samedi, mars 31, 2007

Fête d'enfant

Mon Grand-Charme a dû s'armer de patience pour qu'on célèbre enfin ses dix ans avec tous ses copains. C'était aujourd'hui que ça se passait. Dieu merci, c'est terminé!

Tout de même, c'est toujours attendrissant de les voir ensembles (on le réalise une fois que tout est terminé, qu'on est é-p-u-i-s-é-e et qu'on décompresse de l'organisation et de la cohue devant une agréable Stella).

***

Épisode attendrissant:

Les invités de Grand-Charme sont attendus pour 11h.

Grand-Charme est planté devant la fenêtre de la cuisine, Douceur devant celle de la salle à manger.

Grand-Charme donne ses directives à son frère: "Toi, tu surveilles la gauche. Lou devrait arriver par là. Moi, je m'occupe de la droite. Walid devrait arriver par la droite. On surveille les deux la rue en face. Riad, Antoine et Jonathan devraient arriver par le devant. Le premier qui voit une voiture arriver le dit à l'autre."

Douceur, zen -DAC!

Grand-Charme, sur le gros nerf -Tu as vu quelqu'un?

Douceur -Non.

Grand-Charme, faisant les cent pas -N'oublie pas de me le dire!

Douceur -Je sais.

Grand-Charme -Et là?

Douceur -(...)

Grand-Charme -Mamaaan! Il est 11h05 et j'ai juste deux amis d'arrivés!

Grande-Dame -Laisse-leur un peu de temps!

Grand-Charme -Je peux téléphoner chez eux?

Grande-Dame -Non. Ils arriveront dans les prochaines minutes.

Grand-Charme à Douceur -Rien à déclarer de ton côté?

Douceur -Non.

Grand-Charme, fébrile -Je suis tellement excité! J'adooore recevoir mes amis!

Je souris. Vraiment, personne n'avait remarqué.

***

Épisode touchant:

François, 10 ans (bon ami de Grand-Charme qui était ici le matin où j'ai trouvé Thomas mort dans son lit, qui était autant sous le choc que nous tous malgré son sourire permanent et qui était retourné chez lui seul avec son oreiller sous le bras en pleurant ce matin-là tandis que nous attendions l'ambulance. Depuis un an, il n'était pas revenu chez nous malgré son amitié pour Grand-Charme, trop traumatisé de cet épisode), attachant ses souliers: "Je vais aller dehors, j'ai besoin d'air!" (toujours souriant)

Grande-Dame -Ça va François, tu ne trouves pas ça trop difficile d'être ici?

Lui, souriant -Ça va Grande-Dame, je m'en suis remis.

Je lui souris.

Lui: "Tu sais ce que je me dis maintenant? C'est que Thomas, il est bien où il est."

Il me sourit, puis il part jouer.

Je suis contente qu'il ait vaincu sa crainte de revenir chez nous, qu'il ait été présent pour l'anniversaire de son ami.

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Épisode embarrassant:

Sept amis invités. Au menu: hot dogs + crudités. Dans la gang, un ami musulman. Avons donc prévu un menu spécifique pour lui. Oups. Zut, n'avons pas pensé qu'un autre ami était aussi musulman. On improvise un menu de dernière minute. L'ami semble embarrassé par sa position alors que les autres sont déjà à table, mais après un pense-vite des Grands, il réussit à manger en même temps que le reste de la gang.

***

Épisode étourdissant:

Douze enfants pleins de vitalité qui se coupent la parole-revendiquent ceci/cela-hurlent-courent-se bousculent dans un espace restreint. Mère exténuée qui regarde l'heure régulièrement en s'auto-implorant un tant soi peu de patience.

Et puis solution salvatrice: tout le monde dehors! Il fait tellement beau!

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Épisode satisfaisant:

Grand-Charme avec tous ses amis, attentionné à chacuns d'eux. Il est rassembleur mon Grand-Charme. Heureux d'avoir sa gang, il s'assure que personne n'est mis de côté, il remercie, partage, est sensible, possède un grand sens de la justice et séduit tout le monde par ses excès théâtraux.

Ou encore:

La gang excitée et débordante de joie pendant le cassage de la pinata.

C'est fou ce que frapper sur une simple boîte de carton remplie de glues et de bonbons peut susciter une grande cohésion.

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Épisode réconfortant:

Il est doux, pour une mère, de sentir son enfant aimé et apprécié de ses pairs. C'est le cas avec Grand-Charme: on réclame son amitié, on est fier de compter parmi ses amis. Il donne beaucoup de gentillesse, il récolte beaucoup d'amitiés.

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Épisode désolant:

Il me semble qu'il n'y a pas si longtemps encore, j'avais la force et l'énergie nécessaires pour assumer ces moments vraiment importants pour mes enfants. Snif...

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Je suis claquée.

jeudi, mars 29, 2007

Juste un Grand Vide

Il y a trois ans, mon Grand Homme avait décidé de mettre sa belle chemise bleue pour l'Occasion. Avec le lever du soleil, le 29 mars, je mettais au monde mon cinquième fils, le premier enfant de mon amoureux.

À peine à moitié sorti de moi, déjà, mon tout petit bébé cherchait son air pour pousser son premier cri. Nous attendions une seconde contraction pour le sortir en entier tandis qu'encore entre mes jambes, il manifestait à pleins poumons son entrée dans la vie.

Nous igniorions bien entendu lors de ce moment de grande félicité que notre enfant allait nous quitter moins de deux ans plus tard en nous laissant avec un Immense Chagrin.

Mon beau petit Canard aurait trois ans aujourd'hui. Un anniversaire sans bougies. Ç'aurait dû être joyeux, mais c'est une bien triste matinée et je n'ai aucune patience. Le genre de Vide qui veut vous avaler.

Un gâteau des anges aurait été de circonstance, mais Thomas en aurait nettement préféré un au chocolat.

Ainsi soit-il. Je ferai un gâteau au chocolat.

mercredi, mars 28, 2007

Catalyseurs d'humeur



En dépit des bancs de neige qui subsistent, crocus et jacinthes qui se pointent annoncent le printemps. Du velours pour le moral.

lundi, mars 26, 2007

Avis: les idées exprimées par mes enfants ne réflètent pas toujours les idées parentales

Je suis satisfaite: Fils Aîné, ces dernières semaines, s'est intéressé à la campagne électorale. Il a posé des questions, écouté attentivement les explications, amorcé des réflexions, émis des commentaires.

Il a même tenté quelques blagues réchauffées sur la toison bouclée de Charest (attendant tristement des réactions qui ne venaient pas). N'empêche, l'intérêt était là. Il reconnaît maintenant les principales figures politiques et je trouve cette fibre de curiosité fabuleuse chez un jeune de douze ans qui cherche à comprendre son monde, à développer son jugement et ses opinions.

Grand-Homme, Fils Aîné et moi sommes ce soir rivés sur le site de Radio-Canada à suivre avec consternation le dépouillement en direct des bureaux de vote. On synthétise pour Fils Aîné quelques lignes directrices des différents partis.

Voilà-t-y pas Grand-Charme qui arrive, tentant de comprendre la consternation conjugale devant l'avance de l'ADQ.

Fils Aîné, généreux, dresse pour son frère l'essentiel portrait de la situation: "Il faut que le PQ gagne sinon les Libéraux vont nous rajouter une heure d'école!"

Grand-Charme nous mentionne qu'il est souverainiste mais nous avoue qu'il ne sait pas trop quel est le parti qui nous mènera à cette souveraineté, tente d'y voir clair, est perdu devant l'écran débordant d'informations, de tableaux, de chiffres, de symboles: "Oh-oh, attends là! Qui est-ce qui représente le PQ?"

Réponse sans équivoque de Fils Aîné (en pointant du doigt le visage de Boisclair): "C'est lui, le fif qui prend de la coke!"

Glurp! On déraille! Oups! Rectification!

Petite discussion rectificatrice s'ensuit.

***

Toutefois, une chose me reste en tête: si mon fils partage aussi librement la radicalité de certaines idées/réflexions/préjugés à l'extérieur de la maison, tout portera à croire que mon enfant vit dans un milieu où l'on porte des jugements gratuits alors que je suis fière d'expliquer certaines choses avec justice et objectivité à mes enfants.

On ne porte pas atteinte à l'humain.

J'ai ma fierté. Et j'y tiens. Mais une fierté maternelle, c'est parfois...tellement précaire!

***

Tenez, prenez cette fois où je faisais une promenade avec mes enfants. Fils Aîné, alors âgé d'environ sept ans, me demande qui sont ces gens qui font du porte à porte. Je lui explique qu'il existe plusieurs croyances religieuses, que ces gens sont des Témoins de Jéhovah, que dans leur idéologie religieuse, ils doivent répandre "la bonne nouvelle" et parler de Dieu autour d'eux.

Il s'exclame alors haut et fort (assez pour que lesdits Témoins l'entendent): "Jésus, Jésus, JÉSUS! On a bien le droit de croire en qui on veut! Pourquoi chercher à nous influencer? Est-ce qu'on essaie de les convaincre de croire en Bouddha ou en Mahomet nous? NON! Eh bien qu'ils nous laissent tranquilles!"

État de la Grande-Dame: morte d'embarras.

***

Ou encore, les confidences racistes et innocentes de Douceur au début de sa maternelle: "Maman, moi, j'aime pas vraiment jouer avec des personnes qui sont brunes. C'est parce que le brun, je trouve pas ça très beau parce que ça ressemble à du caca. Pourtant, ce que je trouve bizarre, c'est que j'aime le chocolat et que lui aussi, il est brun."

***

J'ai bien sûr eu droit au chapitre embarrassant des caissières du supermarché avec Fils Aîné, qui tout-petit (3-4 ans), ressentait le profond besoin de les classer en deux catégories: les "belles" et les "pas belles".

Je lui expliquai à un certain moment que certains commentaires pouvaient faire de la peine aux gens, surtout si ce n'était pas des choses très agréables qu'il avait à dire. Je l'invitai donc à me partager ces commentaires "dans l'oreille".

Erreur de ma part, j'avais omis de spécifier "tout doucement", prenant pour acquis l'évidence de la chose.

Eh bien non, ce n'était pas évident. Ce jour-là, tous les clients de cette caisse -ainsi que la caissière elle-même, bien entendu-, eurent droit aux confidences de Fils Aîné en matière de beauté féminine. Pauvre caissière.

***

Bon, je relativise avec eux, on discute, je désamorce certains préjugés, les initie à la discrétion et/ou la diplomatie, mais reste que ce qui sort de leur bouche est indéniablement imprévisible.

Il leur faudrait ce petit étiquette fixé au cou comme quoi les idées émises par ces enfants ne réflètent pas nécessairement celles de leurs parents.

Une façon comme une autre de préserver ma fierté.

jeudi, mars 22, 2007

Intouchables zones

En vidant le lave-vaisselle hier soir, Grand-Charme (10 ans) me déclare tout bonnement: "Maman, j'ai hâte de partir de la maison et d'avoir mon appartement."

Grande-Dame -Ah oui? Pourquoi?

Grand-Charme, en haussant les épaules, comme si c'était évident -Pour avoir plus de liberté!

Grande-Dame -Oh!

Nous y avons tous rêvé, n'est-ce pas? Je me souviens des plats, casseroles, ustensiles, essuis-vaisselles et tout le bataclan qu'adolescente, je m'empressais d'aller acheter chaque fois que l'air de la maison familiale me devenait insupportable.

"Dans mon appartement, personne ne m'embêtera, je mettrai ce que je veux sur mes murs, je boufferai ce qui me plaît, je laverai toujours ma laitue parce que, hein, de la laitue pas lavée, c'est dégueu, je ferai brûler de l'encens et personne ne chiâlera sur l'odeur, la cigarette sera interdite, etc."

Et Dieu que j'ai apprécié ce premier appartement! Bon, d'accord, la liberté est une utopie salvatrice que tous les ados entretiennent et finalement, ce n'est pas si extatique de devoir être totalement autonome, mais ça goûte bon d'organiser un endroit qui nous ressemble et de l'assumer fièrement.

Ce dont je me suis rappelé, surtout, en discutant avec mon fils, c'est le bonheur de pouvoir avoir tout un espace inaltérable à soi. Vous savez, lorsque vous laissez vos clés sur le comptoir, eh bien vous avez la certitude qu'elles s'y trouveront encore lorsque vous déciderez de les récupérer?

Vous n'avez pas à vous soucier d'automatismes qui ne le sont pas encore, comme de ne pas laisser traîner votre livre à côté du bain parce que la marmaille qui splashe partout va inévitablement le mouiller, vous pouvez laisser traîner du chocolat sur votre bureau de travail sans que vingt-huit radars ne le détectent et que leurs propritétaires ne viennent vous faire l'éloge du partage que, pensant bien faire, vous leur aviez naïvement inculqué.

Vous pouvez marcher pieds nus sans écraser au passage six Cheerios sur le plancher et traîner les miettes dans toute la maison, vous pouvez laisser des crayons feutres sur le bureau sans retrouver le feutre grignoté le lendemain, il n'y a jamais de Légo dans votre imprimante, le tapis d'entrée est toujours propre et vos CD ne sont jamais égratignés, même si vous les avez laissés malencontreusement une inexcusable nuit hors de leur étui.

Peu à peu, cet espace inaltérable qu'était mon premier appart' (puis mon deuxième, et mon troisième, puis mon quatrième, puis ma maison) est devenu zone conjugale, puis familiale, puis collective. L'espace disponible est devenu inversement proportionnel à mon besoin de me préserver une intouchable zone.

J'ai un bambin de presque dix-huit mois. La zone jadis dite "familiale" pourrait donc à présent aisément être renommée zone "dévastée" en permanence.

Bien peu d'espaces (ou d'objets) intouchables à nous lorsqu'on est maman, de famille nombreuse de surcoît, dans une maison minuscule de sur-surcroît. Il faut donc trouver des éléments compensatoires.

Ma grand-mère, malgré son immense maison sur une magnifique terre de Valcourt, interdisait formellement à ses neufs enfants d'entrer dans sa chambre à coucher (règle qu'ils transgressaient avec bonheur dès qu'elle quittait la maison). C'était son domaine, son havre, sa zone réservée. Pour mon grand-père, c'était les petits bureaux de la maison et du garage.

Mes (trop peu nombreuses) zones compensatoires? Les cafés où je vais seule, mon portable (PAS TOUCHE!), notre salle des tortures conjugales (meuuuh voyons!!) et le plein air. Les montagnes. Même lorsque les enfants suivent, liberté absolue. Divin.

Et vous, vous avez des zones/éléments/contextes intouchables?

mercredi, mars 21, 2007

L'art de tirer profit d'un physique peu avantageux


Certains défis, comme l'art de s'accepter telle que l'on est, sont de tous les temps. Et certaines y arrivent mieux que d'autres. Voilà la conclusion que j'ai tirée en lisant la description physique que George Sand détaillait en toute humilité de sa propre personne.

"(...) J'étais fortement constituée, et, durant toute mon enfance, j'annonçais devoir être fort belle, promesse que je n'ai point tenue. Il y eut peut-être de ma faute, car l'âge où la beauté fleurit, je passais déjà les nuits à lire et à écrire. Étant fille de deux êtres d'une beauté parfaite, j'aurais dû ne pas dégénérer, et ma pauvre mère, qui estimait la beauté plus que tout, m'en faisait souvent de naïfs reproches. Pour moi, je ne pus jamais m'astreindre à soigner ma personne.

Se priver de travail pour avoir l'oeil frais, ne pas courir au soleil quand ce bon soleil de Dieu vous attire irrésistiblement, ne point marcher dans de bons gros sabots de peur de se déformer le cou-de-pied, porter des gants, c'est-à-dire renoncer à l'adresse et à la force de ses mains, se condamner à une éternelle gaucherie, à une éternelle débilité, ne jamais se fatiguer quand tout nous commande de ne point nous épargner, vivre enfin sous une cloche pour n'être ni hâlée, ni gercée, ni flétrie avant l'âge, voilà ce qu'il me fut toujours impossible d'observer. Ma grand-mère renchérissait encore sur les réprimandes de ma mère, et le chapitre des chapeaux et des gants fit le désespoir de mon enfance; mais, quoique je ne fusse pas volontairement rebelle, la contrainte ne put m'atteindre. Je n'eus qu'un instant de fraîcheur et jamais de beauté. Mes traits étaient cependant assez bien formés, mais je ne songeai jamais à leur donner la moindre expression. L'habitude contractée, presque dès le berceau, d'une rêverie dont il me serait impossible de me rendre compte à moi-même, me donna de bonne heure l'air bête. Je dis le mot tout net, parce que toute ma vie, dans l'enfance, au couvent, dans l'intimité de la famille, on me l'a dit de même, et qu'il faut bien que cela soit vrai.

Somme toute, avec des cheveux, des yeux, des dents et aucune difformité, je ne fus ni laide ni belle dans ma jeunesse, avantage que je considère comme sérieux à mon point de vue, car la laideur inspire des préventions dans un sens, la beauté dans un autre. On attend trop d'un extérieur brillant, on se méfie trop d'un extérieur qui repousse. Il vaut mieux avoir une bonne figure qui n'éblouit et n'effraye personne, et je m'en suis bien trouvée avec mes amis des deux sexes.

J'ai parlé de ma figure, afin de n'avoir plus du tout à en parler. Dans le récit de la vie d'une femme, ce chapitre, menaçant de se prolonger indéfiniment, pourrait effrayer le lecteur; je me suis conformée à l'usage, qui est de faire la description extérieure du personnage que l'on met en scène, et je l'ai fait dès le premier mot qui me concerne, afin de me débarrasser complètement de cette puérilité dans le tout le cours de mon récit; j'aurais peut-être pu ne pas m'en occuper du tout; j'ai consulté l'usage, et j'ai vu que des hommes très sérieux, en racontant leur vie, n'avaient pas cru devoir s'y soustraire. Il y aurait donc eu peut-être une apparence de prétention à ne pas payer cette petite dette à la curiosité souvent un peu niaise du lecteur."


Cette femme, dans toutes les tranches de vie qu'elle raconte dans l'Histoire de sa vie I, me fascine, me bouleverse et me confronte. Cette grande franchise livrée en toute humilité me touche. Ce n'est pas rien, s'admettre femme fort ordinaire sans laisser planer sur ses propos l'ombre de l'égo féminin (généralement plutôt puissant, non?).

Elle fut respectée de toute la gent intellectuelle de l'époque. Aurait-ce été le cas si elle avait été belle ou du moins, coquette? Aurait-elle eu cette force, cette audace pour l'époque?

mardi, mars 20, 2007

Mot de fin de soirée

Eh non, il n'est pas de moi.

Il s'agit plutôt d'une confidence profondément philosophique de ma Douceur de sept ans, mon doux Loulou en le bordant ce soir: "Maman, moi, des fois, j'oublie de manger et de boire tellement je suis concentré sur ce que je suis."

Penseur, va! Voilà exactement la graine des introspections complexes et incessantes de sa mère. Il n'a pas fini. Glurp.

lundi, mars 19, 2007

Puisque nous sommes dans le vif du sujet...

...des mitaines, je vais mettre à jour le penchant sadique que vous ne me connaissez pas.

Mise en situation: Un lundi matin. Un lundi matin FRETTE*, dis-je bien.

Les garçons fouillent dans le panier à mitaines. Grand-Charme trouve les siennes, Petit Caractère a oublié les siennes chez Papi et Douceur trouve deux de ses paires.

Solution maternelle? Pour les besoins de la cause, Douceur devra prêter ses mitaines bleues et blanches (plus petites) à son frère et enfiler les bleues (plus grandes). Logique!

Refus obstiné de Douceur. Petit Caractère et Douceur se courent après dans la cuisine en hurlant pour une fichue paire de mitaines!

Les nerfs à vif, je sépare les deux belligérants, réexplique la situation. J'ai horreur des chicanes de fratrie pour des niaiseries (particulièrement) lorsque je suis à moitié éveillée!

J'exige de Douceur obtempération qui ne vient pas.

Grand-Charme est prêt à partir, Petit Caractère, bien désolé de la situation malgré le petit air fendant qu'il a offert gracieusement à son frère contraint, a son sac sur le dos.

Et Douceur? Eh bien, intraitable, sac au dos et visage fermé, est debout à côté des mitaines bleues. "Je ne les enfilerai pas!" est étampé dans son doux visage.

Grande-Dame, tentant de retrouver un brin de patience, denrée extrêmement rare ces temps-ci -Loulou, tu dois mettre ces mitaines pour aujourd'hui. Elles sont trop grandes pour Petit Caractère.

Douceur, insulté du compromis que j'impose -OUIIII MAIS LES AUTRES SONT AUSSI À MOIII!

Grande-Dame -Oui, elles sont à toi, mais tu dois lui prêter.

Douceur -Oui mais...-

Grande-Dame, exaspérée des obstinations à n'en plus finir ce matin -Bon. Parfait.

Je l'embrasse, lui souhaite une bonne journée et le pousse vers la porte en lui disant qu'en se gelant les mains une journée comme aujourd'hui, il ne fera peut-être plus de cas d'orgueil sur la couleur des mitaines si la situation se reproduit.

La matinée passe et, toujours frustrée de son entêtement, j'espère cruellement qu'il se soit gelé les doigts en croulant sous les remords d'être si borné.

Puis, je vois l'heure du dîner approcher et je m'écroule: "Pauvre coco, il devra garder les mains dans ses manches durant toute la récréation!". Et ma raison insiste: "Ne culpabilise pas! Il n'aura pas de leçon si je cours à l'école porter dans son casier les mitaines bleues rejetées du revers de la main ce matin!"

Puis, dans ma tête, j'entends la voix des profs et des éducatrices du service de garde qui s'indignent à chaque réunion du conseil d'établissement du nombre d'enfants qui n'ont pas de mitaines, du nombre d'odieux parents qui laissent négligemment leurs enfants partir à l'école sans mitaines par une journée de -10 degrés!!! Ooooh mon Dieu!!!!

Ça y est, je fais partie des parents indignes de ce nom!

Prise de bec toute la journée entre mon désir d'inculquer une leçon raisonnable à mon fils et mes élans maternels qui craignent les petites mains glacées et le regard désapprobateur de l'école.

Ah, Misère!

*Pour mes lecteurs Européens: "Frette" = expression québécoise désignant une journée particulièrement froide

Ne pourraient-ils pas...


...être deux à perdre une paire de mitaines complète plutôt que quatre à perdre chacun une seule mitaine?

samedi, mars 17, 2007

Impudeur adolescente


Vendredi après-midi. Voilà un Fils Aîné joyeux qui rentre de l'école avec son meilleur ami.

Vous rédigez tranquillos (ou tentez de vous convaincre que).

Les deux ados laissent tomber leur sac sur le plancher, enlèvent leur manteau en rigolant.

La bonne humeur extrême de votre aîné est agréable à entendre. Vos souriez. Les deux ados s'en vont dans la chambre de Fils Aîné, où ils commencent à se chamailler, puis à se courir après dans la maison en brassant beaucoup, beaucoup d'air.

À plusieurs reprises, vous leur demandez de baisser leur volume.

Puis, l'horloge biologique de Fils Aîné, plus efficace que votre autorité, lui dicte de se calmer et d'aller à la salle de bain. Ce qu'il fait.

Or, dans votre humble demeure, la porte de la salle de bain est une porte française givrée. Donc par une implicite convention de politesse, on ne demeure pas planqué devant la porte lorsque quelqu'un d'autre s'y trouve.

Sauf pour l'ami de Fils Aîné. Leur amitié dépasse les conventions. Déféquer seul, c'est bien, mais à deux, c'est mieux. L'Ami reste donc devant la porte pendant dix minutes et ils discutent comme ils le feraient évachés côte à côte sur un divan.

Donc, disais-je, vous rédigez. C'est plus facile maintenant que le calme est revenu. Toutefois, vous ne pouvez vous empêcher de vous étonner de l'impudeur du contexte de leurs échanges.

Fils Aîné, assis sur la toilette -(...)TOUT LE MONDE RÊVE! Tu peux pas ne pas rêver!

Meilleur ami, nez collé sur la vitre de la porte (j'exagère à peine) -Je te dis que non! Depuis qu'on a mis un capteur de rêves dans la fenêtre de ma chambre, je-ne-rêve-plus.

Fils Aîné -C'est impossible, que je te dis...

Meilleur ami, enfin "libéré" du fardeau onirique -Et c'est bien tant mieux que je ne rêve plus! Je faisais toujours des cauchemars épouvantables, je me réveillais épuisé le matin!

Fils Aîné -Les rêves font partie du cycle normal du sommeil, tu en fais, c'est juste que -

Vous, interrompant ironiquement leur discussion -Écoute Fils Aîné, tu sembles avoir besoin d'un soutien amical dans tes activités, pourquoi n'ouvrirais-tu pas la porte de la salle de bain et n'inviterais-tu pas Meilleur Ami à s'asseoir sur la marche du bain. Comme ça, vous pourriez discuter autrement qu'en vous criant à travers la porte...

Meilleur Ami et Fils Aîné s'esclaffent. Fils Aîné s'indigne gaiement -Jamais! Je tiens bien trop à mon intimité!

Les deux s'esclaffent à nouveau, puis poursuivent.

Fils Aîné -Je te disais que tu rêves la nuit. La plupart des gens ne se souviennent pas de leurs rêves. Je t'assure que tu en fais.

Meilleur Ami, tanné de se justifier -Fils Aîné, je te dis que ce capteur de rêve m'empêche RÉELLEMENT de rêver! On n'est pas obligés de rêver. Moi, quand je me couche, je n'écoute pas la télé et je ne pense à rien. C'est pour ça que je ne rêve pas.

Fils Aîné -Les capteurs de rêves sont supposés te débarrasser uniquement des MAUVAIS rêves!

Meilleur Ami -Ben le mien, il me les a TOUS pris!

Vous, baveuse -Fils Aîné, t'es sûr que tu n'aimerais pas avoir une plus grande proximité de Meilleur Ami? Parfois, une petite tape sur l'épaule, c'est tellement encourageant!

Fils Aîné, indiscutable -Jamais, je te dis! Meilleur Ami, lui, après une partie de hockey, il prend sa douche avec un tas d'autres gars. Moi, ce n'est pas mon genre, je tiens à mon intimité.

Vous jetez un oeil à Meilleur Ami, un brin embarrassé, puis vous continuez de rédiger avec de moins en moins de concentration. Leur discussion vous intéresse et vous appréciez les arguments dont chacuns s'arment pour appuyer ses idées.

Vous les écoutez distraitement, puis au bout de dix minutes d'intense débat, Fils Aîné, vainqueur, sort de la salle de bain et reprend la course après son ami. Les deux se remettent à rigoler.

Néo-générationnel? Typiquement masculin? Vous avez beau chercher, vous ne vous rappelez pas avoir entretenu une amitié ou même un amour aussi "intime".

Chers garçons! C'est bien comme ça qu'on les aime, non?

mercredi, mars 14, 2007

Mots d'enfant II

Fils Aîné, mangeant son gâteau -Maman, je connais une fille qui se trouve grosse même quand elle s'aspire les joues par en-dedans. Pourtant, elle est maigre!

Grand-Charme -HEIIIN?? Est-ce qu'elle est...C'est quoi déjà, maman, le mot pour dire qu'on est maigre mais qu'on se trouve trop gros et qu'on arrête de manger?

Grande-Dame -Anorexique.

Grand-Charme -C'est ça!

Fils Aîné, fronçant les sourcils -Euh, non. Je crois pas qu'elle se fasse vomir.

Grande-Dame, rectifiant -Quand on se fait vomir, c'est plutôt de la boulimie.

Fils Aîné -Ah oui, c'est vrai! Il y a l'anorexie ET la boulimie.

Douceur, de l'autre bout de la cuisine -Il y a autre chose aussi! Il y a...Euh...Ben... Maman, comment ça s'appelle déjà quand on ne doit pas manger pour aller passer un test à la clinique?

Grande-Dame -Être à jeûn?

Douceur, sur son ton "eureka" -OUI! C'est ça! On peut être anorexique, boulimique ou à jeûn.

***

Langage inné ou acquis?

Grand-Charme, jonglant avec de grandes questions existentielles -Maman? Si on adoptait un bébé Français, est-ce que quand il commencerait à parler, il parlerait avec un accent français ou comme nous?

***

Entre "creux" et "creux"

Grand-Charme, vers cinq ans: "Maman, est-ce qu'il y a des dépanneurs en Abitibi?"

Le supplice du quinze minutes

En arrivant à la maison après avoir été chercher Bébé à la garderie et les trois autres à l'école, quotidiennement, chaotique topo: les trois "moyens" se bousculent dans l'entrée, les bottes revolent, les boîtes à lunch également, les manteaux sont approximativement accrochés et les salopettes d'hiver s'empilent sur le plancher.

Comme je suis souvent la dernière entrée parce que je dois sortir Bébé de son siège d'auto, j'entre dans le fouillis total de mes prédécesseurs.

Ils sont là, tous les trois, debout au milieu de leur bordel "correctement" ramassé (dans leur tête).

De pied ferme, ils m'attendent.

À peine la porte entrouverte, ils se ruent sur moi et m'affligent de questions étourdissantes à la manière des journalistes en conférence de presse après la déclaration percutante d'un politicien.

Douceur -Maman, je peux jouer à-

Grand-Charme -J'PEUXJOUERÀL'ORDI?

Douceur, insulté -l'ordi? HEY! JE L'AI DEMANDÉ AVANT!

Grand-Charme -J'aiétéplusvitequetoi!

Petit Caractère, mielleux tandis que les deux autres s'obstinent -Mamaaaan, huuuummmm, (flattant mon bras supportant toujours le poids de mon sac, du sac d'épicerie et du bébé pas encore déposé) je peux jouer à l'ordi?

Grand Homme, impératif -Les gars! Faites de la place!

Grande-Dame, étourdie, avec une voix qu'elle croit ferme -Lâchez-moi avec l'ordi, je ne suis même pas déshabillée!

Je dépose -enfin- Bébé. Puis les sacs.

Douceur -Mamaaaan! Je peux prendre des biscottes?

Petit Caractère, vidant son sac d'école et avançant vers moi pour me tendre un papier HYPER IMPORTANT -Je peux prendre une pomme? Ou un morceau de fromage?

Grande-Dame, impatiente -Ne me demandez rien avant QUINZE minutes! Laissez-moi me déshabiller, je vais ensuite défaire les sacs et vous préparer une collation et pour l'ordi, pour l'instant, c'est NON.

Petit Caractère, me tendant ce fameux papier HYPER-IMPORTANT-QUE-LE-PROFESSEUR-A-DEMANDÉ-DE-ME-DONNER C'EST-POUR-AVERTIR-QUE-TU-DOIS-TOUJOURS-ÉCRIRE-MON-NOM-SUR-LE-PLAT-DE-MON-LUNCH-POUR NE-PAS-LE-MÉLANGER-AVEC-CELUI-DES-AMIS tandis que je cours après Bébé pour le déshabiller en tentant d'enlever moi-même mes bottes et mon foulard -Mamaaaan...hummmm...est-ce que ça fait quinze minutes? Heiiiiin? (regard suppliant de petit chien battu)

Grande-Dame, venant tout juste d'attraper par le capuchon Bébé qui tente d'échapper à la torture de se faire déshabiller -Non, ça ne fait pas quinze minutes. Accroche ton manteau, vide et range ta boîte à lunch, va jouer, va écouter la télé, fais quelque chose ailleurs mais laisse-moi respirer MON air pour les quinze prochaines minutes. Je te le dirai lorsque la collation sera prête.

Je déshabille enfin la Bête tandis que Petit Caractère insiste -Je peux t'aider pour la collation?

Grande-Dame, fatiguée, soupirante et tentant d'enterrer le vacarme de Bébé qui hurle -Non. Va jouer.

Petit Caractère, mielleux -Pourquoi?

Grande-Dame -VA JOUER!!!!

Petit Caractère -Ouiii maiiiis mamaaaan...

Je ferme les yeux, répète mon mantra dans ma tête: "Respiiiire... Ne-pas-songer-à-enfermer-un-enfant-dans-un-garde-robe-insonorisé-et-capitonné... Respiiiiiiire... Ne-pas-songer-à-enfermer-un-enfant-dans-un-garde-robe-insonorisé-et-capitonné...Respiiire..."

Petit Caractère, tirant sur ma manche -Maman?

Bébé est parti gambader, je me lève, saisis Petit Caractère qui comprend qu'il a dépassé mes bornes, le descends dans sa chambre en ignorant son pleurnichage et referme la porte derrière moi.

En remontant, je l'entends hurler: "Mamaaan? Est-ce que ça faiiit quiiiinze minuuuutes??"

En haut de l'escalier, je soupire. Trois secondes de silence apparent. Quel délice. Que j'apprécie le silence!

Je croise Grand-Charme dans le couloir, bien concentré. Il répète, lui aussi, son mantra: "Nepasdérangermaman... nepascéderàlatentationdeluidemanderpourjoueràl'ordi... nepasdérangermaman... nepascéderàlatentationdeluidemanderpourjoueràl'ordi....."

Brave garçon.

Douceur revient à la charge en soupirant -Maman (haussement d'épaule). J'm'ennuiiiiie! J'ai riiiien à faiiiire! Je sais que je dois pas te déranger avant quinze minutes, mais (soupir) c'est difficile!"

J'offre un soupir en guise de réponse. Mais pourquoi se fie-t-on toujours à moi pour trouver des solutions au désennui? Pourquoi, surtout, me laisse-t-on toujours sous-entendre que l'ordinateur est le seul objet de désennui dans cette maison?

J'enlève mon manteau et la botte restante et m'asseois sur le plancher de la cuisine, appréciant le divin bonheur du silence sur ma céramique sale.

Douceur revient avec ses gants blancs -Quand est-ce que la collation va être prête?

Petit Caractère, du fin fond de la maison -Est-ce que ça faiiiit quiiiinze minuuuutes? Est-ce que je peux sortiiiir de ma chaaambre?

Un-deux-trois, je m'auto-botte le derrière pour préparer la salvatrice collation et j'appelle les garçons. Repus, ils sont généralement plus silencieux...quoique ces braves petits mousquetaires savent toujours m'étonner!

J'autorise Grand-Charme à jouer à l'ordi. Les deux autres se mettent à pleurnicher sous prétexte "qu'ils l'avaient demandé en premier". Après le choc de "l'injustice" passé, ils se planquent derrière leur frère pour le regarder jouer.

Préparer le repas dans le calme, quel bonheur!

***

En phase exploratoire pour trouver un fonctionnement plus harmonieux, j'ai découvert récemment une méthode pour pallier aux lacunes du "quinze minutes" de paix réclamé en rentrant.

"Quinze minutes" étant un concept trop abstrait pour mes "deux du milieux", âgés de cinq et sept ans, dorénavant, l'indicateur par excellence est le port du manteau: interdiction formelle de me demander quoi que ce soit si j'ai encore mon manteau sur le dos.

Si, par mégarde, l'un d'entre eux s'échappe, j'appelle à l'observation -Est-ce que j'ai encore mon manteau? Oui? Alors tu patientes!

Grand-Charme, théâtral, découvrit il y a quelques semaines les vertus de la galanterie. Se tenant droit et fier derrière moi et empruntant un chic accent Français, il me suivait au pas en faisant le geste d'un courtois valet désirant aimablement m'aider à me dévêtir (solennel): "Madame! Votre manteau, je vous prie."

Charmée, je ne pouvais résister à son gentlemanisme alors, triomphant, il gagnait le droit de me bombarder de demandes...et je retombais dans le même panneau d'intense harcèlement pré-repas. Alerte: PIÈGE!!!!

Petit Caractère, quant à lui, ne savait pas faire la différence entre un "vrai" manteau d'hiver et un veston. Je gagnais donc quelques minutes si je portais un veston de tailleur sous mon manteau. Cela n'empêchait pas qu'il me collait aux fesses dans la maison pour être sûr d'être le premier à formuler sa demande au moment où je retirerais ma veste. Évidemment, une fois la différence observée, j'ai encore perdu de précieuses minutes de paix.

J'ai développé, hier soir, une nouvelle astuce: je garde carrément mon manteau. Épuisée de ma folle journée, en fin d'après-midi, je m'étendis sur le divan en quête de quelques minutes de répit avant de débuter la préparation du repas.

Mes mousquetaires me tournaient autour comme des mouches autour d'une poubelle hommes autour d'une jolie femme, guettant LE moment tant attendu du retrait du manteau.

Petit Caractère, rongeant son frein, développa donc aussi une nouvelle astuce (loi de la sélection naturelle: adapte-toi ou crève). Après environ sept interminables minutes d'attente, il vint s'accroupir près du divan où je tentais de rassembler mes énergies pour la préparation du repas.

Langoureusement, avec son sourire enjôleur en me flattant l'épaule: "Ma belle maman, aimerais-tu que je te caresse le dos?"

Méfiante, je le toisai longuement. Il tenta de garder son sérieux.

Grande-Dame -Je te vois venir, petit fûté.

Petit Caractère, de bonne foi -Oh non maman, ce n'est pas ce que tu penses...

Je le regardai sans rien dire et il prit mon silence comme une approbation. Lentement, il retira un de mes bras d'une manche de manteau. Je ne le repoussai pas. Petit victoire pour lui.

Doucement, il commença à me flatter l'épaule, puis le dos en se penchant vers moi: "Est-ce que mes caresses te font du bien? (grand sourire)

Grande-Dame, affirmative, le toisant toujours -MmmmMmm.

Petit Caractère Futé -Aimerais-tu que je caresse aussi ton autre épaule?

Ainsi, en me prenant par les sentiments, il m'a eue à l'usure.

Honteusement, je l'avoue, j'ai cédé.

lundi, mars 12, 2007

Indicateurs de chagrin?

J'ai passé une agréable soirée samedi dans les Cantons de l'Est. Après le copieux repas de la femme de mon père, les enfants et mon père au lit, fidèles à nos rituels, nous sortons la bouteille d'Amarula, tamisons les lumières et nous livrons des confidences sur la table du salon.

Plus souvent qu'autrement, nous parlons de Thomas. Souvenirs, manques, moments durs, moments tendres, regrets de tout ce qu'il ne sera pas, fardeau émotif, ressemblances avec Bébé, symboles. De précieux moments.

Marianne, petite Allemande dynamique au coeur "grand comme ça", a perdu son mari d'un cancer des sinus alors qu'il était âgé de 27 ans. Leur fils n'avait que dix-sept mois et nous parlons souvent de cette période qui fut très dure pour elle.

Elle me dit ce week-end: "Je ne veux pas te décourager ma grande, mais moi, c'est la deuxième année que j'ai trouvée la plus dure: tous nos proches nous voient sourire, rigoler, fonctionner alors ils croient qu'on est guéries. Rassurés, ils s'éloignent ou n'en parlent plus alors on doit affronter la suite seule. Même si ça fait encore mal."

Mais qu'est-ce? Une constante? Un standard? Un diktat relationnel? Une exception? Brrr!

Je l'admets, cela m'a terrifiée. Parce que je ne vois pas le jour où j'arrêterai d'avoir besoin de parler de Thomas. Et que je souhaiterais que mes proches aient aussi toujours ce besoin, ou du moins cette écoute et cette sollicitude qu'elle n'a plus reçues après la première année. Je ne veux tellement pas que le temps le fasse pâlir dans la mémoire collective! Et c'est pourtant, inévitablement, ce qui finira par arriver, du moins pour les moins proches -et ce sera naturel.

Je conceptualise bien ce que Marianne m'expliquait pour l'impression des proches. J'ai évidemment beaucoup, beaucoup parlé de la mort de Thomas depuis un an. La plupart du temps, d'une façon très "déconnectée" de moi-même. Très lucide, transparente, honnête, mais déconnectée. Je peux aisément dire "il me manque douloureusement" ou "j'ai perdu un fils" sans m'effondrer, presque sans sentiments apparents. Parce que je suis pudique des larmes. (Et que le temps apaise, et parfois amplifie, puis apaise. Notre psy avait comparé le deuil à la houle et dans le concret, c'est tout à fait ça.)

L'impression que je laisse est peut-être alors un détachement ou une douce sérénité. Et peut-être que momentanément, c'est le cas. Si je le savais! C'est tellement complexe le deuil!

Une de mes tantes m'a dit l'été dernier lorsque j'amorçais le sujet de Thomas: "Tu sais Grande-Dame, tu as perdu un enfant et...ah puis non laisse faire, je ne veux pas te remuer, ça doit être trop dur pour toi" et elle a détourné le regard pour camoufler ses yeux humides.

Je lui répondis: "Oh non ma tante, ça me fait tellement de bien de parler de lui! Dis-moi ce que tu voulais me dire!". Et elle a parlé. Et nous avons parlé. Et elle me parla du fils de son cousin qui était décédé d'une méningite à 22 mois en me disant que le père en avait été TRÈS ébranlé mais que la mère, elle (haussement d'épaule), l'avait mieux pris parce qu'elle n'avait pas été dévastée par les larmes lors des funérailles.

Ses propos m'avaient beaucoup déçue/blessée/heurtée, d'autant plus que je n'avais pas versé une larme aux funérailles de mon propre fils. Apparemment solide comme un roc. Ou alors solidement révoltée. Ou alors résolue à en finir avec cette solennelle journée. Ou alors gelée par une espèce de drogue naturelle visant à empêcher les mères amputées de sombrer. Le coeur dans le formol.

J'ai tenté de me souvenir de ma conception de la mort d'un enfant avant d'en perdre un moi-même. J'entretenais le joli préjugé qu'une mère était nécessairement toujours au bras de quelqu'un pour supporter le poids de son propre corps, que, trop remuée pour parler, elle avait un proche bienveillant pour lui servir de voix et qu'elle pleurait à chaudes larmes de façon ininterrompue, très centrée sur elle-même.

Mais qui a décrété que l'intensité de la douleur se mesurait à la quantité de larmes versées? À la capacité de se tenir debout? À la capacité de s'exprimer?

Je répondis donc à mon interlocutrice: "Oh non ma tante! C'est là que tu te trompes! Il ne faut tellement pas te fier à ce que tu vois, ce n'est tellement pas un bon indicateur! Cette femme était probablement, comme je le suis encore (à ce moment) en état de choc et son chagrin, elle le vit intensément loin de ton regard.".

Et ma vieille tante -avec qui je commence tout juste à ne plus m'obstiner chaque fois que je la vois- avait été étonnée de mon commentaire. Comme si elle envisageait s'être peut-être trompée sur l'évaluation du chagrin de la mère du petit.

Mon père me passait un commentaire semblable sur l'une des deux filles du policier tué à Laval la semaine dernière et dont il avait regardé les funérailles à la télé :"Une des filles semblait vraiment ébranlée mais l'autre...pas vraiment. C'est comme si ça ne lui faisait rien".

Encore une fois, je devins l'ardente défenderesse des endeuillés accusés de n'avoir pas suffisamment de chagrin. Cela me révolte qu'on puisse penser, de l'extérieur, pouvoir mesurer un chagrin d'après les apparences. C'est mon allergie aux jugements gratuits. Je n'aime pas qu'on présume.

Na!

mardi, mars 06, 2007

Condo de gars sans enfants, partie 1


J'ai souvent soupiré devant l'insécurité matérielle de mon grand frère sans enfants lorsque je me pointais dans son super loft branché avec ma progéniture.

Les jouets autorisés devaient être sans danger pour son immaculé plancher de bois, les enfants devaient obligatoirement se tenir loin de ses innombrables rack à vin (contenant toujours des bouteilles de plus de 20$), ne pas courir après sa vaniteuse et paranoïaque chatte himalayenne, faire attention à ceci, ne même pas songer à approcher cela, etc.

À chaque visite, derrière son allure in et très décontractée et sa coupe de vin hors de prix, mon frère jetait discrètement et régulièrement un regard sur ses neveux de façon à s'assurer de la pérénnité des meubles parfaitement assortis de son grand et luxueux condo d'un "contrôle parental sur ces turbulents gamins".

J'observais sa panique intérieure déborder et je souriais. Mes enfants, je les avais à l'oeil. Quand on est mère, on sait sans savoir, on voit sans regarder, on n'a même plus l'air de les surveiller; c'est devenu un automatisme transparent. Mais ça, on ne l'intègre que quand on a nous-même des enfants.

Un jour, alors qu'il voulait préparer un "surprise party" pour son Isabelle, il me demanda de me pointer à l'avance dans son loft pour préparer le gâteau. Ce que je fis avec joie. J'emmenai donc mon stock: ingrédients pour le gâteau, crème fraîche, cadeau et, inévitablement, diantre, mes enfants.

Pour m'assurer que mes marmots soient minimalement sages, je pris soin d'apporter un film. Vie de Bestioles. Cela me donnerait la latitude nécessaire pour remplir mon mandat. J'enlevai donc la cassette non identifiée de mon frère du vidéo, la déposai sur le meuble, y insérai Vie de Bestioles et la reculai.

Tandis que la cassette reculait, j'allai préparer la crème fouettée. Mes garçons étaient calmes et je battais. Et la crème commençait à prendre. Et mes garçons étaient silencieux. Et je battais. Et le son du batteur électrique couvrait tout autre bruit. Et mes garçons étaient silencieux. Et c'était suspect. Trop suspect. Je levai les yeux. Et je vis.

Je me mis à courir pour traverser le grand loft et arriver à toute allure à la télé. Fils Aîné, alors âgé de sept ans, était figé devant l'écran, immobile, bouche béante et yeux déconfit devant ce qu'il voyait. C'était la première fois qu'il se trouvait face à une jolie demoiselle qui tenait dans chacune de ses actives mains un phallus au bout duquel se trouvait un homme qui avait l'air très heureux et/ou souffrant d'une souffrance agréable.

Je me plaçai entre l'écran et lui pour m'improviser "obstacle" tandis que je cherchais la BONNE télécommande parmi les quatre qui trônaient sur la table de son coin salon.

Je réussis à éteindre la télé et poussai un grand soupir de soulagement. Et je vis le Vie de Bestioles sur le vidéo et compris que Fils Aîné, pensant bien faire, avait voulu insérer ce qu'il croyait être sa cassette.

Deux jours plus tard, alors que nous revenions de Québec, qu'il était très tard et que nous croyions tous les garçons endormis, une voix timide sur la dernière banquette de la van demanda: "Maman? Pourquoi la Madame tenait DEUX pénis dans ses mains? Les monsieurs, ils étaient pas gênés de montrer leur pénis comme ça à la télé? Parce que moi, ça me rendrait mal à l'aise..."

Ouch. Voilà pourquoi il faut toujours, toujours écouter mononcle Luc et ne jamais rien toucher dans son grand appartement.

dimanche, mars 04, 2007

Calvaire capillaire

Si nous avons vécu ces deux derniers jours d'étranges moments remplis de douloureux flash-back, d'autres sont aux prises avec des préoccupations d'un autre ordre...tout aussi perturbant.

Je fais précisément référence à ma Douceur de sept ans, qui vit actuellement un grave calvaire capillaire.

Misère! Il est maintenant TONSURÉ! Bon, d'accord, une tonsure frontale, mais tout de même! C'est d'une horreur indescriptible. Son père s'en est bien confessé en venant me conduire les garçons cet après-midi pour la Livraison Céleste des ballons d'Amour à Thomas.

"Problème de clipper", qu'il a justifié. C'était assez difficile d'imaginer que quelqu'un ait un sortilège pire que le mien pour les cheveux infantiles (selon certaines langues sales).

Ça a inévitablement eu pour effet de faire ressortir mon indéniable talent en coiffure, croyez bien.

Le fils est maintenant condamné à assumer la gaffe du père. Et ledit fils...ah ce fils...il faut voir ses belles boucles châtaines lorsqu'il sort du bain pour comprendre l'ampleur de la bêtise!!

UNE TONSURE!!!!

Il faut simplement espérer que les cheveux profitent de la relâche scolaire pour repousser à toute allure. Je crispe le visage à l'idée d'envoyer un enfant aussi "stylé", pour emprunter l'euphémisme réconfortant de Grand-Charme, à l'école.

Humiliation Suprême. Traumatisme scolaire à vie. Pour lui. Et pour les autres.

Comment survivre à ça?

Le choc serait-il amoindri si je l'envoyais à l'école en robe monastique pour le prochain mois?

Pourrais-je demander un accomodement raisonnable afin qu'il porte tuque, casquette ou salvateur turban en classe? Et si j'invoquais des motifs d'estime personnel?

Quel calvaire, calvaire, ca-aal-vaaaaaaiiiiiire!!!!

Douceur a avisé son père qu'il ne voulait plus jamais qu'il lui touche les cheveux... Je vais me réapproprier cette responsabilité je pense...

samedi, mars 03, 2007

Scellée


C'est ce que sera ce soir la première année sans notre Thomas.

Un cycle complet. Certains disent que la première année est la plus difficile. Passer à travers toutes les premières fois. C'est vrai, j'ose dire, malgré mon inexpérience en la matière. Ça n'efface pas le manque les années suivantes, mais on reste en terrain connu parce qu'on a goûté au cycle complet. Je me trompe peut-être, remarquez, je suis encore tellement novice!

Il y aura un an ce soir que je berçais mon petit homme en discutant avec mon amoureux et qu'il -le petit Canard- s'endormait dans mes bras, complètement abandonné, pour ne plus jamais se réveiller. J'aime penser que c'est un souvenir parfait pour lui, pour moi, ce dernier contact. Je suis heureuse que son dernier souvenir soit les bras de maman. Ça doit être atroce de perdre quelqu'un sur une mauvaise note sans jamais avoir la possibilité de réparer.

J'aime beaucoup cette photo, prise par sa marraine une quinzaine d'heures avant son départ. C'est un peu comme s'il savait et qu'il nous disait "aurevoir".

vendredi, mars 02, 2007

Tempête


Cinq enfants à la maison. Par choix, parce qu'une drôle de commission scolaire a décidé de ne pas fermer.

Télé, jeux d'ordi, jeux de société, pleurnichage, rapportage à toutes les deux minutes, obstination, insultes, bébé insatiable (rebaptisé affectueusement Estomac...très agréable à l'oreille! :-) ) qui revendique SANS ARRÊT de la bouffe, dîner, enfants qui coupent la parole, qui se et me harcèlent pour des niaiseries, la fratrie ne se peut plus d'insultes, mère qui pogne les nerfs: tout le monde dehors.

***

Silence jouissif. Pour vingt minutes avant le premier rapportage. "Redites-moi donc lequel a lancé de la neige le premier déjà? Ce genre de détail m'intéresse tellement!"

***

Entendu une jolie expression de Douceur à Petit Caractère, qui venait de cesser subitement la partie de Stratégo pour se précipiter vers la chambre:

(avec autorité): "Par la colère des Dieux, va pas chercher des Légo qui sont à moi!"

Je m'exclaffe et lui demande d'où lui vient cette expression. Il hausse les épaules: "J'suis habitué à dire ça. Ça vient de ma tête. À l'école, mon ami Markhly dit "Dieu du ciel!". Moi je préfère dire "Par la colère des Dieux. C'est plus beau. Ça me fait penser à une BD d'Astérix".

Charmant. J'aime les expressions qui sortent de l'ordinaire.

***

QUIZZ-ÉCLAIR Testez vos connaissances!

Quelle solution trouve un jeune adolescent de douze ans frustré de devoir se rhabiller pour la quatrième fois parce que sa mère ("qui le prend pour son esclave") le renvoie pelleter l'allée COMME DU MONDE ("COMME DU MONDE" désignant AUSSI le banc de neige laissé par la charrue)?

a) Retrousse ses manches et en brave garçon qui a le coeur à l'ouvrage, PELLETE avec un enthousiaste "Tout pour te rendre service, ma si merveilleuse maman!"!!!

b) Bullshite un de ses petits frères en lui déclarant avec désinvolture que c'est dommage que ça ne lui tente pas de pelleter car maman offre 5$ à celui qui abattra le boulot

c) Se pousse en douce chez un ami, persuadé de passer inaperçu en prenant soin d'effacer au fur et à mesure ses traces dans la neige

d) Rentre en claquant la porte en prenant soin d'amener son air bête avec lui et en revendiquant la chaudière grise, que vous lui apportez gentiment en lui soulignant qu'il serait surpris de voir le taux de coopération augmenter dans son entourage s'il demandait les choses avec un ton agréable. Il maugrée quelque chose d'inaudible, puis remplit ladite chaudière d'eau chaude (ce qu'il fera à quatre reprises), résolu à faire fondre le banc de neige laissé par la charrue. Ben quoi?? Il est écoeuré de pelleter!!

Bonne réponse à l'endos.

Euh... Je voulais dire...

.....D

***

Tactique d'une mère pour s'offrir le plaisir d'avoir sa fille et son gendre pour souper: les prendre par les sentiments en les invitant au Bâton Rouge sur son bras (d'où ladite fille sort exténuée par un bébé incapable de rester en place et qui veut toucher à tout).

***

Fin de soirée: un sac cadeau au contenu raffiné de ma maman. Une jupe tellement gracieuse que j'ignore quand je pourrai la porter, un recueil de nouvelles de Suzanne Myre, que j'apprécie, un collier vraiment élégant, une veste très belle et...et...et....un quelque chose qui m'a fait sourire tendrement: une flamboyante robe rouge d'une classe incroyable...mais...mais..."Momz, c'est une robe de bébé fille!" (regard charmé, mais désolé)

Momz -Je sais, je sais. Mais...si un jour tu as une fille...Je voulais juste être sûre d'être la première à lui acheter une robe...

Chère Momz! C'est tout à fait elle. :-))