qui serait sautée la première dans un avion pour venir me sortir du pétrin farouchement armée de son principal atout: la séduction. Par amitié, par indéfectible loyauté.

Elle était particulière car elle possédait la fabuleuse faculté de traiter tous les humains équitablement: elle savait serrer dans ses bras de la même manière un étranger déprimé, ses copains du showbizz, mes enfants, ses amies, un Hell's croisé dans un bar avec lequel elle avait un peu rigolé, ses conquêtes, son chiro.

Avec elle, jamais d'interdit, que la volonté d'arriver à ses fins.

Moi: Stable, morale, réservée, posée, responsable, ambitieuse, audacieuse autrement, solide dans mes convictions, réfléchie. Moi, son port d'ancrage, son gage d'amitié, celle qui rédigeait à sa place ses devoirs d'anglais pour la sortir de l'embarras. Moi, sa stabilité, celle qui toujours écoutais ses aventures rocambolesques en souriant ou la mettant en garde contre les conséquences de son impétuosité.

Elle était ma folie, j'étais sa tempérance. Elle était l'aisance du corps, j'étais celle de l'esprit. J'étais le baromètre de sa conscience, elle était l'exutoire de ma vie rangée.

Ensemble, nous avons traversé les années: nous avons joué à la poupée, grimpé dans les arbres, parcouru la ville maintes fois à vélo, organisé des coups de téléphone, chanté à tue-tête et fumé nos premiers joints. Nous nous sommes protégées l'une et l'autre, nous nous sommes racontés nos amours, elle a trahit mes confidences, n'a pas respecté mon rythme, elle était insolente, je savais être pire, je l'ai détestée, elle m'a consolée, je l'ai ramassée à la petite cuillère après ses bêtises et maintes fois, nous nous sommes réconciliées.

Elle s'est parfois imposée, je l'ai accueillie en empiétant sur mon nécessaire espace personnel, je me suis détestée pour ma servilité, je me suis révoltée trop pacifiquement. Mille fois, nous nous sommes heurtées, mais jamais je n'ai serré une amie aussi intensément dans mes bras, jamais autre amie n'a compris aussi exactement les mots de mes silences.

Je n'ai jamais eu une relation humaine si houleuse qu'avec elle. Si je persistais dans cette amitié controversée, c'était parce que je n'avais jamais eu autant de plaisir qu'avec elle, ne m'étais jamais autant éclatée qu'avec elle, ne m'étais jamais décroché la mâchoire autant qu'avec elle. Jardin l'aurait qualifiée de pure double-rate.

Il fut un temps où il n'existait aucune pudeur entre nous. Elle a recueilli mes confidences comme nulle autre. Vous savez, ce genre de confidence que l'on tait généralement simplement parce que peu de gens bien-pensant peuvent les recevoir sans s'indigner.

Il était naturel et facile de parler avec elle. Comment aurait-il pu en être autrement? Avec elle, il n'y avait jamais de limites, surtout pas celles de la moralité et toute contrainte devenait un défi exaltant. Toutes les confidences étaient donc permises, sans jugement. Toujours, nous pouvions aller au fond d'un sujet, nommer l'innommable en toute fluidité. Que d'authentiques et profondes discussions nous avons eues!

S'il m'arrivait un truc étrange, un sentiment douteux, honteux ou incongru, c'est illico vers elle que je me tournais. Chaque fois, son inébranlable loyauté à moi m'attendait à bras ouverts.

Hier, en roulant vers un café pour aller faire honneur au lancement du livre de ma copine Émilie, je songeais à cette fameuse amie appartenant maintenant au passé. En voiture, nous aurions inévitablement chanté en duo et rit à gorge déployée de nos excès durant quelques mesures.

Je vis bien sans elle, j'ai accepté et solidifié ma propre part de folie. Peut-être assume-t-elle à présent une part de tempérance qui lui est propre? Si nous nous croisions, je l'inviterais probablement à aller prendre un verre. En souvenir du bon vieux temps où nous pouvions encore être compatibles sans trop nous heurter. Et peut-être aussi pour le partage de quelques confidences désormais en latence indéfinie.

Marie

Je n'ai pu résister. Si j'ai pu tenir tête à plusieurs livres traitant d'un aspect précis de la mort et de la vie qui en émane depuis que j'ai commencé à écrire le mien, j'ai succombé à celui-ci.

Étrange comme certaines situations peuvent nous être familières. J'ai été frappée, à la lecture de ce livre, par plusieurs similitudes avec mon propre drame en dépit du fait qu'il soit légitime de penser que toutes les morts d'enfants possèdent un dénominateur commun, que toutes les grandes souffrances sont liées entre elles.

Cette petite Marie est décédée aussi subitement que Thomas puis s'est retrouvée dans le même hôpital (d'accord, ce n'est toujours bien la faute de personne si nous habitons la même ville!). L'état décrit par l'auteur -le papa, au constat de la mort de son enfant, je le connais. Sa vision de la mort, de ce qu'il y a "après", elle est également mienne. Étonnamment, la ressemblance physique entre Marie et Thomas m'a fouettée.

Aussi, j'ai été soulagée: l'approche, le style de Christian Tétrault sont différents du mien (ce que je ne cesse de craindre).

C'est un livre tendre, beau, touchant à souhait.

Merci, ma très chère Momz.

samedi, octobre 06, 2007

Piège

Il est facile d'imaginer, une matinée comme celle-ci où Frédéric se bute aux portes des chambres de ses frères qui se ferment dès qu'ils l'aperçoivent et où il se laisse tomber par terre pour pleurer lamentablement son rejet que si Thomas avait été parmi nous, il aurait eu son compagnon de jeu.

Certes, pour cent raisons, Thomas n'aurait peut-être pas voulu jouer avec lui, mais c'est un réflexe que de les imaginer jouer harmonieusement ensemble, de penser que Thomas aurait été l'antidote idéal à l'ennui de son jeune frère, que tous les deux, ils auraient été attendrissants à voir. C'est un piège dans lequel je tombe librement.

vendredi, octobre 05, 2007

Bienfaits des longs trajets

Il est de ces semaines où être mère d'un ado qui sait tout, qui conteste tout, qui nie toute évidence, qui revendique TOUS les derniers mots me draine littéralement.

Heureusement, il existe des journées comme aujourd'hui où ledit ado est en congé et qu'on peut le traîner aisément (une fois qu'il a terminé de maugréer parce que son DS est confisqué, que son lecteur de mp3 est brisé et qu'il a une mère qui inflige des punitions exagérées) avec soi en voiture pour un long trajet. Sans frères, il devient plus difficile de narguer.

Seul motif pour rouspéter (ceci dit avec une profonde naïveté): la musique plate de sa mère.

Comment muscler la patience du fils? Lui imposer un cd et trois quarts avant de consentir à glisser le disque des niaiseries de François Pérusse qui fait tant son bonheur.

Pas énormément de dialogue, mais rire de nos numéros préférés respectifs dans des bulles qui s'effleurent, ça peut compter comme une complicité silencieuse, non?

***

Au bout du long trajet: mon père et ses beaux grands yeux lucides.

Il y a quelques semaines, ces mêmes yeux se voulaient vitreux, désireux de partir pour vrai, éteints, tristes, désespérés, souffrants. Cet après-midi, j'ai vu ces yeux clairs, posés, touchés de voir les siens, désireux de rentrer à la maison.

Je suis lucide et perspicace pour lire l'âme à travers les yeux. Ils me trahissent rarement.

J'ai aimé ce que j'y ai vu.

mercredi, octobre 03, 2007

Modestie

Tout-Doux, en mangeant ses biscuits: "Maman, moi je suis le meilleur de ma classe en mathématiques."

-Ah oui, c'est ton professeur qui t'a dit ça?

-Non, je le sais, c'est tout. En plus, je suis le plus rapide en lecture. Après moi, c'est Garven.

-C'est vrai que tu es un très bon lecteur!

-En plus, je suis le plus intelligent de ma classe.

-Ah oui?

-Oui, même que dans le cours de science, Simon m'a demandé comment je faisais pour être le plus intelligent.

-(...)

-Je lui ai expliqué: ça pousse.

-Ça pousse?

-Oui, plus je grandis, plus mon intelligence pousse.

-Aah!

Cet enfant possède incontestablement la modestie de sa mère.

mardi, octobre 02, 2007

Lièvres

À courir trop de lièvres à la fois, on n'en attrape aucun. C'est mon triste cas actuellement.

Faire des choix, prioriser, faire des concessions, je déteste. Je veux tout avoir, moi. Je sais, ce n'est pas réaliste. Mais qui donc a dit que j'étais une femme réaliste?

Gare au lion

Coco se plaint d'une douleur à la jonction de sa mâchoire et de ses oreilles.

Moi: "Ce sont tes ganglions qui sont un peu enflés".

Coco, hébété: "Maman! Pourquoi tu appelles ça des dents d'lion?"

Séance de relaxation

S'étendre sur un fauteuil confortablement incliné dans un silence impeccable. Respirer par le nez. Déléguer son bien-être à la dame en uniforme blanc. Prendre enfin le temps de s'arrêter. Jouir chaque fois de ce moment privilégié. Quel bonheur d'aller se détendre chez le dentiste!

lundi, octobre 01, 2007

Si j'avais de la patience


Depuis huit ans, chaque automne, je me jure que je ne m'y ferai plus prendre. Je parle de la folie des déguisements d'Halloween. Toujours à la dernière minute pour trouver des costumes, en emprunter, finir un ourlet avant le départ pour la cueillette des bonbons.

Du temps où mes enfants étaient dociles (!), malléables et sans trop de volonté, j'aurais voulu avoir la patience et le talent de coudre leurs costumes. Oh, j'ai bien cousu quelques capes (Dracula, chaperon rouge, mousquetaire), mais je n'ai jamais trouvé le courage et la patience d'apprendre à suivre un patron compliqué.

J'aurais voulu faire de mes fils les trois (puis quatre, puis cinq, puis six) mousquetaires. Ou encore les frères Dalton. Ou encore les jumelles Dionne (c'est vrai, aucune crédibilité). Tout ce que j'espérais, c'était un même costume reproduit plusieurs fois afin de me permettre de me perfectionner une fois à la confection des derniers costumes de la série (l'avantage d'avoir de nombreux enfants...impossible de se perfectionner avec 1,6 enfant!).

À présent, mes dociles mousquetaires ont grandit et ont pour leurs costumes des exigences qui dépassent largement mes compétences de couturière.

Je trouve dommage le lucratif marché de l'Halloween, la maudite culture des gens pressés (dont je fais partie) qui ne se donnent pas la peine de concevoir des costumes originaux.

Cette année encore, j'espère ne pas tomber dans le panneau de la dernière minute. Mieux, je me défends de dépenser pour des déguisements. Nous avons à la maison amplement de quoi concevoir des costumes fantaisistes sans dépenser.

Encore faudrait-il que je m'y mette immédiatement.

Débute la ronde


La ronde des anniversaires! En douze jours, la moitié de la famille y passe. C'est notre rush de gâteaux, de ballons, de cadeaux, de fêtes intimes, fêtes avec la famille, fêtes avec les amis. Intensément agréable, mais on arrive à la mi-octobre épuisés.

Ce week-end, nous recevrons nos familles pour célébrer toutes les fêtes de façon condensée. J'adore recevoir famille et amis -actuellement en de trop rares occasions.

Comme je suis chaque année désolée de ne manger de repas de Noël que durant les courtes festivités de la fin de l'an, j'ai décidé de remédier à la situation en préparant un repas de Noël pour l'occasion.

Je pourrais prétendre à un repas de l'Action de Grâce, mais qui célèbre réellement l'Action de Grâce au Québec? Ce n'est pas une tradition culturellement établie comme le Thanksgiving américain. Inutile, donc, de m'inventer un prétexte pour apprécier un tel repas.

Habituellement, ce sont les femmes des générations avant nous (mère, belle-mère, femme de mon père, tantes, grands-mères) qui cuisinent dindes, tourtières, ragoût, farce et cie.

Chères lectrices, bienheureux lecteurs, je vous informe humblement (mais somme toute fièrement) que pour la première fois de ma modeste vie, je ferai moi-même cuire une dinde de Noël et ses compagnons de table habituels pour mon très égoïste plaisir (et celui de mes invités, je l'espère)...en dépit de ma témérité insolente de m'approprier le savoir-faire respectable des mains des aïeules qui me précèdent.